mercredi 25 mai 2022

L’émotion, le droit et la politique.

 

                 L’émotion, le droit et la politique.

                       Par Christian Fremaux avocat honoraire.

L’indignation spontanée ou réfléchie met à mal des évidences et une société ne peut se permettre d’être à la merci de groupes de pressions, défendraient-ils des causes justes. La vérité n’est pas univoque et parfois elle se nourrit d’injonctions divergentes. Abordons le dossier de M. Abad nouveau ministre assis sur un siège éjectable qui n’a profité de la joie d’avoir atteint son graal gouvernemental que pendant quelques heures avant de redescendre de l’échelle plus vite qu’il n’y était monté. La roche tarpéienne est toujours proche du capitole. Pourtant son parcours avait été passé au tamis comme tout ministre.

Il faut tremper sa plume au moins 7 fois dans son encrier si l’on veut parler d’un sujet grave qui concerne les femmes victimes déclarées surtout quand on est un homme et qu’on ne veut pas changer de genre et ne pas passer pour un rétrograde patriarcal et un conservateur l’ennemi honni du progressisme tous azimuts. C’est la « tolérance » new- look. Heureusement la liberté d’expression permet de faire connaitre ses opinions. Même celles qui déplaisent à certaines car on ne peut nier des fondamentaux et s’en remettre à la subjectivité. Il faut respecter les  règles de droit et être prudent à tout stade des accusations.

L’émotion le droit et la politique s’excluent -ils ou forment-ils un trio improbable en repassant le même film ? On a connu le même débat il y a quelques mois à peine avec un ministre aux fonctions régaliennes que le président de la république a reconduit en gardant son poste essentiel en matière de sécurité.  Sauf erreur, car je commente comme beaucoup à partir de rumeurs des médias sans avoir accès au dossier ledit ministre avait été accusé d’agressions sexuelles sinon de viol(s) ? : il y avait eu un classement sans suite - qui n’est ni un acquittement ni un début de culpabilité - par le parquet (le procureur de la république) puis réouverture de l’enquête judiciaire et il semble que le juge d’instruction penche vers un non-lieu ou l’ait prononcé, sous réserve de recours ? Attendons que la justice décide définitivement.  En attendant bis repetita avec M. Abad.   

Le procureur auto -proclamé médiatique à savoir l’organe de presse Mediapart a porté le fer au nom de la transparence et l’absence d’impunité des puissants surtout politiques qui abusent de leurs fonctions, en indiquant qu’une jeune fille avait déposé plainte contre la nouvelle excellence pour des faits très anciens d’agressions sexuelles et de viols qui avaient fait l’objet de deux classements sans suite. Une potentielle autre victime se réserve pour une action ? Naturellement ceux qui voient  une  manœuvre dans le tempo de la révélation - à savoir la nomination de M. Abad comme ministre alors qu’il était déjà président du groupe parlementaire LR depuis un certain temps - ne sont que des défenseurs odieux de l’agresseur, car on savait aux plus hauts niveaux politiques et on s’est tu. Seul Mediapart est de bonne foi puisqu’il est dans le camp du bien et qu’il n’a aucune arrière -pensée politique. On le croit !

Désormais la haute autorité pour la transparence de la vie publique devra ajouter une enquête encore plus poussée sur la vie privée et notamment judiciaire des personnalités sachant qu’en l’absence de condamnation formelle le doute ne rend pas coupable. La juste libération de la parole des femmes blessées dans leurs corps et leurs vies de tous les jours ne peut cependant être illimitée et entrainer une présomption d’infractions abjectes avant toutes vérifications des faits et un début de commencement de preuve. Le ressenti discuté dans le cadre de faits vécus de façon contradictoire ne peut aboutir à du lynchage médiatique et transformer des évènements intimes entre deux personnes adultes consentantes ou non, en une vérité unilatérale. Rappelons les postulats car ils font polémiques.

Le premier est que certains estiment que les principes de droit doivent s’effacer devant l’émotion qui aurait valeur probatoire. Et est imprescriptible.  C’est un raisonnement dangereux. Les droits de la défense protègent et la victime et celui qui doit répondre de ses actes. On se rappelle la formule qui avait fait scandale à l’époque de M. Laignel éminent membre du parti socialiste : « vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaire ». Le fait d’être ministre de surcroit dans une possible future majorité présidentielle donc supposé « puissant ou protégé » est-il une circonstance aggravante ou une preuve sur titre contre soi ?

 Le deuxième concerne le soupçon qui peut peser sur tous ceux ou toutes celles qui détiennent un pouvoir :  un chef d’entreprise ou un secrétaire général de syndicat ; un patron de presse ou un rédacteur en chef ; un supérieur de tout niveau ; un élu… la liste est sans fin outre la famille, le mari sinon l’épouse…

Le troisième est le plus important puisqu’il concerne la présomption d’innocence selon l’article 6 de la C.E.D.H. Toute personne est réputée innocente tant qu’elle n’a pas été reconnue coupable par un tribunal indépendant après des débats contradictoires publics où chacun s’exprime et où les magistrats se prononcent au vu des preuves fournies par les parties.  Il ne faut pas confondre les principes universels avec la morale ou la volonté de faire un exemple même pour faire progresser un combat vital. Il ne peut y avoir un ordre moral ou genré. Dans un procès il y a deux mécontents : la victime putative ou reconnue qui estime que la justice n’a pas été rendue ou avec faiblesse ; et l’accusé qui considère que le tribunal ne l’a pas compris ou a fait de lui une victime expiatoire. Ou l’a blanchi avec raison. Mais tardivement, le mal est fait.  

Chacun fait la même déclaration : « je fais confiance à la justice de mon pays ». Laissons faire les juges et appliquons l’apostrophe célèbre de mon confrère l’illustre Me Moro-Giafferi :« chassez l’opinion publique du prétoire, cette intruse, cette trainée ».  L’émotion et le droit sont compatibles y compris dans le monde politique qui doit donner l’exemple. Cette opposition ne peut mener qu’à une méfiance renforcée envers les élites en général. La nature humaine restera ce qu’elle est. Chacun agira avec sa conscience : les plaignantes, et le ministre s’il estime spontanément utile de démissionner pour mieux préparer sa défense selon l’hypocrisie consacrée. Ou si on lui demande gentiment de partir pour reprendre ses chères études ce qui n'est pas l’application d’un principe de précaution dévoyé. Soyons cynique : si M.Abad avait le bon goût d’être battu aux législatives il ne pourrait plus être ministre. Ce qui satisferait beaucoup de monde sauf l’intéressé qui se dit innocent.   

 

vendredi 13 mai 2022

Cet obscur objet du désir.

 

                           Cet obscur objet du désir.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

C’est un film de Luis Bunüel qui raconte l’histoire d’un grand bourgeois pour une femme radieuse qui se dérobe à ses avances. On y comprend ses fantasmes, ses regrets, ce qu’il pense être le bien. Des responsables français adeptes du voile et du burkini devraient se rendre dans les salles obscures pour comprendre que les citoyennes françaises n’ont pas besoin de se dissimuler pour échapper à ce que leurs maris barbus craignent à tort pour elles : qu’on les regarde. Les talibans revenus au pouvoir en Afghanistan après la fuite en débandade des américains - les Ukrainiens feraient bien de s’interroger sur l’aide actuelle des USA - n’ont pas changé. Ils veulent un califat islamique avec une seule loi religieuse et civile : la charia.

Des démocrates occidentaux optimistes pensaient qu’après de nombreuses années de pratique des libertés où les femmes pouvaient s’instruire, conduire et avoir une vie normale en participant à la reconstruction de leurs pays avec ses traditions, une théocratie ouverte si cela existe ou une démocratie certes à l’afghane s’installerait. Ainsi les valeurs des droits de l’homme et de la femme seraient définitivement acquises. Il faut déchanter l’universalisme a du plomb dans l’aile. Le régime taliban a fait un retour vers le futur. Il se dit victime des étrangers qui ne leur donnent pas de sous ou conditionnent l’aide au respect des libertés notamment celles des fillettes, jeunes filles et adultes qui sont forcées de rester à la maison pour y accomplir les tâches ménagères sans pouvoir accéder aux nourritures spirituelles et éducatives. A Kaboul il est obligatoire de porter la burka et celles qui s’en affranchiraient risquent des sanctions corporelles voire la prison. Des femmes afghanes courageuses défilent dans la rue en risquant leurs peaux pour avoir le droit de ne pas se couvrir. En France des femmes émancipées, non menacées et nourries au lait de notre république demandent au nom des libertés publiques et de la laïcité qui n’interdit rien le droit de porter voile et burka. En toutes circonstances dans le sport comme le football, dans les piscines, comme accompagnatrices scolaires d’enfants, comme simples citoyennes…Cherchez l’erreur. Ce n’est pas un non -sujet comme des insolents inconscients le disent. 

Où sont passées nos féministes qui se sont lancées dans le wokisme, la théorie du genre, la défense des racisées, et surtout dans la dénonciation - justifiée parfois mais en respectant la présomption d’innocence - de l’homme qui serait un prédateur ? Pourquoi ne protestent-elles pas ? La tradition religieuse et l’émotion seraient-elles supérieures à la loi et à nos coutumes ? Pierre Perret chante « le bonheur c’est toujours pour demain, hé fillette ne prends pas ma main… ». Faut- il remplacer bonheur par progrès et penser que le progressisme prétendu et indéfini conduit au nirvana et à l’harmonisation des rapports entre les individus tous égaux. Les talibans ont remis à l’ordre du jour le ministère de la promotion de la vertu et de la répression du vice. Je pense qu’avec le nouvel exécutif en France on va échapper à ce ministère !

Le Prince de Talleyrand-Périgord ancien ministre des relations extérieures de Napoléon et son collègue Joseph Fouché l’ancien redoutable ministre de la police qui avait voté la mort de Louis XVI étaient venus rendre visite de nuit à Louis XVIII. Ils voulaient revenir au gouvernement après avoir servi l’usurpateur, l’ogre. René de Chateaubriand qui trainait dans les couloirs pour faire sa cour au roi a eu cette formule : « J’ai vu le vice appuyé sur le bras du crime ».

Au nom des libertés et de notre état de droit, de notre humanisme, de notre volonté d’égalité et de non-discrimination on teste notre résistance à maintenir nos valeurs républicaines et notre identité. A quoi servirait-il d’imiter ce qui se fait de plus mauvais ailleurs pour satisfaire une minorité et l’adapter à notre pays où l’on vient en masse justement pour échapper au pire et parce que nous avons des principes. C’est le cynique Talleyrand qui disait : « appuyez- vous sur les principes…ils finissent toujours par céder ».

La vertu est la force morale avec laquelle l’être humain tend au bien. Son contraire est l’amoralité ou la dépravation. Un tissu n’en protège pas. Tout est une question d’engagement personnel et de morale intérieure.

Cet obscur objet du désir n’est pas de donner des libertés illimitées à tous et toutes sur n’importe quel sujet sans mettre en balance les devoirs collectifs et l’intérêt général. Notre manière de vivre nous oblige à la modération et à la discrétion dans l’espace public. Il ne s’agit pas de céder à toute tentation. L’Homme a la raison pour boussole. Il sait résister à ce qui ne le grandit pas même si l’histoire ancienne et malheureusement contemporaine nous confirme que le mal est dans les détails et parfois aussi en pleine lumière et barbarie guerrière avec des justifications curieuses.

Il ne faut donc pas jouer avec les libertés publiques en particulier et les tordre jusqu’au déni en les rendant contre productives. On peut croire avoir une bonne idée et être un grand seigneur élu généreux et moderne, malgré l’avis des autres. On peut se tromper de bonne foi. Et ne pas mesurer les conséquences de sa décision. Juste avant d’être guillotinée Mme Rolland s’est exclamée : « ô liberté que de crimes on commet en ton nom ».

Le poète Louis Aragon a écrit que « la femme est l’avenir de l’homme… elle voit plus loin que l’horizon… ».  Manifestement pas en Afghanistan ni dans les pays frères. Qu’au moins en France et en Europe sa vision ne soit pas altérée.    

lundi 9 mai 2022

Les bassins de la colère.

 

                                         Les bassins de la colère.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

La campagne électorale pour les législatives est à peine commencée avec les accords électoraux curieux à gauche sans oublier les problèmes d’alliance à droite et en macronie, qu’un problème quasi existentiel est soulevé : comment s’habiller ou non pour plonger dans une piscine municipale ? C’est l’urgence du moment !

Touché, coulé ! je n’évoque pas la perte du navire-amiral de la flotte russe détruit par les ukrainiens dans la mer noire ce qui est un vrai symbole et signifie beaucoup. Je pense à la ville de Grenoble qui prend l’eau sur l’initiative de son maire écologiste M. Piolle qui a décidé d’autoriser le port du burkini dans les piscines publiques. Le président de la région M. Wauquiez en colère froide s’est offusqué et a promis de couper l’alimentation en subventions sonnantes et trébuchantes qui ne sont pas versées pour encourager l’islamisme radical, si le maire persistait. Celui-ci a répondu vertement de façon un peu insolente et détachée que M. Wauquiez était un raciste car le port du burkini s’inscrivait dans un progrès social de nature universaliste et qu’il choisissait pour sa part le camp des libertés. Il a indiqué qu’au nom de ces mêmes principes et pour éviter toute inégalité les baigneuses aux seins nus étaient aussi bienvenues. Il va falloir réserver sa place dans les piscines de Grenoble car il est certain qu’il y aura des spectateurs qui n’aiment pas l’eau mais qui y barboteront !

 Le maire soutient que sa décision ne repose pas sur un risque d’ordre public ou sanitaire et de tension entre populations en opposant les unes et les autres pour des raisons contraires : les couvertes contre les moins habillées. Il parle d’un accès égalitaire aux services publics. Que fait-il alors du principe de neutralité dans lesdits services publics ? J’évoque pour la clarté des débats le combat pour la promotion de l’égalité et celui de l’émancipation des femmes qui ne me parait pas être exemplaire et progressiste avec le burkini pour une petite minorité qui veut faire d’un choix personnel de vie ou de croyance religieuse une règle à l’égale de la loi pour tous. C’est plutôt discriminatoire en faveur d’un petit clan.

M. Piolle veut que le corps de la femme soit considéré comme celui des hommes- aucune allusion ou pensée coupable n’y sont attachées - qui peuvent venir sans avoir la poitrine couverte mais à la condition qu’ils portent un slip de bain ou un short large, le court, le moulant ou le string étant prohibés ? M. Piolle doit être partisan de la théorie du genre.  Avec le pantalon qui permet à la femme d’être un homme comme un autre ? Peut -être au nom de la liberté de son accoutrement et de la non- distinction hommes /femmes va-t-il autoriser les hommes à se baigner en djellabahs et babouches ? Et que fait-on avec un visiteur écossais en kilt, ou une bretonne avec sa coiffe bigoudène, ou un juif qui porte la kippa comme bonnet de bain, ou un turc ou un persan avec son turban ?

La querelle n’est pas dérisoire. Elle est en réalité très sérieuse puisqu’elle remet en cause les fondements de notre république et la laïcité. Les hommes et femmes politiques verts devenus LFI/PC/et partiellement PS compatibles vont désormais prêcher tout ce qu’ils ont combattu. L’électeur tranchera. On avait essayé de nous habituer avec Mme Rousseau féministe de pointe à la déconstruction de l’homme en particulier et de la société patriarcale en général, puis à des interdictions multiples notamment du tour de France au sapin de noël et de tout ce qui rapproche les gens et font leurs plaisirs. Le vert n’aime pas la joie et la bonne franquette. Ni la mixité. C’est une attaque directe mais insidieuse contre la laïcité en se parant de celle-ci à contre-sens.  Si chaque maire qui représente aussi l’Etat et ceux qui n’ont pas voté pour lui dans sa commune édicte des consignes spécifiques où va-t-on avec l’unité du pays et le respect des devoirs collectifs ?

Je suis hostile à ce qu’il faille légiférer pour ce qui concerne le vêtir en général sauf provocation manifeste ou les comportements privés et les modes de vie. Mais pour tout ce qui touche au public, à l’espace partagé, au bien commun il faut une règle ferme qui protège les libertés certes mais ne permet pas le prosélytisme ou des exceptions à la norme objective. Dura Lex Sed Lex car il n’y aura jamais consensus ou unanimité.  Sinon on divisera et on fracturera le pacte républicain dans notre pays qui vient de loin avec ses traditions, un art de vivre, une culture propre. Les migrants ukrainiens qui fuient la menace nucléaire ou d’autres nationalités de confession musulmane comme à Kaboul voire chrétienne qui veulent échapper aux persécutions et se battent pour leurs survies, doivent ouvrir des yeux ronds en voyant ce qui se passe dans nos piscines. Le pays des droits de l’homme se noie dans un verre d’eau. C’est la honte. Un maire participe à son insu de son plein gré au repli communautaire sur soi et à la régression humaine au pays des lumières.    

L’insoumis M. Corbière est venu au secours de son nouveau camarade vert : il estime lui que c’est simplement un problème d’hygiène. Mais où va se nicher ce qui est « sale ou impur » sur le corps qui n’est pas un objet identitaire des femmes dévêtues ou recouvertes ? Je n’ose répondre. C’est une conception sexiste. N’y a-t-il pas plus d’insécurité si l’ordre public est troublé et si les participant(e)s s’écharpent à coup de serviettes de bains ? C ’est bien en réalité une difficulté de liberté publique dont on teste la résistance puisqu’il s’agit de la laïcité qui est une liberté avec des limites et non pas une interdiction. M. Piolle veut lever tous les interdits. Quel libérateur et surtout maitre-nageur hors pair ! En sa qualité de vert il devrait s’occuper de la nature et de la transition écologique et ne pas vouloir faire le bonheur des gens et le vivre ensemble malgré eux. Si on ne fait rien il va falloir que les tribunaux s’en mêlent ce que je ne souhaite pas car il appartient aux politiques de prendre leurs responsabilités. Si le droit est flou qu’on l’éclaircisse. S’il est tordu qu’on le redresse.

Qu’est un progrès social sinon une mesure qui améliore la situation de tous les citoyen(ne)s. Elle devient universelle si elle peut s’appliquer dans tous les pays du monde. M.Piolle ne réunit pas ces critères. La liberté n’est pas illimitée et elle s’arrête là où commence le droit pour les autres de ne pas être choqués. M. Piolle a donc tout faux. Il a voulu provoquer et discriminer à l’envers celles qui sont adeptes du simple maillot de bain d’une ou deux pièces. Il s’est planté. Il devrait se rappeler la devise de la ville de paris : « Fluctuat nec mergitur ». Elle est battue par les flots mais ne sombre pas. Quand on mélange le vert écologiste et le rouge insoumis on n’obtient jamais du bleu républicain.        

lundi 2 mai 2022

L’avenir est- il derrière nous ?

 

                            L’avenir est- il derrière nous ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Va-t-on dans le mur ? Voulons -nous revivre une cohabitation comme jadis qui conduira à du surplace ou souhaitons -nous avancer ? Depuis la réélection comme président de M. Macron aucun problème sérieux sur fond de guerre n’est évidemment réglé mais un nouveau psychodrame se met en place : y aura-t-il une majorité à l’assemblée permettant de réaliser des réformes ? Ou comment faire en sorte que le chef de l’Etat renouvelé ne fasse pas ce qu’il a annoncé et mener une offensive législative d’obstruction pour l’obliger à prendre des mesures auxquelles il n’aurait pas pensé - ou qui ne lui plaisent pas. Décisions qui doivent sauver la France selon les candidats battus mais satisfaits de leurs hauts scores. Ils estiment que leurs défaites sont des victoires et considèrent avoir gagnés de fait.

M. Macron a reconnu que sur les 58,55 % d’électeurs qui ont voté pour lui une partie venant des partis battus n’approuvait pas son action passée ni ses projets de candidat, mais étant le président de tous et toutes il tiendrait compte des critiques, colères et attentes. Cela ne veut pas dire qu’il va appliquer les programmes de Mme Le Pen, M. Mélenchon, celui des verts ou les demandes de M. Lassalle, y compris celles du parti communiste qui prône à juste titre la bonne chère, la viande et le vin. Sur les 58,55 % il y a eu des électeurs convaincus par M. Macron qui l’ont élu par adhésion et non pour faire barrage, et pour qu’il agisse encore plus sans oublier ce qui a fait défaut selon moi, le régalien c’est-à- dire la sécurité, la justice, les valeurs en général. Avec une réflexion sérieuse sur le voile ou la tenue communautaire au nom de sa liberté individuelle face à la neutralité dans l’espace public. Sont-ils compatibles avec une société laïque par essence collective ? Notre laïcité est- elle toujours universelle ou purement française avec ses traditions, ses mœurs, ses principes ? Il va falloir lever les malentendus après concertation avec les intéressés dans le cadre républicain pour que l’on trouve un modus vivendi. Et que l’on parle de la France. Chacun a ses lubies et une vision de sa société idéale.

L’élection des députés en juin prochain n’est pas un 3ème tour de l’élection présidentielle : deux ont suffi et la loi n’en évoque pas d’autre. C’est une facilité sinon un abus de langage de faire croire que les députés ont le pouvoir de remettre en cause la légitimité de l’élu présidentiel même si le large taux d’abstention inquiète. La démocratie est la loi de la majorité serait-elle composite avec des contre-pouvoirs pour que la minorité existe. Ce ne sont pas quelques excités, les politiques désavoués, les réseaux sociaux composés d’anonymes et les non -votants partis à la pêche qui d’un seul coup sont décideurs et imposent leurs points de vue. Pourquoi pas un 4ème tour social et un 5ème dans la rue !

Les députés ont un rôle fondamental. Ils font la loi et le citoyen a intérêt à élire une personnalité qui a un lien étroit avec son territoire, qui travaille avec les élus locaux, les aide dans leurs dossiers, qui est de proximité, avec qui on peut discuter, et qui a le souci des rapports humains. Un parachuté ne peut que se crasher. Un député ne sera bon législateur que s’il connait la réalité de la vie quotidienne, s’il a parcouru le terrain, et s’il ne se contente pas d’être un idéologue investi avec mission principale de faire triompher des idées et rapporter des sous dans la caisse du parti. Voire de prôner la table rase.  

Le président de la république pour être fort a besoin d’une majorité parlementaire solide et efficace, d’hommes et de femmes qui remontent à Paris des informations sur l’état d’esprit et les besoins de ceux qui vivent en ruralité isolée ou en province avec des spécificités, des élus qui placent l’intérêt des français et de la France au-delà de considérations politiciennes. Comme l’a dit Martin Luther King (auquel je ne me compare pas) je fais un rêve : que pour le 2ème mandat de M. Macron qu’on aime ou pas sa manière d’être et qui à la fin rentrera chez lui à Amiens en Picardie, il puisse réciter le poème de Du Bellay « heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage… et puis est retourné… » et qu’en attendant on trouve des projets qui font consensus, sans rancœurs, qui tirent vers le haut, qui rassemblent. Et donnent de l’espoir.

 Mais il va falloir d’abord élire les députés dont on a besoin aussi si le président veut lancer un ou des référendums puisque selon l’article 89 de la constitution le texte doit préalablement être voté en termes semblables par les députés et les sénateurs. Le sénat grand conseil des sages est déjà là avec sa majorité constructive et raisonnable et il ne faudrait pas une opposition de plus entre les deux institutions. On a parlé d’introduire une dose de proportionnelle pour l’élection des députés. Ce qui ravit les insoumis et le rassemblement national. Mais ce n’est pas pour le scrutin de Juin 2022 qui reste au scrutin majoritaire uninominal à deux tours sauf manœuvre à la Majax. Les déçus non représentés fin juin vont râler « grave » ! surtout s’ils partaient à la reconquête.

Quel choix avons-nous pour juin ? Soit de voter pour les candidats de M. Macron en bloc selon l’usage ancien et la logique présidentielle mais qui ne seront peut- être pas immuables car les français veulent de l’équilibre et pas d’hégémonie. Soit d’élire aussi une opposition responsable, des républicains – ceux de droite et du centre- qui complèteront la majorité au fur et à mesure sur des objectifs définis en commun. Soit voter insoumis et consorts unis après s’être combattus et qui pour un plat de lentilles sont allés à Canossa ou au diable vauvert dans le but de perturber le pouvoir et pour que M. Mélenchon déjà candidat annoncé soit 1er ministre ! Soit avoir un groupe majoritaire du rassemblement national qui va vouloir imposer ses thèmes et va provoquer peut -être des polémiques.  Soit… ce que je ne peux deviner car rien n’est à exclure. Le choix n’est ni dans le progrès forcené ni dans le repli. Ni dans le statu quo. Voyons loin.

Il appartient donc à l’électeur de prendre ses responsabilités en votant. Tout est sur la table. Il faut choisir entre ce qui nourrira et renforcera la nation et ce qui fait plaisir mais sera difficile à digérer. Dans un état de droit le rôle du parlement est fondamental : ne le rabaissons pas et donnons-nous des députés qui sont à la hauteur. Ne jouons pas notre futur à la roulette russe ce qui est toujours risqué et en ce moment est inacceptable. Elle donne le désastre que l’on voit sur les écrans et dans l’exil de millions de pauvres personnes. Elle peut nous conduire au chaos. Nous avons la chance d’être en paix, ne créons pas des querelles stériles et un imbroglio politique qui ne réussira à personne.     

lundi 25 avril 2022

Le roi est mort vive le roi

 

                                 Le roi est mort vive le roi !

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Cette interjection traditionnelle était prononcée quand le roi en exercice mourait. Le successeur prenait aussitôt la place du monarque défunt et était proclamé roi sur le champ quasiment dans la chambre funèbre pour qu’il n’y ait pas de vacance du pouvoir et que les complots ou les ambitions ne fleurissent pas. Après Louis XV ce fut Louis XVI qui par la guillotine perdit la tête tandis que la royauté avait été remplacée par la République, ce qui évitait de crier sa joie à un nouveau César le peuple n’aimant pas du tout le pouvoir absolu qui se voulait d’essence divine de surcroît. De nos jours Jupiter a dit qu’il redescendrait sur terre et qu’il allait tout changer pour plus de bienveillance en matière de gouvernance. Dieu soit loué ! si je peux hasarder cette locution dans notre république laïque : je veux y croire. Avec la disparition de l’ancien régime on ne crie plus dans les palais nationaux et l’alternance quand elle a lieu se fait plus modeste. On se serre ou non la main, on descend ou on remonte le tapis rouge de l’Elysée et au revoir.

Notre constitution organise le fonctionnement de nos institutions avec les pouvoirs exécutif comme législatif et l’autorité judiciaire. Les contre-pouvoirs dont les médias et les réseaux sociaux sont forts.  On a équilibré les pouvoirs pour conduire à l’état de droit qui n’est pas à confondre avec un Etat qui aurait des droits spécifiques. On prône le transparence et toute turpitude suspectée ou erreur de gestion sont dénoncées. Voir le cas Mac Kinsey. Le chef suprême est surveillé. L’excellent professeur de droit constitutionnel Maurice Duverger avait qualifié le président de la république de monarque républicain pour dénoncer des prérogatives qui lui paraissaient incongrues dans notre démocratie représentative où il y a un parlement qui représente le peuple et divers organes de délibération. Mais la pratique présidentielle fait que l’on va plus ou moins vers la concentration des pouvoirs, selon le locataire en titre des lieux.

 Une des réformes urgentes va être de trouver un bon compromis entre la nécessité d’avoir un vrai capitaine à bord qui gère les tempêtes et tient le cap et la volonté de l’équipage d’être entendu, de donner son avis sur les vents et les ports à atteindre, sans que tout le monde pilote et que les marins d’eau douce par leurs exigences nous mènent au naufrage.  La révision constitutionnelle de 1962 sur l’élection du président au suffrage universel menée par le général de Gaulle sur le fondement de l’article 11 et non celui de l’article 89 - ce qui se discute actuellement compte tenu des projets de référendum tous azimuts annoncés par les candidats et l’élu, les juristes sont sur le pont- est désormais acquise. On veut participer pour toute décision. Ce genre de consultation (s) du peuple dans le monde est rare. On voit plutôt des coups d’Etat, des tripatouillages de textes, de la violence et des élections bidons.

Notre constitution doit donc être respectée dans le respect de nos engagements internationaux et européens, sans compter nos valeurs républicaines et universelles qui caractérisent la France. On voit avec la guerre en Ukraine que déchirer les accords ou interpréter dans son sens unique les règles du droit international conduit au désastre humanitaire et à la crise qui peut entrainer trop loin. Le pire ennemi de l’homme c’est lui -même. 

Mais il n’est pas interdit ad vitam aeternam de vouloir modifier la constitution car la vie évolue, les esprits aussi et ce qu’on n’imaginait pas jadis se révèle aujourd’hui impératif. Il est très bien de vouloir donner plus de respiration au peuple, favoriser le dialogue et la concertation, et d’instaurer un système électoral à la proportionnelle en imaginant cependant de donner au président les moyens de gouverner. Sinon c’est le retour vers le futur avec une cohabitation qui est une fausse bonne solution et le blocage des institutions par des groupes minoritaires et le règne de la rue. Il est possible que le référendum d’initiative citoyenne limité à des aspects non régaliens soit un outil utile. Mais le citoyen de bonne foi n’a pas toujours raison. Il faut donc encadrer les revendications catégorielles.

M. Mélenchon qui se croyait couronné a proposé une 6 -ème république et qu’une constituante de citoyens définisse la règle du jeu. Donc invente des institutions ad hoc. C’est une gageure sinon une utopie. C’est mettre la charrue avant les bœufs car il faut définir préalablement les valeurs sur lesquelles on s’appuiera et ce que nous voulons être tous ensemble, le nombre de joueurs sur le terrain… enfin nos divers objectifs. Avec le rôle de la France comme puissance. Et ensuite on cherchera à créer des institutions fortes et agiles qui permettent plus de participation, plus de discussions positives pour finir par un consensus si possible. A défaut le peuple tranchera. Les législatives qui ne sont pas le 3ème tour décideront des choix prioritaires ou créeront … le chaos avec une dispersion des voix ?     

Mais il ne faut que le citoyen boude, refuse tout sous des prétextes divers et arpente le bitume pour que la force impose des revendications. Il doit être actif et voter quand on lui demande pour donner son avis, et qu’il ne considère pas uniquement ses droits en oubliant ses devoirs collectifs. La démocratie n’est pas le bavardage permanent et l’instabilité.

Le président Macron avait tenté par la voie du congrès à Versailles de réformer les institutions, notamment sur la limitation des mandats, sur la proportionnelle et autres mesures démocratiques symboliques. Il a échoué. Les parlementaires doivent cesser de faire de la politique politicienne et les électeurs ne peuvent être indéfiniment en colère et pour le dégagisme en essayant les uns après les autres, voire exiger des expérimentations. On ne trouvera jamais la formule parfaite celle qui plait à tous les citoyens.

Les urnes ont parlé et la démocratie triomphe malgré l’abstentionnisme regrettable. On a failli crier : le roi (le président) est mort (il a été battu) : vive la reine Marine 1ère. Comme quoi tout peut arriver et ceux qui ont voté pour cette dernière ont droit au respect et à la considération. Ils doivent faire partie aussi du paysage politique et on doit les entendre comme tout citoyen qui a voté pour le candidat de son choix serait-il aux extrêmes. Il faut désormais se rassembler et apaiser pour donner des espoirs aux jeunes d’abord mais aussi aux anciens qui ont construit ce qui existe et ont le droit de vivre. La tolérance s’impose. Il ne peut y avoir les gagnants contre les perdants. Le peuple est un. Nos institutions doivent refléter cette réalité. Notre roi -président est vivant et rempile. Il doit être à la hauteur de ses ambitions et de ceux qui attendent du mieux. Dans 5 ans il retournera à la base. Tout ce qui est en haut est en bas et inversement.    

lundi 4 avril 2022

politique et justice un duo improbable

 

              Politique et justice : un duo improbable.

                  Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

Je suis tétanisé par une non-réponse quasi métaphysique qui agite le microcosme parisien sans troubler la France profonde : pourquoi Nicolas Sarkozy ne soutient -il pas publiquement celle qui est issue de ses rangs à savoir Mme Pécresse et il s’apprêterait à choisir M. Macron ? C’est angoissant et l’avenir du pays est en cause ! 

Des méchants disent que M. Sarkozy ne veut pas apparaitre du côté de la défaite annoncée et qu’il est mécontent que son ancienne ministre ait déclaré notamment avoir comme mentor… Jacques Chirac. Et aurait choisi Alain Juppé dans la primaire de 2016. Ce serait petit et mesquin, rancunier c’est moche,et expliquerait en partie pourquoi les français se détournent des affaires publiques et s’abstiennent de voter. La politique apparait comme des combinaisons entre personnalités, la sauvegarde des intérêts personnels et pas la défense de l’intérêt général. On n’ose y croire.

Des plus vicieux suggèrent que Nicolas Sarkozy est préoccupé par son sort judiciaire et qu’il entend préserver sa chance de ne pas être condamné. Nul n’ignore que M. Sarkozy est poursuivi dans plusieurs dossiers, qu’il a été condamné à de la prison mais qu’il a fait appel et que celui-ci sera évoqué dans plusieurs mois. M. Sarkozy ne supporterait pas une condamnation même de principe et encore moins de porter un bracelet électronique comme un vulgaire voyou. On le comprend.  On en déduit que si M. Macron est réélu avec l’aide même muette de M. Sarkozy celui- ci pourrait bénéficier de la clémence des juges, puisque leur supérieur hiérarchique le garde des sceaux est un ministre du chef de l’Etat. C.Q.F.D. Il y aurait donc un lien direct entre les politiques et les juges ? Je n’y crois pas pour plusieurs raisons bien que j’aie 48 ans de barreau mais je suis peut- être encore naïf.

D’abord selon la loi il n’y a plus d’instructions individuelles données pour un dossier spécifique par le ministre aux procureurs les magistrats debouts qui portent l’accusation et qui fixent le niveau de la peine. Et si on apprenait que le téléphone avait fonctionné ou que des rencontres secrètes ont eu lieu ce serait un scandale. L’élection de 2017 a été faussée par l’intervention supersonique du parquet national financier contre M. Fillon et madame ultérieurement condamnés mais qui attendent leur appel, ils sont donc toujours présumés innocents. Bis repetita serait nocif et discréditerait la magistrature pour longtemps.

 Ensuite parce qu’on ne cesse de réclamer plus d’indépendance de la justice et qu’elle passe de son statut d’autorité à celui de pouvoir judiciaire. A égalité avec les pouvoirs exécutif et législatif conformément à la théorie de Montesquieu. Il ne suffit pas d’y prétendre et de s’en gargariser. Il faut que cela soit en pratique. On a bien compris que dans notre état de droit qui caractérise notre démocratie, une justice forte, efficace avec des moyens modernes était de nature à convaincre les citoyens qu’il n’y a pas de plus égaux que d’autres, et qu’il fallait des arbitres neutres pour trancher les litiges, punir quand il le faut sans faiblesse, innocenter ceux qui n’ont commis aucune infraction au -delà de la morale personnelle.  Également d’interpréter la loi si elle est floue ou créer par sa jurisprudence des solutions pour des cas inédits, ou pour une espèce particulière non prévue et qui résulte de l’évolution de la vie. Enfin reconnaitre les droits que chaque individu possède. C’est le rôle des juges du siège qui ne dépendent pas du pouvoir exécutif et qui ne suivent pas aveuglément les réquisitions des procureurs.

Il faut donc des juges insoupçonnables qui ne sont plus nommés par le ministre pour les postes les plus prestigieux. On y réfléchit depuis des années mais on n’a pas trouvé le bon système qui fasse consensus.  D’autant plus que l’on voudrait que leur responsabilité personnelle soit engagée quand les juges dans leurs décisions ont fait une ou des fautes qui ont entrainé des conséquences graves. L’actualité nous prouve qu’elles peuvent exister.

Si M. Macron intervenait discrètement et indirectement pour M. Sarkozy toutes les belles intentions s’envoleraient et ce serait contre- productif car il y a c’est vrai, des juges idéologues, d’autres qui ont une dent contre celui qui les a traités notamment de « petits pois » et les a agités, et enfin ceux qui sont rétifs à toute recommandation qu’on n’appelle pas instructions. Heureusement la très grande majorité des juges appliquent le droit et sont pour l’exemplarité ce qui n’est pas critiquable personne n’étant au- dessus ou au-dessous des lois.   

Je ne vois pas l’intérêt du président actuel et chef de l’Etat peut être futur réélu de s’immiscer dans les dossiers qui concernent M. Sarkozy et de signer un « deal « » avec lui.  Ce serait immoral et illégal. Je ne sais pas si politiquement le soutien de M. Sarkozy à M. Macron paierait mais ce dont je suis certain concernant la justice c’est qu’il y a un grand risque et que le résultat attendu ne sera pas au rendez-vous. Ceux qui répandent ces bruits attentent aux institutions et sont irresponsables car des gens voient des complots et des combines partout, ce qui est les conforter dans leur méfiance. Un peu de dignité et de retenue ne feraient pas de mal dans cette époque énervée où les citoyens sont perdus.

Il faut donc chercher le silence de M. Sarkozy envers la candidate des républicains LR motivé par une raison que seul lui-même peut révéler. Je ne doute pas qu’elle ira dans le sens de la grandeur de la France. Il pourra ainsi préparer sa confrontation avec les juges dans la sérénité sans rien devoir à personne. Avec son talent et sa conviction, pour sa vérité.

En attendant il ne faut pas instiller le doute car les relations quasi incestueuses de jadis entre la politique et le pouvoir et la justice dite aux ordres ont été ravageuses. Il faut clôturer cette période ce qui me parait être déjà le cas, mais tout le monde n’est pas convaincu. La justice comme la femme de César ne doit pas être soupçonnée de complaisance ou de dureté. Elle doit être valorisée, indépendance ne voulant pas dire n’en faire qu’à sa tête sans rendre de comptes. Les politiques doivent se contenter de l’essentiel : réussir les réformes et faire progresser la nation dans l’union. En préservant l’intérêt collectif.

Le duo politique-justice n’est pas lié et doit être irréprochable.  Chacun doit suivre son chemin. Dans son couloir.       

jeudi 31 mars 2022

L’avenir dépend de nous.

 

                               L’avenir dépend de nous.

                        Par Christian FREMAUX avocat honoraire.

Il est toujours hasardeux de transférer des concepts anciens à l’époque contemporaine et prétendre que tel ou telle aurait pris la décision que l’on suggère et qui nous fait plaisir. Ainsi en 2022 pour justifier leurs positions et leurs visions du pays beaucoup de candidats évoquent- ils en vrac Charles Martel, Jeanne d’Arc, Clémenceau ou Jaurès et Charles de Gaulle surtout pour ceux qui ont combattu le général dans leurs partis politiques respectifs dont ils sont les héritiers. La mémoire est sélective et tous les arguments sont bons, même les inaudibles. Des candidats pensent qu’être élu vaut bien une messe ou d’aller à Canossa. Après selon la conjoncture et les faits qui sont têtus on improvisera et l’électeur floué devra se soumettre. Ce n’est pas certain par les temps agités qui courent et l’électeur sent que son vote va déterminer son avenir qui lui appartient : il veut des résultats concrets, de la tranquillité, de la sécurité d’esprit et matérielle, et au plus vite. Il ne veut pas se déranger pour rien !

On dit que la campagne électorale présidentielle a été inexistante en raison de la crise de la covid-19 où l’on voyait jours et nuits à la télévision des infectiologues et experts médicaux qui ne savaient rien mais nous rendaient malades de peur. Puis que la guerre Ukraine -Russie a entrainé une telle angoisse que l’on ne parle que de cela les hauts militaires de réserve et les stratèges de toute nature ayant remplacé les scientifiques dans les étranges lucarnes. On est dans l’émotion, dans l’humanitaire. J’apprends ma géographie de l’Est de l’Europe et son histoire tous les jours, qu’il y a un méchant et un gentil pathétique, que l’Otan est revigorée, que les énergies vont manquer, que les victimes innocentes sont nombreuses … sujets très importants qui se mêlent à nos problèmes internes fondamentaux qui doivent se régler à l’occasion de la présidentielle qui est faite pour cela.

Je ne partage pas cette objection qu’il n’y a pas eu de campagne électorale qui va d’ailleurs se poursuivre jusqu’aux élections législatives de Juin. D’abord parce qu’il est utile et instructif de connaitre le passé à savoir que l’histoire est tragique, que la sérénité de la république démocratique qui est la nôtre n’est pas un long fleuve tranquille à vie, et que tout peut arriver chez nous y compris des soubresauts violents et des confrontations locales entre communautés ou contre les représentants de l’Etat et pour des motifs sociaux voire sociétaux. L’électeur doit voter avec ces hypothèses en tête. Et cela devrait inciter les candidat(e)s à faire des offres ou des projets consensuels, mais réalistes, applicables et non reliés à une idéologie ou au soutien de tel ou tel camp. Ensuite parce que la campagne électorale a lieu de meetings olfactifs à des réunions plus ciblées, et à des joutes entre deux candidats voire à des insultes outre les sondages permanents. L’électeur apprend les propositions de tel ou telle candidat(e) au fur et à mesure qu’il ou elle les révèle ou… en change !  Les candidats se déplacent et vont sur le terrain pour se faire interpeller : c’est sain. On ne peut pas dire je ne savais pas.

 Certes il n’y aura pas un ring réunissant tous les candidats dont M. Macron qui s’invectivent, se disputent et que l’on arbitre 1 (le président sortant) contre 11 (les prétendants qui l’accablent). Il y aurait un vainqueur par KO ou aux points (et non aux poings) ou un match nul et les français(es) admirateurs des épreuves de force auraient été contents. Dans les élections précédentes il n’y a pas eu un débat général avec le président sortant comme nouveau candidat. Je ne parle pas de M. Hollande qui avait renoncé. Pourquoi créer une jurisprudence ? C’est grotesque et inutile dans une démocratie où la raison doit l’emporter, où le dialogue doit être constructif et où le gagnant pourra mettre en œuvre sa politique dans les 5 ans. Sans encourir le reproche d’illégitimité faute de campagne contradictoire avec échange d’arguties en direct. La télévision ne fait pas l’élection. Il y aura le débat du 2ème tour. La rue partiale et partisane et non représentative ne peut jamais diriger et exiger quel qu’en soit le prétexte.  Il lui suffit d’aller voter. On n’a pas besoin d’un boxeur ou d’un karatéka verbal voire d’un débatteur blablateur hors pair qui prodigue des promesses. Le futur chef de l’Etat doit être au-dessus de la contingence sans l’ignorer, écouter tout le monde puis faire l’union en décidant.

Alexis de Tocqueville au 19ème siècle disait que la démocratie a besoin de contre-pouvoirs pour se protéger de la tyrannie de la majorité. On est arrivé au contraire et on cède aux minorités surtout bruyantes et celles qui déconstruisent et veulent que la France se repente, s’excuse et se transforme contrairement à ses valeurs traditionnelles et surtout républicaines. Tout ne se vaut pas. On ne peut remplacer ce qui existe en faisant un pari sur un prétendu apport. La nation n’est pas un territoire où chacun s’installe et fait ce qu’il veut.

Les électeurs détiennent la clé de l’avenir. C’est facile de dire je m’abstiens parce que les politiques sont nuls, corrompus et insuffisants. Et le citoyen a- t -il toutes les qualités pour aller passer quelques minutes dans un isoloir tous les 5 ans pour choisir son futur ? L’électeur ne doit pas se rendre sourd pour ne pas entendre les solutions des candidats, et il doit savoir lire pour examiner ce qu’on lui promet. Les crises nous ont ouvert les yeux : la covid- 19 a montré les limites des pouvoirs de l’Etat et combien il était nécessaire de le réformer avec les services publics et de faire confiance aux élus. Le travail doit redevenir une vertu cardinale et doit mieux payer en première ligne et ailleurs .Il n’y a pas d’argent magique quelqu’un paie à la fin. La proximité s’impose pour tout.

La guerre Ukraine -Russie montre que la démocratie est fragile et qu’elle n’est jamais acquise. Nous devrions être fiers de notre pays et de nos institutions et plus modestes dans nos revendications même s’il est normal de défendre ses intérêts. La violence et les émeutes pour tout et rien ne résolvent aucune difficulté et crispent les esprits. Il ne suffit pas de vouloir et de croire ou de réclamer en hurlant pour que cela soit la vérité. Les minorités peuvent se tromper. Et le progrès pour les uns est une régression pour les autres. Une autre campagne électorale n’aurait rien apporté de plus. Nous avons suffisamment de choix pour aller voter en toute connaissance de cause, en conscience et libertés.

Pensons à ceux qui sont sous les bombes ou qui meurent de faim et de soif ou qui sont victimes de régimes politiques tyranniques. Ne faisons pas les enfants gâtés. Donnons ce qui ne coûte rien l’exemple au monde entier de ce qu’il recherche à savoir pouvoir décider librement. Faisons notre devoir de citoyen éclairé et majeur. Allons aux urnes en masse ne serait- ce que pour déjouer tout pronostic. Nous avons notre destin en mains.      

dimanche 27 mars 2022

Paroles verbales bien qu’écrites.

 

                   Paroles verbales bien qu’écrites.

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire.

On dit qu’il y a parole verbale lorsque le verbe sert à remplacer l’action et ne conduit qu’à des généralités sans conséquences concrètes. C’est de la communication. Une campagne électorale se prête à des annonces parfois échevelées qui ne seront jamais mises en œuvre. Il s’agit de séduire l’électeur. Et les orateurs ne sont pas avare d’effet de manche. Parfois un document officiel écrit peut être considéré comme une parole verbale.

Dans le conflit Ukraine -Russie les instances internationales sont à la manœuvre, l’Onu d’abord. Ensuite les juridictions internationales comme la Cour internationale de Justice [C.I.J.] qui est un organe des Nations Unies et ne juge que les Etats, par exemple pour une difficulté de frontières ou autre sujet plus grave sur plainte d’un Etat. Puis la Cour Pénale internationale [C.P.I.] qui est une juridiction indépendante s’intéressant aux individus, ceux qui décident les chefs d’Etat et leur état- major pour examiner leurs responsabilités en cas de génocide ou crimes contre l’humanité ou de guerre ou crimes d’agression. La C.I.J. fait connaitre ses décisions par voie d’ordonnance ou d’arrêt. La C.P.I. de même.  Nous sommes dans l’écrit mais je fais un parallèle osé avec les paroles verbales car il arrive - c’est le cas en ce moment - que les écrits ne soient suivis d’aucun résultat.

Une résolution à l’ONU est l’expression formelle des Etats avec un préambule qui expose les motifs et un dispositif qui décide et ordonne. Il y a 193 Etats membres. L’assemblée générale de l’ONU dans une résolution du 24 Mars 2022 adoptée par 140 Etats, 5 ayant voté contre et 38 s’étant abstenus a exigé l’arrêt immédiat de la guerre, la protection des civils et le respect du droit international humanitaire. M. Poutine certainement rendu sourd par le bruit de ses bombes n’a pas bronché. Mais il sait lire.

La C.I.J. plus haut tribunal de l’Onu avait déjà ordonné le 19 Mars 2022 à la Russie de suspendre immédiatement ses opérations militaires en Ukraine. Mais en droit les « ordres » de la cour ne sont que des mesures provisoires édictées dans l’urgence en attendant un jugement sur le fond dans un temps lointain. Par ailleurs l’ONU n’a ni le pouvoir prévu par les textes ni les moyens d’envoyer sur le terrain des soldats ou des policiers pour faire respecter ses décisions notamment ses résolutions. Les casques bleus qui se battent contre aucune partie sont forces d’interposition et de maintien de la paix et ne sont déployés que par une décision spécifique du conseil de sécurité où la Russie a un droit de veto, ou par l’assemblée générale. Et sauf si on décidait au cas d’espèce de changer brutalement les règles du droit international et les statuts de l’Onu ce qui ne sera pas demain la veille mais je peux me tromper.

La C.P.I. s’est aussi prononcée fermement. Alors que la Russie n’a pas daigné comparaitre devant la cour, celle- ci a rendu le 16 mars 2022 une ordonnance (c’est comme un jugement) exigeant que la Russie cesse son agression et veille à ce qu’aucune unité militaire régulière ou non (des mercenaires) ne commette d’actes tendant à la poursuite de la guerre y compris sur éventuelle demande des pro-russes du Donbass .Nous sommes encore dans le cadre de mesures conservatoires qui bien qu’obligatoires ne peuvent être appliquées de force à la Russie. M. Poutine qui a compris que les occidentaux ne veulent pas être des co-belligérants continue donc son offensive.

On dit que l’autocrate russe méprise le droit international. C’est vrai quand celui -ci lui est défavorable. Mais il l’utilise à son profit quand il soutient qu’il a déclenché la guerre pour arrêter le génocide des populations anti ukrainiennes dans les régions de Donetsk et Louhansk et pour « dénazifier » l’Ukraine afin qu’elle devienne plus démocratique et se libère d’un régime de profiteurs les oligarques ukrainiens et d’un gouvernement à la solde des USA je suppose ?  Le bluff est énorme et le droit international qui est fondé sur des valeurs universelles ne peut tolérer qu’on lui torde le cou ainsi. Ceci dit que fait- on pour sortir de l’impasse ?  

Soyons pratiques. Pour que les résolutions de l’Onu et les décisions judiciaires de la C.I.J. et de la C.P.I. soient efficaces il faudra créer des moyens d’intervention forcée pour les rendre exécutoires sur place. Sinon on restera dans les intentions louables et on sera à la merci de la bonne volonté d’un agresseur qui décide d’arrêter ou de persévérer voire d’accentuer ses exactions selon son bon vouloir et ses intérêts. La communauté internationale est ridicule en réalité impuissante et les beaux discours les plus raisonnables et émouvants soient-ils ne servent pas à grand-chose. Sauf à mobiliser l’opinion mondiale. Mais un agresseur comme M. Poutine qui doit avoir aussi des visées internes et personnelles se soucie- t- il de l’avis des autres et de la clameur indignée ?

Les coups de menton qui rappellent des mauvais souvenirs de l’histoire ne règlent rien. Les responsables des institutions internationales sont dépourvus quand la bise glaciale vient de l’Est profond. Il faut cependant maintenir la pression et utiliser toutes les sanctions économiques ou individuelles possibles même si elles ont un effet pervers en nous frappant par ricochet. Pourquoi interdire aux entreprises françaises de ne plus travailler en Russie ce qui va entrainer du chômage sur place et chez nous ? Personnellement je trouve injuste de bannir la culture ancienne et les artistes russes contemporains et faire en sorte qu’ils soient tenus pour complices de M. Poutine alors qu’ils sont aussi victimes. On n’est pas obligé de se servir des armes excessives de la guerre et de tout balayer y compris le passé des peuples. On ne lutte pas contre des individus mais contre un régime politique qui a dérivé et un homme submergé par une volonté de puissance et peut être désormais dépassé par le monstre qu’il a créé. Il a « gagné » déjà : l’Otan est ressuscitée ! Et l’Union Européenne s’est soudée et a compris quoi faire pour son avenir. Le tsar de l’ex- KGB ne peut que perdre sur la longueur car la Russie ne sera jamais le maitre du monde. Et un Etat grand par la taille et la population outre son histoire ne peut être au ban des nations ad vitam aeternam. Les diplomates vont devoir trouver un compromis même s’il apparait injuste. En justice souvent toutes les parties sont mécontentes du jugement rendu.

 Les paroles s’envolent mais parfois elles sont plus fortes que les canons et les missiles catalogués comme « défensifs » mais qui tuent aussi. Ne nous donnons pas bonne conscience en se mentant à soi -même. Les écrits, les décisions de justice restent mais souvent ils sont théoriques et posent des pétitions de principe. Soyons réalistes demandons l’impossible : que la guerre cesse et que l’on règle le conflit sur le tapis vert. Que le droit soit une arme de dissuasion massive. La vie y trouvera son compte.      

mercredi 16 mars 2022

Dictateur

 

                                 DICTATEUR

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.  

Lors de l’émission sur TF1 lundi 14 Mars 2022 où les 8 principaux candidats à l’élection présidentielle répondaient à des questions sur le conflit en Ukraine et un peu sur leurs propositions pour les français dans le prochain quinquennat, le journaliste Gilles Bouleau a posé à chacun la même question : M. Poutine est-il un dictateur ? comme si le vocable pouvait avoir une influence sur les combats ou expliquer la motivation de celui qui est un agresseur patenté.

Tous les candidats même ceux qui étaient soupçonnés d’avoir des penchants pour M. Poutine et pour la Russie ont refusé de répondre à la question au prétexte principal qu’un chef d’Etat réfléchit et ne cède pas à l’émotion, n’insulte pas l’avenir, qu’il n’a pas à qualifier péjorativement un collègue Président qu’il va fréquenter et avec qui il va falloir négocier. Ils ont eu raison. Mais personne n’est dupe face à la concentration de tous les pouvoirs dans les mains d’un seul homme. Les candidats ont donc esquivé une réponse franche et massive sauf M. Jadot l’excellent chef de ceux que certains qualifient de khmers verts ! Il a affirmé que oui M. Poutine était un dictateur. Je pense que ce dernier en a tremblé de peur.

Mais qui doutait que les méthodes brutales du chef de guerre russe ne respectaient pas le caractère humain de la vie, ni les canons du droit international et humanitaire ni les règles du droit de la guerre sur la protection des civils notamment ? Si l’on peut admettre qu’il y a des guerres propres qui ne font qu’un minimum de dégâts ! Au Proche et Moyen Orient, en Afrique avec les divisions internes dans les Etats ou sur des territoires, on constate tous les jours les conséquences des guerres ou de ce qui est appelé à l’est de l’Europe « une opération spéciale extérieure ». La guerre ne se divise pas en bonnes et mauvaises actions. 

La Cour Pénale Internationale [C.P.I] de La Haye a ordonné une enquête sur les actes de M. Poutine et de ses complices qui peut être dans l’avenir seront incarcérés pour génocide, crimes contre l’humanité et de guerre et crimes dits « d’agression ».  Mais observons que ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié le traité de Rome de 1998 fondateur de la C.P.I. On en profitera pour examiner ce qu’ont fait les dirigeants ukrainiens dans le Donbass où ils sont accusés de diverses « exactions » pour prendre un mot faible. Dans les causes rien n’est jamais tout blanc ou tout noir malgré les apparences. Et on est solidaire de toutes les victimes.

Le terme dictateur est surtout à usage interne. Ce sont les citoyens russes qui ont déjà connu l’ère soviétique et le goulag qui peuvent qualifier leur président. S’ils osent s’exprimer sans se retrouver en prison ou subir des représailles.  Que nous rapporte à nous démocrates et défenseurs des massacrés et exilés l’épithète de dictateur accolée à M. Poutine ou qu’il soit paranoïaque voire fou ? Qu’il le soit ou non, la guerre reste ce qu’elle est : mortelle.  Et la responsabilité du méchant Poutine est la même. Il y a 50 nuances de dictature ou de totalitarisme mais le résultat est constant : le mal, l’intolérance, la volonté de puissance, la peur de disparaitre ou d’être amoindri, la certitude que sa vérité exclut toute humanité, entrainent des souffrances et des vies brisées. Tout le reste n’est que sémantique. 

Des guerres ont été déclenchées aussi par des dirigeants sains de corps et d’esprit, humanistes déclarés et entourés d’hommes et de femmes raisonnables attachés aux libertés, à la démocratie et au droit. Et dans le respect de la vie la seule querelle qui vaille.  On a vu les conséquences pour les plus récentes en Serbie-Bosnie Herzégovine, en Irak, en Lybie, en Afghanistan, voire en Syrie et chacun a son exemple. Les motifs de guerre étaient louables, d’essence humaniste et libérale vérifiés et avérés du moins en théorie. On combattait pour le bien, pour la civilisation et pour chasser du pouvoir un tyran comme dans la philosophie athénienne. Mais aussi pour défendre des intérêts matériels et stratégiques des Etats ne le rappelons pas trop fort. La décision avait fait l’objet de débats publics et celui qui avait donné l’ordre n’était pas un dictateur. Mais il y a eu la guerre, sale par définition. Il ne faut pas avoir la mémoire courte et sélective.

Que M. Poutine soit un dictateur ce que je déplore peu me chaut. On prend les faits tels qu’ils sont. Serait-il un prétendu démocrate à la mode russe ou de fer que cela ne changerait rien. Saint-Just qui n’hésitait pas à faire couper des têtes affirmait que le bonheur est une idée neuve en Europe. On peut y ajouter que la démocratie telle que nous la concevons est une idée à implanter et conforter en permanence avec ses qualités et ses défauts. Chaque individu a le droit de vivre en liberté sans être à la merci d’autocrates persuadés de savoir ce qui est bon pour leurs peuples ou les autres. Deux guerres mondiales ont déjà eu lieu, évitons la 3 -ème en n’en rajoutant pas. Ce qui n’est pas défendre M. Poutine je le dis aux bien-pensants en proie à l’empathie ce qui est honorable mais ne modifie rien et donneurs de leçons de morale.

Alors dictateur, barbare, mégalomane, despote ou criminel ou tout autre qualification ne changent pas l’action néfaste de M. Poutine. Mais il faudra bien un cessez-le-feu et une sortie de crise qui sont du domaine des diplomates et des politiques. Georges Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour la confier aux militaires. Elle est aussi trop grave pour la laisser à un dirigeant totalitaire et « possédé » comme l’aurait dit     Dostoïevski, sauf à le convaincre que son intérêt est de lâcher du lest sans exiger l’impossible à savoir que l’Ukraine perde de fait sa souveraineté. L’Ukraine devra aussi faire des concessions comme renoncer à son adhésion à l’Otan et/ou perdre le Donbass et la Crimée outre Odessa ? On essaie de trouver un compromis sans choisir son interlocuteur. Personne ne doit perdre la face il faut un gagnant -gagnant.Une guerre se termine mais il faut s’assurer d’une paix solide et durable. Charlie Chaplin le génial Charlot a réalisé en 1940 le film « le dictateur » en visant Mussolini et Hitler. Il contribua à mobiliser l’opinion en faveur des démocraties. Il n’empêcha pas la guerre.

 On peut se faire plaisir par le vocabulaire mais l’essentiel est de trouver des solutions concrètes pour arrêter la lutte armée. Et on doit faciliter l’action de notre chef de l’Etat qui maintient à juste titre le dialogue et essaie de trouver des mesures justes et efficaces. Sans que la France devienne une nation co-belligérante.          

mercredi 9 mars 2022

guerre ou paix et justice

 

                                         Guerre ou paix et Justice.

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 Accoler les termes guerre-justice c’est écrire un oxymore comme une douce violence. La guerre entre Etats se termine sur un champ de bataille avec un vainqueur et un vaincu et surtout deux éclopés, ou sur le tapis vert par la diplomatie qui conduit à la signature d’un traité international donc par des clauses de droit. Voire par une juridiction qui rend un avis ou un arrêt qui tranche juridiquement le conflit. Tout ceci peut entrainer ensuite des difficultés d’exécution ou d’interprétation et reconduire aux armes, le 20-ème siècle nous l’a appris. La justice internationale a-t-elle le pouvoir d’arrêter la guerre ou d’ordonner le cessez- le -feu puisque l’Ukraine a saisi diverses instances pour que la Russie soit contrainte de mettre fin à son agression. M. Poutine va -t- il avoir peur des juges ? La paix dépend-elle du droit international ?

Le philosophe Pascal Bruckner écrit que « les européens prenaient la paix [depuis 1945] pour la norme alors qu’elle n’était que l’exception. La parenthèse est fermée. Le réveil est effroyable ». On ne croyait plus au mal et on pensait que l’Europe permettrait l’harmonie par le droit, avec des frontières ouvertes facilitant l’accueil des plus exposés ou des plus utiles, outre des religions pouvant s’exercer dans l’ignorance de ceux qui ne croient pas et sans les nations devenues désuètes. On a péché par bienveillance et naïveté dans le cadre de la mondialisation qui devait abolir tous les antagonismes malgré quelques perdants. Restaient d’autres valeurs historiques pas matérielles mais humaines et spirituelles avec des individus avides de libertés et de démocratie que l’on a négligées. Notamment le poids de l’histoire des populations longtemps sous le joug, l’espoir de vivre mieux et indépendantes avec des ambitions qui ne plaisent pas à certains. Francis Fukuyama avait annoncé la fin de l’histoire après la chute du mur de Berlin et le triomphe de la démocratie occidentale. Il s’est trompé. On vient de faire dans la précipitation une révision urgente et drastique de la nécessité de la nation, de notre protection contre toute menace sur notre civilisation ou simplement sur notre territoire soyons modestes. Ou pour pallier les errements de dirigeants y compris en Europe qui par leurs comportements hégémoniques ou de puissance entrainent des dommages collatéraux loin de leurs bases. Le terrorisme islamique a redistribué les cartes et a choisi la voie de la terreur, la guerre tous azimuts et permanente. Nos yeux se sont dessillés mais parce qu’en France les grands principes démocratiques prévalent à juste titre on hésite encore à considérer que l’on est attaqué par idéologie globale. On prend des mesures préventives et nos tribunaux jugent les responsables des attentats. Nos forces armées sont prêtes à toute éventualité.

 Il y a des dizaines de conflits armés dans le monde sur tous les continents et parfois plusieurs dans un pays ou une même région. Chaque Etat défend ce en quoi il croit ou parce qu’il est concerné directement, et quand il le peut essaie de participer si on veut de lui à résoudre les difficultés des autres peuples. Les victimes se comptent par millions. L’émotion submerge plus ou moins soyons francs selon les intéressés. Un agresseur ne regrette jamais et se trouve des justifications. Les printemps arabes ou celui de Maïdan en Ukraine ont dégénéré ou n’ont pas produit les fruits attendus. Des démocraties illibérales tendent plus vers des démocratures que des états de droit. L’Ukraine vient de s’apercevoir que l’Otan n’interviendrait pas et que l’union européenne non plus puisque ce pays n’en fait pas partie. Morale ou indignation au vu des souffrances humaines et réalisme politique ne se confondent pas. Le président Zelensky vient de déplorer que « les occidentaux ne tenaient pas leurs promesses ». Il n’aura pas d’avions venant d’un Etat de l’atlantique nord sauf à prendre le risque d’élargir les combats à ceux qui les ont fournis. Est-ce vraiment une surprise un Etat n’ayant que des intérêts et pas d’amis selon la formule cynique classique ? L’Ukraine s’est tournée vers des juridictions internationales, faisons- en la distinction.

L’Ukraine a saisi la Cour Internationale de Justice [C.I.J.] créée en 1945 qui siège à La Haye et qui est un organe de l’ONU où la Russie a un droit de veto. Seul l’un des 193 Etats de cette organisation peut saisir la cour et ses 15 juges. La C.I.J. juge des Etats. Des particuliers ou des Ong ne peuvent être demandeurs. L’Ukraine accuse la Russie d’avoir abusé de la convention pour la prévention et la répression du génocide. Moscou soutient en effet qu’il y a eu des génocides contre les pro-russes dans les régions de Donestsk et Louhansk. La Russie ne s’est pas présentée à la première audience du 7 mars 2022.Aucune mesure d’exécution provisoire à titre conservatoire n’est possible. Les avocats de M. Poutine connaissent certainement leur travail. La procédure est longue, très longue.

La Cour Pénale Internationale [C.P.I.] qui siège aussi à La Haye a été saisie. Elle juge des individus et pas des Etats qui peuvent se retrouver en prison après un long procès selon la procédure anglo-saxonne méticuleuse, contradictoire sur preuves, avec accusation et défense. La CPI a été créée en 1998 par le traité de Rome qui doit être ratifié par les Etats. Les Usa, la Chine, Israël en particulier n’ont pas ratifié le traité et la Russie s’est retirée après l’enquête préliminaire engagée et liée à la Crimée en 2014.La cour juge les crimes de génocide ou ceux contre l’humanité ou de guerre. On se bat sur les définitions et le contenu de ces crimes. Puis sur la réalité des faits. C’est interminable.

Enfin l’Ukraine a saisi la Cour Européenne des droits de l’Homme [C.E.D.H.] qui siège à Strasbourg. Ce n’est ni une juridiction de l’union européenne ni une instance française puisqu’elle dépend du Conseil de l ’Europe. Cette institution regroupe 47 Etats dont la France notamment, puis la Turquie, la Russie et l’Ukraine. La procédure est particulière. Un individu peut la saisir. Cela dure des mois voire des années. Mais il y a des cas d’urgence. Elle s’appuie sur la déclaration universelle des droits de l’homme dont l’interdiction de la torture, de la violence, le droit d’expression et de conscience, d’aller et venir… Je ne crois pas que M. Poutine certain de son bon droit ait la même lecture des droits de l’Homme qu’un vulgaire démocrate « ordinaire » : son argument de droit massue est la raison du plus fort !    

La paix doit venir au plus vite du théâtre de guerre, sur le terrain. Le cessez- le- feu permet aux diplomates donc au droit d’intervenir.  Comme la justice interne la justice internationale a un temps long, et n’évitera ni les drames humains ni les désolations.  Ce n’est pas juste. Mais entre ce qu’il ne faut pas faire qui est injuste et l’ambition humaine il n’y a parfois rien. A chacun de faire ce qu’il peut et à l'Etat qui nous représente d’agir.

 

 

  

mercredi 2 mars 2022

La liberté denrée rare sur le marché

 

                  La liberté denrée rare sur le marché.

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 C’est la guerre sur un territoire aux portes de l’union européenne. On est choqué. Elle l’est déjà ailleurs dans le monde en orient notamment où la réaction chez nous est moins grande pour des motifs divers sauf en ce qui est l’immigration.  La politique internationale, les intérêts des puissances, les égos démesurés, et les rancœurs historiques entrainent souvent des conflits. La mobilisation est générale dans les esprits évidemment pour ceux qui ne sont pas en première ligne et les conseilleurs ne peuvent être les payeurs. Les va-t’en guerre défensive pour des raisons idéologiques et des raisonnement tirés des Ong ou de Saint -Germain des prés avec la réponse du faible au fort doivent mettre un silencieux, sur leur verbe bien sûr ! Des êtres humains ont perdu leurs libertés voire leurs vies et souffrent. Il faut les aider sans restriction. Chacun a son opinion sur l’origine de la lutte armée mais quelles que soient ses raisons l’agresseur a tort. La force ne résout rien. Elle envenime et laisse des séquelles. L’histoire nous l’a appris. Les sentiments submergent mais la diplomatie doit gagner. La Russie ne pourra triompher car elle est déjà au ban des nations. Il faut négocier, concilier et qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu. Facile à écrire j’en ai conscience. Mais l’avenir est en jeu et nos libertés collectives avec. Il faut réfléchir à deux fois avant de s’emparer de la liberté comme d’un étendard qui peut être aussi belliqueux que défensif. Et ne pas affirmer qu’on ira au bout (de quoi ?), qu’on ne cédera jamais : paroles verbales ! Eugène Delacroix a peint la liberté guidant le peuple. Il peut arriver que l’on n’aboutisse nulle part ou qu’il faille retourner en arrière, les divers printemps politiques nous l’ont montré. Mais espérons, car les démocraties sont la seule solution possible et souhaitable.  Avant d’être guillotinée Mme Rolland a soupiré : « Ô liberté que de crimes on commet en ton nom ».

Comparaison n’est pas raison mais il faut savoir parfois en profiter pour réfléchir sur nous- mêmes et voir si on n’est pas des enfants gâtés à propos de libertés. Nous avons l’habitude en France de disperser ou mépriser ce que l’on possède à profusion sans même s’en rendre compte. Le mot liberté est sur toutes les lèvres de nos concitoyens et on est prompt à dénoncer ce qui l’amoindrirait ou serait une atteinte forcément scandaleuse. Peut-on être plus mesuré dans les revendications et tolérant sans juger l’autre avec qui on n’est pas d’accord et en essayant de le comprendre sans l’approuver ou le persuader pour aboutir globalement à une société plus apaisée ? Ce qui n’enlève rien à ceux qui réclament un meilleur sort et combattent les injustices. La liberté qui se trouve sur le marché à l’étranger avec parcimonie et avec une loupe mais qui est plutôt en excellente diffusion en France doit se partager et ne pas être l’apanage de minorités inclusives ou de personnes qui pensent détenir la vérité. La collectivité a des droits. La liberté ne peut être illimitée sinon c’est le désordre et la loi du plus fort, et ne peut résulter que du résultat d’un dialogue objectif. Les ayatollahs de la liberté tous azimuts me critiqueront. Mais j’essaie de ne pas galvauder ce qui est précieux et rare car les mots ont une signification et à trop les interpréter ils se vident de tout sens concret. Prenons dans notre pays peu suspect de dictature ou de totalitarisme les exemples du terrorisme et de la pandémie qui mettent à mal par obligation pratique l’absolu de la liberté. 

 D’abord le terrorisme a obligé nos dirigeants pour préserver nos libertés à faire voter démocratiquement des lois qui ont été qualifiées par certains de liberticides. C’est exact sur le principe. Des libertés ont été quelque peu rognées mais peut-on ne pas se préparer à se défendre contre des actes de guerre et à les sanctionner ,contre la destruction de nos valeurs, de nos choix collectifs, de notre civilisation. Nous avons une culture et un passé que nous devons accepter globalement avec le bon et le mauvais : Clemenceau disait que la révolution est un bloc. Qui peut sérieusement soutenir que le terrorisme n’est pas une attaque pour tuer et déstabiliser, qu’il vient de l’extérieur et encore pire de l’intérieur c’est-à- dire mené par des individus qui ont été élevés en France avec le principe liberté, égalité, fraternité et j’ajoute laïcité, et qui ont profité de la république ? Certes les dispositions légales prises pour lutter contre le terrorisme ont été incluses dans notre arsenal juridique. Et pourraient être utilisés contre ceux qui ne sont pas terroristes, mais délinquants de grande envergure, voire plus modestes ce qui est relatif pour les victimes. C’est un débat concernant l’aspect régalien de la campagne présidentielle et surtout législative qui va suivre. Qui va oser plaider pour les libertés individuelles absolues ? Qui accepterait que le pouvoir exécutif ne prenne pas des dispositions pour protéger la population innocente et pour punir ceux qui nous agressent. Il suffit de lire les comptes rendus de l’actuel procès d’assises qui juge les responsables des attentats de 2015 pour être convaincus que les libertés n’existent que parce que parfois il faut fixer des limites et dire non.Tendre la deuxième joue est réservé à ceux qui croient sans restriction en l’homme bon. Les humanistes ont le devoir de réfléchir et d’allier sagesse et grands principes avec ouverture d’esprit et fermeté.  Jean Bodin a écrit que la seule querelle qui vaille c’est l’homme. Mais parfois la réalité nous rattrape et la liberté peut avoir le visage de Janus. La guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires ou à l’émotion.  

Ensuite la pandémie qui est un autre exemple où les libertés ont été malmenées, mais dans l’intérêt collectif. Le pouvoir toujours avec des votes du parlement a pris des mesures provisoires qui ont concerné nos libertés, celles d’aller et venir, de fréquenter tel ou tel lieu, de devoir porter un masque, et a incité à la vaccination. Certains « résistent » (je n’insiste pas sur le grotesque outrancier de ce terme), car ils veulent être libres de leurs corps, de leur santé donc de mourir ou être malades mais selon leurs choix. Et bien sûr d’être pris en charge si nécessaire dans nos hôpitaux.  Au nom de leur liberté ils refusent toute directive gouvernementale servirait-elle à protéger le reste de la population. La solidarité ne compte pas pour ces rebelles de papier : leurs convictions dominent. C’est un débat de société pour riches puisque dans de nombreux pays il n’y a ni vaccin, ni hôpitaux, ni sécurité sociale, ni solidarité nationale. L’homme / la femme sont ce qu’ils sont avec leurs qualités et leurs défauts. Il faut essayer de les convaincre car le bien n’est pas une donnée naturelle, innée, surtout chez les autres. Il faut plutôt réfléchir au mal en général qui est beaucoup plus difficile à définir et à canaliser ce qui est aussi un problème de liberté(s).  

Descartes a dit que le bon sens était la chose du monde la mieux partagée. Je n’en suis pas certain. Mais je suis sûr que la liberté et la démocratie ne se monnayent pas. Chacun a le droit de vivre selon ses convictions bien que le moi soit haïssable selon Blaise Pascal. Dans le cadre républicain qui soude dans la nation avec ses valeurs et son histoire en ce qui nous intéresse, en écrivant partout liberté comme le poète Paul Eluard en …1942 !          

jeudi 24 février 2022

L’élection notion à géométrie variable ?

 

             L’élection notion à géométrie variable ?

               Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Alors même que la guerre a éclaté non loin de nos frontières, que le sort d’humains est en jeu et qu’il s’agit de la mise en cause de libertés et de souveraineté face à la force quelles que soient les raisons de l’agresseur, ce qui nous touche directement car on ne peut tolérer des violations du droit international et les rapports de force, la vie politique continue. Carpe diem. Car l’échéance finale approche et il ne faut pas rater le vrai départ. Pour l’arrivée c’est plus confus, des crashes sont prévisibles mais on verra. Notre démocratie y résistera.   

Le microcosme politique directement concerné se dispute doctement pour savoir si ce serait un déni de démocratie ou non si des candidats hauts dans les sondages- qu’il ne faut pas confondre avec le vote réel- ne trouvaient pas leurs 500 parrainages et ainsi ne pouvaient pas concourir à l’élection présidentielle. Leurs partisans ne supporteraient pas parait -il ce qu’ils appellent une inégalité de chance et un vice de nos règles de sélection ce qui dure cependant depuis plusieurs élections faut-il le rappeler. Et pourquoi sur les 42.000 élus parrains putatifs seuls environ 10.000 ont -ils répondu ? On devrait se poser cette question de fond à laquelle avec ma petite expérience d’élu local je réponds. Le maire d’intérêt communal déjà contesté pour pratiquement toutes les décisions qu’il prend même s’il les avait annoncées, n’a pas envie d’endosser une étiquette d’un parti qu’il va porter pour le pire et le meilleur pendant tout son mandat et ajouter une couche aux critiques voire agressions qu’il subit quotidiennement même à fleurets mouchetés car la plupart des citoyens sont indulgents et pas violents. Mais pas tous. Nos responsables politiques n’habitant pas systématiquement dans la France profonde et les petites communes où les rapports entre individus sont journaliers et pensant que la transparence devait être totale, ont voté la fin de l’anonymat des parrainages : en en voit le résultat. On assiste à des tractations curieuses puisqu’il est demandé à des potentiels parrains de présenter celui dont ils sont le plus éloigné- c’est du masochisme- et qu’ils ne soutiennent pas. Merci pour cette obscure clarté. L’électeur qui est libre et qui est enjoint de ne pas s’abstenir devra s’y retrouver mais il ne faudra pas ensuite le critiquer si le vote final n’est pas celui qui est attendu et considéré comme démocratique ! Les conseilleurs seront les payeurs ce qui changera.

Qui a intérêt à quoi dans cet imbroglio électoral ? Alors que la règle est ancienne, en 2022 c’est un drame bien qu’aucune majorité politique dans les années passées n’ait vraiment cherché à modifier la loi. La majorité du corps électoral se soucie peu du problème des parrainages car on aura quoiqu’il arrive un(e) élu(e). Le ou la battue estimera qu’il ou elle aurait dû gagner et que des trahisons l’ont plombé et que l’élu (e) n’est pas légitime car son score du 1er tour était étriqué. Ceux qui n’ont pas gagné au tirage des parrainages contesteront tout en prétendant que leurs idées -forcément merveilleuses- n’ont pas été débattues et qu’ainsi le citoyen n’a pas été informé comme il aurait dû l’être. Que sa liberté de choix a été amoindrie. Le grattage n’est donc pas payant.

C’est prendre l’électeur pour un légume - je m’excuse de cette comparaison auprès des végans- et je ne crois pas que le citoyen français certainement l’un des plus politiques au sens civique et non partisan au monde puisse être dupé par ce genre d’arguments simplistes En revanche il appartient au citoyen d’être plus démocrate que la classe politique qui s’est lancée dans cette élection dans un concours de démagogie, de débauchage, de mercato de personnalités qui souvent ne représentent qu’elles, sans pour autant nous expliquer leurs programmes et surtout la faisabilité de ceux -ci (qui va payer quoi puisque les caisses sont vides pour longtemps), sans modifier tout notre arsenal juridique, ou changer la constitution de fond en comble voire la république, ou substituer des quidams tirés au sort à la place d’experts ou des représentants élus, ou ponctionner les riches, ou de déconstruire en peignant tout en vert ou en écrivant en écriture inclusive (difficile à déchiffrer) et non genrée ou racialisée…  Que veut dire participer à une élection, sauf à élire seulement une personnalité qui va incarner le pouvoir sans avoir raison sur tout et que l’on aime plus ou moins. Puis mettre en musique la composition des musiciens que sont les citoyens et accorder les instruments pour éviter la cacophonie ? 

Elle sert à conforter la démocratie c’est-à -dire le gouvernement du peuple en toutes ses composantes parfois contradictoires en lui permettant de les exprimer et de les faire reconnaitre, et par le peuple ce qui est complexe à mettre en pratique surtout par ces temps de burn-out. Etienne de la Boétie avait écrit en 1576 le discours de la servitude volontaire. A notre époque où toute autorité est assimilée à du totalitarisme, où toute contrainte même librement consentie et votée démocratiquement car justifiée dans l’intérêt général est considérée comme liberticide, l’art et la méthode de gouverner sont devenus épiques. L’élection est faite pour rassembler sur les plus grands dénominateurs communs. Elle doit révéler ce qui fait sens, ce qui grandit, ce qui donne de l’espoir et entraine vers le haut. Elle a pour mission de rassurer ceux qui doutent, protéger tout le monde, donner sa chance à égalité de naissance, de déterminismes. L’élection n’est pas faite tous les 5 ans pour gouverner tranquilles sans avoir à rendre des comptes. Mais l’élection c’est aussi de la responsabilité des électeurs. Il est facile de s’abstenir au prétexte que l’on n’entend pas ce qui nous plait ; que les candidats sont médiocres et les promesses jamais tenues ; que le citoyen n’est pas suffisamment consulté et écouté ; qu’il y a des plus égaux que d’autres ; qu’on n’a pas le temps d’aller au bureau de vote ; ou élection « piège à cons » comme en mai 68…

 L’actualité géopolitique sur à peu près tous les continents où les bruits de bottes remplacent ceux des urnes et désormais près de nous, devrait nous inciter à nous ressaisir et aller voter en masse puisqu’on en a le droit. L’élection n’est pas une notion à géométrie variable que l’on utilise au choix, quand on veut, si l’on veut. C’est une obligation permanente et il suffit de se rappeler les combats passés avec des morts dans l’histoire pour être convaincu que l’on ne peut se dérober. Soutenons ceux qui se battent actuellement pour leurs libertés en votant chez nous pour montrer la voie. Les intérêts des nations sont fluctuants et fragiles. Parfois ils tiennent à un pouvoir idéologique, à une volonté de puissance, à un dirigeant qui comme la grenouille veut se faire aussi grosse que le bœuf.