L’avenir
dépend de nous.
Par Christian
FREMAUX avocat honoraire.
Il est toujours
hasardeux de transférer des concepts anciens à l’époque contemporaine et prétendre
que tel ou telle aurait pris la décision que l’on suggère et qui nous fait plaisir.
Ainsi en 2022 pour justifier leurs positions et leurs visions du pays beaucoup
de candidats évoquent- ils en vrac Charles Martel, Jeanne d’Arc, Clémenceau ou Jaurès
et Charles de Gaulle surtout pour ceux qui ont combattu le général dans leurs
partis politiques respectifs dont ils sont les héritiers. La mémoire est
sélective et tous les arguments sont bons, même les inaudibles. Des candidats
pensent qu’être élu vaut bien une messe ou d’aller à Canossa. Après selon la
conjoncture et les faits qui sont têtus on improvisera et l’électeur floué
devra se soumettre. Ce n’est pas certain par les temps agités qui courent et
l’électeur sent que son vote va déterminer son avenir qui lui appartient :
il veut des résultats concrets, de la tranquillité, de la sécurité d’esprit et
matérielle, et au plus vite. Il ne veut pas se déranger pour rien !
On dit que
la campagne électorale présidentielle a été inexistante en raison de la crise
de la covid-19 où l’on voyait jours et nuits à la télévision des infectiologues
et experts médicaux qui ne savaient rien mais nous rendaient malades de peur. Puis
que la guerre Ukraine -Russie a entrainé une telle angoisse que l’on ne parle
que de cela les hauts militaires de réserve et les stratèges de toute nature
ayant remplacé les scientifiques dans les étranges lucarnes. On est dans l’émotion,
dans l’humanitaire. J’apprends ma géographie de l’Est de l’Europe et son
histoire tous les jours, qu’il y a un méchant et un gentil pathétique, que l’Otan
est revigorée, que les énergies vont manquer, que les victimes innocentes sont
nombreuses … sujets très importants qui se mêlent à nos problèmes internes fondamentaux
qui doivent se régler à l’occasion de la présidentielle qui est faite pour cela.
Je ne
partage pas cette objection qu’il n’y a pas eu de campagne électorale qui va
d’ailleurs se poursuivre jusqu’aux élections législatives de Juin. D’abord
parce qu’il est utile et instructif de connaitre le passé à savoir que
l’histoire est tragique, que la sérénité de la république démocratique qui est
la nôtre n’est pas un long fleuve tranquille à vie, et que tout peut arriver chez
nous y compris des soubresauts violents et des confrontations locales entre
communautés ou contre les représentants de l’Etat et pour des motifs sociaux
voire sociétaux. L’électeur doit voter avec ces hypothèses en tête. Et cela
devrait inciter les candidat(e)s à faire des offres ou des projets consensuels,
mais réalistes, applicables et non reliés à une idéologie ou au soutien de tel ou
tel camp. Ensuite parce que la campagne électorale a lieu de meetings olfactifs
à des réunions plus ciblées, et à des joutes entre deux candidats voire à des
insultes outre les sondages permanents. L’électeur apprend les propositions de
tel ou telle candidat(e) au fur et à mesure qu’il ou elle les révèle ou…
en change ! Les candidats se déplacent et vont sur le terrain pour se
faire interpeller : c’est sain. On ne peut pas dire je ne savais pas.
Certes il n’y aura pas un ring réunissant tous
les candidats dont M. Macron qui s’invectivent, se disputent et que l’on arbitre
1 (le président sortant) contre 11 (les prétendants qui l’accablent). Il y
aurait un vainqueur par KO ou aux points (et non aux poings) ou un match nul et
les français(es) admirateurs des épreuves de force auraient été contents. Dans
les élections précédentes il n’y a pas eu un débat général avec le président
sortant comme nouveau candidat. Je ne parle pas de M. Hollande qui avait
renoncé. Pourquoi créer une jurisprudence ? C’est grotesque et inutile
dans une démocratie où la raison doit l’emporter, où le dialogue doit être
constructif et où le gagnant pourra mettre en œuvre sa politique dans les 5
ans. Sans encourir le reproche d’illégitimité faute de campagne contradictoire
avec échange d’arguties en direct. La télévision ne fait pas l’élection. Il y
aura le débat du 2ème tour. La rue partiale et partisane et non représentative
ne peut jamais diriger et exiger quel qu’en soit le prétexte. Il lui suffit d’aller voter. On n’a pas besoin
d’un boxeur ou d’un karatéka verbal voire d’un débatteur blablateur hors pair
qui prodigue des promesses. Le futur chef de l’Etat doit être au-dessus de la
contingence sans l’ignorer, écouter tout le monde puis faire l’union en
décidant.
Alexis de
Tocqueville au 19ème siècle disait que la démocratie a besoin de
contre-pouvoirs pour se protéger de la tyrannie de la majorité. On est arrivé
au contraire et on cède aux minorités surtout bruyantes et celles qui déconstruisent
et veulent que la France se repente, s’excuse et se transforme contrairement à
ses valeurs traditionnelles et surtout républicaines. Tout ne se vaut pas. On
ne peut remplacer ce qui existe en faisant un pari sur un prétendu apport. La
nation n’est pas un territoire où chacun s’installe et fait ce qu’il veut.
Les électeurs
détiennent la clé de l’avenir. C’est facile de dire je m’abstiens parce que les
politiques sont nuls, corrompus et insuffisants. Et le citoyen a- t -il toutes
les qualités pour aller passer quelques minutes dans un isoloir tous les 5 ans
pour choisir son futur ? L’électeur ne doit pas se rendre sourd pour ne
pas entendre les solutions des candidats, et il doit savoir lire pour examiner
ce qu’on lui promet. Les crises nous ont ouvert les yeux : la covid- 19 a
montré les limites des pouvoirs de l’Etat et combien il était nécessaire de
le réformer avec les services publics et de faire confiance aux élus. Le
travail doit redevenir une vertu cardinale et doit mieux payer en première
ligne et ailleurs .Il n’y a pas d’argent magique quelqu’un paie à la fin. La
proximité s’impose pour tout.
La guerre Ukraine -Russie montre que la démocratie est fragile
et qu’elle n’est jamais acquise. Nous devrions être fiers de notre pays et de
nos institutions et plus modestes dans nos revendications même s’il est
normal de défendre ses intérêts. La violence et les émeutes pour tout et rien
ne résolvent aucune difficulté et crispent les esprits. Il ne suffit pas
de vouloir et de croire ou de réclamer en hurlant pour que cela soit la vérité.
Les minorités peuvent se tromper. Et le progrès pour les uns est une
régression pour les autres. Une autre campagne électorale n’aurait rien apporté
de plus. Nous avons suffisamment de choix pour aller voter en toute connaissance
de cause, en conscience et libertés.
Pensons à
ceux qui sont sous les bombes ou qui meurent de faim et de soif ou
qui sont victimes de régimes politiques tyranniques. Ne faisons pas les enfants
gâtés. Donnons ce qui ne coûte rien l’exemple au monde entier de ce
qu’il recherche à savoir pouvoir décider librement. Faisons notre devoir
de citoyen éclairé et majeur. Allons aux urnes en masse ne serait- ce que pour déjouer
tout pronostic. Nous avons notre destin en mains.