mardi 25 mai 2021

instrumentalisation et/ou idiot utile

 

                 Instrumentalisation et / ou idiot utile.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Dire que la violence y compris verbale domine la société est un truisme et traduit un climat d’insécurité, une société électrisée. Les prétendues élites ne donnent pas toujours l’exemple, et la sérénité ou la tolérance ne règnent pas en maître. On clive entre le camp du bien et celui du mal, entre le politiquement correct et le rejet de toutes nuances qui sont prises pour au moins de la trahison, de qui et de quoi c’est un autre sujet. On conteste tout et son contraire c’est plus rapide, mais sans proposer du concret faisable c’est plus facile.  On relativise les valeurs surtout républicaines car tout se vaudrait, ce qui est inexact. Et on attend le moment clé : deux à trois heures en direct à la télé entre les deux finalistes, où l’on juge le physique, l’esprit, l’expression et les idées des candidats au poste unique de la république. C’est le vote image et impressions.  La démocratie est chronométrée et en couleurs.  

Pour ceux qui auraient mauvaise vue, ou seraient sourds rappelons qu’on est entré en campagne électorale présidentielle bien sûr, car tout ce qui concerne les élus locaux, départementaux ou régionaux sert de prétexte et de répétition. Le sort local des citoyens qui sont sur le terrain et qui ont des besoins est mis de côté. Tout est fondamental, tout est très sérieux, à chaque évènement c’est le drame. Et le lendemain on passe à autre chose. Les lilliputiens se prennent pour Gulliver.

Dans notre quotidien on assiste impuissants aux échanges entre politiques de formules lapidaires qui sont plutôt des invectives sinon des insultes ou des menaces. Cela lasse et ne conduira pas à plus de confiance envers nos futurs élus comme ils ne cessent de la réclamer. Elle ne se décrète pas et le citoyen n’est coupable de rien, sauf de vouloir de la réussite globale et de vivre en paix. Il ne se bat pas tous les jours contre son voisin. On préférerait des discussions positives mais il n’y en a plus.  On twitte, on raccourcit, on résume, on condamne, on soupçonne, on schématise. Le slogan vaut action et il faut surtout discréditer l’autre sans se lancer dans des considérations plus élaborées, plus démocratiques, plus humanistes, pour prouver plus d’efficacité dans l’intérêt général futur.  On sera élu au moins par défaut si on ne commet aucune faute de communication et non pas en fonction de son programme et de ses propres qualités, mais parce que l’adversaire aura été rabaissé et taxé d’infâmie. L’enthousiasme est secondaire, à option et quasiment réservé aux seuls militants. 

L’instrumentalisation consiste à considérer quelqu’un ou quelque chose comme un instrument simplement utile, on veut dire manipulé. On détourne ainsi de son but tout ce qui est l’objectif projeté. On se sert de l’occasion pour desservir autrui. Il y a aussi les idiots utiles d’une cause selon le mot attribué à Lénine, qui en politique s’applique à des personnalités qui servent des desseins divergents de leurs représentations authentiques, fussent-elles sincères.  Les exemples sont légion qui substituent l’émotion à la raison, l’empathie à la nécessité, la conviction à la responsabilité, et la lutte pour le pouvoir à l’attente collective. Comme si un camp pouvait avoir raison sur tout ! 

Dans le champ politique ce n’est plus programme contre programme, et à la limite promesses contre promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Il faut réduire l’adversaire à sa part d’ombre, le ranger dans une catégorie dangereuse totalitaire si possible, ou utopique qui a échoué. L’histoire est évacuée. Il n’y a plus d’exposé des motifs, mais la demande d’adhérer sans réserve à ce qui est proposé. L’expérience des autres est rejetée, et on s’empresse de jeter à la poubelle même ce qui a pu fonctionner jadis, ou qui mériterait d’être maintenu et/ou revu simplement. On n’accepte ni analyses contraires ni avertissements viendraient -ils de voix non officiellement autorisées à s’exprimer mais légitimes, et ayant fait la preuve de leur neutralité et de leur dévouement dans l’intérêt général.  La prétendue bonne parole se cantonne à des citoyens tirés au sort, ou aux vociférations de quelques excités qui ont des haut -parleurs.   

A chaque fois qu’il y a une objection pour des projets de réforme sur des problèmes fondamentaux, par exemple sur la sécurité et les libertés, ou sur la police et la justice, sur l’identité et les frontières aussi, et je n’allonge pas la liste de ce qui est vital, on la balaie en dénonçant de l’instrumentalisation à des fins diverses notamment électorales ou électoralistes. Autant supprimer le parlement ou toute institution dédiée aux dialogues et à la coopération. Pour le peu qui en reste d’ailleurs puisque la démocratie semble se limiter à quelques individus choisis au hasard ? ou à des influenceurs, car il faut faire jeune et participatif.  L’instrumentalisation dénoncée permet ainsi de ne pas répondre à la question sans avoir à préciser son projet et sans admettre la moindre critique et surtout de ne pas être obligé de convaincre.  Mais la bonne foi et le subjectif constat que les prédécesseurs ont échoué ne sont pas la démonstration que l’on détient la vérité. Un peu de modestie grandit.

Les idiots utiles sont les responsables qui prennent le citoyen pour ce qu’il n’est pas.  L’électeur comprend les enjeux et sait faire la part des choses. Il vote parce qu’il croit qu’il aura un avenir meilleur que ce qu’il subit aujourd’hui. Il ne faut désespérer ni Boulogne ni Billancourt. Il faut rassembler. Le quidam veut que les politiques le guident sans l’embrigader ou vouloir qu’il vive contrairement à ses traditions et principes. Et qu’ils soient pratiques en proposant des mesures qui conviennent à la majorité sans vouloir changer la vie ou la planète même si l’individu sait qu’il faut progresser dans tous les domaines y compris pour lui. Accuser d’instrumentalisation celui qui n’est pas d’accord avec vous n’est pas persuader, et est un postulat un peu court jeune homme pour conforter la cause que l’on veut servir car à la fin de l’envoi on ne touche pas. Cela peut au contraire nuire par son excès et sa caricature.

 Créons de vrais débats publics, arguments contre arguments, raison contre émotion qui ne sont pas incompatibles, réalité contre utopie dont on a besoin mais qui a coûté sa tête au lord - chancelier Thomas More.  Instrumentaliser ou prétendre à une manipulation n’est ni débattre ni agir surtout. Revenons à l’essence de la démocratie : la confrontation des idées au -delà des personnes qui les incarnent. Et la recherche de consensus car pour avoir des résultats il faut que tout le monde s’y engage ardemment.      

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