lundi 26 avril 2021

Le droit contre les tordus.

 

                        Le droit contre les tordus. 

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

A chaque fois qu’il y a un drame comme l‘assassinat de la policière du commissariat de Rambouillet, monte spontanément un cri de désespoir avec de la compassion pour la victime, de la haine pour le meurtrier, et des commentaires : c’est inadmissible, c’est la faute au gouvernement, il faudrait faire ceci ou cela… Comme si quelqu’un avait la vérité et savait quelle était la solution pour arrêter les crimes volontaires fussent -ils symboliques, politiques ou religieux, familiaux ou de n’importe quelle nature ; ou juguler le terrorisme individuel ou de groupe organisé de l’extérieur, et faire que tout le monde vive en paix.  En matière de forces de l’ordre après quelques jours la victime et sa famille sont quelque peu quasi oubliés : on leur rend hommage publiquement, avec des belles paroles martiales du genre plus jamais cela qui sont à juste titre prononcées par les plus hautes autorités ce qui nous fait du bien. Puis on décore, et on passe à autre chose.

                                           Des réactions peu chaudes.

Je dois avoir l’ouïe bouchée, car je n’ai pas immédiatement entendu pour se désolidariser le représentant du culte concerné qui doit être par définition contre la violence. Je n’ai pas non plus été rendu sourd par une clameur publique spontanée de citoyens comme après les attentats de Charlie hebdo pour soutenir les policiers. A défaut ce silence assourdissant semblerait vouloir dire que certains pensent que se faire tuer ou blesser c’est le risque du métier quand on incarne l’ordre public ou que la mort d’une policière n’est pas un évènement. Je ne tiens pas compte des indignés qui n’admettent pas que l’on soutienne les victimes alors même que l’assassin forcément détraqué et en proie à des problèmes dépressifs ou métaphysiques et absorbant des produits y compris médicamenteux - qui est présumé innocent selon nos règles procédurales bien que mort - aurait eu des circonstances atténuantes ou un coup de chaud qui l’exonérerait de toute responsabilité du même type que pour le bourreau de Madame Sarah Halimi.

                                            Qui veut de ma solution ?

Au- delà de l’horreur on assiste au concours Lépine de propositions de loi ou de modifications du code pénal qui émanent surtout de ceux qui n’ont aucune légitimité. Mais on entend aussi - le cadavre n’étant pas encore froid et l’enquête étant en cours - des responsables politiques notamment qui en profitent pour vanter leur fonds de commerce basé sur la sécurité, et faire croire qu’avec eux cela n’arriverait pas. D’autres veulent changer le système qui serait trop inégalitaire, discriminatoire et empêche de croire, ce qui entrainerait des frustrations et des passages à l’acte. Surfer sur le désastre est indécent et personne n’est dupe. Nul n’a la formule magique légale naturellement et concrète qui permet d’anticiper et d’éviter que des crimes aient lieu, et qu’on empêche des attaques fréquentes des commissariats ou gendarmeries enfin contre tout ce qui représente l’ordre et l’autorité donc la démocratie. On sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais celui ou celle qui annonce n’importe quoi à quelques encâblures des élections prend une responsabilité grave. Il en est de même pour ceux à la réflexion ambiguë qui critiquent toute action ou initiative et qui la jugent toujours insuffisante et sont donc contre. Ils ne veulent rien partager avec la majorité au pouvoir qu’ils veulent remplacer par leur omniscience. 

                                           Un fait divers, une loi ?

On ne peut pas faire une loi à chaque fois qu’il y a une catastrophe naturellement non prévue. N’est pas Cassandre ou la Pythie qui veut. Le gouvernement avec célérité va tenter de pallier les conséquences d’un nouvel assassinat comme celui de Mme Halimi où l’antisémitisme était avéré. Il a raison. Les juges ne peuvent s’en remettre aux seuls experts psychiatres en estimant que la loi ne distinguait pas suffisamment les causes d’abolition du discernement donc de la responsabilité, alors que comme je l’ai constaté pendant mes dizaines d’années d’exercice d’avocat, les juges savent modifier parfois radicalement et soudainement la jurisprudence, interpréter les textes légaux, ou innover dans des domaines que la loi n’avait pas prévu, et qui résultent de l’évolution de la société, des mœurs, de la morale, ou de la bioéthique. Un procès est salutaire pour que la famille des victimes tente de comprendre ce qu’elle ne peut accepter, pour examiner le mécanisme intellectuel ou éducatif du coupable, les raisonnements qui conduisent à la barbarie, et voir si l’entourage est complice.  

                                          La société du spectacle en décors réels.

Je participe moi aussi au concours d’idées. Les télévisions diffusent régulièrement des procès reconstitués ou des faits criminels que l’assassin soit vivant ou disparu. Pourquoi ne pas organiser un vrai procès pour les faits symboliques qui heurtent l’opinion, et les jurés qui sont des citoyens décideront de qui a son discernement aboli ou restreint ou non, puisqu’ils ont au moins autant de bon sens que les experts psychiatres que les magistrats suivent. Je suis pour un procès à la suite de l’assassinat de la policière de Rambouillet pour lui rendre d’abord hommage, et malgré la mort de l’auteur- justifiée par la légitime défense - essayer de comprendre comment Allah Akbar peut conduire au pire. Le Garde des Sceaux veut faire filmer certains procès pour que les citoyens comprennent encore plus comment fonctionne la justice. Chiche ! On nous dit que les assassins sont de gentilles personnes avec leurs familles et leurs voisins bien que brutalement devenus déséquilibrés voire « fous ». D’où un procès qui sera pédagogique. Bien sûr la législation la plus ferme du monde n’empêchera pas les tordus d’agir. La peine de mort n’avait pas évité les tueries. Le zéro crime ou délit est une utopie, surtout avec le terrorisme. Mais sans droit c’est encore plus dangereux.

                                      Pour une politique pénale qui dure.

 Ne légiférons pas pour tout et rien à chaque émotion.  Définissons une politique pénale qui concilie la répression et la prévention sans abandonner nos grands principes qui protègent chaque justiciable et n’en changeons pas à chaque nouvelle majorité. Appliquons sévèrement la loi existante et armons nous légalement si on manque de moyens juridiques. Comme le covid 19 qui est dans le « cloud », nous n’avons pas trouvé le virus du mal. Créons une atmosphère plus respirable, plus apaisée, plus fraternelle et moins laxiste, ce qui impose un effort de tous, colossal pour des radicalisés sectaires. Mais abaissons le glaive de la justice sans trembler. C’est mon dernier mot.       

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