mercredi 14 septembre 2022

God save the république

 

                                    God save the république

                           Par Christian Fremaux avocat honoraire

 Comme républicain ou individu modérément attiré par des dirigeants publics appartenant à l’aristocratie ou désignés par l’hérédité on peut ne pas aimer la royauté, ses fastes, et trouver désuet et un tantinet longuet le cérémonial des funérailles d’Elizabeth II. Les chaines en continu en France ne parlent que de cela : c’est beaucoup. Mais on ne peut oublier l’Histoire qui dépasse le décès d’une simple mortelle en considérant qu’il s’agit d’un évènement suivi sur la terre entière qui aura peut- être des conséquences. Au moins pour le royaume uni - qui le semble de moins en moins -ce qui peut avoir des effets sur l’Europe et le reste des continents. Le soleil qui ne se couchait jamais sur le Commonwealth a pâli.

Je m’associe donc à l’hommage rendu à sa majesté Elizabeth II aussi protectrice suprême de l’église anglicane qui régna 70 ans sans dévier de sa ligne publique élaborée à la sortie du 2 -ème conflit mondial malgré les tourments qu’elle a connus. En y ajoutant un zeste de transcendance. La reine a traversé aux 20ème et 21ème siècles les guerres d’indépendance, l’affrontement est-ouest, la menace nucléaire, le terrorisme et les guerres en cours, outre le Brexit et la mondialisation pas toujours heureuse. Elle a traversé des difficultés familiales, mais est restée digne. Elle s’est haussée à un niveau exceptionnel de devoirs qui sera peut- être inégalé dans le cadre institutionnel qui est celui de l’Angleterre berceau de la gouvernance moderne.

 Elle a incarné ce que sont les démocraties dans leurs spécificités diverses, leurs survies et la monarchie dans sa grandeur parfois surannée et aussi ses servitudes sinon son incongruité dans le siècle. Fait de bruits et de fureur, matérialiste et individualiste. N’étant pas anglais notre meilleur ennemi bien que j’aime beaucoup le thé, je ne suis pas au jour le jour les étapes de l'enterrement ni heure par heure sur les étranges lucarnes qui répètent régulièrement les mêmes informations y compris la nuit ! N’étant pas non plus journaliste à la revue « Point de vue » ou « Gala » je regarderai d’un œil distrait si je suis disponible la cérémonie finale. J’essaie de comprendre la ferveur des sujets britanniques et de ceux de l’ex-empire dont certains sont plus réservés outre ceux qui veulent devenir des citoyens totalement libres.

 Humainement je peux partager l’émotion car la perte est gigantesque sur le plan symbolique mais institutionnellement je choisis ce qui se fait en France. La reine régnait mais ne gouvernait pas sauf sûrement implicitement sans jamais exprimer son opinion publiquement. Le silence est aussi une arme redoutable. Ce qui ne veut pas dire que nous avons raison de tout annoncer avec un haut -parleur. Et que notre démocratie dite participative est meilleure où tout quidam peut s’exprimer sur ce qu’il ne connait pas. Nous avons fait perdre la tête à Louis XVI. Nous ne le regrettons pas car nous avons conservé la nôtre celle du peuple souverain. Représenté par une personnalité élue qui doit expliquer ce qu’elle décide et ce qu’elle va tenter en rendant des comptes. Je réfléchis un peu sur notre avenir. Dans les soubresauts actuels, comment diriger et convaincre ? Faut-il une clef de voûte immuable et neutre ? L’élection au suffrage universel avec la laïcité est-elle suffisante ? Cet épisode planétaire nous change du conflit Ukraine -Tsar de Russie.

Après 1792 et 1848, depuis 1870 notre république s’est installée. Nous en sommes à la 5ème c’est dire si on l’aime. Si M. Mélenchon avait été élu on serait passé à la 6ème ! Des nostalgiques rêvent à un roi /une reine car ils veulent admirer quelqu’un qui est oint par dieu, sans savoir quel dieu dans le contexte communautaire qui fait débat. Voire sans dieu.  Tout en restant en démocratie où l’on critique le responsable à peine légitimement installé où on trouve toute décision normale plutôt que de se féliciter de la politique d’un humain. On n’ose pas aimer notre élu car la nation est au -dessus de tout et tous et la rationalité est préférable. Est-ce vrai ?

Il ne s’agit pas de comparer les mérites ou les inconvénients d’un régime avec majesté ou sans. Chaque peuple a son passé et ses traditions. Avec la Constitution de 1958 nous sommes dans une monarchie républicaine comme la qualifiait le professeur de droit Maurice Duverger. Et dans un régime semi-présidentiel. Mais depuis les élections de juin 2022 Jupiter est redescendu des cieux : il doit composer avec l’opposition.  Et non content d’écarter la royauté et son aura - sauf pour les roturiers - nous y avons adjoint l’église dont la France était la fille ainée. La laïcité a permis de construire durablement la nation car la main de dieu ou de son représentant vivant parmi la plèbe n’intervient plus et la religion est du domaine privé. Même si actuellement des dévots actifs voudraient qu’ils n’en soient pas ainsi.

Notre credo est la loi votée après débats publics qui exprime la volonté générale de la majorité au pouvoir qui doit respecter les minorités. Pour éviter que Montesquieu ne se retourne dans sa tombe. Notre république est caractérisée par l’état de droit qui applique notamment les principes issus de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de notre révolution celle de 1789 certes sanglante mais fondatrice de ce que nous sommes, ce qui correspond pour le moins à l’habeas corpus anglo-saxon de 1679.

 Les citoyens sont contre un pouvoir absolu viendrait- il du ciel, et pour une république qui garantit les mêmes droits à tous, avec un contrôle des puissant(e)s qui ne sont pas décoré(e)s de l’ordre de la jarretière ou équivalent et qu’on n’ennoblit pas. Le collectif avant la parole sacrée. Ou pourquoi votre fille n’est pas muette.

La république est le bien commun du peuple qui est le souverain. On peut corriger les défauts de la démocratie ou ses effets délétères. Mais on ne peut pas se passer du cadre républicain qui ne confie pas l’avenir de tous à une autorité ex-cathedra par héritage. Même silencieuse.   

God save the king Charles III ! Nous sommes nés la même année : après un très long apprentissage il devient roi. Je reste retraité. Winston Churchill qui a formé Elizabeth II disait que la démocratie était le pire des régimes à l’exception de tous les autres. Vive la république qui fait vivre le gouvernement du peuple par et pour lui. 

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