La non extension du domaine du
référendum ou l’occasion perdue
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Tout ça pour
ça ! J’irai- je n’irai pas c’est du tango avec musique cacophonique. Le référendum de l’article 11 de la
Constitution fait rêver mais il semble que son extension à des sujets
sociétaux, ceux qui intéressent vraiment les citoyens qui veulent donner leur
avis soit remise aux calendes grecques. Sauf pour la fin de vie ce qui
n’est guère enthousiasmant et est un problème personnel de conscience du
concerné, de sa famille et du corps médical. Mais c’est la démocratie qui va
être à bout de souffle si on ne lui insuffle pas rapidement plus de
respiration. On proteste, on défile, on casse dans la rue mais on ne va pas
voter.
C’est non
d’avance. La question ne sera pas posée. Cela rappelle le magistrat Delegorgue
qui présidait les assises pour juger Emile Zola et son « j’accuse » et
qui refusait obstinément que Me Labori le célèbre avocat interroge des témoins
qui avaient un rapport avec l’affaire Dreyfus. Toute ressemblance avec
l’actualité est pure coïncidence.
Le président
Macron n’a pas réussi sa deuxième rencontre de Saint Denis. La proximité
de la nécropole des rois où devrait souffler l’esprit a fait que ses projets
dont celui sur le domaine du référendum, ont été enterrés faute de
participants, les présents étant relativement d’accord pour ne rien faire et
surtout ne pas donner le gain du match à l’un ou à l’autre. Je déplore que des
chefs de parti n’aient pas fait l’effort de se déplacer conduits par leurs
chauffeurs ne serait- ce que pour dire qu’ils proposent autre chose. Ceux pour
qui je vote m’ignorent. Certes il y a plus de signes de communication que d’actes.
J’appartiens à ces 50% d’électeurs qui participent à chaque scrutin et j’aurais
aimé que les représentants du peuple cette prétendue élite démocratique ne
boudent pas et soient positifs. Puis qu’à l’assemblée ils ne jouent pas la
surenchère ou la politique du pire. A défaut leurs leçons de morale et de
civisme ne sont que des paroles verbales sans consistance et la confiance en
leurs capacités à gouverner diminue.
Et pas
depuis Colombey-les -Deux églises où souvent on rend hommage à l’absent qui ne
peut répliquer sans tirer les conséquences de l’action du général de
Gaulle. On a même vu se recueillir les héritiers de ceux qui le combattaient ! La
société du spectacle se réveille mais les acteurs sont mauvais. Le général a
usé du référendum et quand la réponse n’a pas été celle qu’il souhaitait
il est parti. Qui aura le courage de recommencer ? C’est à cela qu’on
mesure la grandeur d’un homme ou d’une femme d’Etat.
Les citoyens
aimeraient être consultés sur l’immigration, la sécurité, la justice, la
décentralisation… sur ce qui les touche dans leurs vies quotidiennes. Je
dis oui. Mais ces sujets délicats ne plaisent pas aux bien- pensants qui
préfèrent dissoudre le peuple s’il ne suit pas ceux qui s’estiment éclairés et
pensent que les citoyens doivent approuver ce qu’ils imaginent. Comme si le
bien se décrétait et qu’une société idéale avec la fraternité existait
uniquement avec de bonnes intentions. Les affrontements guerriers en cours un
peu partout sur le globe nous montrent que l’identité, la violence, l’idéologie
voire la nature désormais divisent les hommes et les femmes surtout quand la
religion s’en mêle.
Les sujets de tous les jours chiffonneraient-
ils des élus politiques qui craignent pour leurs sièges ? Et le plus
grave : on nous dit que les juges
européens pourraient ne pas valider : le droit constitutionnel français
est -il contre son peuple ? Personnellement on ne m’a pas demandé de voter
pour les membres de la commission européenne et sa bureaucratie. Et si on
remettait un peu de souveraineté dans ce capharnaüm dans lequel est engluée
la majorité silencieuse. A vie ? A force de botter en touche on va
vers le carton rouge sinon au succès d’un populisme imprévisible. En Argentine
les électeurs viennent d’élire « El Loco » devenu président bien que
poursuivi par la justice et peut être bientôt détenu ? Et si le
populisme n’avait pas tout faux ? Les politiques contraires n’affichent
pas de résultats merveilleux. L’aspect droits de l’homme et éthique n’est plus
universel. Ne dénions rien.
Tout devient
possible. Il sera trop tard pour dire on aurait dû agir et ne pas
refermer le couvercle sur la marmite. Faire parler le peuple est un moyen
préventif.
On objecte
mais quelle question faut-il poser ? Comme si nos responsables n’étaient
pas plus intelligents que nous et que la complexité obligeait à renoncer. Nicolas
Sarkozy a fait voter le référendum d’initiative partagée. Pourquoi ne pas
en atténuer les conditions et essayer ? On a dit non au référendum
d’initiative citoyenne ce que j’ai agréé en raison de la démagogie et de la
dérive possibles. Il est écrit nulle part que l’électeur a le droit sinon
l’obligation de voter tous les 5/6 ans et le devoir d’être reconnaissant entre
les échéances en acquiesçant à ce qui n’avait pas été exposé dans le détail ou
qui vient de surgir. L’électeur est-il plus bête que celui qui a phosphoré
sur la question à trancher ?
Un
référendum est un outil pas la panacée. On sait le peuple méfiant depuis
le vote sur Maastricht rectifié ensuite par le traité de Lisbonne. Personne ne
veut se faire avoir une nouvelle fois ! La balle est dans le camp des
politiques qui doivent commencer par le début : étendre les possibilités
de recours au référendum.
Je veux être
interrogé non pas par la police car je suis innocent mais je veux donner mon opinion
sur mon avenir. Est-ce trop demander ? Nous nous revendiquons à juste
titre d’être une véritable démocratie dans le monde, sans conflits internes entre
tribus, clans, communautés, factions quoique ce sujet commence à inquiéter. A
-t -on l’occurrence de le dire sans être traité d’extrémiste ?
Nous n’avons
pas d’ennemis extérieurs déclarés sauf le terrorisme. Je ne réclame pas l’extension
du domaine de la lutte comme Michel Houellebecq car nos rebelles petits
bourgeois s’en préoccupent. Mais je milite pour que de nombreux sujets de
société vitaux pour notre cohésion puissent être soumis au référendum. Que MM.et
Mmes les parlementaires s’activent personne ne détenant la vérité, certains
moins que d’autres cependant.
Une occasion
perdue se retrouve rarement. Les électeurs veulent aller aux urnes et
s’exprimer, ce qui est une liberté fondamentale. Donnons- en leur la
possibilité c’est un minimum démocratique. Le muet du sérail
n’apporte rien à personne.