jeudi 8 avril 2021

C’est un joli nom fraternité.

 

                                 C’est un joli nom fraternité.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

On ne cesse de culpabiliser ceux qui ne sont pas des bien-pensants selon des critères auto-définis par une minorité bruyante très agissante, et de se gargariser de la notion de vivre-ensemble qui de mon point de vue est vide, ne veut plus rien dire mais peut entrainer des mirages dangereux et inciter à n’exiger que des droits alors que les devoirs existent aussi, ainsi que l’autorité nécessaire et l’ordre public par le respect des règles votées par le parlement pour qu’une société fonctionne. La liberté n’est pas le droit de s’affranchir de tout !

 Autrefois on utilisait le beau nom de fraternité pour expliquer qu’il fallait regarder l’autre, lui ouvrir les bras, l’aider dans la mesure de ses moyens, le considérer comme un égal et lui faciliter la vie de tous les jours. Puis on a changé de vocabulaire -vivre ensemble-qui est toujours le prélude et la condition nécessaire pour aboutir à un changement de paradigme. Mais le professeur Francis Fukuyama qui avait prédit la fin de l’histoire après la chute du mur de Berlin avec l’avènement et le triomphe de la société occidentale démocratique, s’est planté. On le voit en regardant l’état du monde, l’affrontement d’Etats ou se prétendant tels ou des peuples démultipliés en ethnies ou tribus, les guerres militaires ou économiques avec la mondialisation ou la pandémie du covid 19, les massacres divers, la lutte pour les matières premières dont l’eau, et les gouvernances de pays au mieux nations où des dirigeants aimeraient bien être au pouvoir à vie. Les religions ou croyances spirituelles diverses reprennent de la vigueur et irriguent le comportement de masses qui confondent le temporel et le spirituel. Rendre à César ce qui lui appartient et à dieu ce qui est de son royaume, n’a plus de sens. On est dans une totale confusion. Cela entraine a minima des malentendus, et pour le pire des conflits armés ou presque dans des cas devenus sensibles et inflammables y compris chez nous : les violences qui s’exercent un peu partout, de la petite délinquance qui irrite et crée un climat délétère, des batailles rangées entre jeunes sur fond de trafics ou de pré-carrés à conserver, jusqu’au terrorisme organisé ou improvisé individuellement par ceux que nous avons élevés et biberonnés à notre école et notre art de vivre,  et les principes républicains qui ne parlent plus de la même façon à tous, comme la laïcité. Je n’exagère pas et je regrette d’avoir à le constater : mais le déni ne fait pas une politique et on ne peut trouver des solutions qu’en nommant exactement les faits.    

 Certains-comme moi- partagent la théorie du professeur Samuel Huntington qui croit-malheureusement- dans le choc des civilisations. Nous sommes dans le retour d’un cycle et le passé n’a pas servi de leçons.  Je pense qu’on est dans des contestations dures au moins de valeurs légitimes qui sont contraires sinon contradictoires et de sens de la vie. Même dans nos discussions politiques internes on a des idéologues- outre des révolutionnaires qui ne disent pas vers quelle société merveilleuse, pacifique et consensuelle leurs théories aboutissent - qui estiment avoir la vérité, comme des élus verts qui veulent nous dicter comment vivre, manger, bouger, nous chauffer, nous déplacer, jusqu’à avoir un avis sur quoi rêver, mais surtout pas pour les enfants à Saint Exupéry et à son avion de l’aéropostale selon une maire de moyenne ville… C’est terrifiant : on veut me changer de civilisation alors que je me contente de celle que je fréquente qui peut être modernisée mais pas expédiée ad patres.  On avait inventé le vivre-ensemble pour faire croire que le multiculturalisme qui nous vient de tous ceux qui choisissent de vivre chez nous à leur insu de leur plein gré mais sans avoir été invités, serait la panacée pour aplanir d’éventuelles difficultés et que chacun tout en restant libre dans sa sphère privée, puisse s’assimiler aux mœurs et traditions françaises et surtout aux lois de la république. Objectif exaltant et non contestable !  Certains disaient que c’était ainsi une chance pour la France. D’autres aussi républicains et humanistes que les autres, sincères mais plus pragmatiques et attachés à ce qui fait la grandeur de la nation française, n’ont pas apprécié de devoir faire de la place à des valeurs qui ne s’imbriquaient pas exactement dans l’édifice construit depuis des siècles. Personnellement je n’ai pas vu cette chance mais je dois avoir de mauvaises lunettes et je n’ai aperçu aucun effet positif.  Je suis indulgent avec ceux qui ont pris des grands risques pour venir de loin croyant trouver sur notre terre un accueil digne de ce nom, et des conditions de vie plus agréables et moins risquées que celles qu’ils fuyaient. Ils sont déçus et crient à l’escroquerie intellectuelle pour le moins ! On leur refuse des droits qu’on leur avait fait miroiter avec de la protection sociale ,et des revenus  qu’ils doivent se procurer… tout seuls. Où est le vivre ensemble ? Que devient la fraternité dans ces conditions ?  Ils ne sont pas entièrement responsables.  Ils ont été encouragés par des individus de chez nous qui veulent faire le bien des autres et l’imposer à leurs propres compatriotes.

 Mais ce qui était peut -être possible il y a des années en période de croissance avec peu de candidats, devient problématique par temps de crise y compris sanitaire où il faut fermer les frontières pour tous sans discrimination, d’économie atone et en fort recul. Le droit d’asile doit être perpétué puisque c’est notre honneur et notre devoir, mais le repli sur soi-même devient une protection élémentaire pour le quidam qui a le droit de penser aussi à lui et à ses proches. Il est donc inutile d’opposer ceux qui croient et ceux qui ne croient pas comme le chantait Georges Brassens, ceux qui seraient dans le camp de la générosité et du progrès humain (que personne ne peut définir) et les méchants ; ceux qui se targuent d’avoir les solutions  de toute nature pour l’avenir et ceux qui doutent et préfèrent s’en tenir à des améliorations prudentes ,et aussi pour que les gens des campagnes ne paient pas la vie dont rêvent les habitants des villes …Avec Paul Valéry on sait qu’une civilisation est mortelle, que l’agonie peut durer, mais il faut tout faire pour qu’elle ne tombe pas malade et ne pas lui ingurgiter de force des remèdes de cheval  qui font plus de mal que de bien, avec de l’huile de foie de morue pour faire passer la pilule.  

Et il y a un principe de base dans un pays démocratique : le vote. On ne confie pas le soin  de   déterminer et de conduire la politique du gouvernement aux lieu et  place de l’exécutif à des comités citoyens de quelques personnes tirées au sort, qui se substituent aux élus réguliers ( 925 parlementaires et 520.000 élus locaux ) sans compter tous les corps intermédiaires et les institutions représentatives ;  plus le référendum y compris d’initiative partagée (1/10 -ème des électeurs et 1/5 -ème du parlement) , et tous les « grenelles » possibles ou les cahiers de doléances comme après la crise des gilets jaunes. La fraternité doit d’abord être appréciée par le peuple. L’émotion ne fait pas raison et aboutit souvent à des désastres et à des fractures citoyennes. La fraternité rapproche et soude. Elle est devenue en 2018 un principe constitutionnel donc républicain, comme la liberté et l’égalité.       

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