lundi 9 mai 2022

Les bassins de la colère.

 

                                         Les bassins de la colère.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

La campagne électorale pour les législatives est à peine commencée avec les accords électoraux curieux à gauche sans oublier les problèmes d’alliance à droite et en macronie, qu’un problème quasi existentiel est soulevé : comment s’habiller ou non pour plonger dans une piscine municipale ? C’est l’urgence du moment !

Touché, coulé ! je n’évoque pas la perte du navire-amiral de la flotte russe détruit par les ukrainiens dans la mer noire ce qui est un vrai symbole et signifie beaucoup. Je pense à la ville de Grenoble qui prend l’eau sur l’initiative de son maire écologiste M. Piolle qui a décidé d’autoriser le port du burkini dans les piscines publiques. Le président de la région M. Wauquiez en colère froide s’est offusqué et a promis de couper l’alimentation en subventions sonnantes et trébuchantes qui ne sont pas versées pour encourager l’islamisme radical, si le maire persistait. Celui-ci a répondu vertement de façon un peu insolente et détachée que M. Wauquiez était un raciste car le port du burkini s’inscrivait dans un progrès social de nature universaliste et qu’il choisissait pour sa part le camp des libertés. Il a indiqué qu’au nom de ces mêmes principes et pour éviter toute inégalité les baigneuses aux seins nus étaient aussi bienvenues. Il va falloir réserver sa place dans les piscines de Grenoble car il est certain qu’il y aura des spectateurs qui n’aiment pas l’eau mais qui y barboteront !

 Le maire soutient que sa décision ne repose pas sur un risque d’ordre public ou sanitaire et de tension entre populations en opposant les unes et les autres pour des raisons contraires : les couvertes contre les moins habillées. Il parle d’un accès égalitaire aux services publics. Que fait-il alors du principe de neutralité dans lesdits services publics ? J’évoque pour la clarté des débats le combat pour la promotion de l’égalité et celui de l’émancipation des femmes qui ne me parait pas être exemplaire et progressiste avec le burkini pour une petite minorité qui veut faire d’un choix personnel de vie ou de croyance religieuse une règle à l’égale de la loi pour tous. C’est plutôt discriminatoire en faveur d’un petit clan.

M. Piolle veut que le corps de la femme soit considéré comme celui des hommes- aucune allusion ou pensée coupable n’y sont attachées - qui peuvent venir sans avoir la poitrine couverte mais à la condition qu’ils portent un slip de bain ou un short large, le court, le moulant ou le string étant prohibés ? M. Piolle doit être partisan de la théorie du genre.  Avec le pantalon qui permet à la femme d’être un homme comme un autre ? Peut -être au nom de la liberté de son accoutrement et de la non- distinction hommes /femmes va-t-il autoriser les hommes à se baigner en djellabahs et babouches ? Et que fait-on avec un visiteur écossais en kilt, ou une bretonne avec sa coiffe bigoudène, ou un juif qui porte la kippa comme bonnet de bain, ou un turc ou un persan avec son turban ?

La querelle n’est pas dérisoire. Elle est en réalité très sérieuse puisqu’elle remet en cause les fondements de notre république et la laïcité. Les hommes et femmes politiques verts devenus LFI/PC/et partiellement PS compatibles vont désormais prêcher tout ce qu’ils ont combattu. L’électeur tranchera. On avait essayé de nous habituer avec Mme Rousseau féministe de pointe à la déconstruction de l’homme en particulier et de la société patriarcale en général, puis à des interdictions multiples notamment du tour de France au sapin de noël et de tout ce qui rapproche les gens et font leurs plaisirs. Le vert n’aime pas la joie et la bonne franquette. Ni la mixité. C’est une attaque directe mais insidieuse contre la laïcité en se parant de celle-ci à contre-sens.  Si chaque maire qui représente aussi l’Etat et ceux qui n’ont pas voté pour lui dans sa commune édicte des consignes spécifiques où va-t-on avec l’unité du pays et le respect des devoirs collectifs ?

Je suis hostile à ce qu’il faille légiférer pour ce qui concerne le vêtir en général sauf provocation manifeste ou les comportements privés et les modes de vie. Mais pour tout ce qui touche au public, à l’espace partagé, au bien commun il faut une règle ferme qui protège les libertés certes mais ne permet pas le prosélytisme ou des exceptions à la norme objective. Dura Lex Sed Lex car il n’y aura jamais consensus ou unanimité.  Sinon on divisera et on fracturera le pacte républicain dans notre pays qui vient de loin avec ses traditions, un art de vivre, une culture propre. Les migrants ukrainiens qui fuient la menace nucléaire ou d’autres nationalités de confession musulmane comme à Kaboul voire chrétienne qui veulent échapper aux persécutions et se battent pour leurs survies, doivent ouvrir des yeux ronds en voyant ce qui se passe dans nos piscines. Le pays des droits de l’homme se noie dans un verre d’eau. C’est la honte. Un maire participe à son insu de son plein gré au repli communautaire sur soi et à la régression humaine au pays des lumières.    

L’insoumis M. Corbière est venu au secours de son nouveau camarade vert : il estime lui que c’est simplement un problème d’hygiène. Mais où va se nicher ce qui est « sale ou impur » sur le corps qui n’est pas un objet identitaire des femmes dévêtues ou recouvertes ? Je n’ose répondre. C’est une conception sexiste. N’y a-t-il pas plus d’insécurité si l’ordre public est troublé et si les participant(e)s s’écharpent à coup de serviettes de bains ? C ’est bien en réalité une difficulté de liberté publique dont on teste la résistance puisqu’il s’agit de la laïcité qui est une liberté avec des limites et non pas une interdiction. M. Piolle veut lever tous les interdits. Quel libérateur et surtout maitre-nageur hors pair ! En sa qualité de vert il devrait s’occuper de la nature et de la transition écologique et ne pas vouloir faire le bonheur des gens et le vivre ensemble malgré eux. Si on ne fait rien il va falloir que les tribunaux s’en mêlent ce que je ne souhaite pas car il appartient aux politiques de prendre leurs responsabilités. Si le droit est flou qu’on l’éclaircisse. S’il est tordu qu’on le redresse.

Qu’est un progrès social sinon une mesure qui améliore la situation de tous les citoyen(ne)s. Elle devient universelle si elle peut s’appliquer dans tous les pays du monde. M.Piolle ne réunit pas ces critères. La liberté n’est pas illimitée et elle s’arrête là où commence le droit pour les autres de ne pas être choqués. M. Piolle a donc tout faux. Il a voulu provoquer et discriminer à l’envers celles qui sont adeptes du simple maillot de bain d’une ou deux pièces. Il s’est planté. Il devrait se rappeler la devise de la ville de paris : « Fluctuat nec mergitur ». Elle est battue par les flots mais ne sombre pas. Quand on mélange le vert écologiste et le rouge insoumis on n’obtient jamais du bleu républicain.        

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