vendredi 17 juin 2022

L’Etat c’est moi .

 

                                       L’Etat c’est moi .

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

 

 

Je n’aurai pas voulu passer mon baccalauréat en juin 2022 car non seulement il y a la canicule qui aurait fait fondre mes quelques neurones mais en plus il y a les élections législatives et les déclarations échevelées de certains candidats qui perturbent et nous font voir midi à14h. Je ne sais si l’avenir institutionnel et économique va être radieux compte tenu des sujets très sérieux qu’il faut résoudre avec un minimum d’union pour y parvenir. On a posé aux futurs bacheliers l’élite montante, des questions fondamentales mais difficiles sur le rôle de l’art, de l’Etat, de la liberté, de ce qui est juste, et je ne suis pas sûr que la grande majorité des adultes qui votent seraient capables d’y répondre. Je m’y essaie mais j’espère que je n’aurai pas un zéro pointé.

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Un pays sans Etat, sans règles objectives d’intérêt général, avec des lois d’opportunité, qui est en outre corrompu, court au désastre, à l’affrontement. Un pays qui a un Etat fort et totalitaire comme George Orwell l’avait décrit est mortel pour les individus et les libertés. Méfions-nous de l’extension infinie de la haute technologie qui est un progrès mais qui nous piste à notre insu de notre plein gré. L’histoire nous a donné des exemples de chaque catégorie d’Etat et de leurs conséquences souvent dramatiques. L’Etat est l’ensemble des pouvoirs de contrainte collective que la nation possède pour le bien commun que personne n’a défini et coulé dans le marbre.

 

En France quel est le rôle de l’Etat qui est cette grosse machinerie que certains considèrent comme l’Alpha et l’Omega. Et attendent tout de lui ce qui évite de prendre ses propres responsabilités ne serait- ce que celle élémentaire qui nous est enviée dans le monde d’aller librement voter ! Du temps de M. Reagan aux Usa et de Mme Thatcher en Grande Bretagne on lui demandait d’être minimum, de réserver ses actions aux fonctions strictement régaliennes et de faire confiance à l’activité privée, de libérer des énergies, de ne pas s’immiscer dans la vie privée ou les croyances voire de l’éthique sauf exceptions discutées publiquement et contradictoirement.

 Les différentes crises et menaces guerrières ainsi que l’évolution des mœurs et des exigences individuelles ont laminé ce modèle et désormais on attend tout de l’Etat sauf qu’il est devenu obèse, impotent et inefficace. Il faut le réformer mais on ne sait pas où tailler et pour quels objectifs. L’actualité nous démontre chaque jour son impuissance entre les avis divergents des groupes de pression. L’Etat est sommé d’intervenir sous peine d’être poursuivi et condamné par les tribunaux pour des manquements présumés en ce qui concerne de multiples sujets comme par exemple l’environnement, la justice sociale,  la fin de vie, la bioéthique, sans compter les revendications catégorielles, et le budget des familles selon leurs besoins. La liste est sans fin. Le citoyen exige d’être protégé mais souvent se refuse à en payer le prix ou subir quelques contraintes. L’Etat devient l’adversaire comme s’il prenait des décisions pour lui -même dans son intérêt exclusif. L’individu estime avoir des droits et une créance sur la collectivité. L’Etat ne peut en plus fixer les règles morales du jeu et définir le bien et le mal. Il se réfugie derrière la notion de valeurs républicaines de nature universelle dont certaines sont reconnues comme telles et d’autres remises en question. La devise liberté égalité fraternité permet de fixer le cap, mais il y a parfois des tempêtes qui font dévier de la route pour arriver à bon port.

 

 Personne ne peut décréter ce qui est juste ou non qui dépend de notre conscience et de notre subjectivité. Je n’évoque pas la justice qui est une vertu et une institution matérielle gérée par des hommes et des femmes avec leurs qualités et défauts. L’Etat n’y intervient pas sauf en garantissant son indépendance et en collaborant par les projets du gouvernement à l’initiative des lois que les juges appliquent. La justice est plutôt décriée mais indispensable.

 

L’Etat ne se mêle pas non plus de la morale qui est du domaine de l’intime. Est juste la personne qui se comporte conformément à la justice et à la loi, ainsi qu’à l’équité qui est une notion à géométrie variable très subjective car elle se définit différemment selon ce qui est inné, notre origine, notre héritage familial ou sociologique, et nos acquis avec nos échecs et nos détestations, notre expérience et le fruit de nos propres réflexions. Nous avons construit notre statue intérieure avec des matériaux composites. Parfois elle se lézarde et parfois elle nous permet de résister et d’imposer notre opinion dans le respect de celui qui ne la partage pas et la tolérance. C’est un combat permanent contre soi-même mais aussi une lutte musclée contre d’autres. Soyons honnêtes la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Je ne crois pas que l’homme soit né forcément bon, il faut des règles pour qu’il le soit, et surtout quand une minorité agissante et très peu ouverte pour ceux qui ne croient pas en ses raisonnements rêve du grand soir ou d’une nouvelle aube prétendument rayonnante du jour au lendemain pour faire notre bonheur, ce que je ne demande pas. Guillaume Apollinaire guetteur mélancolique a écrit que jamais les crépuscules ne vaincront les aurores.

 

Revient-il à l’Etat de décider ce qui est juste a-t-on demandé à nos chères têtes blondes si j’ose encore cette expression qui peut me conduire à une accusation de discrimination. L’Etat c’est moi d’abord puis nous dans notre diversité et nos contradictions. L’Etat Léviathan qui incarne la volonté générale donc qui est un monstre froid et impersonnel n’est rien par lui-même. Le gouvernement fait légiférer pour ses projets .Avec parfois la force injuste de la loi. Il n’est qu’un moyen pour faire fonctionner la république et maintenir la démocratie. Il est un serviteur pas un créateur. L’Etat n’a pas de droits spécifiques.

Quand on parle de l’état de droit on veut dire que la puissance publique est soumise aux mêmes lois que tout citoyen, qu’il n’y a de privilèges pour personne y compris les premiers de cordée et que le rôle de l’Etat est de conforter les libertés dans le cadre légal voté par l’assemblée nationale et le Sénat. Sous l’autorité des juges qui tranchent les litiges et rappellent les obligations au nom du peuple français qui est le souverain. Montesquieu est toujours vivant même si les pouvoirs actuels se disputent dans leurs moyens et légitimités, et si notre démocratie semble fatiguée les citoyens s’abstenant de la régénérer par perte de confiance et le « à quoi bon-isme » tout en voulant y participer et qu’on les interroge, en dehors des jours d’élections bien sûr ! 

 

L’Etat - ou plutôt nos représentants et la bureaucratie qui l’animent -n’a pas à nous dicter nos conduites, croyances et notre mode de vie. Les droits individuels semblent dominer les devoirs collectifs ce qui devient excessif voire dangereux car la liberté illimitée a déjà conduit à des catastrophes. L’Etat doit maintenir l’équilibre. Pas définir le juste.

 

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