Il est
interdit d’interdire
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Le débat sur
l’interdiction de la corrida a tourné au fiasco. Olé ! M. Aymeric Caron député
du parti animaliste allié à LFI a retiré sa proposition de loi avant même le
vote. C’est inédit. Le matamore a perdu symboliquement la queue et les
oreilles. Comme le taureau tué dans l’arène. Il était furieux que les méchants n’aient
pas compris son extrême lucidité appuyée sur l’opinion qui lui donnerait raison
et aient utilisé les amendements comme obstructions, en oubliant que cette
méthode était celle habituelle de …LFI. Il a promis qu’il récidiverait et
que la mort de la corrida aurait lieu. Tôt ou tard. Mais n’est pas Me Badinter qui veut. Le
parlement qui a d’autres chats à fouetter a été ridiculisé.
Je ne
défends pas particulièrement la corrida qui est une pratique ritualisée comme
d’autres. Avec son folklore. La France est une diversité de cultures qui se
vivent selon les us et coutumes républicains. Une tradition n’a pas vocation à
être perpétuelle par principe. On peut en discuter mais avec des
nuances et des mains tremblantes car on touche aux libertés. Je pense que
les aficionados du sud-ouest en particulier peuvent la théoriser et expliquer
pourquoi ils l’aiment. On n’oblige personne à aller au « spectacle »
et admirer le toréro qui choisit de combattre et de mettre sa vie en péril.
Parfois l’animal gagne.
Ce que je
crains dans ce monde wokisé, empathique pour tout et parfois rien, dur en
imposant aux hommes et aux femmes des mesures contraignantes qu’ils
n’approuvent pas et qui tombent de haut de la part des élites, c’est qu’on
interdise de plus en plus au nom de la conscience de ceux qui s’estiment choqués,
ou qui se réfèrent à des vérités non démontrées. Et qui entendent bâtir une
société parfaite exempte du mal selon leur définition sélective. Je suis
naturellement pour le bien et je souhaite que toutes les violences cessent et
que la paix règne. Mais je suis contre le diktat des minorités ou des
prétendus bien -pensants qui ont eu la révélation sur leur chemin de Damas. Et
pour qui tous ceux qui ne pensent pas comme eux sont pour le moins des fachos
et/ou des racistes et surtout des sans cœurs. On n’a pas besoin de
gourous. On veut des responsables réalistes.
Comme le
dirait Michel Houellebecq l’extension du domaine de l’interdiction donc de
l’intolérance est infinie et devient dangereuse. Big Brother n’est pas loin. Ni
la Chine avec son permis de vivre à points. L’idéologie ne peut conduire
qu’aux affrontements et droit dans le mur. Même en trottinette. Personnellement
je n’ai pas la chance de M. Caron. Aucun animal ne m’a parlé et ne m’a livré le
fond de sa pensée. Ni aucun légume ou fruit. J’aime les bêtes car elles sont
douées de sensibilité. Mais mon humanisme est dédié aussi aux femmes et aux hommes,
avant la nature. Cet aveu n’a rien à voir avec la corrida.
Je donne
quelques exemples pour faire comprendre mon raisonnement. Si je suis contre
l’interdiction de la corrida ce n’est pas que je suis pour l’affrontement
homme- animal. Je laisse les intéressés qui ne sont pas des barbares en prendre
la responsabilité, la limiter s’il le faut pour tenir compte de l’air du temps,
la justifier. C’est une liberté.
Si je ne
vote pas pour LFI élargie c’est parce que selon ma subjectivité leurs
propositions sont sectaires, divisent au lieu de rassembler, que les membres
donneurs de leçons font le contraire de ce qu’ils disent et qu’ils culpabilisent
tout le monde. Ils préfèrent l’anathème, la dénonciation, l’émotion et la détestation
à la raison. Ou à l’union. Ce n’est pas pour autant que je suis pour l’extrême
droite. Chacun complétera avec son ressenti et son expérience.
J’ai la
faiblesse de considérer que le rôle d’un parlementaire qui me représente même
si je n’ai pas voté pour lui est de proposer des mesures positives qui vont
dans le sens de l’intérêt général et qui rassemblent en faisant taire les
passions. Peu me chaut les idées personnelles de nos excellences ; leurs
humeurs ; leurs préférences et leurs modes de vie. Ils doivent simplement
être exemplaires pour tous les citoyens.
Le slogan
il est interdit d’interdire a fait florès en Mai 68. Puis je suis entré en
faculté de droit à Paris -X Nanterre. Les étudiants révolutionnaires futurs
notaires ou magistrats ou hauts fonctionnaires avaient d’abord revendiqué la
liberté d’aller dans les lieux où étaient les étudiantes. Puis la révolte a
pris de l’ampleur, de la casse, et s’est terminée comme on le sait : par
l’ordre. Mais l’interdiction d’interdire est restée dans les têtes.
« Fichons »
la paix aux gens comme le président Pompidou l’avait déclaré. Cessons au
nom du bien que personne ne peut définir d’interdire ou de punir. Je continue à
rouler en diesel par nécessité de la voiture dans ma petite commune rurale où
les coupures d’électricité voire les pannes dues au climat du nord sont fréquentes.
Vais-je devoir acheter des bougies spéciales pour recharger les batteries de
mon véhicule électrique qui sera obligatoire ? N’empêchons rien au
nom de la doctrine verte. Convainquons qu’il faut se remuer.
La
caractéristique d’une démocratie et de son état de droit est la liberté dans le
respect des règles communes. Les particularismes ont le droit d’exister mais
doivent suivre le pacte républicain. Ma liberté s’arrête là où commence
celle des autres et elle n’est pas sans limites. On ne peut édicter en
permanence que des interdictions ou menacer de réprimandes. Le citoyen a besoin
d’air, de vivre selon ses désirs et habitudes, et que l’Etat le protège
sans lui nuire. Le Léviathan n’a pas le monopole du bien et du mal, du bon
comportement et de celui qu’il faut bannir. Le parlement non plus. Il y a
des tribunaux pour cela dans le cadre légal et non de la morale individuelle ou
de l’éthique collective. L’opinion sondagière n’est pas la vérité.
Il n’est pas
autorisé d’interdire des libertés contrarieraient -elles des bonnes âmes. Nos
parlementaires ne sont dans la lumière que pour trouver des solutions dans les
injonctions contradictoires et pour améliorer le sort de la Nation. Sinon ils
ne servent à rien. Et l’image qu’ils donnent en s’invectivant ou en en
venant presque aux mains est désastreuse et indigne. Les retransmissions
télévisées montrent un spectacle
désolant. Contrairement à ce que je recommande je suis d’accord pour une
interdiction : que les parlementaires soient interdits dans l’hémicycle de
toutes outrances ou insultes ou comportements inappropriés. La liberté d’expression n’est pas la haine
à l’état libre. La démocratie en est affectée.
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