vendredi 25 novembre 2022

Il est interdit d’interdire

 

                      Il est interdit d’interdire

              Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le débat sur l’interdiction de la corrida a tourné au fiasco. Olé ! M. Aymeric Caron député du parti animaliste allié à LFI a retiré sa proposition de loi avant même le vote. C’est inédit. Le matamore a perdu symboliquement la queue et les oreilles. Comme le taureau tué dans l’arène.  Il était furieux que les méchants n’aient pas compris son extrême lucidité appuyée sur l’opinion qui lui donnerait raison et aient utilisé les amendements comme obstructions, en oubliant que cette méthode était celle habituelle de …LFI. Il a promis qu’il récidiverait et que la mort de la corrida aurait lieu. Tôt ou tard.  Mais n’est pas Me Badinter qui veut. Le parlement qui a d’autres chats à fouetter a été ridiculisé.  

Je ne défends pas particulièrement la corrida qui est une pratique ritualisée comme d’autres. Avec son folklore. La France est une diversité de cultures qui se vivent selon les us et coutumes républicains. Une tradition n’a pas vocation à être perpétuelle par principe. On peut en discuter mais avec des nuances et des mains tremblantes car on touche aux libertés. Je pense que les aficionados du sud-ouest en particulier peuvent la théoriser et expliquer pourquoi ils l’aiment. On n’oblige personne à aller au « spectacle » et admirer le toréro qui choisit de combattre et de mettre sa vie en péril. Parfois l’animal gagne. 

Ce que je crains dans ce monde wokisé, empathique pour tout et parfois rien, dur en imposant aux hommes et aux femmes des mesures contraignantes qu’ils n’approuvent pas et qui tombent de haut de la part des élites, c’est qu’on interdise de plus en plus au nom de la conscience de ceux qui s’estiment choqués, ou qui se réfèrent à des vérités non démontrées. Et qui entendent bâtir une société parfaite exempte du mal selon leur définition sélective. Je suis naturellement pour le bien et je souhaite que toutes les violences cessent et que la paix règne. Mais je suis contre le diktat des minorités ou des prétendus bien -pensants qui ont eu la révélation sur leur chemin de Damas. Et pour qui tous ceux qui ne pensent pas comme eux sont pour le moins des fachos et/ou des racistes et surtout des sans cœurs. On n’a pas besoin de gourous. On veut des responsables réalistes.

Comme le dirait Michel Houellebecq l’extension du domaine de l’interdiction donc de l’intolérance est infinie et devient dangereuse. Big Brother n’est pas loin. Ni la Chine avec son permis de vivre à points. L’idéologie ne peut conduire qu’aux affrontements et droit dans le mur. Même en trottinette. Personnellement je n’ai pas la chance de M. Caron. Aucun animal ne m’a parlé et ne m’a livré le fond de sa pensée. Ni aucun légume ou fruit. J’aime les bêtes car elles sont douées de sensibilité. Mais mon humanisme est dédié aussi aux femmes et aux hommes, avant la nature. Cet aveu n’a rien à voir avec la corrida.

Je donne quelques exemples pour faire comprendre mon raisonnement. Si je suis contre l’interdiction de la corrida ce n’est pas que je suis pour l’affrontement homme- animal. Je laisse les intéressés qui ne sont pas des barbares en prendre la responsabilité, la limiter s’il le faut pour tenir compte de l’air du temps, la justifier. C’est une liberté.

Si je ne vote pas pour LFI élargie c’est parce que selon ma subjectivité leurs propositions sont sectaires, divisent au lieu de rassembler, que les membres donneurs de leçons font le contraire de ce qu’ils disent et qu’ils culpabilisent tout le monde. Ils préfèrent l’anathème, la dénonciation, l’émotion et la détestation à la raison. Ou à l’union.  Ce n’est pas pour autant que je suis pour l’extrême droite. Chacun complétera avec son ressenti et son expérience.

J’ai la faiblesse de considérer que le rôle d’un parlementaire qui me représente même si je n’ai pas voté pour lui est de proposer des mesures positives qui vont dans le sens de l’intérêt général et qui rassemblent en faisant taire les passions. Peu me chaut les idées personnelles de nos excellences ; leurs humeurs ; leurs préférences et leurs modes de vie. Ils doivent simplement être exemplaires pour tous les citoyens. 

Le slogan il est interdit d’interdire a fait florès en Mai 68. Puis je suis entré en faculté de droit à Paris -X Nanterre. Les étudiants révolutionnaires futurs notaires ou magistrats ou hauts fonctionnaires avaient d’abord revendiqué la liberté d’aller dans les lieux où étaient les étudiantes. Puis la révolte a pris de l’ampleur, de la casse, et s’est terminée comme on le sait : par l’ordre. Mais l’interdiction d’interdire est restée dans les têtes.

« Fichons » la paix aux gens comme le président Pompidou l’avait déclaré. Cessons au nom du bien que personne ne peut définir d’interdire ou de punir. Je continue à rouler en diesel par nécessité de la voiture dans ma petite commune rurale où les coupures d’électricité voire les pannes dues au climat du nord sont fréquentes. Vais-je devoir acheter des bougies spéciales pour recharger les batteries de mon véhicule électrique qui sera obligatoire ? N’empêchons rien au nom de la doctrine verte. Convainquons qu’il faut se remuer.

La caractéristique d’une démocratie et de son état de droit est la liberté dans le respect des règles communes. Les particularismes ont le droit d’exister mais doivent suivre le pacte républicain. Ma liberté s’arrête là où commence celle des autres et elle n’est pas sans limites. On ne peut édicter en permanence que des interdictions ou menacer de réprimandes. Le citoyen a besoin d’air, de vivre selon ses désirs et habitudes, et que l’Etat le protège sans lui nuire. Le Léviathan n’a pas le monopole du bien et du mal, du bon comportement et de celui qu’il faut bannir. Le parlement non plus. Il y a des tribunaux pour cela dans le cadre légal et non de la morale individuelle ou de l’éthique collective. L’opinion sondagière n’est pas la vérité.

Il n’est pas autorisé d’interdire des libertés contrarieraient -elles des bonnes âmes. Nos parlementaires ne sont dans la lumière que pour trouver des solutions dans les injonctions contradictoires et pour améliorer le sort de la Nation. Sinon ils ne servent à rien. Et l’image qu’ils donnent en s’invectivant ou en en venant presque aux mains est désastreuse et indigne. Les retransmissions télévisées  montrent un spectacle désolant. Contrairement à ce que je recommande je suis d’accord pour une interdiction : que les parlementaires soient interdits dans l’hémicycle de toutes outrances ou insultes ou comportements inappropriés.  La liberté d’expression n’est pas la haine à l’état libre. La démocratie en est affectée.      

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