jeudi 4 août 2022

Du vent dans les branches de sassafras.

 

                Du vent dans les branches de sassafras.

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Il fait très chaud c’est un fait mais je ne sais pas s’il peut être considéré comme tel puisque tout est polémique, le principal comme le dérisoire. On nie les évidences selon le camp où l’on se situe. Par principe. On ne veut pas admettre que l’adversaire interne -et pas l’ennemi- peut avoir raison. Le binaire simplifie les débats. Pour les uns tout est faux, plein d’arrières pensées en privilégiant ceux qui sont aisés voire riches, injure suprême, et qui ont forcément du mépris de classe et de la démocratie. Outre le fascisme que l’on devine dans leurs yeux ! Les autres détiennent la vérité, sont par nature de bonne foi et ne peuvent pas se tromper puisqu’ils sont le camp auto-déclaré du bien, les représentants exclusifs du peuple, notamment des minorités discriminées par définition, et ils veulent imposer des nouvelles normes notamment sociétales venant de l’extérieur en effaçant celles qui existent sous le nom de valeurs républicaines et traditions françaises de modes de vie. Ils ont leur vision du monde et leurs solutions quelle que soit la majorité qu’ils ne sont pas.Ils sont pour les interdictions, les poursuites judiciaires et les taxations diverses au nom de la liberté et de la justice.Sic !

Comme je suis retraité donc pas trop fatigué malgré mes multiples activités bénévoles, j’ai pris avec honte des vacances car d’autres n’en prennent pas et on nous culpabilise aussi à ce sujet. J’espère que les députés.és donneurs de leçons sont restés dans leurs circonscriptions y compris en Seine Saint -Denis. Qui est la Californie sans la mer selon M. Macron. Je suis allé en Italie sur le lac de Garde où je bénéficie de l’eau et de l’air frais qui vient des Dolomites. Avec un peu de climatisation je l’avoue car la canicule se combat. C’est le cas de Mme Sandrine Rousseau économiste universitaire et déconstructrice de l’homme, députée EELV de Paris qui est plus forte que Pic de la Mirandole.  Et a réponse à tout. Je l’ai entendu sur BFM. A un paysan de Seine et Marne qui expliquait comment il cultivait ses céréales, son maïs, ses betteraves et élevait ses bêtes dans le cadre de la canicule, elle lui a appris comment se passer d’eau en abandonnant la culture intensive qui certes nourrit les français mais c’est secondaire pour elle. L’agriculteur en est resté sec, coi. Mme Rousseau a aussi remis en place un médecin généraliste qui à titre préventif pour se prémunir contre les fortes températures recommandait parmi tous les outils et soins, un usage modéré de la climatisation. Mme Rousseau l’a critiqué en disant qu’il fallait protéger d’abord la nature et que la planète était la priorité. Qu’il y a mieux à faire que la climatisation sauf peut -être de façon homéopathique dans les Ehpad ? S’il en avait eu un sur lui le docteur aurait avalé son stéthoscope ! J’espère que Mme Rousseau explique à Mme Hidalgo maire de Paris comment cultiver le sol parisien pour qu’il n’y pousse pas que des travaux !

Je ne sais pas si Mme Rousseau est de la famille éloignée du célèbre philosophe Jean-Jacques Rousseau du temps inspiré des Lumières. Il prônait la liberté et soutenait que l’homme est né bon dans l’état de nature. Cela se discute ! Qu’il faut un pacte social avec une organisation fondée sur la loi, le peuple étant le souverain. Pour combattre les inégalités et que la société ne corrompe pas l’homme. Qui fait revivre la nature. J.J .Rousseau raisonnait dans l’absolu et écartait les faits qui n’entraient pas dans sa logique. Ainsi a -t -il abandonné ses enfants alors qu’il écrivait l’Emile ou de l’éducation. Mais il a lucidement affirmé que « le monde de la réalité a ses limites. Le monde de l’imagination est sans frontières ».  Mme Rousseau devrait écouter son homologue et être plus modeste.  Dans ses affirmations. Et ses collègues du même cru ou tonneau avoir plus les pieds sur terre. La politique ne sert pas à faire passer ses marottes et ses espoirs personnels. En se faisant plaisir. Et en qualifiant les autres de nuls, de dangereux voire d’intéressés.  Elle doit régler les problèmes existants et anticiper l’avenir. Dans la sécurité tous azimuts. Qui ne peut dépendre d’une idéologie ou de croyances.

J’ai peu souri à propos du droit de critiquer et de s’exprimer qui est sous liberté surveillée par de nouveaux inquisiteurs, fixant les limites de ce qui peut être dit ou non, que la formulation soit juste mais pas appréciée, maladroite, ou humoristique si on peut essayer de rire de tout ce qui n’est plus juridiquement le cas. Va -t -on vers un bracelet électronique pour les idées ? Pourquoi se précipiter pour déposer plainte et déléguer aux médias qui se transforment en tribunaux et font pression, et aux juges professionnels le soin de fixer la norme ou la pensée acceptables selon le droit. Les magistrats ont leurs opinions personnelles et des défauts et des qualités comme toute personne responsable. Mais il appartient aux politiques d’assumer leurs responsabilités et de débattre même âprement de sujets de fond historiques ou sociétaux, et de ne pas réclamer avec des groupements divers sans aucune légitimité une démission sur le champ qui ne fait pas avancer la cause ou solliciter une condamnation pénale qui ne change rien aux opinions et qui parfois les confortent. Il faut convaincre pas stigmatiser. Qui peut se vanter d’être parfait dans son expression et son comportement ? Qui n’a jamais fauté ? On a le droit d’avoir pensé et d’avoir évolué. Ou d’avoir des convictions solides. Même si elles sont considérées comme ringardes ce qui n’est pas un signe de culpabilité. Ce que l’on loue pour les uns dans leurs diversités et parfois rejet des règles républicaines vaut pour tout le monde. Le respect de la loi est la frontière.  Personne ne détient la vérité, seule l’égalité en droits et devoirs se revendique. Cessons de crier au racisme et à la discrimination. Combattons -les par l’exemple et non par la victimisation. J’essaie d’être comptable de mes actes présents et je m’efforce de réfléchir. Le progrès n’est pas de tout accepter surtout si c’est une minorité qui le propose. Celui qui n’est pas comme moi n’a pas forcément tort. Mais il ne peut m’imposer ses idées et sa façon de vivre. J’ai le droit de n’être pas d’accord.  Ce qui n’est ni une attaque ni du mépris. Il ne faut pas que la tolérance devienne le respect pointilleux de la doxa dominante. Par essence changeante et souvent totalitaire. Sous des prétextes vertueux. Soyons ternaire et abordons la nuance et le doute et une expression publique débarrassée de toute menace. Prenons de la hauteur l’air y est plus pur.

La présomption d’innocence ne peut être à géométrie variable. Alexis de Tocqueville au 19ème siècle dont on a retenu les principes pour la grande loi sur la presse de 1881 avait en son temps dénoncé la tyrannie de l’individualisme et pressenti la police de la pensée. Les imprécateurs sont de sortie et guettent. L’exception veut devenir la règle. L’intolérance règne. Les extrêmes veulent prendre tous les pouvoirs. Notamment celui qui est culturel et diffuse la bonne parole. La liberté en général se dessèche. Un peu de fraicheur ferait du bien. « Le vent se lève il faut tenter de vivre » a écrit Paul Valery. René de Obaldia lui a répondu en soufflant dans les branches de sassafras. 

lundi 4 juillet 2022

C’est celui qui dit qui l’est.

 

                        C’est celui qui dit qui l’est.

                   Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

On se demande si la politique sert à régler des comptes personnels et à discréditer les personnes ad hominem ou si elle a vocation à traiter les problèmes de fond des français ce qui me parait la moindre des choses. Je suis un citoyen scandalisé sinon désabusé. Désormais dès qu’une personnalité homme et femme parité oblige est nommée à un poste public important, surgit une accusation d’agressions sexuelles ou de viols voire d’autres infractions considérées comme secondaires même si elles sont graves. Mais on n’évoque essentiellement que ce qui concerne la gent féminine. La plupart du temps pour des faits qui datent d’années antépénultièmes. Le silence pendant longtemps vaudrait vérité et a permis d’attendre le moment adéquat pour dénoncer : la nomination au gouvernement ou à la députation ou à une fonction prestigieuse et de pouvoir qui permet de libérer sa douleur et sa conscience. Je ne doute pas qu’il y ait des victimes avérées et que de parler soit difficile. Mais je ne peux admettre qu’il faille croire sur parole celle qui se plaint, qu’il y ait immédiatement un jugement médiatique de condamnation souvent par le truchement de Médiapart devenu auxiliaire de justice du procureur de la république, et que l’on ne respecte pas la présomption d’innocence.

 On ne se pose même pas la question de savoir si la personnalité est compétente ou non pour gouverner, pourrait apporter des actions positives dans l’intérêt général, et si elle peut contribuer à un exécutif qui réussit non pas pour la joie des féministes mais pour celle du citoyen de base, loin du microcosme parisien et des combats sociétaux à la mode sans imiter ce qui vient des pays extérieurs, et qui veut des résultats concrets. Sur le terrain. Le sort des individus dans la lumière n’est pas du domaine du quidam qui se débat dans ses difficultés. On ne voit du mis en cause que sa prétendue face sombre- ce qui est le lot de tous sauf pour ce qui est qualifié crime ou délit – avec sa personnalité cachée éventuellement perverse, et son comportement inapproprié selon ce concept qui ne veut rien dire. Pour accéder à un poste de responsabilités va- t-on définir un portrait type exemplaire avec des critères pré- établis on ne sait pas par qui, sans aucun défaut ni mauvaise pensée, ni attitude qui ne plait pas, de celui ou celle qui a le culot de vouloir exercer des fonctions publiques, au plus haut niveau. Et dont la nomination ne pourrait se faire qu’avec l’aval des féministes patentées ou d’autres groupes de pression « woke», anti tout notamment fasciste et raciste. Cela devient grotesque. Les minorités ne sont pas exemptes de critiques et ne sont pas légitimes. Halte à l’escalade verbale et au chantage.  

Le citoyen que je suis en a assez : il veut de l’action et pas du pugilat sur une scène où l’on pleure sur son malheur, en direct à la télévision sans contradicteur, et où il y aura bientôt plus de victimes que de coupables. Que la justice passe et on verra après. Que celle ou celui qui se dit agressé prenne ses responsabilités et dépose formellement plainte quitte à s’exposer à de la diffamation ou à une dénonciation calomnieuse. Et se soumet à l’enquête impartiale d’un juge d’instruction. Puis vient s’excuser dans les médias s’il y a non- lieu ou fausseté de ses assertions. C’est cela le courage. Le sort des concerné(e)s ne m’empêche pas de dormir. On ne va pas parler des prétendues turpitudes de tel ou telle à longueur de temps. Débattons politique c’est-à-dire du bien commun et des questions existentielles cela est déjà très prenant. 

Parfois l’actualité fait sourire et donne des leçons gratuites. Le parti de M. Mélenchon LFi est prompt à dénoncer méchamment les autres et à voir la paille dans l’œil de ses adversaires, sans reconnaitre qu’il peut se prendre une poutre dans le visage. Il est notamment contre le mâle blanc dominant et le patriarcat et soutient tout ce qui est néo-féministe avec des déclarations enflammées et parfois curieuses de Mmes Sandrine Rousseau et Autain députées et passionnarias ce qui n'est pas incompatible même si je préfère la raison au parlement. Elles ont le droit d’avoir des certitudes et de voir le mal partout.

M. Coquerel trotskiste assumé bras droit de M. Mélenchon a été élu à la plus puissante commission de l’assemblée celle des finances. Aussitôt une militante est venue le dénoncer de comportements douteux, d’avoir des attitudes pressantes et des mains baladeuses avec un regard glauque (on disait chez Mao de vipères lubriques). Elle a saisi d’un signalement la commission idoine de LFi. Ce qui au passage permet de comprendre que LFi tout progressiste que ce parti soit, est composée d’hommes ordinaires. LFi faisait la guerre à MM. Darmanin et Damien Abad .Ils ont obtenu par le principe de précaution le départ du ministre Abad qui n’est à ce jour pas mis en examen. Le soupçon pénalise et la rumeur abat. C’est d’ailleurs au gouvernement un revirement de jurisprudence puisque deux ministres sauf erreur mis en examen en font encore partie à des fonctions régaliennes. Mais la présomption d’innocence joue je m’en réjouis. Et je partage la nouvelle doctrine qui veut qu’on examine et décide au cas par cas. J’espère que la 1ère ministre que l’on dit grosse butineuse de travail ne fera pas l’objet par un membre de son cabinet d’une plainte en harcèlement … moral, je n’ose imaginer une autre infraction ! Le cas s’est produit récemment pour une secrétaire d’Etat. Tout cela pour rappeler la sentence immortelle du philosophe bien connu pour son bon sens le sapeur Camember : « Quand les bornes sont franchies il n'y a plus de limites ».

M. Coquerel et LFi sont les arroseurs arrosés. Il parait que des enquêtes journalistiques ont eu lieu secrètement depuis des mois, sans que la presse évidemment indépendante n’en ait parlé, et avec l’obligeance que le nom de M. Coquerel n’a pas été cité ni les faits reprochés.  Y -aurait- il deux poids et deux mesures chez les journalistes ? M. Coquerel qui soutient le mouvement Me too est exaucé au-delà de ses rêves. Je pense qu’en balayant ses écuries d’Augias LFi va exiger la démission de son militant célèbre ?  Ou va-t-on dire que pour lui c’est différent qu’une plainte certes vient d’être déposée mais qu’il est innocent, ce qui est possible.  Comme quoi tout ce qui est excessif est insignifiant.

Je souhaite que l’exemple de M. Coquerel calme les unes et les autres, que l’on s’en tienne aux principes de droit, que la communication ne l’emporte pas sur la dignité des gens, et qu’on laisse faire la justice avant de juger et d’éliminer de la vie publique s’il le faut. Je me félicite que des révolutionnaires soient présents à l’assemblée nationale. Ils vont apprendre outre la courtoisie et le style, la vie, la justice et surtout le principe de réalité. Le boomerang revient toujours sur la tête de celui qui l’a lancé. Par ces temps de canicule une bonne dose de fraternité, de modération, et de tolérance dans l’eau que nous partageons, ne nuit pas.

     

vendredi 1 juillet 2022

La poignée de main au palais Bourbon.

 

             La poignée de main au palais Bourbon.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Les citoyens ont du génie. Ceux qui n’ont pas voté ont approuvé implicitement ceux qui n’ont pas voulu donner une majorité absolue à l’assemblée nationale. On est revenu aux fondamentaux de la 5ème république version 1958 avant la réforme constitutionnelle de 1962 introduisant l’élection du président de la république au suffrage universel. Jupiter n’est plus. Le parlement est ressuscité dans ses pouvoirs et son importance dans l’équilibre des pouvoirs cher à Montesquieu. Sans même devoir passer par la 6-ème république que M.  Mélenchon exigeait. Il ne le fera plus d’ailleurs puisque ses amis de LFi bien que minoritaires en nombre et représentant une petite fraction des français ont désormais des responsabilités très importantes au sein de l’institution. En profitant de la manne financière. Le scrutin majoritaire à deux tours a eu des effets similaires à une proportionnelle réclamée à cor et à cris. Personne ne s’en plaint. Les rebelles de tout horizon vont-ils s’embourgeoiser ? On va voir ce qu’on va voir quand les maçons sont au pied du mur.

Je m’enflamme un peu hâtivement par ces temps de canicule ce qui n’est pas bon pour la nature. J’ai cru voir s’allumer un feu de brindille et je crie à l’aide des pompiers à titre préventif. C’est souvent par le petit bout de la lorgnette que l’on comprend la réalité des faits. Et des arrière-pensées. Je regardais à la télévision l’élection et l’installation du président de l’assemblée nationale qui détient le poste fondamental, comme des centaines de milliers de citoyens. Lors de cette cérémonie on demande aux plus jeunes députés d’être les secrétaires de séance et de veiller à la régularité du scrutin. Un député LFi est monté à la tribune vêtu selon les codes de ses croyances à savoir une simple chemise sans cravate et pas de veste qui doivent être les signes de la ringardise et de l’ordre établi ? C ‘est une provocation patente. Mais dérisoire. Je n’ai pas aimé car le débraillé reflète un état d’esprit, et un parlementaire représente la nation dont je fais partie et pas seulement sa circonscription ou des idées personnelles. Ce député croit- il qu’il est à l’image de l’électeur de base ce qui est un contre- sens. Et une insulte. Le citoyen mérite le mieux. Certes l’habit ne fait pas le moine, mais l’apparence souligne le respect et la dignité des fonctions publiques.

 Ledit député se tenait près de l’urne et serrait la main au passage de chaque collègue qui venait voter. Sauf pour les représentants du rassemblement national à qui il a refusé de donner une poignée de main en gardant obstinément les bras croisés. J’ai été choqué par ce que certains qualifieraient d’incident minuscule d’un idéologue qui voit du fascisme, de l’antisémitisme et du racisme partout excepté dans son camp. J’y ai vu plus que cela un symbole, avec une exclusion arbitraire notamment pour les millions de citoyens lambdas et de bonne foi qui ont voté pour ce parti légal et participant à la vie publique qu’on l’aime ou non. Et une approche du dialogue républicain très fermée. Ce député n’a pas dû trouver la clé du cadenas qui ligote l’ouverture d’esprit. Serait- ce un défaut de jeunesse ? Mon objection vaut naturellement pour toutes les composantes et membres de l’assemblée faut-il le préciser ? La démocratie a besoin de la diversité des opinions, c’est ce qui fait sa force car l’intérêt général résulte de discussions et de décisions ni technocratiques ni de principe pour une minorité donnée. Ce n’est pas la somme des intérêts partisans.

Il y a des poignées de main qui sont sans signification, mineures simplement polies, et majeures qui scellent un accord, un cessez-le feu ou la paix. Il y a celles qui réconcilient et qui permettent d’envisager un avenir plus apaisé. Donc de l’espoir. Certaines sont historiques comme avec Churchill, Truman et Staline ; ou entre Rabin et Arafat ; ou Adenauer et le Général de gaulle ; ou entre Obama et Raul Castro. C’est avant tout de la communication : on fait passer un message. Celui du député LFi est clair. Il refuse de se compromettre en serrant la main à un concurrent ou adversaire politique choisit par le peuple car ce parlementaire est un ennemi de la république. Seul le député LFi est crédible puisque le peuple c’est lui !  Cela augure mal des 5 ans qui viennent alors que le président de la république prône la main tendue. On n’a pas demandé aux députés de se serrer la main à la romaine c’est à dire jusqu’au coude. Un minimum suffira pour donner l’exemple de la civilité, de la tolérance, du respect du suffrage universel, et de la nécessité de faire des réformes qui sont urgentes selon tout le monde. Et de trouver des compromis sans compromission.

Le refus de la poignée de main ne peut devenir un geste politique sectaire : je ne salue que ceux qui pensent comme moi, les autres devant être ignorés sinon condamnés et rejetés.  Si tel était le cas notre société déjà violente et peu encline à admettre l’autre ne s’en remettrait pas. Le parlement doit être le lieu où le civisme règne et où les valeurs républicaines de liberté, égalité et fraternité s’appliquent plus largement qu’ailleurs. Dans une courtoisie élémentaire. Ce qui n’empêche pas le combat des idées. 

Dans le film « pour une poignée… de dollars » on se bat à coup de colts, mais le héros « l’étranger » rend la justice. En se battant contre le mal. Seul contre tous. A l’assemblée nationale chacun œuvre pour le bien et une poignée de main n’est ni une approbation ni une abdication. Qu’on se le dise. Pour que les séances télévisées du mardi et mercredi ne soient pas une foire d’empoigne. 

La répartition des postes et fonctions a eu lieu à l’assemblée. Les extrêmes opposants comme élus de la majorité ont été servis. Je m’en réjouis. M. Coquerel de LFi qui a lu Gramsci est devenu président de la commission des finances qui joue un rôle déterminant bien que de contrôle. Ce député répétait pendant la campagne électorale, à l’instar de son chef, « nous allons leur faire les poches ». Il parlait donc de moi aussi ! Je m’inquiète mais je table sur le sens de sa responsabilité qui comme l’innocence est présumée. Et sur son dépassement intellectuel au service de la collectivité. J’espère qu’il serrera la main des députés qui le contrediront quand il s’agira de parler de mes futurs impôts et taxes.

Je félicite Mme Yaël Braun- Pivet - par ailleurs avocate pénaliste ce qui me plait corporativement parlant ! - d’être la première femme élue au perchoir. Elle a immédiatement déclaré : « je ne ferai pas de tri entre les députés ». Que celui qui s’estime visé lève la main. Je pense qu’avec une femme à la présidence les conduites seront plus policées et les débats moins tendus. La raison doit l’emporter au- delà des egos, des postures, et des ambitions. Je me serre ma propre main pour y croire.

mardi 21 juin 2022

Le gagnant est le parti de l’abstention.

 

                  Le gagnant est le parti de l’abstention.

                       Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 Alors qu’on aspire au repos et à la concorde on s’écharpe ferme et bruyamment après le résultat des élections législatives de juin 2022 puisqu’il n’y a pas de majorité absolue et que l’assemblée va devoir fonctionner de façon inédite. Ce qui revient à accroitre l’importance du parlement face à ce que certains dénonçaient comme un régime présidentiel à la merci de l’élu suprême du suffrage universel qui décide seul de tout. Et désormais réfléchit, suppute, doit trancher pour les 5 ans à venir. La séquence des élections est terminée mais le psychodrame continue alors qu’il faut passer aux choses sérieuses : réformer, faire gagner le plus grand nombre, donner les moyens à l’Etat. Je ne doute pas que des majorités d’idées ou autres se concrétiseront car l’homme/ la femme est ce qu’il est et parfois son intérêt personnel va avec celui de la France. Au détriment de son parti.  Le soir des élections il n’y a que des quasis vainqueurs ou des non battus et chacun se fige dans sa position d’avoir apporté la vérité et être le sauveur. Mais cette fois -ci il y a eu des oubliés : ceux qui n’ont pas participé et qui ont selon les méchants les résultats qu’ils méritent ou ce dont ils ne voulaient pas. Mais si en réalité les abstentionnistes avaient gagné en imposant par leur carence une situation nouvelle qui va obliger les élus à agir autrement, à coopérer au- delà des polémiques politiciennes dont on se lasse ce qui peut expliquer la désaffection des urnes ?

Les abstentionnistes ont été de redoutables tacticiens. Ils ont donné sans l’exprimer une leçon à M. Macron et à ses godillots et ont fait en sorte que les votants éparpillent leurs suffrages pour que personne ne puisse dire : c’est grâce à moi que tout ira bien ! C’est très fort.  Naturellement chacun va partir en vacances avec la promesse que la rentrée notamment sociale sera chaude. Mais depuis le réchauffement climatique avec la canicule qui n’a tari aucune salive c’est brûlant désormais toute l’année pour tout sujet y compris ceux qui déterminent le futur et qui prennent des années avant de produire des effets. A condition que les députés soient efficaces et ne se marquent pas à la culotte comme au foot. Comme des Raminagrobis qui ne dorment que d’un œil les syndicats et les multiples minorités vont se réveiller croyant que leur heure est enfin arrivée puisque le peuple ou la partie prétendument la plus éclairée est au parlement. L’immobilisme et l’abstention risquent de triompher dans la rue. Défiler doit être moins fatigant que d’aller voter et une pancarte qui revendique est plus facile à fabriquer qu’un bulletin à glisser dans l’urne surtout quand on n’aime personne. Et que l’on applique sans le savoir la politique de l’ancien président du conseil M. Henri Queuille : « il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ».

Qui est responsable de l ’abstention ? La réponse est complexe mais il y a des évidences.

*En priorité ceux qui ne sont pas allés aux urnes pour des raisons personnelles et d’égoïsme comme la pêche ou le barbecue voire la sieste ou l’indifférence pour le pays et les autres citoyens.  Certains se sentent exclus et non entendus à tort ou à raison et ils l’ont fait exprès pour lancer un message négatif. Ils ont cru que l’abstention est un acte positif qui peut faire bouger l’élite dirigeante et médiatique, des présumés privilégiés qui arbitrent dans un entre soi.  Et pour tous ceux qui crient aux extrêmes, aux dangers, et qui ne cessent de jeter les uns contre les autres.  

 La difficulté est de décrypter le message car la réprobation peut être contradictoire : on en a fait de trop pour des catégories sociales ou des minorités et pas assez pour d’autres majoritaires et qui respectent les règles. Par exemple la laïcité est trop ouverte pour les uns et une punition sinon une interdiction pour les autres… 1 français sur 2 soit 26 millions de citoyens potentiels ce qui est gigantesque ne se sent plus concerné par la vie publique.  Mais 2 sur 2 ont des exigences matérielles, sociales, identitaires avec des valeurs universelles républicaines.  Aucun parti politique, aucun leader auto-proclamé n’a reçu mandat du peuple pour transformer le pays en profondeur et lui faire prendre une direction et un mode de vie contraires à ses traditions, à sa grandeur, et ses intérêts.  La tolérance ne peut tout accepter dans l’espace public. Il va falloir poser très vite des règles drastiques du jeu collectif qui s’imposent à la multitude infinie des droits individuels et définir clairement des projets qui font consensus. Quitte à interroger par référendum ou autre moyen directement tous les français. Et ne pas les consulter à travers des comités Théodule avec des citoyens tirés au sort. Sinon pourquoi les parlementaires se décarcasseraient-ils ? Le vote permet de valider ou non. Peut- être que les 26 millions d’invisibles dans les bureaux de vote comprendront ce qu’on attend d’eux et retrouveront le goût de s’exprimer, liberté qui est recherchée dans la plupart des pays du monde. A défaut faute de combattants civiques notre démocratie sombrera. Et il faudra créer le vote obligatoire ce qui pose d’autres problèmes. L’inversion du calendrier électoral a aussi dérouté et on a cru que les jeux étaient faits. A revoir.    

*Puis viennent les professionnels de la politique dont certains en ont fait un métier mais qui ne sont pas encouragés à l’audace ou au courage, ni à la modération dans la dispute publique, ni à la réflexion objective. Certains poussent à la révolte, décrivent ce qu’ils voient avec des lunettes noires et dramatisent tout, comme si la France était le dernier des pays où règnent la misère généralisée, l’injustice, le racisme, la violence institutionnelle, le non -respect des femmes, des genres et des minorités qui sont accablées. Outre des lois liberticides…Des citoyens de bonne foi le croient surtout ceux qui ne bénéficient de rien et sont convaincus d’être des victimes, sans s’interroger sur ce qu’ils font et donnent ou comment ils pourraient plus être actifs.  Pourquoi dès lors aller voter puisque des politiques vous disent qu’il ne faut pas aggraver la casse sociale, qu’il ne faut pas faire confiance à d’autres qu’eux, qu’on les exploite et qu’ils servent de chair à canon ! Comme un enfant le citoyen adulte a besoin d’être motivé et être persuadé. Les politiques en place doivent donner l’espoir, pas décourager. Et tout faire pour éviter le slogan élection piège à électeur.

*Le choix du scrutin n’est pas indifférent entre celui qui est majoritaire à deux tours et en général amplifie la victoire des sortants sauf une crise de dégagisme, et la proportionnelle parée de toutes les vertus alors qu’il y a des effets secondaires en éparpillant les voix. On ne peut inventer un mode de scrutin qui donnera satisfaction à chacun des électeurs. Être dans l’opposition ne veut pas dire être inutile. Face à la majorité indispensable il suffit d’être constructif, d’amender les futures lois qui vont être votées, de contrôler l’action de l’exécutif, de travailler dans les commissions, d’être présent aux séances, de faire entendre sa voix tout en gardant ses convictions. Sans oublier de labourer le terrain pour être au contact des citoyens. Être élu se mérite. Le scrutin s’immisce faussement dans la croyance de l’électeur pour l’abstention même s’il n’est pas la cause principale. On a vu avec les élections de 2022 qu’avec le traditionnel scrutin majoritaire à deux tours trois blocs s’étaient créés. Les extrêmes ont été élus et se feront entendre. L’électeur qui  a voté est satisfait. L’abstentionniste paie sa carence et le fait qu’il est allé aux fraises qui sont de saison.

*Les autres responsables de l’abstention sont nos institutions que tout le monde veut réviser mais pas de la même manière et sans les affaiblir. Il faut un Etat fort chargé des fonctions régaliennes et favorisant par l’état de droit la libération de toutes les initiatives.  Le rôle du président de la république pourra être précisé puisque notre culture n’est pas celle d’un régime entièrement présidentiel. Nous aimons la concertation qui souvent conduit à des compromis acceptables par tous. Avec cependant un vrai chef pour lever toutes les contraintes dont celle de la bureaucratie. Un Etat garant, protecteur, déconcentré, et pas un Etat gérant tout et son contraire. Il faut que le pouvoir soit près du citoyen et la décentralisation doit être étendue. J’aimais bien le cumul député-élu local.  Le citoyen doit adhérer plus et qu’on lui donne souvent la parole. Le conseil économique, social et environnemental rénové et dépoussiéré parait être une bonne solution. On n’a pas besoin de créer un machin de plus. Les comités citoyens me paraissent une fausse bonne idée. En revanche pour satisfaire Montesquieu il est impératif de revaloriser le parlement pour qu’il ne soit pas une chambre d’enregistrement. Donc facilite l’abstention. Lui donner des moyens conséquents permettra aux parlementaires à l’image des élus du Capitole aux Usa d’avoir des pouvoirs étendus, ce qui me parait une bonne solution. Il faudra pour cela peut être réduire le nombre de parlementaires. J’y suis d’autant plus favorable que je ne suis pas député !  

*enfin le dernier responsable de l’abstention c’est moi qui ne vois le parlement que comme un guichet, un distributeur d’avantages et de droits dans mon intérêt peu important le bien commun et la fureur des autres qui ont forcément tort et ne défendent que leurs intérêts de classe. Je vote pour un député que si je suis sûr qu’il m’aidera. Et me donnera raison sous mille justifications que je ne soupçonnais pas. Sinon à quoi bon voter. L’abstention paie plus puisque je ne suis responsable de rien mais je peux critiquer. Et m’estimer perdant. Je veux des résultats sonnants et trébuchants. Un bulletin de vote se monnaye de fait. J’exagère à peine.

Imaginons une hypothèse folle. Et si l’abstention avait été pensée inconsciemment à leur insu de leur plein gré par les 26 millions qui ne se sont pas déplacés pour aboutir à l’éclatement que l’on voit et à la nécessité d’innover sachant que les votants sont des militants le plus souvent ou des intéressés « partiaux » ? Et si elle était un complot de citoyens déserteurs volontaires des urnes pour obliger les parlementaires et la classe politique à s’unir et agir ? Ce serait le hold-up du siècle puisque le civisme ne se décrète pas ? L’avenir nous le dira rapidement. En attendant le parti de l’abstention a gagné.   

vendredi 17 juin 2022

La liberté pour les nuls.

 

                                      La liberté pour les nuls.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 

Un sujet du bac 2022 m’a plu : « La liberté consiste-t-elle à n’obéir à personne » ? C’est d’actualité entre les insoumis qui veulent gouverner ! et les rebelles ou fâchés de toutes catégories, des beaux quartiers comme dans ceux qui sont qualifié de sensibles, tout ceci au nom de causes estimées justes comme la paix et la fin de la violence, la planète, la faim et la pauvreté dans le monde, … enfin tout ce qui entraine compassion. Le bien est dans le cœur de chacun. La pratique est différente. N’obéir à personne m’a rappelé la vieille formule historique : «ni dieu ni maitres »

 

J’ai passé mon bac.au moment de Mai 68, et je n’ai pas réussi avec mes camarades ( bourgeois devenus bohêmes réussite en poche) pendant les trente glorieuses qui ont suivi à extirper l’état d’esprit libertaire des soixante- huitards –«  jouir sans entrave »… «  pas de liberté pour les ennemis de la liberté »- qui ont profité de la situation pour devenir  hommes et femmes politiques avec le succès et le passif  que l’on découvre actuellement ,ou très hauts fonctionnaires, banquiers, notaires ou magistrats et avocats comme moi, en verrouillant les pouvoirs car il ne faut pas exagérer dans la générosité. Ce qui m’étonne dans les élections de 2022 c’est le niveau très haut du total des extrêmes ou de ceux qui rejettent « l’ordre » établi ou la société telle qu’elle est devenue. Ce qui démontre que même des nantis se rebellent. Veulent-ils se faire pardonner ? mais sûrement avec des raisons contraires d’où la difficulté à trouver la bonne solution pour tout le monde. C’est donc que le mal est profond ?

 

Peut- on n’obéir à rien et à personne sauf à son avis et d’où vient cette tendance de plus en plus prégnante, ce qui mine la société ?  La liberté est-elle un refus ? Le fait d’obéir ne libère-t-il jamais ? Ne peut-on être libre en fixant des limites dans l’intérêt de tous ?      

L’autorité-ou ce qu’il en reste- est mise en cause. La rébellion ou pour ne pas exagérer cette propension à discuter, protester, pinailler, douter, dire tout et son contraire, se retrouvent dans tous les domaines et chacun d’entre nous doit l’affronter : par exemple  dans la famille avec les enfants ; à l’école où les parents viennent agresser les enseignants ;  dans l’entreprise où la moindre remarque est considérée comme du harcèlement moral et de la discrimination ; en justice où les jugements rendus font polémiques ; et bien sûr dans la sphère publique quand les politiques votent des lois à la suite d’un processus démocratique. A peine élu, le responsable n’est plus légitime. Guignol rosse le gendarme sous les applaudissements. 

 Refuser d’obéir, de se soumettre à la loi, c’est considérer que la liberté individuelle est un principe supérieur à toute autre considération, en particulier si elle nous concerne. L’intérêt général devient secondaire.

On doit se rappeler ce que prêchait le père Henri Lacordaire (1802-1861), membre de l’Académie française et homme politique : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Examinons deux concepts : l’ordre illégal et la désobéissance civile.

 

La 1ère catégorie de désobéissance consiste pour un militaire surtout (un fonctionnaire aussi) à ne pas exécuter un ordre qui lui parait illégal. C’est la théorie des « baïonnettes intelligentes ». L’article 122-4 du code pénal précise que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime sauf si cet acte est manifestement illégal ». Mais cette théorie veut dire aussi que désobéir à l’autorité est admis par la loi dans des conditions très strictes cela va de soi.

 

La 2ème catégorie de désobéissance concerne ceux qui sont persuadés de détenir la vérité. Ils occupent des terres, ils se battent pour que tel projet soit abandonné. Ils savent tout en matière de virus et ne croient pas les spécialistes …Ils n’ont pas tout faux, mais ils n’apportent aucune vraie solution. On ne joue pas à la roulette russe avec la santé, ou l’économie. L’ordre public est légal. Les pseudos résistants à son application sont des tigres de papier.

 

Les militants qui désobéissent en se disant pacifiques mais en n’hésitant pas à faire le coup de poing avec les forces de l’ordre, utilisent le concept de désobéissance civile pour se justifier. Elle a été décrite en 1849 par le philosophe, naturaliste et poète né en 1817 à Concord (usa) Henry David Thoreau.  En juillet 1846 il avait refusé de payer un impôt à l’Etat américain pour protester contre l’esclavage dans le sud du pays et la guerre au Mexique. Il ne va passer qu’une nuit en prison car sa tante va payer sa caution. Furieux il décide de théoriser son action sans oublier « le Discours de la servitude volontaire ou le contr’un » d’Estienne de la Boétie (1530-1563) qui est une remise en cause de la légitimité des gouvernants à propos d’une révolte antifiscale - déjà - en Guyenne en 1548. Ce texte de La Boétie traduit le désarroi d’une partie de la population souvent cultivée devant la réalité de l’absolutisme. La question est : « pourquoi obéit-on ? ».

 

Avec la désobéissance civile on refuse de se soumettre à une loi ou une mesure qui nous paraissent injustes. On s’interroge : « le légal est-il juste ? » alors que l’on est en république et que l’absolutisme n’existe plus et sauf à penser que l’Etat est totalitaire. On en appelle à la conscience personnelle, aux valeurs qui nous motivent, à la définition du bien et du mal, à l’intérêt collectif outre à l’impuissance des Etats face à des firmes mondialisées.

On connait les désobéisseurs collectifs (les zadistes) qui défendent une cause et les quasi- professionnels proches des mouvements anarchistes, nihilistes ou anticapitalistes

 Il y a aussi des désobéisseurs individuels qui font passer l’humain avant tout. Au nom du beau mot de fraternité.  

Une société moderne complexe par définition qui ne sait pas répondre immédiatement à ce qui n’est jamais arrivé et est imprévisible, ou qui envisage les meilleures décisions pour l’avenir par des réformes, ne peut bien fonctionner qu’avec l’acceptation des règles par le plus grand nombre. La désobéissance pour avoir raison ou par principe ne peut mener qu’au désordre civique. La vérité est protéiforme et seule la légitimité démocratique par l’élection permet de progresser. La désobéissance conduit à l’impasse exceptés quelques exemples historiques. Ma liberté est d’obéir en réfléchissant à ce qui me parait conforme à l’intérêt général. Je le fais volontairement avec une contrainte librement consentie. Mon devoir devient ma liberté. Obéir est de ma responsabilité sauf au tyran. Je n’obéis pas à moi-même.

 

 Si je suis recalé pour cette copie je redoublerai !   

 

 

 

L’Etat c’est moi .

 

                                       L’Etat c’est moi .

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

 

 

Je n’aurai pas voulu passer mon baccalauréat en juin 2022 car non seulement il y a la canicule qui aurait fait fondre mes quelques neurones mais en plus il y a les élections législatives et les déclarations échevelées de certains candidats qui perturbent et nous font voir midi à14h. Je ne sais si l’avenir institutionnel et économique va être radieux compte tenu des sujets très sérieux qu’il faut résoudre avec un minimum d’union pour y parvenir. On a posé aux futurs bacheliers l’élite montante, des questions fondamentales mais difficiles sur le rôle de l’art, de l’Etat, de la liberté, de ce qui est juste, et je ne suis pas sûr que la grande majorité des adultes qui votent seraient capables d’y répondre. Je m’y essaie mais j’espère que je n’aurai pas un zéro pointé.

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Un pays sans Etat, sans règles objectives d’intérêt général, avec des lois d’opportunité, qui est en outre corrompu, court au désastre, à l’affrontement. Un pays qui a un Etat fort et totalitaire comme George Orwell l’avait décrit est mortel pour les individus et les libertés. Méfions-nous de l’extension infinie de la haute technologie qui est un progrès mais qui nous piste à notre insu de notre plein gré. L’histoire nous a donné des exemples de chaque catégorie d’Etat et de leurs conséquences souvent dramatiques. L’Etat est l’ensemble des pouvoirs de contrainte collective que la nation possède pour le bien commun que personne n’a défini et coulé dans le marbre.

 

En France quel est le rôle de l’Etat qui est cette grosse machinerie que certains considèrent comme l’Alpha et l’Omega. Et attendent tout de lui ce qui évite de prendre ses propres responsabilités ne serait- ce que celle élémentaire qui nous est enviée dans le monde d’aller librement voter ! Du temps de M. Reagan aux Usa et de Mme Thatcher en Grande Bretagne on lui demandait d’être minimum, de réserver ses actions aux fonctions strictement régaliennes et de faire confiance à l’activité privée, de libérer des énergies, de ne pas s’immiscer dans la vie privée ou les croyances voire de l’éthique sauf exceptions discutées publiquement et contradictoirement.

 Les différentes crises et menaces guerrières ainsi que l’évolution des mœurs et des exigences individuelles ont laminé ce modèle et désormais on attend tout de l’Etat sauf qu’il est devenu obèse, impotent et inefficace. Il faut le réformer mais on ne sait pas où tailler et pour quels objectifs. L’actualité nous démontre chaque jour son impuissance entre les avis divergents des groupes de pression. L’Etat est sommé d’intervenir sous peine d’être poursuivi et condamné par les tribunaux pour des manquements présumés en ce qui concerne de multiples sujets comme par exemple l’environnement, la justice sociale,  la fin de vie, la bioéthique, sans compter les revendications catégorielles, et le budget des familles selon leurs besoins. La liste est sans fin. Le citoyen exige d’être protégé mais souvent se refuse à en payer le prix ou subir quelques contraintes. L’Etat devient l’adversaire comme s’il prenait des décisions pour lui -même dans son intérêt exclusif. L’individu estime avoir des droits et une créance sur la collectivité. L’Etat ne peut en plus fixer les règles morales du jeu et définir le bien et le mal. Il se réfugie derrière la notion de valeurs républicaines de nature universelle dont certaines sont reconnues comme telles et d’autres remises en question. La devise liberté égalité fraternité permet de fixer le cap, mais il y a parfois des tempêtes qui font dévier de la route pour arriver à bon port.

 

 Personne ne peut décréter ce qui est juste ou non qui dépend de notre conscience et de notre subjectivité. Je n’évoque pas la justice qui est une vertu et une institution matérielle gérée par des hommes et des femmes avec leurs qualités et défauts. L’Etat n’y intervient pas sauf en garantissant son indépendance et en collaborant par les projets du gouvernement à l’initiative des lois que les juges appliquent. La justice est plutôt décriée mais indispensable.

 

L’Etat ne se mêle pas non plus de la morale qui est du domaine de l’intime. Est juste la personne qui se comporte conformément à la justice et à la loi, ainsi qu’à l’équité qui est une notion à géométrie variable très subjective car elle se définit différemment selon ce qui est inné, notre origine, notre héritage familial ou sociologique, et nos acquis avec nos échecs et nos détestations, notre expérience et le fruit de nos propres réflexions. Nous avons construit notre statue intérieure avec des matériaux composites. Parfois elle se lézarde et parfois elle nous permet de résister et d’imposer notre opinion dans le respect de celui qui ne la partage pas et la tolérance. C’est un combat permanent contre soi-même mais aussi une lutte musclée contre d’autres. Soyons honnêtes la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Je ne crois pas que l’homme soit né forcément bon, il faut des règles pour qu’il le soit, et surtout quand une minorité agissante et très peu ouverte pour ceux qui ne croient pas en ses raisonnements rêve du grand soir ou d’une nouvelle aube prétendument rayonnante du jour au lendemain pour faire notre bonheur, ce que je ne demande pas. Guillaume Apollinaire guetteur mélancolique a écrit que jamais les crépuscules ne vaincront les aurores.

 

Revient-il à l’Etat de décider ce qui est juste a-t-on demandé à nos chères têtes blondes si j’ose encore cette expression qui peut me conduire à une accusation de discrimination. L’Etat c’est moi d’abord puis nous dans notre diversité et nos contradictions. L’Etat Léviathan qui incarne la volonté générale donc qui est un monstre froid et impersonnel n’est rien par lui-même. Le gouvernement fait légiférer pour ses projets .Avec parfois la force injuste de la loi. Il n’est qu’un moyen pour faire fonctionner la république et maintenir la démocratie. Il est un serviteur pas un créateur. L’Etat n’a pas de droits spécifiques.

Quand on parle de l’état de droit on veut dire que la puissance publique est soumise aux mêmes lois que tout citoyen, qu’il n’y a de privilèges pour personne y compris les premiers de cordée et que le rôle de l’Etat est de conforter les libertés dans le cadre légal voté par l’assemblée nationale et le Sénat. Sous l’autorité des juges qui tranchent les litiges et rappellent les obligations au nom du peuple français qui est le souverain. Montesquieu est toujours vivant même si les pouvoirs actuels se disputent dans leurs moyens et légitimités, et si notre démocratie semble fatiguée les citoyens s’abstenant de la régénérer par perte de confiance et le « à quoi bon-isme » tout en voulant y participer et qu’on les interroge, en dehors des jours d’élections bien sûr ! 

 

L’Etat - ou plutôt nos représentants et la bureaucratie qui l’animent -n’a pas à nous dicter nos conduites, croyances et notre mode de vie. Les droits individuels semblent dominer les devoirs collectifs ce qui devient excessif voire dangereux car la liberté illimitée a déjà conduit à des catastrophes. L’Etat doit maintenir l’équilibre. Pas définir le juste.

 

jeudi 2 juin 2022

Abus de droit, sécurité et responsabilités.

 

                Abus de droit, sécurité et responsabilités.

                     Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

On a assisté avec stupéfaction aux débordements brutaux qui ont accompagné samedi 28 mai 2022 la finale de la ligue des champions de football entre Liverpool et le Real Madrid au stade de France.  La France a été sifflée et a pris un carton rouge pour la sécurité publique. Son image a pâli. Il va falloir se rattraper pour l’organisation des prochains grands évènements. L’U.E.F.A. avait choisi en catastrophe Paris pour cette confrontation à la place de Saint- Pétersbourg la Russie étant en guerre, et par précaution justement parce que la France a une réputation de savoir- faire en matière de protection des populations et de maintien de l’ordre : il va falloir le réviser et confirmer. La France est en paix y compris dans les compétitions sportives. Elle est championne toute catégorie des libertés et des droits de l’homme/de la femme. Et désormais concourt dans le camp de la violence tous azimuts pour tout sujet, sur tous les terrains, dans les quartiers et les communes de l’hexagone. C’est le problème de fond.  

L’éminent spécialiste de la sécurité et de la criminologie le professeur Alain Bauer a décrit les grains de sable qui s’étaient accumulés au point de devenir une plage. Elle a été inondée. Le ministre a désigné un peu vite les présumés coupables à savoir surtout les supporters anglais avec la fausse billetterie. On polémique sur les chiffres et on se demande qui ment ? En voyant les images il semble que les responsabilités soient partagées entre l’organisateur la fédération ; le consortium du stade ; Liverpool avec ses billets papiers ; la sécurité publique avec les moyens déployés dont les gaz lacrymogènes ; et l’intervention volontaire bien que non désirée de voyous de toute nature. A propos de ces derniers il ne faut pas en dénier la réalité avec l’insécurité régnante un peu partout sur le territoire. L’occasion fait le larron.    

Admettons- le a minima :  il y a eu un problème d’ordre public aux causes multiples qu’il va falloir analyser à froid pour qu’il ne se reproduise plus. Heureusement il n’y a eu ni blessés graves ni morts, que des frustrés, des volés, et des déçus. Ce qui est déjà beaucoup. Mais l’Etat doit toujours tendre vers le mieux. Laissons prospérer les enquêtes avant de désigner des responsables privés et publics par manque d’anticipation et de réactions (in)appropriées, les forces de l’ordre répondant aux consignes et  à l’action en direct. N’oublions pas de condamner les délinquants reconnus et jugés coupables.   

Mais il y a des limites à la décence qu’il ne faut pas franchir. Parmi les grains de sable qui ont conduit au désordre il y a eu la grève dans le RER B qui a obligé les spectateurs étrangers donc un peu perdus et irrités à venir par le RER D ce qui avec les retards et la configuration des lieux a tout changé en matière d’entrée dans le stade. La grève n’est évidemment pas le fait majeur mais elle a facilité le désordre. Je n’ai pas aimé le communiqué cynique du mardi 31 mai de la CGT qui a considéré que son mouvement du samedi était une « réussite » et qu’elle allait le renouveler pour concrétiser le rapport de forces. Je n’ignore pas la valeur constitutionnelle et symbolique du droit de grève. Celle-ci s’exerce dans le cadre des lois qui la réglementent notamment pour les nécessités de l’ordre public. Sous le contrôle du juge.

Il s’est agi d’un abus de droit car les grévistes des deux entreprises Ratp et Sncf qui exploitent le réseau ne pouvaient méconnaître le fait que si le RER ne fonctionnait pas comme d’habitude il y aurait des conséquences qui n’ont rien à voir avec des revendications sociales. Les usagers ou clients ne sont pas des otages. Vieux débat. Il y a eu la prise volontaire d’un risque énorme en perturbant les acheminements de la foule ce qui fait partie de la sécurité globale à laquelle tout le monde doit coopérer sans s’exonérer pour préserver ou obtenir des avantages corporatifs. La sécurité est l’affaire de tous et est trop sérieuse pour ne la laisser qu’aux professionnels ou à l’Etat ce qui est facile. Le citoyen responsable dans tous ses états doit s’y consacrer. La Cgt aussi.

L’abus de droit est une notion juridique notamment associée à la morale qui permet de sanctionner tout usage d’un bénéfice légal qui dépasse les bornes de ce qui est raisonnable. Par exemple dans le domaine fiscal ; ou le mariage blanc ; ou une clause abusive dans un contrat.  Cicéron dans De Officiis constatait :« l’application excessive du droit conduit à l’injustice ». Il faut savoir user de ses droits avec modération. On ne comprend désormais que les droits individuels. La notion de devoirs qui fondaient la nation a disparu. Tout est prétendument liberticide notamment les lois discutées et votées par nos parlementaires en matière de défense collective, terrorisme ou santé confondus.

J’espère que les élus de juin 2022 seront des législateurs courageux pour concilier droits et devoirs, pour trouver l’équilibre entre les libertés et les restrictions aux fins de protections. On a besoin d’armes légales et d’autorité. Que veut-on face aux menaces ?  La société idéale devrait- elle être sans aucune contrainte dans un état de droit toujours irréprochable quelles que soient les circonstances ; conduisant au bonheur à travers des débats sans fin avec les citoyens tous égaux. Est-ce possible ? Qui décidera au bout ?  L’utopie a conduit Thomas More à perdre sa tête plus vite que la mise en application de ses idées réformatrices en théorie.

En attendant on s’en remettra aux juges qui se prononcent sur les responsabilités. Ils le font en conscience en l’état du droit national et européen qui parfois empêche.Et des valeurs républicaines. Mais chacun sait qu’en démocratie celui qui a le pouvoir c’est le peuple souverain représenté par ses élus et non pas par des autorités diverses. Qui veut des actes.   

M. Jean-Éric Schoettl ancien conseiller d’Etat et secrétaire général du Conseil Constitutionnel a consacré toute sa vie à la défense du droit. Il écrit dans « la Démocratie au péril des prétoires. De l’Etat de droit au gouvernement des juges [éd.le débat] » : « L’Etat de droit ne veut entendre que les raisons d’Antigone et récuse celles de Créon ». « L’absolutisme droits-de-l’hommiste bloque l’intérêt général. L’Etat de droit est devenu fondamentaliste. Le contrôle des différents juges est devenu dogmatique et pointilleux ». M.Schoettl prône le retour des autorités politiques. Encore faut- il qu’elles le veuillent ou le puissent. Le mauvais exemple du foot.  va-t-il conduire à une prise de conscience générale ?.

Quant au match Liverpool-Real Madrid il n’y a eu aucun abus de qualité. Il fut morne. Si un club français avait joué tout aurait changé, parvis inclus. La fête ne se serait pas transformée en défaite. Je galéje bien sûr ! France 0 - Fiasco 1.

 

mercredi 25 mai 2022

L’émotion, le droit et la politique.

 

                 L’émotion, le droit et la politique.

                       Par Christian Fremaux avocat honoraire.

L’indignation spontanée ou réfléchie met à mal des évidences et une société ne peut se permettre d’être à la merci de groupes de pressions, défendraient-ils des causes justes. La vérité n’est pas univoque et parfois elle se nourrit d’injonctions divergentes. Abordons le dossier de M. Abad nouveau ministre assis sur un siège éjectable qui n’a profité de la joie d’avoir atteint son graal gouvernemental que pendant quelques heures avant de redescendre de l’échelle plus vite qu’il n’y était monté. La roche tarpéienne est toujours proche du capitole. Pourtant son parcours avait été passé au tamis comme tout ministre.

Il faut tremper sa plume au moins 7 fois dans son encrier si l’on veut parler d’un sujet grave qui concerne les femmes victimes déclarées surtout quand on est un homme et qu’on ne veut pas changer de genre et ne pas passer pour un rétrograde patriarcal et un conservateur l’ennemi honni du progressisme tous azimuts. C’est la « tolérance » new- look. Heureusement la liberté d’expression permet de faire connaitre ses opinions. Même celles qui déplaisent à certaines car on ne peut nier des fondamentaux et s’en remettre à la subjectivité. Il faut respecter les  règles de droit et être prudent à tout stade des accusations.

L’émotion le droit et la politique s’excluent -ils ou forment-ils un trio improbable en repassant le même film ? On a connu le même débat il y a quelques mois à peine avec un ministre aux fonctions régaliennes que le président de la république a reconduit en gardant son poste essentiel en matière de sécurité.  Sauf erreur, car je commente comme beaucoup à partir de rumeurs des médias sans avoir accès au dossier ledit ministre avait été accusé d’agressions sexuelles sinon de viol(s) ? : il y avait eu un classement sans suite - qui n’est ni un acquittement ni un début de culpabilité - par le parquet (le procureur de la république) puis réouverture de l’enquête judiciaire et il semble que le juge d’instruction penche vers un non-lieu ou l’ait prononcé, sous réserve de recours ? Attendons que la justice décide définitivement.  En attendant bis repetita avec M. Abad.   

Le procureur auto -proclamé médiatique à savoir l’organe de presse Mediapart a porté le fer au nom de la transparence et l’absence d’impunité des puissants surtout politiques qui abusent de leurs fonctions, en indiquant qu’une jeune fille avait déposé plainte contre la nouvelle excellence pour des faits très anciens d’agressions sexuelles et de viols qui avaient fait l’objet de deux classements sans suite. Une potentielle autre victime se réserve pour une action ? Naturellement ceux qui voient  une  manœuvre dans le tempo de la révélation - à savoir la nomination de M. Abad comme ministre alors qu’il était déjà président du groupe parlementaire LR depuis un certain temps - ne sont que des défenseurs odieux de l’agresseur, car on savait aux plus hauts niveaux politiques et on s’est tu. Seul Mediapart est de bonne foi puisqu’il est dans le camp du bien et qu’il n’a aucune arrière -pensée politique. On le croit !

Désormais la haute autorité pour la transparence de la vie publique devra ajouter une enquête encore plus poussée sur la vie privée et notamment judiciaire des personnalités sachant qu’en l’absence de condamnation formelle le doute ne rend pas coupable. La juste libération de la parole des femmes blessées dans leurs corps et leurs vies de tous les jours ne peut cependant être illimitée et entrainer une présomption d’infractions abjectes avant toutes vérifications des faits et un début de commencement de preuve. Le ressenti discuté dans le cadre de faits vécus de façon contradictoire ne peut aboutir à du lynchage médiatique et transformer des évènements intimes entre deux personnes adultes consentantes ou non, en une vérité unilatérale. Rappelons les postulats car ils font polémiques.

Le premier est que certains estiment que les principes de droit doivent s’effacer devant l’émotion qui aurait valeur probatoire. Et est imprescriptible.  C’est un raisonnement dangereux. Les droits de la défense protègent et la victime et celui qui doit répondre de ses actes. On se rappelle la formule qui avait fait scandale à l’époque de M. Laignel éminent membre du parti socialiste : « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire ». Le fait d’être ministre de surcroit dans une possible future majorité présidentielle donc supposé « puissant ou protégé » est-il une circonstance aggravante ou une preuve sur titre contre soi ?

 Le deuxième concerne le soupçon qui peut peser sur tous ceux ou toutes celles qui détiennent un pouvoir :  un chef d’entreprise ou un secrétaire général de syndicat ; un patron de presse ou un rédacteur en chef ; un supérieur de tout niveau ; un élu… la liste est sans fin outre la famille, le mari sinon l’épouse…

Le troisième est le plus important puisqu’il concerne la présomption d’innocence selon l’article 6 de la C.E.D.H. Toute personne est réputée innocente tant qu’elle n’a pas été reconnue coupable par un tribunal indépendant après des débats contradictoires publics où chacun s’exprime et où les magistrats se prononcent au vu des preuves fournies par les parties.  Il ne faut pas confondre les principes universels avec la morale ou la volonté de faire un exemple même pour faire progresser un combat vital. Il ne peut y avoir un ordre moral ou genré. Dans un procès il y a deux mécontents : la victime putative ou reconnue qui estime que la justice n’a pas été rendue ou avec faiblesse ; et l’accusé qui considère que le tribunal ne l’a pas compris ou a fait de lui une victime expiatoire. Ou l’a blanchi avec raison. Mais tardivement, le mal est fait.  

Chacun fait la même déclaration : « je fais confiance à la justice de mon pays ». Laissons faire les juges et appliquons l’apostrophe célèbre de mon confrère l’illustre Me Moro-Giafferi :« chassez l’opinion publique du prétoire, cette intruse, cette trainée ».  L’émotion et le droit sont compatibles y compris dans le monde politique qui doit donner l’exemple. Cette opposition ne peut mener qu’à une méfiance renforcée envers les élites en général. La nature humaine restera ce qu’elle est. Chacun agira avec sa conscience : les plaignantes, et le ministre s’il estime spontanément utile de démissionner pour mieux préparer sa défense selon l’hypocrisie consacrée. Ou si on lui demande gentiment de partir pour reprendre ses chères études ce qui n'est pas l’application d’un principe de précaution dévoyé. Soyons cynique : si M.Abad avait le bon goût d’être battu aux législatives il ne pourrait plus être ministre. Ce qui satisferait beaucoup de monde sauf l’intéressé qui se dit innocent.   

 

vendredi 13 mai 2022

Cet obscur objet du désir.

 

                           Cet obscur objet du désir.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

C’est un film de Luis Bunüel qui raconte l’histoire d’un grand bourgeois pour une femme radieuse qui se dérobe à ses avances. On y comprend ses fantasmes, ses regrets, ce qu’il pense être le bien. Des responsables français adeptes du voile et du burkini devraient se rendre dans les salles obscures pour comprendre que les citoyennes françaises n’ont pas besoin de se dissimuler pour échapper à ce que leurs maris barbus craignent à tort pour elles : qu’on les regarde. Les talibans revenus au pouvoir en Afghanistan après la fuite en débandade des américains - les Ukrainiens feraient bien de s’interroger sur l’aide actuelle des USA - n’ont pas changé. Ils veulent un califat islamique avec une seule loi religieuse et civile : la charia.

Des démocrates occidentaux optimistes pensaient qu’après de nombreuses années de pratique des libertés où les femmes pouvaient s’instruire, conduire et avoir une vie normale en participant à la reconstruction de leurs pays avec ses traditions, une théocratie ouverte si cela existe ou une démocratie certes à l’afghane s’installerait. Ainsi les valeurs des droits de l’homme et de la femme seraient définitivement acquises. Il faut déchanter l’universalisme a du plomb dans l’aile. Le régime taliban a fait un retour vers le futur. Il se dit victime des étrangers qui ne leur donnent pas de sous ou conditionnent l’aide au respect des libertés notamment celles des fillettes, jeunes filles et adultes qui sont forcées de rester à la maison pour y accomplir les tâches ménagères sans pouvoir accéder aux nourritures spirituelles et éducatives. A Kaboul il est obligatoire de porter la burka et celles qui s’en affranchiraient risquent des sanctions corporelles voire la prison. Des femmes afghanes courageuses défilent dans la rue en risquant leurs peaux pour avoir le droit de ne pas se couvrir. En France des femmes émancipées, non menacées et nourries au lait de notre république demandent au nom des libertés publiques et de la laïcité qui n’interdit rien le droit de porter voile et burka. En toutes circonstances dans le sport comme le football, dans les piscines, comme accompagnatrices scolaires d’enfants, comme simples citoyennes…Cherchez l’erreur. Ce n’est pas un non -sujet comme des insolents inconscients le disent. 

Où sont passées nos féministes qui se sont lancées dans le wokisme, la théorie du genre, la défense des racisées, et surtout dans la dénonciation - justifiée parfois mais en respectant la présomption d’innocence - de l’homme qui serait un prédateur ? Pourquoi ne protestent-elles pas ? La tradition religieuse et l’émotion seraient-elles supérieures à la loi et à nos coutumes ? Pierre Perret chante « le bonheur c’est toujours pour demain, hé fillette ne prends pas ma main… ». Faut- il remplacer bonheur par progrès et penser que le progressisme prétendu et indéfini conduit au nirvana et à l’harmonisation des rapports entre les individus tous égaux. Les talibans ont remis à l’ordre du jour le ministère de la promotion de la vertu et de la répression du vice. Je pense qu’avec le nouvel exécutif en France on va échapper à ce ministère !

Le Prince de Talleyrand-Périgord ancien ministre des relations extérieures de Napoléon et son collègue Joseph Fouché l’ancien redoutable ministre de la police qui avait voté la mort de Louis XVI étaient venus rendre visite de nuit à Louis XVIII. Ils voulaient revenir au gouvernement après avoir servi l’usurpateur, l’ogre. René de Chateaubriand qui trainait dans les couloirs pour faire sa cour au roi a eu cette formule : « J’ai vu le vice appuyé sur le bras du crime ».

Au nom des libertés et de notre état de droit, de notre humanisme, de notre volonté d’égalité et de non-discrimination on teste notre résistance à maintenir nos valeurs républicaines et notre identité. A quoi servirait-il d’imiter ce qui se fait de plus mauvais ailleurs pour satisfaire une minorité et l’adapter à notre pays où l’on vient en masse justement pour échapper au pire et parce que nous avons des principes. C’est le cynique Talleyrand qui disait : « appuyez- vous sur les principes…ils finissent toujours par céder ».

La vertu est la force morale avec laquelle l’être humain tend au bien. Son contraire est l’amoralité ou la dépravation. Un tissu n’en protège pas. Tout est une question d’engagement personnel et de morale intérieure.

Cet obscur objet du désir n’est pas de donner des libertés illimitées à tous et toutes sur n’importe quel sujet sans mettre en balance les devoirs collectifs et l’intérêt général. Notre manière de vivre nous oblige à la modération et à la discrétion dans l’espace public. Il ne s’agit pas de céder à toute tentation. L’Homme a la raison pour boussole. Il sait résister à ce qui ne le grandit pas même si l’histoire ancienne et malheureusement contemporaine nous confirme que le mal est dans les détails et parfois aussi en pleine lumière et barbarie guerrière avec des justifications curieuses.

Il ne faut donc pas jouer avec les libertés publiques en particulier et les tordre jusqu’au déni en les rendant contre productives. On peut croire avoir une bonne idée et être un grand seigneur élu généreux et moderne, malgré l’avis des autres. On peut se tromper de bonne foi. Et ne pas mesurer les conséquences de sa décision. Juste avant d’être guillotinée Mme Rolland s’est exclamée : « ô liberté que de crimes on commet en ton nom ».

Le poète Louis Aragon a écrit que « la femme est l’avenir de l’homme… elle voit plus loin que l’horizon… ».  Manifestement pas en Afghanistan ni dans les pays frères. Qu’au moins en France et en Europe sa vision ne soit pas altérée.    

lundi 9 mai 2022

Les bassins de la colère.

 

                                         Les bassins de la colère.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

La campagne électorale pour les législatives est à peine commencée avec les accords électoraux curieux à gauche sans oublier les problèmes d’alliance à droite et en macronie, qu’un problème quasi existentiel est soulevé : comment s’habiller ou non pour plonger dans une piscine municipale ? C’est l’urgence du moment !

Touché, coulé ! je n’évoque pas la perte du navire-amiral de la flotte russe détruit par les ukrainiens dans la mer noire ce qui est un vrai symbole et signifie beaucoup. Je pense à la ville de Grenoble qui prend l’eau sur l’initiative de son maire écologiste M. Piolle qui a décidé d’autoriser le port du burkini dans les piscines publiques. Le président de la région M. Wauquiez en colère froide s’est offusqué et a promis de couper l’alimentation en subventions sonnantes et trébuchantes qui ne sont pas versées pour encourager l’islamisme radical, si le maire persistait. Celui-ci a répondu vertement de façon un peu insolente et détachée que M. Wauquiez était un raciste car le port du burkini s’inscrivait dans un progrès social de nature universaliste et qu’il choisissait pour sa part le camp des libertés. Il a indiqué qu’au nom de ces mêmes principes et pour éviter toute inégalité les baigneuses aux seins nus étaient aussi bienvenues. Il va falloir réserver sa place dans les piscines de Grenoble car il est certain qu’il y aura des spectateurs qui n’aiment pas l’eau mais qui y barboteront !

 Le maire soutient que sa décision ne repose pas sur un risque d’ordre public ou sanitaire et de tension entre populations en opposant les unes et les autres pour des raisons contraires : les couvertes contre les moins habillées. Il parle d’un accès égalitaire aux services publics. Que fait-il alors du principe de neutralité dans lesdits services publics ? J’évoque pour la clarté des débats le combat pour la promotion de l’égalité et celui de l’émancipation des femmes qui ne me parait pas être exemplaire et progressiste avec le burkini pour une petite minorité qui veut faire d’un choix personnel de vie ou de croyance religieuse une règle à l’égale de la loi pour tous. C’est plutôt discriminatoire en faveur d’un petit clan.

M. Piolle veut que le corps de la femme soit considéré comme celui des hommes- aucune allusion ou pensée coupable n’y sont attachées - qui peuvent venir sans avoir la poitrine couverte mais à la condition qu’ils portent un slip de bain ou un short large, le court, le moulant ou le string étant prohibés ? M. Piolle doit être partisan de la théorie du genre.  Avec le pantalon qui permet à la femme d’être un homme comme un autre ? Peut -être au nom de la liberté de son accoutrement et de la non- distinction hommes /femmes va-t-il autoriser les hommes à se baigner en djellabahs et babouches ? Et que fait-on avec un visiteur écossais en kilt, ou une bretonne avec sa coiffe bigoudène, ou un juif qui porte la kippa comme bonnet de bain, ou un turc ou un persan avec son turban ?

La querelle n’est pas dérisoire. Elle est en réalité très sérieuse puisqu’elle remet en cause les fondements de notre république et la laïcité. Les hommes et femmes politiques verts devenus LFI/PC/et partiellement PS compatibles vont désormais prêcher tout ce qu’ils ont combattu. L’électeur tranchera. On avait essayé de nous habituer avec Mme Rousseau féministe de pointe à la déconstruction de l’homme en particulier et de la société patriarcale en général, puis à des interdictions multiples notamment du tour de France au sapin de noël et de tout ce qui rapproche les gens et font leurs plaisirs. Le vert n’aime pas la joie et la bonne franquette. Ni la mixité. C’est une attaque directe mais insidieuse contre la laïcité en se parant de celle-ci à contre-sens.  Si chaque maire qui représente aussi l’Etat et ceux qui n’ont pas voté pour lui dans sa commune édicte des consignes spécifiques où va-t-on avec l’unité du pays et le respect des devoirs collectifs ?

Je suis hostile à ce qu’il faille légiférer pour ce qui concerne le vêtir en général sauf provocation manifeste ou les comportements privés et les modes de vie. Mais pour tout ce qui touche au public, à l’espace partagé, au bien commun il faut une règle ferme qui protège les libertés certes mais ne permet pas le prosélytisme ou des exceptions à la norme objective. Dura Lex Sed Lex car il n’y aura jamais consensus ou unanimité.  Sinon on divisera et on fracturera le pacte républicain dans notre pays qui vient de loin avec ses traditions, un art de vivre, une culture propre. Les migrants ukrainiens qui fuient la menace nucléaire ou d’autres nationalités de confession musulmane comme à Kaboul voire chrétienne qui veulent échapper aux persécutions et se battent pour leurs survies, doivent ouvrir des yeux ronds en voyant ce qui se passe dans nos piscines. Le pays des droits de l’homme se noie dans un verre d’eau. C’est la honte. Un maire participe à son insu de son plein gré au repli communautaire sur soi et à la régression humaine au pays des lumières.    

L’insoumis M. Corbière est venu au secours de son nouveau camarade vert : il estime lui que c’est simplement un problème d’hygiène. Mais où va se nicher ce qui est « sale ou impur » sur le corps qui n’est pas un objet identitaire des femmes dévêtues ou recouvertes ? Je n’ose répondre. C’est une conception sexiste. N’y a-t-il pas plus d’insécurité si l’ordre public est troublé et si les participant(e)s s’écharpent à coup de serviettes de bains ? C ’est bien en réalité une difficulté de liberté publique dont on teste la résistance puisqu’il s’agit de la laïcité qui est une liberté avec des limites et non pas une interdiction. M. Piolle veut lever tous les interdits. Quel libérateur et surtout maitre-nageur hors pair ! En sa qualité de vert il devrait s’occuper de la nature et de la transition écologique et ne pas vouloir faire le bonheur des gens et le vivre ensemble malgré eux. Si on ne fait rien il va falloir que les tribunaux s’en mêlent ce que je ne souhaite pas car il appartient aux politiques de prendre leurs responsabilités. Si le droit est flou qu’on l’éclaircisse. S’il est tordu qu’on le redresse.

Qu’est un progrès social sinon une mesure qui améliore la situation de tous les citoyen(ne)s. Elle devient universelle si elle peut s’appliquer dans tous les pays du monde. M.Piolle ne réunit pas ces critères. La liberté n’est pas illimitée et elle s’arrête là où commence le droit pour les autres de ne pas être choqués. M. Piolle a donc tout faux. Il a voulu provoquer et discriminer à l’envers celles qui sont adeptes du simple maillot de bain d’une ou deux pièces. Il s’est planté. Il devrait se rappeler la devise de la ville de paris : « Fluctuat nec mergitur ». Elle est battue par les flots mais ne sombre pas. Quand on mélange le vert écologiste et le rouge insoumis on n’obtient jamais du bleu républicain.