Le devoir d’humanité
Par Christian Fremaux avocat honoraire
La politique
est un éternel recommencement et les dossiers qui concernent l’humain se règlent
à marche lente voire pas du tout, les évènements décidant. Et je n’évoque
pas les guerres qui sont toujours des désastres pour les hommes et les femmes
sans oublier les enfants, les conflits internes entre ethnies, groupements et
croyants divers. L’homme est une variable d’ajustement et les égos avant les
intérêts poussent à l’inconscience. L’utopie est de croire que le
mal pourra être éradiqué alors qu’il se présente sous des formes
diverses, de l’autoritarisme sinon plus qui gouverne, au climat et à
l’économie.
Après l’Aquarius en 2016-2018 immobilisé pour
des raisons juridiques et politiques bis repetita en méditerranée. Son
remplaçant le bateau Océan- Viking d’une ONG a créé la polémique et le gouvernement
a pris - à titre exceptionnel- une décision contraire à celle des années passées
avec les quasis mêmes arguments en débat : l’émotion face au droit et à la
souveraineté. Seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. M. G. Collomb
ancien ministre de l’intérieur a déclaré que venait de se créer une nouvelle
brèche, un précédent. En Manche plus de 140 migrants ont été secourus.
Il est facile d’être bon quand on n‘a de comptes à rendre à personne.
En culpabilisant les autres forcément des méchants.
On a entendu
un « nouveau » terme : le devoir d’humanité. Je connais les
devoirs qui sont indissociables des droits (illimités pour certains) qui
s’imposeraient. Mais les uns ne vont pas sans les autres et il n’y a pas une
hiérarchie entre les principes. Ils sont au moins à égalité. C’est le père
Henri de Lacordaire qui affirmait que la loi affranchit tandis que
la liberté (sans bornes) opprime. Platon a écrit Criton ou le devoir après
la mort de Socrate. Il s’agit de convaincre Socrate dont la condamnation
était injuste de s’évader de prison. Socrate refusa de subir la pression
des circonstances, le juste devant être absolu. Il préféra s’en remettre
à la loi puis il but la ciguë.
Antigone au
nom de sa conscience voulait faire enterrer son frère quoiqu’il ait
fait. Créon le roi refusa au nom de la raison d’Etat. Chacun agit selon ce
qu’il croit être le meilleur selon ses convictions ou ses responsabilités.
L’individu doit s’effacer devant le collectif ou c’est l’inverse. Concilier ce
qui est contradictoire aussi en nous- même est l’enjeu majeur. On n’impose pas
l’humanité.
Je ne sais
pas exactement ce qu’est l’humanité qui est un concept global mais je m’en
doute : aimer tous les autres comme moi-même. Et aider le prochain. Je
fréquente une très très infime poignée des quelque 7 ou 8 milliards d’humains
sur terre. Mon voisin m’est parfois étranger. Je ne méprise ni les cultures, ni
les besoins, ni les malheurs ni les nécessités. Un humain vaut un humain et on
ne peut discriminer pour des raisons bassement matérielles ni rejeter ce
qu’instinctivement on n’apprécie pas. Mais on ne peut prendre ce qui
m’appartient par un partage en force pour n’avoir ni regrets ni remords, et par
exemple me priver de mon identité par un mélange d’apports que je
n’approuve pas et de ce que mes grands -parents et parents m’ont légué sur le
plan des valeurs. Outre mes intérêts car j’ai le devoir de défendre ce que j’ai
construit par mes efforts. On disait sacrifices pour les plus anciens des guerres
diverses du XX-ème siècle. La nature humaine ne se décrète pas. Depuis
Pascal on sait qu’il y a vérité en deçà des Pyrénées et erreur au-delà. Je
ne cite pas la lutte des classes qui revient sous des formes dites modernes et
les guerres de religion.
En 1979 le philosophe et académicien français
JF. Revel a créé la notion de devoir ou de droit d’ingérence. En 1990 l’ONU a
adopté le droit d’ingérence humanitaire par une résolution sur initiative de la
France. C’est la possibilité pour des acteurs d’intervenir dans un Etat en cas
de violation massive des droits de l’homme. Il allie morale à usage de la force
pour des motifs humanitaires. On viole la souveraineté nationale. On se
rappelle le bon docteur Kouchner qui, le sac de riz à l’épaule,
accueillait les milliers de boat-people. Qui fuyaient le régime
communiste. Devenu ministre des affaires
étrangères il n’a rien réglé car s’il ne faut pas entretenir des relations
diplomatiques avec les régimes politiques qui ne correspondent pas aux canons
et à l’éthique occidentaux, en ignorant les dirigeants corrompus, tyrans journaliers,
mégalomanes, on n’a plus de contact avec personne sauf peut -être avec le
Vatican, et encore ? Et les peuples
de ces pays qui font partie de l’humanité disparaissent des radars. Mais on
doit parler d’Etat à Etat. Le devoir d’humanité est donc à géométrie variable,
des causes étant moins égales que d’autres.
La vague
venant des pays du soleil dont sont originaires les migrants est devenue
tsunami et risque de submerger ceux qui sont à l’abri et plutôt privilégiés. L’absence
de soleil sur les lieux tempérés n’apporte pas automatiquement la prospérité et
le bonheur. Avec le ventre plein on peut se sentir en même temps malheureux.
Faute de considération et d’être admis pour ce qu’on est. La vague peut aussi fracturer
l’unité nationale toujours fragile et rendre tout le monde plus ou moins
perdant : ceux qui ont l’espoir d’une vie meilleure et ceux qui voudraient
consolider ce qui existe malgré ce qui pénalise. Et manque. Ne faisons pas des drames
un clivage politique. Encore faut-il que nos excellences qui ont le poids de la
collectivité sur leurs frêles épaules et qui oscillent selon le vent populaire
pour ne pas avoir de mouvements agités, fassent preuve de courage. La politique
migratoire et ses conséquences parfois sécuritaires doit faire l’objet d’un
consensus y compris par le référendum et ne peut être un fonds de commerce pour
prendre le pouvoir. A nous de légiférer pour retrouver notre souveraineté et
convaincre que c’est l’intérêt de la communauté internationale. Donc de
l’humanité. C’est un devoir. Je suis innocent de l’exigence des autres.
L’union européenne avec une politique ferme et
claire qui fixe les règles du jeu et qui doit combattre opiniâtrement les
passeurs qui s’enrichissent, pourra peut- être résoudre les difficultés. J’aime
l’Italie et je ne voudrai être fâché avec mes amis transalpins. Ni barbares ni
fascistes comme l’a dit honteusement M. Mélenchon qui doit aimer les pizzas et les
pâtes.
Le cœur et la
raison ne peuvent être dissociés. Entre le blanc et le noir il y a la justice
et l’équité. Paul Nizan [1905-1940] a écrit : « nous rejetons toute
mythologie humaniste qui parle d’un homme abstrait et néglige les conditions
réelles de vie » (pour une nouvelle culture). Le principe de réalité
doit triompher.
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