God save
the république
Par Christian Fremaux avocat honoraire
Comme républicain ou individu modérément
attiré par des dirigeants publics appartenant à l’aristocratie ou désignés par
l’hérédité on peut ne pas aimer la royauté, ses fastes, et trouver désuet et un
tantinet longuet le cérémonial des funérailles d’Elizabeth II. Les chaines en
continu en France ne parlent que de cela : c’est beaucoup. Mais on ne peut
oublier l’Histoire qui dépasse le décès d’une simple mortelle en considérant
qu’il s’agit d’un évènement suivi sur la terre entière qui aura peut- être
des conséquences. Au moins pour le royaume uni - qui le semble de moins en
moins -ce qui peut avoir des effets sur l’Europe et le reste des continents. Le
soleil qui ne se couchait jamais sur le Commonwealth a pâli.
Je m’associe
donc à l’hommage rendu à sa majesté Elizabeth II aussi protectrice suprême de
l’église anglicane qui régna 70 ans sans dévier de sa ligne publique élaborée à
la sortie du 2 -ème conflit mondial malgré les tourments qu’elle a connus. En y
ajoutant un zeste de transcendance. La reine a traversé aux 20ème et 21ème siècles
les guerres d’indépendance, l’affrontement est-ouest, la menace nucléaire, le
terrorisme et les guerres en cours, outre le Brexit et la mondialisation
pas toujours heureuse. Elle a traversé des difficultés familiales, mais est
restée digne. Elle s’est haussée à un niveau exceptionnel de devoirs qui sera
peut- être inégalé dans le cadre institutionnel qui est celui de l’Angleterre berceau
de la gouvernance moderne.
Elle a incarné ce que sont les démocraties
dans leurs spécificités diverses, leurs survies et la monarchie dans sa
grandeur parfois surannée et aussi ses servitudes sinon son incongruité dans le
siècle. Fait de bruits et de fureur, matérialiste et individualiste. N’étant
pas anglais notre meilleur ennemi bien que j’aime beaucoup le thé, je ne suis pas
au jour le jour les étapes de l'enterrement ni heure par heure sur les étranges
lucarnes qui répètent régulièrement les mêmes informations y compris la nuit !
N’étant pas non plus journaliste à la revue « Point de vue » ou « Gala » je
regarderai d’un œil distrait si je suis disponible la cérémonie finale.
J’essaie de comprendre la ferveur des sujets britanniques et de ceux de
l’ex-empire dont certains sont plus réservés outre ceux qui veulent devenir des
citoyens totalement libres.
Humainement je peux partager l’émotion car la
perte est gigantesque sur le plan symbolique mais institutionnellement je
choisis ce qui se fait en France. La reine régnait mais ne gouvernait pas sauf
sûrement implicitement sans jamais exprimer son opinion publiquement. Le
silence est aussi une arme redoutable. Ce qui ne veut pas dire que nous avons
raison de tout annoncer avec un haut -parleur. Et que notre démocratie dite
participative est meilleure où tout quidam peut s’exprimer sur ce qu’il ne
connait pas. Nous avons fait perdre la tête à Louis XVI. Nous ne le regrettons
pas car nous avons conservé la nôtre celle du peuple souverain. Représenté par
une personnalité élue qui doit expliquer ce qu’elle décide et ce qu’elle va
tenter en rendant des comptes. Je réfléchis un peu sur notre avenir. Dans les
soubresauts actuels, comment diriger et convaincre ? Faut-il une clef de voûte
immuable et neutre ? L’élection au suffrage universel avec la laïcité est-elle
suffisante ? Cet épisode planétaire nous change du conflit Ukraine -Tsar
de Russie.
Après 1792
et 1848, depuis 1870 notre république s’est installée. Nous en sommes à la 5ème
c’est dire si on l’aime. Si M. Mélenchon avait été élu on serait passé à la
6ème ! Des nostalgiques rêvent à un roi /une reine car ils veulent admirer
quelqu’un qui est oint par dieu, sans savoir quel dieu dans le contexte
communautaire qui fait débat. Voire sans dieu. Tout en restant en démocratie où l’on critique
le responsable à peine légitimement installé où on trouve toute décision
normale plutôt que de se féliciter de la politique d’un humain. On n’ose pas
aimer notre élu car la nation est au -dessus de tout et tous et la rationalité
est préférable. Est-ce vrai ?
Il ne s’agit
pas de comparer les mérites ou les inconvénients d’un régime avec majesté ou
sans. Chaque peuple a son passé et ses traditions. Avec la Constitution de 1958
nous sommes dans une monarchie républicaine comme la qualifiait le professeur
de droit Maurice Duverger. Et dans un régime semi-présidentiel. Mais depuis les
élections de juin 2022 Jupiter est redescendu des cieux : il doit composer avec
l’opposition. Et non content d’écarter
la royauté et son aura - sauf pour les roturiers - nous y avons adjoint
l’église dont la France était la fille ainée. La laïcité a permis de construire
durablement la nation car la main de dieu ou de son représentant vivant parmi
la plèbe n’intervient plus et la religion est du domaine privé. Même si
actuellement des dévots actifs voudraient qu’ils n’en soient pas ainsi.
Notre credo
est la loi votée après débats publics qui exprime la volonté générale de la
majorité au pouvoir qui doit respecter les minorités. Pour éviter que
Montesquieu ne se retourne dans sa tombe. Notre république est caractérisée par
l’état de droit qui applique notamment les principes issus de la déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de notre révolution celle de 1789 certes
sanglante mais fondatrice de ce que nous sommes, ce qui correspond pour le
moins à l’habeas corpus anglo-saxon de 1679.
Les citoyens sont contre un pouvoir absolu
viendrait- il du ciel, et pour une république qui garantit les mêmes droits à
tous, avec un contrôle des puissant(e)s qui ne sont pas décoré(e)s de l’ordre
de la jarretière ou équivalent et qu’on n’ennoblit pas. Le collectif avant la
parole sacrée. Ou pourquoi votre fille n’est pas muette.
La
république est le bien commun du peuple qui est le souverain. On peut corriger
les défauts de la démocratie ou ses effets délétères. Mais on ne peut pas se
passer du cadre républicain qui ne confie pas l’avenir de tous à une autorité
ex-cathedra par héritage. Même silencieuse.
God save the
king Charles III ! Nous sommes nés la même année : après un très long
apprentissage il devient roi. Je reste retraité. Winston Churchill qui a formé
Elizabeth II disait que la démocratie était le pire des régimes à l’exception
de tous les autres. Vive la république qui fait vivre le gouvernement du peuple
par et pour lui.
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