mardi 8 juin 2021

Réformer la justice : oui, mais pour quels bénéficiaires et dans quels buts ?

 

     Réformer la justice : oui, mais pour quels bénéficiaires et dans quels buts ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le président de la République lui -même a annoncé qu’il lançait les états généraux de la justice. C’est donc du sérieux même si je ne connais pas l’ampleur de la future réforme et quels seront les domaines examinés à part ceux brûlants qui occupent l’actualité. Examinons à titre préventif les aspects pénal et civil puisque la justice est un tout pour le citoyen.

Les plus dubitatifs ou cyniques diront qu’il faut éteindre l’incendie entre des autorités régaliennes et que la décision de réformer vient à la suite du Beauvau de la sécurité où certains policiers ont hurlé que le problème de la police c’était la justice. Ils ont tort et le raccourci n’est pas acceptable dans un état de droit où sécurité publique et justice sont complémentaires et doivent être dans leurs missions spécifiques, indiscutables et insoupçonnables.  Certes il y a de quoi avoir peur et chercher des solutions miraculeuses en regardant les faits divers malheureusement quotidiens et la violence endémique de la société. Ou plutôt la radicalisation d’individus mués par la haine pour des raisons aussi diverses que confuses, sans oublier le fait que certains n’aiment pas le passé de la France et veulent faire payer aux vivants ce que leurs lointains ancêtres ont toléré ou n’ont pas fait de mieux. J’y ajoute les attentats et le terrorisme d’origine interne comme externe.

Tout ceci crée de l’insécurité qui est réelle et pas un sentiment, même si et c’est heureusement vrai la France n’est pas un coupe- gorge comme l’a dit le garde des sceaux. Mais le débat sur la répression à outrance quasi automatique avec le concours Lépine des solutions drastiques n’est pas en phase terminale, les campagnes électorales favorisant la surenchère. Rappelons-nous la phrase célèbre de Blaise Pascal : « la justice sans la force est impuissante :  la force sans la justice est tyrannique ». Tout est dit. Bâtissons des solutions concrètes.

On peut cependant  opposer toutes les statistiques que l’on veut qui prouveraient que les violences étaient au moins égales jadis, que les mineurs sont restés avant tout des enfants, et autres explications ou excuses tirées de réflexions de philosophes, d’intellectuels, de sociologues et autres membres du camp du bien ouverts à tous les autres et à toutes les cultures, rien ne peut persuader le citoyen : la police que l’on méprise, attaque, accuse des pires travers qui seraient systémiques fait son travail ,mais la justice est un maillon faible.

C’est injuste, et Mme Arens 1ère présidente de la cour de cassation  qui représente les magistrats du siège toutes spécialités confondues ainsi que M.Molins procureur général de ladite cour qui incarne le parquet celui qui soutient l’accusation c’est-à-dire le respect de la loi  , sont venus défendre à juste titre leur institution outragée car accablée pour être  réputée  laxiste et globalement insuffisante, en protégeant ses membres même s’ils ont commis des fautes professionnelles ou qu’ils prennent des décisions qui ne correspondent pas avec l’opinion publique. Ce qui est rassurant selon moi, car il n’y a rien de pire que la foule en colère. Mais les juges appliquent la loi que les politiques fabriquent, et comblent les vides juridiques quand une question est officiellement posée dans un contentieux. Il ne faut pas en faire des boucs émissaires. M.Macron leur a répondu en lançant les états généraux : je pense que ces hauts magistrats attendaient une autre proposition plus corporatiste de leur protecteur institutionnel, garant de leur indépendance et de l’autorité judiciaire. Et qu’il leur renouvelle publiquement sa confiance et leurs mérites. Il a dû le faire, mais discrètement ?

La réforme de la justice doit aussi s’étendre à ce qui ne ressortit pas du droit pénal qui intéresse certes le quidam mais n’est pas son habitude. Les contentieux autres sont la majorité et ils génèrent  un sentiment d’injustice ou de désespoir pour certains. Les états généraux rappellent ceux de 1789 : qu’est le tiers état : rien ? Que veut-il : tout. C’est le cas aujourd’hui. Le citoyen-justiciable veut à son service une justice globale performante digne du XXIème siècle dans tous ses tiroirs. Et pas seulement pour que les juges soient réconfortés et reconnus au niveau qu’ils se sont fixés dans la hiérarchie sociale et parce qu’ils estiment devoir être considérés sinon admirés. Mais surtout pour que le sort personnel du consommateur de justice soit amélioré. Il veut aussi être reconnu et être partie prenante participative puisque la justice est rendue en son nom. La tour d’ivoire doit être abattue !

 Il peut y avoir quiproquo et le président a pensé peut- être n’agir que sur la justice pénale celle qui est en lien avec les gendarmes et policiers ? Ce serait dommage de limiter la réflexion car la justice n’est pas circonscrite au plus spectaculaire. Comme Janus l’individu a un recto qui peut être sombre et donc doit respecter des devoirs, mais aussi un verso qui veut la lumière donc faire reconnaitre ses droits. L’annonce au moins de discussions a été bien accueillie par les justiciables, ceux qui sont victimes ou prévenus certes, mais surtout par tous ceux qui ont à régler un problème de la vie privée ; qui sont devant le conseil de prud’homme ou le tribunal de commerce ; qui ont un conflit avec leurs voisins ou leurs mairies ou une administration quelconque voire le fisc, ou avec son assurance, sa copropriété ou un squatteur, car la justice ce n’est pas que le procès pénal  même si de petits dérapages y conduisent pour les infractions au code de la route ou un peu trop d’alcool ou de shit! c’est la vie de tous les jours. Et pour qui un juge est un juge sans distinction subtile entre les différentes fonctions. Personne ne peut se vanter qu’il n’aura jamais affaire à un magistrat. Donc prudence, mais désir d’une justice rapide qui sait trier le bon grain de l’ivraie occasionnelle ou apaiser un conflit par  son jugement.  

 Tout individu qui a eu affaire à la justice a connu les obstacles à l’accès de celle -ci ; le choix indispensable des avocats ; le tribunal de plus en plus lointain puisque les juges de paix de proximité n’existent plus et que désormais les tribunaux d’instance sont regroupés auprès du tribunal judicaire siégeant au chef -lieu du département et que les cours d’appel sont dans les régions. Ils ont subi les délais d’attente interminables avant que leurs dossiers soient évoqués, ont été perdus dans la procédure compliquée ; n’ont pas eu droit à la parole puisqu’ils avaient un conseil qui s’exprime pour eux…Ils ont peut-être gagné, mais l’adversaire a un droit d’appel. Et ils doivent attendre pour que le jugement soit exécuté avec l’aide d’un huissier qui fait payer des frais !... Et je passe les péripéties. Je n’évoque que pour mémoire l’existence du tribunal administratif que l’on trouve dans les régions, qui traite les contentieux administratifs (avec l’Etat ; les collectivités locales ; les services publics…) de plus en plus fréquents par une procédure exclusivement écrite, et dont les juges sont de hauts fonctionnaires. N’est -ce pas une incongruité du passé ?

La liste de tout ce que l’on reproche à la justice est longue et puisqu’il va y avoir des états généraux il faut consulter les cahiers de doléances écrits depuis longtemps. On sait qu’elle manque de moyens matériels comme humains, et que son budget bien que récemment revu à la hausse est insuffisant. On a donc la justice que l’on mérite, en dépensant pour elle avec parcimonie. On vit  un état de droit au rabais. Certes il y a des comportements individuels inacceptables comme les magistrats qui ont construit le mur des cons ou ceux qui ont déclenché une enquête supersonique à la veille des élections présidentielles de 2017 et qui ont éliminé de fait un candidat. Mais c’est une infime minorité qui confond réserve et idéologie. Il y a aussi ceux qui commettent des erreurs parfois avec des conséquences très graves. Dans tout métier c’est le cas, et chacun doit assumer ses responsabilités devant ses pairs et devant la justice : les victimes ont droit de savoir, d’exiger des sanctions, d’être indemnisées. Au lieu de se focaliser sur l’indépendance nécessaire des juges, donnons-leur les moyens d’être impartiaux, de juger vite, de s’entourer d’assistants qualifiés et d’être aidés. Tout en examinant éventuellement leur responsabilité personnelle.  Comme en matière de sécurité le risque zéro n’existe pas. Quand le drame tombe sur vous on ne veut plus rien comprendre ni accepter.  Mais la société a le devoir de faciliter le travail  de ceux qui prennent des décisions difficiles. Ils doivent pouvoir se confier à des collègues, à des experts, que le choix soit collectif, et qu’ils ne soient pas contraints de faire confiance à leur seule conscience et bonne foi. Un juge est une femme ou un homme, un être humain qui peut se tromper quel que soit le domaine concerné ou le cas particulier qu’il doit affronter. 

La réforme de la justice doit être naturellement matérielle mais pas uniquement. La morale ne participe pas mais il y a l’équité, et les grandes règles universelles sont les fondements de la justice avec la loi positive. Nul n’ignore que donner toujours plus de moyens n’améliore pas automatiquement les décisions, s’il n’y a aucun cap, aucune stratégie, ni choix de société ou de civilisation que le peuple a choisis. Le président de la république a annoncé qu’il souhaitait que désormais le garde des sceaux explique aux parlementaires, donc au peuple, chaque année la politique pénale du gouvernement : qui sont ceux qui défient l’ordre public, nos adversaires voire ennemis ; comment les combattons nous avec quelles armes légales ; quel est le sens de la punition et de la réinsertion … ? Bonne idée mais il faudra écouter les citoyens en permanence et entendre ce que disent les élus locaux. 

En matière civile comment améliorer le fonctionnement concret de la justice ? Comment faire du droit donc de la loi un élément structurant de la vie en société pour l’utilisation de nos libertés sans choquer ou nuire à autrui ? Comment faciliter la médiation, la concertation qui donnent des résultats rapides en cas de conflit, sans gagnant ou vaincu chacun ne perdant pas la face ce qui est essentiel quand on estime que l’on a raison et que l’autre a forcément tort : c’est mettre de l’harmonie dans les rapports sociaux…

La question principale est : dans notre état de droit la justice doit- elle passer d’autorité judiciaire à pouvoir judiciaire selon la théorie adaptée à la modernité de Montesquieu, et si oui avec quels moyens légaux ou autres et quels contrôles, pour faire quoi au bénéfice du qui ?

Je souhaite donc que la discussion sur la réforme concerne la justice en tous ses états, et pas seulement celui qui attire l’attention du public et des médias. La justice doit être contextualisée selon le mot à la mode dans un espace plus vaste qui est celui de la vie en société .Il faut rétablir de l’autorité c’est- à -dire le respect des normes générales à tous les étages et dans tous domaines y compris dans la famille ou l’école .On doit s’intéresser au rapport entre tous les individus dans leurs diversités qui acceptent l’usage de la tolérance .Enfin il faut rappeler que pour vivre tranquille il faut donner aussi de la priorité à ce qui est collectif, la défense de la nation et de la patrie avec des citoyens qui n’exigent pas que des droits en écartant les devoirs. Il faut nous mettre d’accord sur les grands principes républicains sinon toute réforme échouera.  Si l’on veut que police/gendarmerie et justice réussissent sans s’opposer il faut leur donner des objectifs communs qui dépassent leurs missions. Et convaincre les citoyens que c’est dans leur intérêt que la justice intervient. 

Tout le monde doit participer. La justice n’appartient ni aux magistrats, ni aux avocats, ni aux politiques ni à un pouvoir ou un contre -pouvoir quelconque : les citoyens l’ont en commun. Ils doivent être partie à la réflexion sans tirage au sort. On a besoin de responsables légitimes. La justice qui est aussi une vertu est une chose trop sérieuse pour ne pas la laisser à des aléas ou à de l’instrumentalisation. Il en va de la démocratie.     

mardi 25 mai 2021

instrumentalisation et/ou idiot utile

 

                 Instrumentalisation et / ou idiot utile.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Dire que la violence y compris verbale domine la société est un truisme et traduit un climat d’insécurité, une société électrisée. Les prétendues élites ne donnent pas toujours l’exemple, et la sérénité ou la tolérance ne règnent pas en maître. On clive entre le camp du bien et celui du mal, entre le politiquement correct et le rejet de toutes nuances qui sont prises pour au moins de la trahison, de qui et de quoi c’est un autre sujet. On conteste tout et son contraire c’est plus rapide, mais sans proposer du concret faisable c’est plus facile.  On relativise les valeurs surtout républicaines car tout se vaudrait, ce qui est inexact. Et on attend le moment clé : deux à trois heures en direct à la télé entre les deux finalistes, où l’on juge le physique, l’esprit, l’expression et les idées des candidats au poste unique de la république. C’est le vote image et impressions.  La démocratie est chronométrée et en couleurs.  

Pour ceux qui auraient mauvaise vue, ou seraient sourds rappelons qu’on est entré en campagne électorale présidentielle bien sûr, car tout ce qui concerne les élus locaux, départementaux ou régionaux sert de prétexte et de répétition. Le sort local des citoyens qui sont sur le terrain et qui ont des besoins est mis de côté. Tout est fondamental, tout est très sérieux, à chaque évènement c’est le drame. Et le lendemain on passe à autre chose. Les lilliputiens se prennent pour Gulliver.

Dans notre quotidien on assiste impuissants aux échanges entre politiques de formules lapidaires qui sont plutôt des invectives sinon des insultes ou des menaces. Cela lasse et ne conduira pas à plus de confiance envers nos futurs élus comme ils ne cessent de la réclamer. Elle ne se décrète pas et le citoyen n’est coupable de rien, sauf de vouloir de la réussite globale et de vivre en paix. Il ne se bat pas tous les jours contre son voisin. On préférerait des discussions positives mais il n’y en a plus.  On twitte, on raccourcit, on résume, on condamne, on soupçonne, on schématise. Le slogan vaut action et il faut surtout discréditer l’autre sans se lancer dans des considérations plus élaborées, plus démocratiques, plus humanistes, pour prouver plus d’efficacité dans l’intérêt général futur.  On sera élu au moins par défaut si on ne commet aucune faute de communication et non pas en fonction de son programme et de ses propres qualités, mais parce que l’adversaire aura été rabaissé et taxé d’infâmie. L’enthousiasme est secondaire, à option et quasiment réservé aux seuls militants. 

L’instrumentalisation consiste à considérer quelqu’un ou quelque chose comme un instrument simplement utile, on veut dire manipulé. On détourne ainsi de son but tout ce qui est l’objectif projeté. On se sert de l’occasion pour desservir autrui. Il y a aussi les idiots utiles d’une cause selon le mot attribué à Lénine, qui en politique s’applique à des personnalités qui servent des desseins divergents de leurs représentations authentiques, fussent-elles sincères.  Les exemples sont légion qui substituent l’émotion à la raison, l’empathie à la nécessité, la conviction à la responsabilité, et la lutte pour le pouvoir à l’attente collective. Comme si un camp pouvait avoir raison sur tout ! 

Dans le champ politique ce n’est plus programme contre programme, et à la limite promesses contre promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Il faut réduire l’adversaire à sa part d’ombre, le ranger dans une catégorie dangereuse totalitaire si possible, ou utopique qui a échoué. L’histoire est évacuée. Il n’y a plus d’exposé des motifs, mais la demande d’adhérer sans réserve à ce qui est proposé. L’expérience des autres est rejetée, et on s’empresse de jeter à la poubelle même ce qui a pu fonctionner jadis, ou qui mériterait d’être maintenu et/ou revu simplement. On n’accepte ni analyses contraires ni avertissements viendraient -ils de voix non officiellement autorisées à s’exprimer mais légitimes, et ayant fait la preuve de leur neutralité et de leur dévouement dans l’intérêt général.  La prétendue bonne parole se cantonne à des citoyens tirés au sort, ou aux vociférations de quelques excités qui ont des haut -parleurs.   

A chaque fois qu’il y a une objection pour des projets de réforme sur des problèmes fondamentaux, par exemple sur la sécurité et les libertés, ou sur la police et la justice, sur l’identité et les frontières aussi, et je n’allonge pas la liste de ce qui est vital, on la balaie en dénonçant de l’instrumentalisation à des fins diverses notamment électorales ou électoralistes. Autant supprimer le parlement ou toute institution dédiée aux dialogues et à la coopération. Pour le peu qui en reste d’ailleurs puisque la démocratie semble se limiter à quelques individus choisis au hasard ? ou à des influenceurs, car il faut faire jeune et participatif.  L’instrumentalisation dénoncée permet ainsi de ne pas répondre à la question sans avoir à préciser son projet et sans admettre la moindre critique et surtout de ne pas être obligé de convaincre.  Mais la bonne foi et le subjectif constat que les prédécesseurs ont échoué ne sont pas la démonstration que l’on détient la vérité. Un peu de modestie grandit.

Les idiots utiles sont les responsables qui prennent le citoyen pour ce qu’il n’est pas.  L’électeur comprend les enjeux et sait faire la part des choses. Il vote parce qu’il croit qu’il aura un avenir meilleur que ce qu’il subit aujourd’hui. Il ne faut désespérer ni Boulogne ni Billancourt. Il faut rassembler. Le quidam veut que les politiques le guident sans l’embrigader ou vouloir qu’il vive contrairement à ses traditions et principes. Et qu’ils soient pratiques en proposant des mesures qui conviennent à la majorité sans vouloir changer la vie ou la planète même si l’individu sait qu’il faut progresser dans tous les domaines y compris pour lui. Accuser d’instrumentalisation celui qui n’est pas d’accord avec vous n’est pas persuader, et est un postulat un peu court jeune homme pour conforter la cause que l’on veut servir car à la fin de l’envoi on ne touche pas. Cela peut au contraire nuire par son excès et sa caricature.

 Créons de vrais débats publics, arguments contre arguments, raison contre émotion qui ne sont pas incompatibles, réalité contre utopie dont on a besoin mais qui a coûté sa tête au lord - chancelier Thomas More.  Instrumentaliser ou prétendre à une manipulation n’est ni débattre ni agir surtout. Revenons à l’essence de la démocratie : la confrontation des idées au -delà des personnes qui les incarnent. Et la recherche de consensus car pour avoir des résultats il faut que tout le monde s’y engage ardemment.      

lundi 26 avril 2021

Le droit contre les tordus.

 

                        Le droit contre les tordus. 

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

A chaque fois qu’il y a un drame comme l‘assassinat de la policière du commissariat de Rambouillet, monte spontanément un cri de désespoir avec de la compassion pour la victime, de la haine pour le meurtrier, et des commentaires : c’est inadmissible, c’est la faute au gouvernement, il faudrait faire ceci ou cela… Comme si quelqu’un avait la vérité et savait quelle était la solution pour arrêter les crimes volontaires fussent -ils symboliques, politiques ou religieux, familiaux ou de n’importe quelle nature ; ou juguler le terrorisme individuel ou de groupe organisé de l’extérieur, et faire que tout le monde vive en paix.  En matière de forces de l’ordre après quelques jours la victime et sa famille sont quelque peu quasi oubliés : on leur rend hommage publiquement, avec des belles paroles martiales du genre plus jamais cela qui sont à juste titre prononcées par les plus hautes autorités ce qui nous fait du bien. Puis on décore, et on passe à autre chose.

                                           Des réactions peu chaudes.

Je dois avoir l’ouïe bouchée, car je n’ai pas immédiatement entendu pour se désolidariser le représentant du culte concerné qui doit être par définition contre la violence. Je n’ai pas non plus été rendu sourd par une clameur publique spontanée de citoyens comme après les attentats de Charlie hebdo pour soutenir les policiers. A défaut ce silence assourdissant semblerait vouloir dire que certains pensent que se faire tuer ou blesser c’est le risque du métier quand on incarne l’ordre public ou que la mort d’une policière n’est pas un évènement. Je ne tiens pas compte des indignés qui n’admettent pas que l’on soutienne les victimes alors même que l’assassin forcément détraqué et en proie à des problèmes dépressifs ou métaphysiques et absorbant des produits y compris médicamenteux - qui est présumé innocent selon nos règles procédurales bien que mort - aurait eu des circonstances atténuantes ou un coup de chaud qui l’exonérerait de toute responsabilité du même type que pour le bourreau de Madame Sarah Halimi.

                                            Qui veut de ma solution ?

Au- delà de l’horreur on assiste au concours Lépine de propositions de loi ou de modifications du code pénal qui émanent surtout de ceux qui n’ont aucune légitimité. Mais on entend aussi - le cadavre n’étant pas encore froid et l’enquête étant en cours - des responsables politiques notamment qui en profitent pour vanter leur fonds de commerce basé sur la sécurité, et faire croire qu’avec eux cela n’arriverait pas. D’autres veulent changer le système qui serait trop inégalitaire, discriminatoire et empêche de croire, ce qui entrainerait des frustrations et des passages à l’acte. Surfer sur le désastre est indécent et personne n’est dupe. Nul n’a la formule magique légale naturellement et concrète qui permet d’anticiper et d’éviter que des crimes aient lieu, et qu’on empêche des attaques fréquentes des commissariats ou gendarmeries enfin contre tout ce qui représente l’ordre et l’autorité donc la démocratie. On sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais celui ou celle qui annonce n’importe quoi à quelques encâblures des élections prend une responsabilité grave. Il en est de même pour ceux à la réflexion ambiguë qui critiquent toute action ou initiative et qui la jugent toujours insuffisante et sont donc contre. Ils ne veulent rien partager avec la majorité au pouvoir qu’ils veulent remplacer par leur omniscience. 

                                           Un fait divers, une loi ?

On ne peut pas faire une loi à chaque fois qu’il y a une catastrophe naturellement non prévue. N’est pas Cassandre ou la Pythie qui veut. Le gouvernement avec célérité va tenter de pallier les conséquences d’un nouvel assassinat comme celui de Mme Halimi où l’antisémitisme était avéré. Il a raison. Les juges ne peuvent s’en remettre aux seuls experts psychiatres en estimant que la loi ne distinguait pas suffisamment les causes d’abolition du discernement donc de la responsabilité, alors que comme je l’ai constaté pendant mes dizaines d’années d’exercice d’avocat, les juges savent modifier parfois radicalement et soudainement la jurisprudence, interpréter les textes légaux, ou innover dans des domaines que la loi n’avait pas prévu, et qui résultent de l’évolution de la société, des mœurs, de la morale, ou de la bioéthique. Un procès est salutaire pour que la famille des victimes tente de comprendre ce qu’elle ne peut accepter, pour examiner le mécanisme intellectuel ou éducatif du coupable, les raisonnements qui conduisent à la barbarie, et voir si l’entourage est complice.  

                                          La société du spectacle en décors réels.

Je participe moi aussi au concours d’idées. Les télévisions diffusent régulièrement des procès reconstitués ou des faits criminels que l’assassin soit vivant ou disparu. Pourquoi ne pas organiser un vrai procès pour les faits symboliques qui heurtent l’opinion, et les jurés qui sont des citoyens décideront de qui a son discernement aboli ou restreint ou non, puisqu’ils ont au moins autant de bon sens que les experts psychiatres que les magistrats suivent. Je suis pour un procès à la suite de l’assassinat de la policière de Rambouillet pour lui rendre d’abord hommage, et malgré la mort de l’auteur- justifiée par la légitime défense - essayer de comprendre comment Allah Akbar peut conduire au pire. Le Garde des Sceaux veut faire filmer certains procès pour que les citoyens comprennent encore plus comment fonctionne la justice. Chiche ! On nous dit que les assassins sont de gentilles personnes avec leurs familles et leurs voisins bien que brutalement devenus déséquilibrés voire « fous ». D’où un procès qui sera pédagogique. Bien sûr la législation la plus ferme du monde n’empêchera pas les tordus d’agir. La peine de mort n’avait pas évité les tueries. Le zéro crime ou délit est une utopie, surtout avec le terrorisme. Mais sans droit c’est encore plus dangereux.

                                      Pour une politique pénale qui dure.

 Ne légiférons pas pour tout et rien à chaque émotion.  Définissons une politique pénale qui concilie la répression et la prévention sans abandonner nos grands principes qui protègent chaque justiciable et n’en changeons pas à chaque nouvelle majorité. Appliquons sévèrement la loi existante et armons nous légalement si on manque de moyens juridiques. Comme le covid 19 qui est dans le « cloud », nous n’avons pas trouvé le virus du mal. Créons une atmosphère plus respirable, plus apaisée, plus fraternelle et moins laxiste, ce qui impose un effort de tous, colossal pour des radicalisés sectaires. Mais abaissons le glaive de la justice sans trembler. C’est mon dernier mot.       

jeudi 22 avril 2021

l'universel de la laicité doit il devenir relatif?

 

                L’universel de la laïcité doit-il devenir relatif ?

                          Par Christian Fremaux avocat honoraire

La ministre Marlène Schiappa a lancé à juste titre mais avec un peu de retard on ne sait pourquoi après le vote de la loi sur le séparatisme, un grand débat public sur la laïcité qui est une liberté. Je m’en réjouis car cette valeur fondamentale de notre république à vocation universelle est interprétée dans tous les sens et donc critiquée voire haïe.  Certains qui croient au ciel estiment que c’est le droit absolu d’exprimer leur foi et de l’exercer dans l’espace public par des signes extérieurs y compris immobiliers et la liberté débridée de pouvoir vivre leur religion, ou pour ceux qui se refèrent à la possibilité d’user d’une croyance sociale anti-tout quelconque y compris les plus dangereuses de vivre en marge de la société. D’autres qui n'adhèrent pas en une transcendance sauf celle de l’homme qui s’affronte au temporel pensent que ce qui appartient à César ne doit pas être partagé et que rien d’immanent ne peut s’interposer avec la vie en collectivité et les règles républicaines qui sont l’incarnation de la démocratie et qui sont supérieures par raison à ce que l’on appelle les lois de nature, réfléchies et rédigées par personne. Chacun doit conserver l’expression de sa conscience par devers lui.

                                             Des embrouilles qui désespèrent

 On se dispute à ce sujet et les polémiques qui sont vives entrainent des comportements inadmissibles et parfois sont un prétexte pour de la violence. Il va falloir expliquer et expliquer encore que ce qui est bon pour la liberté de conscience concerne tout le monde, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, hommes comme femmes, noirs jaunes ou blancs. L’humanité est en jeu, et pour être modestes visons local d’abord puis nous exporterons. Si depuis des dizaines d’années y compris après les indépendances nous avons pratiqué la laïcité elle ne nous appartient pas. Le lointain prédécesseur de M. Erdogan, Mustapha Kemal Atatürk 1er président de la république turque en 1923 l’avait instaurée dans son pays. Tous les espoirs sont donc permis.  Universel s’oppose à particulier, et l’universalisme versus relativisme est un oxymore comme un absolu limité. Nous devons agir vite, éduquer et surtout convaincre. A l’intérieur comme à l’extérieur puisqu’il est admis que des difficultés sémantiques se traduisant en actions néfastes nous viennent de l’étranger, des campus américains notamment. 

                               Les non- croyants sauf en l’harmonie et la tranquillité.

 La plupart des citoyens qui doutent ou ne se sentent pas concernés par un débat théologique ou immatériel en respectant les convictions de chacun - ce qui me parait être une grande majorité - pensent que les sentiments de la sphère privée ne doivent pas s’immiscer dans la sphère publique. Ils sont irrités voire révulsés par des revendications et accusations exagérées, injustes, car ils veulent une vie paisible pour essayer de régler au mieux leurs problèmes quotidiens déjà lourds. On n’a pas besoin d’un climat permanent d’affrontement ou de suspicion. Les Principes constitutionnels notamment sont les piliers de la république et les lois sont faites pour être respectées. Si la loi ne suffit pas il faut la changer, démocratiquement, avec prudence sans partir dans l’exagération, car il ne faut jamais réagir à chaud. Mais la république n’a pas à s’adapter à toutes les particularités et demandes. La laïcité ne peut pas se diviser en stricte observance ou en régime plus libéral dit ouvert (je ne sais pas à quoi d’ailleurs ?) fait d’exceptions pour être moderne et ne discriminer personne. A défaut le caractère d’universel n’a plus de sens.

                                        Les jeunes et...les vieux aussi !

La ministre veut s’adresser prioritairement aux jeunes, mais les plus anciens ont aussi besoin de cours de rattrapage car ils ont connu une période où l’on croyait que le débat sur la place des religions dans l’Etat était clos, qu’après la loi de 1905 et les violents affrontements (contre le clergé mais pas la foi chrétienne soyons francs) chacun avait circonscrit son domaine de compétences et d’influences et qu’il n’y avait plus lieu de se souvenir et de se soucier que la France avait été la fille ainée de l’église (catholique). On s’est trompé et l’actualité nous le crie pour des raisons que chacun connait et constate, et désormais il faut faire face. Et trouver des solutions pour que la « paix » revienne, que chacun différent de l’autre retrouve sa sérénité et ne s’estime pas victime éternelle. Et participe à la réussite- j’allais écrire à la relance post pandémie -pour tous pour que nous fassions nation et non pas une juxtaposition de communautés. Un pour tous et tous pour un hurlaient d’Artagnan et les mousquetaires. Est-ce une référence encore acceptable de nos jours pour tous les énervés sectaires ? Alexandre Dumas un des héros du roman national devrait faire l’unanimité chez les jeunes comme les plus anciens ? 

                                         La laïcité pour les « nuls ».

Le président Macron dans la langue de Shakespeare- ce qui est un exploit pour un gaulois-a tenté d’expliquer à  la télévision américaine ce qu’était la laïcité, notre pratique qui n’a pas d’effets secondaires  sur les droits individuels, puisque aux USA notre humanisme, nos principes, notre mode de vie sont vivement combattus non par des boys du pays profond, mais par des étudiants -les élites locales ?-qui se disent intellectuels et qui considèrent que c’est du racisme, de l’inégalité, de la discrimination, du post colonialisme : n’en jetez plus la cour est pleine alors que  l’histoire de France n’a rien à voir avec celle des USA et leur combat pour pouvoir voter, et l’égalité des droits en général. Martin Luther King et sa lutte dans une grande démocratie n’est pas l’un des révolutionnaires de 1789 qui avaient une vision large de la société et de l’humanité, des droits et des devoirs, sans immixtion de la religion (sauf l’être suprême de Robespierre !), parfois avec un côté sombre et sanglant ce que personne n’excuse. L’universel des droits de l’homme semble pour certains illuminés des campus ne pas avoir franchi l’atlantique, alors qu’ils devraient se rappeler de Lafayette, de la constitution laïque de 1786, et de la démocratie en Amérique selon Tocqueville. Mais la France avec son histoire contemporaine n’est pas l’Amérique avec souvent par ses dirigeants ses références à Dieu.

                                            Comparaison n’est pas raison

 Des étudiants américains qui se disent être des « wokes » (des réveillés) ont ressuscité de vieilles antiennes notamment du professeur français Jacques Derrida apôtre de la déconstruction mort en 2004, et voient du mal partout : toutes les minorités particulièrement de couleur non blanche sont des victimes, sont encore dominées, ne sont pas égales en droit, et notre devise qui y ajoute la liberté et la fraternité n’est qu’une joyeuse farce d’hypocrisie et de soumission. On incite ainsi de loin à la révolte et en France des groupuscules agissants représentatifs de personne et/ou des croyants hétérogènes qui se sentent exclus pour diverses raisons dont celles tenant à la colonisation, suivent les mots d’ordre venant de nulle part légitime considérant que la laïcité n’est qu’un prétexte et en réalité qu’une interdiction, des brimades, de l’autoritarisme, et empêche la liberté de conscience de s’exercer. Il faut donc la refuser voire l’abattre pour imposer ce qui serait le nirvana sans elle ?  Il ne faut même pas essayer de comprendre ce qu’est cette valeur qui peut être un piège ?  C’est un contre sens complet et confondant de bêtise. J’espère que le président Macron a su faire passer avec son talent son message mesuré,  et que celui-ci sera compris en interne jusqu’au très profond de nos territoires et traduit en termes compréhensibles pour nos indignés franco-français qui ont une culture sélective et parfois obscurantiste sans être méchant puisqu’ils fréquentent nos écoles, nos universités, profitent de notre système et de nos institutions , de nos politiques de paix et de la main tendue, du dialogue  permanent public et sont dans le monde économique, donc peuvent librement participer au succès de la France.

                                      La laïcité pour quoi faire ?    

La laïcité c’est une liberté, l’émancipation qui permet de vivre au milieu des autres, en se complétant, sans imposer quoi que ce soit à personne. L’Etat est le garant de la liberté de conscience. Il ne subventionne aucun culte, il reste neutre, mais n’interdit rien. La laïcité ne doit pas être binaire en désignant les bons et les méchants, les progressistes et les conservateurs. Tous ont une place au sein de la république. L’universel permet de dépassionner et dépersonnaliser le débat d’idées. Il ne peut être relatif car tout ne se vaut pas. Il doit conduire au consensuel.

Dans son ouvrage « Le crépuscule de l’universel « (Ed.Cerf 2020),madame Chantal Delsol écrit : « peut- être avons-nous été trop loin dans l’enthousiasme… en considérant qu’il s’agissait d’un utopie universelle » .Faisons comme le voulait le slogan de mai 68 : « soyons réalistes, demandons l’impossible ». Il faut y croire sinon ce sera l’aventure.   

         

mercredi 14 avril 2021

Faut-il respecter la loi?

 

                                           Faut-il respecter la loi ?

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire

On vit une période formidable où on ne pardonne rien aux autres tandis qu’on est d’une indulgence infinie pour soi. Alors que la pandémie fait des ravages, que l’économie résiste à coup de milliards magiques, que ceux qui veulent ouvrir leurs commerces en sont écartés, que les jeunes pensent qu’ils sont sacrifiés au profit de la génération ainée, le microcosme s’agite pour peu me semble- t -il. Il s’agit du non-respect d’une directive sanitaire, de la loi donc, de l’interdiction de manger en rond à plus de 6 sans masque bien sûr. On recherche activement qui a profité de repas de luxe concoctés par un chef étoilé tenus dans ce qu’il appelle non pas un restaurant clandestin mais son club privé à savoir son appartement, ce qu’il estime être légal. Mais on traque des délinquants. On suppute une fraude et on estime le cuisinier trop habile sur le plan administratif. On espère pour s’en indigner ramener dans les filets un gros poisson - un ministre si possible - pour montrer au bon peuple qu’il n’y a pas de plus égaux que d’autres et qu’à défaut de lieux ouverts au public manger doit rester un acte citoyen. Qu’ils s’agissent de gargotes ou d’endroits huppés la loi doit être observée. Dans tous les autres domaines aussi. Naturellement je n’approuve pas les comportements irresponsables qu’ils soient illégaux ou immoraux. Mais il faut d’abord prouver la culpabilité, qu’il y a une infraction et que la loi a été détournée ou violée. La rumeur ne suffit pas. Je déteste une société de délation et la chasse aux sorcières. La démocratie mérite mieux.  

                                S’affranchir de la loi est-ce tendance ?

Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Mon sujet est l’insouciance légale qui peut conduire à des drames et la mise de côté de ce qui est la représentation d’un ordre démocratique et à l’anarchie, la chienlit disait le Général. Crise sanitaire ou non, des joyeux drilles de Marseille ont organisé leur carnaval avec des milliers de participants, hilares et débâillonnés. Les soignants épuisés des hôpitaux n’ont pas ri de ce spectacle navrant. Des étudiants déprimés et frustrés de ne plus pouvoir faire la fête - partie intégrante du diplôme universitaire sans doute ? - retrouvent des potes sur les quais pour boire une bière, le masque dans le dos. Cela me rappelle Stéphane Mallarmé : « la chair est triste hélas et j’ai lu tous les livres… ». Les étudiants n’ont plus que des tablettes et des ordinateurs !  Des récalcitrants refusent de se faire vacciner au nom de l’atteinte à leur liberté. Pourtant la Cour Européenne de Strasbourg vient de juger que la vaccination obligatoire était compatible avec les droits de l’homme.  Qui a le mauvais goût de respecter désormais la loi même si elle ne leur convient pas, sinon les citoyens de base qui paient leurs impôts, votent, ne sont pas des prétendus rebelles ou plutôt des tigres de papier et qui croient en l’intérêt général ?

                                             La loi pour quoi faire 

Pour des motifs aussi variés qu’absurdes ou personnels la loi est subsidiaire. On décrète qu’elle ne sert à rien ou qu’elle interdit de trop. Voire qu’elle a des effets non prévus dangereux ou intolérables. Le subjectif prime. On préfère la désobéissance civile (ex. les zadistes). On crée une règle spécifique (ex. les décisions baroques des maires écologistes). On exige par la violence, qu’on impute aux autorités (ex. les gilets jaunes). On privilégie l’émotion et l’humain à la raison (ex. le cultivateur de la vallée de la Roya qui aide les migrants irréguliers, ce que le conseil constitutionnel a validé). Ou tout simplement parce qu’on juge bien pour soi ou pour les autres de ne pas suivre la loi, sans motif avéré et acceptable, et que tout ce qui empêche doit être jeté aux orties. C’est simple. La loi ne sert plus l’intérêt collectif :  elle ignore par prudence ou favorise des intérêts particuliers. Elle est considérée ou non selon le bon vouloir de toute personne. Et certains s’en dispensent. Des élites de toute nature y compris politiques approuvent et théorisent le rejet.    

                                          Qu’est devenue la loi ?

La loi qui est l’expression de la volonté générale est devenue secondaire.  Les parlementaires qui la fabriquent continuent à se disputer sur les mots, sa portée, essaient de n’oublier personne sans discriminer ou blesser certains. Et en évitant de poser les questions qui fâchent en utilisant implicitement la vieille formule de B.Brecht : « quand le peuple vote contre le gouvernement, on dissout le peuple ». J’exagère bien sûr, on tire au sort quelques quidams qui vont déterminer la politique et les projets de loi de l’exécutif, donc la vie quotidienne des citoyens. On n’est plus ou de loin dans les critères classiques de la loi qui doit caractériser un consensus sur un sujet donné pour l’instant et le futur, avec des principes de hauteur, qui est issu de la majorité du peuple, qui concrétise une norme, un idéal et qui est impérative. Elle n’est pas un cadre pour des dérogations. Selon Périclès au V -ème siècle avant J.C : « la loi est toute délibération en vertu de laquelle le peuple assemblé décrète ce qu’on doit faire de bien ou non ; ce que le pouvoir qui commande dans un Etat ordonne, après en avoir délibéré ».  La loi permet les rapports entre les gens et facilite la vie en société. On comprend qu’elle doit être contraignante en droit.  Elle est cependant à géométrie variable. 

                                            Des interprétations.   

En suivant les débats du parlement à la télévision où les députés sont rarement d’accord avec les sénateurs ou l’inverse chacun sait que la loi est un texte de compromis. Les discussions dans les médias semblent ensuite démontrer que les journalistes ou les experts auto-proclamés en savent plus que tout le monde. Puis les intellectuels dits éclairés y vont de leurs commentaires d’autant plus féroces qu’ils n’ont ni légitimité ni responsabilité.  Enfin il y a les sondages : le commun des mortels délivre son avis sinon son oracle. Tout ce processus est la démocratie moderne dite participative.  La loi a pris une signification différente selon les interrogés. S’y ajoute l’interprétation légitime des juges dont c’est le métier, qui étudient l’esprit de la loi votée, les circulaires d’application rédigées par l’administration, puis le texte tel qu’il a été promulgué. Et on arrive à de la jurisprudence parfois contraire entre les décisions ou à ce que les juges comblent des vides juridiques. La loi peut avoir une force injuste mais dura lex sed lex. Et un poursuivi ne peut être réhabilité en victime par un choix personnel de celui qui doit appliquer la loi, serait -il empreint d’une pseudo justification juridique, ou d’humanité qui reste de l’honneur d’un juge. La loi doit être respectée et est la seule marque de confiance que le citoyen a à sa disposition. Elle n’est pas une option. C’est une obligation dans l’intérêt de tous, du peuple et plus au profit des petits que des grands.     

  

jeudi 8 avril 2021

C’est un joli nom fraternité.

 

                                 C’est un joli nom fraternité.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

On ne cesse de culpabiliser ceux qui ne sont pas des bien-pensants selon des critères auto-définis par une minorité bruyante très agissante, et de se gargariser de la notion de vivre-ensemble qui de mon point de vue est vide, ne veut plus rien dire mais peut entrainer des mirages dangereux et inciter à n’exiger que des droits alors que les devoirs existent aussi, ainsi que l’autorité nécessaire et l’ordre public par le respect des règles votées par le parlement pour qu’une société fonctionne. La liberté n’est pas le droit de s’affranchir de tout !

 Autrefois on utilisait le beau nom de fraternité pour expliquer qu’il fallait regarder l’autre, lui ouvrir les bras, l’aider dans la mesure de ses moyens, le considérer comme un égal et lui faciliter la vie de tous les jours. Puis on a changé de vocabulaire -vivre ensemble-qui est toujours le prélude et la condition nécessaire pour aboutir à un changement de paradigme. Mais le professeur Francis Fukuyama qui avait prédit la fin de l’histoire après la chute du mur de Berlin avec l’avènement et le triomphe de la société occidentale démocratique, s’est planté. On le voit en regardant l’état du monde, l’affrontement d’Etats ou se prétendant tels ou des peuples démultipliés en ethnies ou tribus, les guerres militaires ou économiques avec la mondialisation ou la pandémie du covid 19, les massacres divers, la lutte pour les matières premières dont l’eau, et les gouvernances de pays au mieux nations où des dirigeants aimeraient bien être au pouvoir à vie. Les religions ou croyances spirituelles diverses reprennent de la vigueur et irriguent le comportement de masses qui confondent le temporel et le spirituel. Rendre à César ce qui lui appartient et à dieu ce qui est de son royaume, n’a plus de sens. On est dans une totale confusion. Cela entraine a minima des malentendus, et pour le pire des conflits armés ou presque dans des cas devenus sensibles et inflammables y compris chez nous : les violences qui s’exercent un peu partout, de la petite délinquance qui irrite et crée un climat délétère, des batailles rangées entre jeunes sur fond de trafics ou de pré-carrés à conserver, jusqu’au terrorisme organisé ou improvisé individuellement par ceux que nous avons élevés et biberonnés à notre école et notre art de vivre,  et les principes républicains qui ne parlent plus de la même façon à tous, comme la laïcité. Je n’exagère pas et je regrette d’avoir à le constater : mais le déni ne fait pas une politique et on ne peut trouver des solutions qu’en nommant exactement les faits.    

 Certains-comme moi- partagent la théorie du professeur Samuel Huntington qui croit-malheureusement- dans le choc des civilisations. Nous sommes dans le retour d’un cycle et le passé n’a pas servi de leçons.  Je pense qu’on est dans des contestations dures au moins de valeurs légitimes qui sont contraires sinon contradictoires et de sens de la vie. Même dans nos discussions politiques internes on a des idéologues- outre des révolutionnaires qui ne disent pas vers quelle société merveilleuse, pacifique et consensuelle leurs théories aboutissent - qui estiment avoir la vérité, comme des élus verts qui veulent nous dicter comment vivre, manger, bouger, nous chauffer, nous déplacer, jusqu’à avoir un avis sur quoi rêver, mais surtout pas pour les enfants à Saint Exupéry et à son avion de l’aéropostale selon une maire de moyenne ville… C’est terrifiant : on veut me changer de civilisation alors que je me contente de celle que je fréquente qui peut être modernisée mais pas expédiée ad patres.  On avait inventé le vivre-ensemble pour faire croire que le multiculturalisme qui nous vient de tous ceux qui choisissent de vivre chez nous à leur insu de leur plein gré mais sans avoir été invités, serait la panacée pour aplanir d’éventuelles difficultés et que chacun tout en restant libre dans sa sphère privée, puisse s’assimiler aux mœurs et traditions françaises et surtout aux lois de la république. Objectif exaltant et non contestable !  Certains disaient que c’était ainsi une chance pour la France. D’autres aussi républicains et humanistes que les autres, sincères mais plus pragmatiques et attachés à ce qui fait la grandeur de la nation française, n’ont pas apprécié de devoir faire de la place à des valeurs qui ne s’imbriquaient pas exactement dans l’édifice construit depuis des siècles. Personnellement je n’ai pas vu cette chance mais je dois avoir de mauvaises lunettes et je n’ai aperçu aucun effet positif.  Je suis indulgent avec ceux qui ont pris des grands risques pour venir de loin croyant trouver sur notre terre un accueil digne de ce nom, et des conditions de vie plus agréables et moins risquées que celles qu’ils fuyaient. Ils sont déçus et crient à l’escroquerie intellectuelle pour le moins ! On leur refuse des droits qu’on leur avait fait miroiter avec de la protection sociale ,et des revenus  qu’ils doivent se procurer… tout seuls. Où est le vivre ensemble ? Que devient la fraternité dans ces conditions ?  Ils ne sont pas entièrement responsables.  Ils ont été encouragés par des individus de chez nous qui veulent faire le bien des autres et l’imposer à leurs propres compatriotes.

 Mais ce qui était peut -être possible il y a des années en période de croissance avec peu de candidats, devient problématique par temps de crise y compris sanitaire où il faut fermer les frontières pour tous sans discrimination, d’économie atone et en fort recul. Le droit d’asile doit être perpétué puisque c’est notre honneur et notre devoir, mais le repli sur soi-même devient une protection élémentaire pour le quidam qui a le droit de penser aussi à lui et à ses proches. Il est donc inutile d’opposer ceux qui croient et ceux qui ne croient pas comme le chantait Georges Brassens, ceux qui seraient dans le camp de la générosité et du progrès humain (que personne ne peut définir) et les méchants ; ceux qui se targuent d’avoir les solutions  de toute nature pour l’avenir et ceux qui doutent et préfèrent s’en tenir à des améliorations prudentes ,et aussi pour que les gens des campagnes ne paient pas la vie dont rêvent les habitants des villes …Avec Paul Valéry on sait qu’une civilisation est mortelle, que l’agonie peut durer, mais il faut tout faire pour qu’elle ne tombe pas malade et ne pas lui ingurgiter de force des remèdes de cheval  qui font plus de mal que de bien, avec de l’huile de foie de morue pour faire passer la pilule.  

Et il y a un principe de base dans un pays démocratique : le vote. On ne confie pas le soin  de   déterminer et de conduire la politique du gouvernement aux lieu et  place de l’exécutif à des comités citoyens de quelques personnes tirées au sort, qui se substituent aux élus réguliers ( 925 parlementaires et 520.000 élus locaux ) sans compter tous les corps intermédiaires et les institutions représentatives ;  plus le référendum y compris d’initiative partagée (1/10 -ème des électeurs et 1/5 -ème du parlement) , et tous les « grenelles » possibles ou les cahiers de doléances comme après la crise des gilets jaunes. La fraternité doit d’abord être appréciée par le peuple. L’émotion ne fait pas raison et aboutit souvent à des désastres et à des fractures citoyennes. La fraternité rapproche et soude. Elle est devenue en 2018 un principe constitutionnel donc républicain, comme la liberté et l’égalité.       

vendredi 12 mars 2021

dissoudre est-ce régler les problèmes?

 

                  Dissoudre est-ce régler les problèmes ?

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

A chaque fois qu’une idée ne plait pas surtout si elle n’est pas dans la tendance de l’anti- racisme, de la discrimination, de la théorie du genre, et qu’elle ne s’exprime pas en écriture inclusive, les beaux esprits hurlent au fascisme pour le moins, et demande la condamnation judiciaire de l’auteur pour que l’idée s’efface. On croit que par un éventuel casier judiciaire de celui qui a prononcé une opinion le mal est éradiqué : erreur fatale souvent l’auteur poursuivi se prend pour un quasi martyr et il est conforté dans son avis bon ou mauvais.

                                                Dissoudre le débat.

La justice est devenue malgré les critiques formées contre elle pour des raisons spécifiques, l’arbitre de la bien-pensance, le jury quasi populaire par délégation des déclarations publiques voire de la pensée unique. On exclut le débat public et plutôt que d’obliger ceux qui ont des idées bien arrêtées en forme de slogans souvent formulées sous le coup de l’indignation  à venir publiquement et courageusement les détailler, les expliquer par la raison face à un contradicteur structuré ce qui permettrait à chacun de se faire une opinion précise et de voir que souvent l’invective n’a aucune profondeur ou est démentie par l’histoire ou simplement par la réalité, on préfère polémiquer et avancer des arguments invérifiables. On a donc dissous la discussion publique qui enrichit, au bénéfice de l’à- peu près et du sectarisme. A Sciences- po Paris ou dans d’autres universités qui devraient donner l’exemple de l’ouverture intellectuelle, on interdit à des personnalités de venir faire une conférence en présupposant que leurs discours ne conviendront pas à une minorité agissante : c’est très grave, car si l’élite- prétendue - future avance avec des œillères et des idéologies où les faits doivent s’y conformer, il n’y a plus de démocratie.

                                            Dissoudre les associations déviantes

Je pose en outre une question de principe qui est d’actualité. Dès qu’il y a un drame ou un incident quelconque qui fait la une des médias, on exige la dissolution de la structure ou de l’association loi 1901 qui a porté la voix pendant que son responsable est envoyé se justifier devant la justice pénale. La dissolution devient une arme des néo censeurs pour faire taire. Elle est justifiée pour des faits graves qui mettent en cause la nation et ses lois et les citoyens. Mais on la réclame aussi quand il n’y a rien de répréhensible a priori, sauf de ne pas partager l’opinion au pouvoir ou la pensée dominante de ceux qui gesticulent.   Ainsi pour l’association « génération identitaire » que je ne défends pas particulièrement, dont chacun peut penser ce qu’il veut de ses actions de protection auto- autorisée de la nation française qu’il les approuve ou non, et qui a fait l’objet d’une dissolution comme quelques associations islamistes telles le Ccif ou  BarakaCity qui prêchaient la haine de la France ce qui a pu conduire à des actions violentes liées au terrorisme.   Tout se vaut- il ? Y a- t -il équivalence parfaite ? A vouloir équilibrer la balance cela peut être contreproductif. Il appartient à la justice en l’espèce celle des juges administratifs d’examiner les motifs de dissolution. Les magistrats ont le dernier mot pour d’autres sujets à la place des politiques. C’est l’état de droit.  La dissolution d’associations de la loi de 1901 doit se faire d’une main tremblante car elle porte atteinte à une liberté fondamentale réaffirmée par le conseil constitutionnel en 1971. Il ne s’agit pas d’en user par opportunité du moment. Les critères à respecter sont visés à l’article L.121-1 du code de la sécurité intérieure et touchent à l’ordre public.

                                           Dissoudre en équilibre

 Si je comprends la démarche du ministre de l’intérieur il n’y aurait ainsi pas lieu à critiques sur le principe de deux poids et deux mesures, et le en même temps s’applique à plein.  Le Conseil d’Etat jugera et examinera les motifs de la dissolution :  s’il annule, les concernés s’estimeront être sur le bon chemin.  J’ajoute que dans le souci de ne pas faire de vagues, plutôt que de sanctionner seulement ceux qui ne suivent pas la règle commune républicaine et ont des actions qui bouleversent la société, on choisit de supprimer la cause et non les effets , ce qui entraine que tous ceux qui n’ont rien fait sont pénalisés.  J’évoque pour l’exemple la loi en discussion sur le séparatisme et le non -respect des valeurs républicaines. Le Grand Rabbin de France Haïm Korsia vient de déclarer : « il faut faire attention aux effets collatéraux sur les autres religions d’autant qu’il y a des cultes qui ont été exemplaires depuis toujours avec la république ». Cette réflexion est valable dans de nombreux autres domaines.

                                            Dissoudre avec prudence

Abordons la dernière polémique avec Sciences Po Grenoble où deux professeurs ont été taxés d’islamophobie, et sont désormais… sous protection policière ! Chacun a en tête le mensonge de la collégienne qui a entrainé la décapitation du professeur Paty. A Grenoble ce sont des représentants de l’Unef qui auraient désigné les cibles. C’est un tollé à juste titre. On savait que ce syndicat avait des orientations politiques mais il défendait aussi les intérêts de tous les étudiants en dialoguant aussi avec les enseignants pas en les bâillonnant. On a suivi ses péripéties matérielles et ses dérives y compris philosophiques ou communautaires.  Outre une enquête administrative sur les faits, la justice judiciaire va instruire sur l’appel à la haine, les menaces et autres délits même si l’Unef nationale s’est désolidarisée de ses représentants locaux ce qui est facile et la moindre des choses. Mais là encore on crie à la dissolution de l’organisation syndicale.  Je suis cohérent et je ne suis pas pour les dissolutions hâtives sous le coup de l’émotion sauf motifs graves, bien que je désapprouve et le mot est faible le comportement des quelques étudiants qui au lieu d’apprendre la tolérance prétendent détenir une vérité universelle, qui ont stigmatisé leurs professeurs et qui méritent au moins une sanction. La liberté universitaire n’équivaut pas à une impunité.  

                                           Dissoudre pour apprendre la tolérance.

On ne peut dissoudre les associations qui ne plaisent pas sauf infractions à l’ordre public avérées, menaces sur les individus et la nation. Nous sommes dans un combat d’idées, de civilisation où la nôtre est menacée.  Nous devons convaincre de nos principes fondamentaux comme liberté , égalité, fraternité plus laïcité, de nos traditions, de nos institutions et de l’état de droit qui protège par ses lois  notamment ceux qui nous attaquent !, débattre pour persuader que les libertés ne peuvent vivre que dans une nation apaisée, collectivement forte, culturellement ouverte et humaniste, avec le même destin et des valeurs compatibles entre elles, et des chances pour tous. Sans oublier que nous avons également des devoirs.  On ne pourra pas dissoudre le passé dont je ne suis pas responsable, ni l’histoire revue à l’aune de nos références contemporaines. Chaque individu ou évènement historique a ses zones d’ombre, et on ne le découpe pas en tranches.

Seule la raison doit l’emporter et en prononçant une dissolution on punit mais on n’enseigne rien. Il faut donc s’y résoudre avec parcimonie pour des motifs objectifs mais sans faiblir, et ne pas vouloir faire un exemple général.  La pensée, les idées, la transmission de connaissances ne sont pas solubles dans la force, la pression, les menaces. L’opinion publique surtout celle d’une infime minorité ne peut pas faire la loi.  En démocratie seul le débat public est fécond. Les réseaux sociaux dont je souhaite qu’ils aient un minimum de responsabilités en droit doivent répondre de ce qu’ils diffusent dans l’anonymat quand les limites de la liberté d’expression sont franchies. L’autorité n’est pas incompatible avec les libertés. Un problème ne disparait pas parce qu’on a dissout son émetteur.  


mercredi 3 mars 2021

vive la justice égale pour ...tous

 

                 Vive la justice égale… pour tous.

              Par Christian Fremaux avocat honoraire

La journée du lundi 1er mars 2021 aura marqué la justice d’une pierre blanche. La justice pénale naturellement des mineurs aux adultes qui ne traite pourtant qu’une très petite partie du contentieux. La justice civile celle qui concerne  tous les individus dans leur vie personnelle, ou prud’homale devenue essentielle, ou commerciale  pour les entreprises, ou administrative dans nos relations avec les autorités publiques occupe  la majorité des décisions mais elle intéresse moins ou pas du tout car ce qu’aime le quidam quelque peu voyeur et revanchard c’est la chute des puissants rattrapés  et traités comme des voyous, les assassins  qui intriguent plutôt que les victimes qui ont le tort d’être là au mauvais moment,  et la punition pour les autres car à titre individuel on est sans reproche.

Le débat sur le sentiment d’insécurité, l’ensauvagement ou non de la société est dépassé. Chacun peut se faire une opinion en constatant les faits divers chaque jour un peu partout sur le territoire et pas seulement dans des quartiers perdus de la  république, les rixes entre bandes (Coluche avait un sketch « on est une bande de jeunes on se fend la gueule…»), les agressions diverses et l’usage de mortier contre les forces de l’ordre, pompiers ou médecins qui sont en légitime défense- ce que la justice devrait plus approuver-  les règlements de comptes à l’arme lourde en plein jour,  la violence endémique, et je ne parle pas du plus grave le terrorisme  et des conséquences du séparatisme de toute nature sur fond de croyances et de trafics. On attend que les juges qui participent à la sécurité globale s’approprient cette évolution des mœurs et soient plus tranchants avec la délinquance du quotidien.   Il faut sortir du débat sur le sexe des anges, les excuses sociologiques ou diverses le racisme prétendu systémique, sur les fautes présumées tirées du passé de la France dont les contemporains ne sont pas responsables, ou les discriminations réelles ou supposées à tous les coins de rue. On peut rester humain et compatissant tout en rétablissant l’autorité à tous les niveaux y compris dans les familles et à l’école, sous le contrôle des tribunaux.  C’est mon sujet d’ailleurs : je veux parler des magistrats, procureurs comme juges du siège qui font l’objet de polémiques qui ne devraient pas avoir lieu, car s’il n’y a plus de justice efficace et considérée l’état de droit est détruit et notre démocratie déjà affaiblie va aller très mal.

                                            Pour les mineurs.

Le lundi 1er mars le Garde des Sceaux a annoncé une réforme essentielle : celle du code de la justice pénale des mineurs. L’ordonnance de 1945 a été revue déjà en septembre 2019 mais il fallait aller plus loin  puisqu’il n’est pas contesté que les comportements de petits jeunes mais vrais délinquants posent de graves problèmes en pourrissant la vie des honnêtes gens,  et que l’on hésite tout le temps entre  la répression qui ne peut être une solution définitive et unique même si elle est indispensable, et l’éducation avec la victimisation qui est fondamentale mais se heurte parfois aux plus déterminés à continuer sur le mauvais chemin. Le ministre qui n’a pas un tempérament de laxiste mais qui est gardien des principes et des libertés, veut une réponse au plus près des faits par la justice sur la culpabilité ou non ce qui devrait satisfaire ceux qui se plaignent d’une réponse pénale tardive ; puis laisser un peu de temps pour examiner les mesures à prendre pour éviter si c’est possible la case prison qui n’arrange rien ; enfin de prononcer la peine s’il y a lieu, ce process étant enfermé dans un délai court de quelques mois. C’est un vrai progrès et les juges auront de nouvelles armes légales pour agir. Le parlement va examiner le projet et écrire les textes en fixant une date la plus proche possible d’entrée en vigueur. Les mineurs délinquants sont enfin pris à leur juste mesure de nuisance. L’apostrophe insolente « justice même pas peur » doit disparaitre.  

                                     Pour les adultes.

Le lundi 1er mars fut aussi la condamnation d’un ancien chef de l’Etat à de la prison ferme avec un aménagement possible. C’est une première désolante sous la Vème république dont on aurait pu se passer et qui ne va pas resserrer le lien de confiance entre les électeurs -citoyens et les futurs élus ou ceux déjà aux affaires.  Je ne connais rien au dossier sauf ce que la presse en dit et je ne vais pas faire comme ceux que je dénonce membres auto -proclamés du tribunal médiatique, compétents pour tout sujet et commentant un jugement sans l’avoir lu et compris.  Mais comme j’ai entendu des commentaires et lu des articles sérieux, je vais quand même donner mon avis pas plus irrecevable que celui de ceux qui n’y connaissent rien en droit ou en justice et sur ce que je crois être les raisonnements parfois surprenants des magistrats exceptés quand ils font droit à celui que l’on soutient : ils deviennent de bons juges ! Je ne m’énerve pas disait Coluche à sa femme j’explique aux gens.

 Je ne sais pas si Paul Bismuth alias Nicolas Sarkozy est coupable ou non dans une affaire que l’on a voulue « d’Etat », qu’on a monté en épingle et qui ramenée aux faits et aux prétendus objectifs des poursuivis pour avoir des avantages d’ailleurs non atteints, est en réalité minuscule.  La construction intellectuelle purement subjective des juges aboutissant à un faisceau d’indices graves précis et concordants qui constitueraient une preuve me perturbe, l’accusation dont c’est le rôle n’ayant rien démontré. La presse judiciaire qui a assisté aux débats avait conclu que les prévenus étaient proches de la non- culpabilité? Mais le tribunal a entériné le raisonnement ténu du parquet financier par solidarité de corps ou conviction profonde ? Il aurait estimé que faute de preuves irréfutables, d’éléments de faits tangibles, l’intention frauduleuse par elle -même suffirait pour être convaincu d’avoir commis l’infraction. Pourtant il n’y a rien de plus difficile à caractériser qu’une intention dont le contenu est à géométrie variable et qui se nourrit de sentiment personnel  proche de la morale : il n’aurait pas dû tenter de… Et que fait- on du vieil adage : « le doute profite à l’accusé » ? Le tribunal aurait pu relaxer et il se serait grandi en montrant une indépendance d’esprit et la connaissance fine et subtile du droit chacun pensant ce qu’il veut des faits en cause.  Je ne doute pas des compétences juridiques des juges, mais j’estime qu’ils ont commis sauf preuve contraire du dossier une erreur d’appréciation. On part donc désormais dans la polémique et le soupçon politique d’autant plus que les sanctions dépassent tout entendement pour des primo- délinquants, qui ont eu des carrières éblouissantes et qui ne vont ni fuir ni récidiver. Je l’admets : je souhaitais l’innocence de Paul Bismuth , et encore plus celle de Me Thierry Herzog que je connais depuis très longtemps, avocat pénaliste de grand talent , expérimenté, connaissant le droit et la déontologie de l’avocat et reconnu unanimement par ses pairs. Corporatisme oblige mais pas que, on peut et doit être sincère ! Aurait-il fait une erreur sans aucun préjudice avéré pour personne sauf le principe théorique du non-respect d’obligations légales et déontologiques ayant peut-être pu conduire à de la corruption et du trafic d’influence, on ne condamne pas pour l’exemple un avocat avec un casier judiciaire naturellement vierge et des dizaines d’années de barreau à de la prison ferme en y ajoutant 5 ans d’interdiction d’exercer ce qui revient à annoncer sa mort professionnelle. Ayant avoué mon opinion, je puis continuer de mettre en avant des éléments objectifs.  Il y aura appel, puis pourvoi en cassation de l’une ou l’autre partie, puis saisine éventuelle de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’Homme à Strasbourg au moins sur les écoutes qui ont été réalisées par le parquet national financier secrètement pendant des années selon la pratique des « filets dérivants » qui ont accroché aussi Me Dupond- Moretti avocat, à partir d’une autre affaire. S’ajoutera le problème fondamental pour la défense et donc les libertés pour tous de la violation du secret professionnel général et absolu en écoutant un avocat et son client et en triant- ce que le tribunal a trouvé normal !- ce qui peut être retenu à charge au prétexte que l’avocat serait complice ou aurait participé à une infraction et en écartant ce qui n’intéresse pas la juridiction et peut innocenter la personne poursuivie. Le tribunal est ainsi de fait juge et partie. C’est très inédit et inquiétant comme pratique. Mais patientons jusqu’à ce que la cour d’appel se prononce, et en l’attente la présomption d’innocence demeure.

                                        Une décision politique ?

Certains crient à la décision politique. Si à chaque fois qu’un « grand » élu par ses fonctions ou notoriété est poursuivi pour des faits de droit commun ce serait politique et non juridique, il ne pourra plus y avoir de justice possible. D’où des « protégés » par leurs fonctions ce qui n’est pas acceptable.  Essayons de quitter l’émotion et l’écume de la polémique pour examiner cette objection. Je ne crois pas que le Président Macron - ne serait -ce que par son Garde des sceaux qui envoie des circulaires de politique pénale à ses parquets et est interdit de donner des instructions sur des dossiers individuels -soit ravi que M.Sarkozy ait été aussi lourdement condamné. Imagine- t -on l’ancien président avec un bracelet électronique, obligé de pointer au commissariat de police, participer à un travail d’intérêt général ou suivre un stage de civisme ?  Le président Macron politiquement, pourrait avoir besoin du soutien ou de la neutralité du nouveau condamné pour braconner sur les terres de l’électorat de droite attaché à son ancien chef, qui va être désormais une victime de la justice dite macronienne et lui porter contradiction puisqu’un politique n’est jamais mort avant de disparaitre, on a vu des ressuscités par le passé. Se servir de la justice ou d’un média comme Médiapart dénonciateur orienté en chef et accusateur public pour le bien qu’il préconise et choisit arbitrairement, n’est pas un bon calcul politicien car il est réversible.  Mais je ne joue pas dans la cour des grands stratèges, je ne suis qu’un électeur, je peux me tromper et être encore naïf après tant d’années de barreau et de vie publique !  Les juges qui ont des valeurs et des convictions dont celle d’être impartiaux, n’ont besoin de personne et n’attendent pas de recevoir des ordres, soit pour vouloir faire plaisir au pouvoir comme les juges dits rouges d’après 1981 ce qui est un jeu dangereux, soit pour ne suivre que leur devoir et conscience pour se prononcer sur les faits du dossier et le droit applicable. Dans tous les cas si une personnalité politique est en lice, ils seront critiqués.  La justice est une science inexacte : on peut être condamné en 1ère instance et relaxé en appel, et inversement (exemple récent de M.Tron devant la cour d’assises). Pourquoi ne pas admettre que les juges sont indépendants au point de n’en faire qu’à leur tête sans rendre de compte à personne ? C’est un vrai sujet au moins d’égalité de traitement et de responsabilité puisqu’une décision judiciaire n’est pas neutre : il y a un gagnant et un perdant les deux étant d’ailleurs souvent insatisfaits, et en matière pénale il y a des relaxés ou des condamnés ce qui modifie le cours de leur vie. Que se passe- t -il quand le juge s’est trompé, ou que sa décision entraine des conséquences désastreuses puisqu’ il est faillible comme chacun d’entre nous ?  

                          Une réflexion s’impose sur la responsabilité des juges.

 Le lundi 1er mars sera aussi peut être la date de départ d’une vraie réflexion- une sorte de grenelle de la justice- sur l’autorité judiciaire, la place des juges dans l’état de droit, le rôle du parquet national financier créé en 2013 après l’affaire Cahuzac pour lutter contre la grande délinquance financière nationale et internationale, en revoyant sa pratique procédurale pour la rendre plus transparente et plus neutre avec des garanties pour la défense et une délimitation précise de ses compétences.  On n’est pas obligé de jeter l’outil avec l’eau du bain même s’il y a eu des dérives ou si certains réclament à cors et à cris sa dissolution.  Il faudra aussi analyser ce que les soupçonneux appellent le gouvernement des juges, nationaux comme européens et leur influence sur notre souveraineté. Peut-on se protéger par des lois spécifiques sans encourir le veto d’une jurisprudence qui serait externe ? On y ajouterait un vieux débat : comment engager la responsabilité des juges puisque si les justiciables et les avocats sont soumis au droit commun encore faut-il que le conseil de la magistrature ne juge pas disciplinairement « entre soi » comme le dirait le Garde des sceaux ?  On sait qu’un magistrat qui aurait commis une faute dans ses activités juridictionnelles est substitué par l’Etat -l’agent judicaire du trésor- devant les juridictions et qu’il faut démontrer une faute lourde ou un déni de justice. C’est un régime de responsabilité dérogatoire que le citoyen ne comprend pas.

                                          Qui crée le droit légitimement ?

Faut-il faire du juge avec des barrières pour empêcher les abus, un justiciable comme un autre ? Oui s’il s’est vraiment auto -attribué un rôle très large, la nature ayant horreur du vide. Mme Chantal Arens 1ère présidente de la cour de cassation a déclaré récemment dans la presse : « en théorie la loi prévoit tout. Mais dans les faits nous voyons bien que la société qui se complexifie a un rôle créatif et est souvent en avance sur le temps des gouvernants. Cela amène les tribunaux et la cour de cassation à créer du droit dans le respect de nos rôles ».  Qui compose et avec quelle légitimité la société en question ? La « création » même improbable ou minoritaire devient -elle une obligation supérieure ? Et encore faut-il, puisque la justice est rendue au nom du peuple que celui- ci soit d’accord et que le parlement où il élit ses représentants ne soit pas dépossédé de son pouvoir de fabriquer la loi, en fonction de l’avis de la majorité des électeurs et sous le verdict des urnes. Montesquieu ne peut pas avoir tort et la séparation des pouvoirs est intangible. La question est de savoir qui est le plus qualifié pour incarner le peuple et sa volonté de choisir son destin, ses règles de droit et ses valeurs républicaines dans une démocratie ? En général on ne demande pas à l’arbitre de changer les règles ou d’en inventer d’autres pendant le jeu. La justice qui a la fonction délicate de trancher les litiges donc de créer des mécontents, n’est pas faite pour remédier à toutes les injustices, faire de la quasi loi par une jurisprudence innovante, bâtir ex -nihilo une société idéale, punir par principe les uns et exonérer les autres et faire du progressisme selon ses choix ou ceux d’imaginatifs inconnus sans en répondre.  Le dernier mot doit revenir au peuple qui a besoin d’être éclairé mais pas d’être remplacé.

La justice doit être égale pour tous, justiciables de tout niveau, politiques, avocats, procureurs et juges du siège.  C’est un principe de responsabilité où nous sommes tous égaux. Il n’y a impunité pour personne.  On a besoin des juges : rendons les forts, insoupçonnables et encore plus responsables.