L’élection
notion à géométrie variable ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire.
Alors même
que la guerre a éclaté non loin de nos frontières, que le sort d’humains est en
jeu et qu’il s’agit de la mise en cause de libertés et de souveraineté
face à la force quelles que soient les raisons de l’agresseur, ce qui nous
touche directement car on ne peut tolérer des violations du droit international
et les rapports de force, la vie politique continue. Carpe diem. Car l’échéance
finale approche et il ne faut pas rater le vrai départ. Pour l’arrivée c’est
plus confus, des crashes sont prévisibles mais on verra. Notre démocratie y
résistera.
Le microcosme
politique directement concerné se dispute doctement pour savoir si ce serait un
déni de démocratie ou non si des candidats hauts dans les sondages-
qu’il ne faut pas confondre avec le vote réel- ne trouvaient pas leurs 500
parrainages et ainsi ne pouvaient pas concourir à l’élection présidentielle. Leurs
partisans ne supporteraient pas parait -il ce qu’ils appellent une inégalité de
chance et un vice de nos règles de sélection ce qui dure cependant depuis
plusieurs élections faut-il le rappeler. Et pourquoi sur les 42.000 élus
parrains putatifs seuls environ 10.000 ont -ils répondu ? On devrait se
poser cette question de fond à laquelle avec ma petite expérience d’élu local
je réponds. Le maire d’intérêt communal déjà contesté pour pratiquement toutes
les décisions qu’il prend même s’il les avait annoncées, n’a pas
envie d’endosser une étiquette d’un parti qu’il va porter pour le pire et
le meilleur pendant tout son mandat et ajouter une couche aux critiques voire
agressions qu’il subit quotidiennement même à fleurets mouchetés car la plupart
des citoyens sont indulgents et pas violents. Mais pas tous. Nos responsables politiques
n’habitant pas systématiquement dans la France profonde et les petites communes
où les rapports entre individus sont journaliers et pensant que la transparence
devait être totale, ont voté la fin de l’anonymat des parrainages : en en
voit le résultat. On assiste à des tractations curieuses puisqu’il est
demandé à des potentiels parrains de présenter celui dont ils sont le plus
éloigné- c’est du masochisme- et qu’ils ne soutiennent pas. Merci pour cette
obscure clarté. L’électeur qui est libre et qui est enjoint de ne pas
s’abstenir devra s’y retrouver mais il ne faudra pas ensuite le critiquer
si le vote final n’est pas celui qui est attendu et considéré comme démocratique
! Les conseilleurs seront les payeurs ce qui changera.
Qui a
intérêt à quoi dans cet imbroglio électoral ? Alors que la règle est
ancienne, en 2022 c’est un drame bien qu’aucune majorité politique dans les
années passées n’ait vraiment cherché à modifier la loi. La majorité
du corps électoral se soucie peu du problème des parrainages car on aura
quoiqu’il arrive un(e) élu(e). Le ou la battue estimera qu’il ou elle
aurait dû gagner et que des trahisons l’ont plombé et que l’élu (e) n’est pas
légitime car son score du 1er tour était étriqué. Ceux qui n’ont pas
gagné au tirage des parrainages contesteront tout en prétendant que leurs idées
-forcément merveilleuses- n’ont pas été débattues et qu’ainsi le citoyen n’a
pas été informé comme il aurait dû l’être. Que sa liberté de choix a été
amoindrie. Le grattage n’est donc pas payant.
C’est
prendre l’électeur pour un légume - je m’excuse de cette comparaison auprès des
végans- et je ne crois pas que le citoyen français certainement l’un des plus
politiques au sens civique et non partisan au monde puisse être dupé par ce
genre d’arguments simplistes En revanche il appartient au citoyen d’être plus
démocrate que la classe politique qui s’est lancée dans cette élection dans un
concours de démagogie, de débauchage, de mercato de personnalités qui souvent
ne représentent qu’elles, sans pour autant nous expliquer leurs programmes et
surtout la faisabilité de ceux -ci (qui va payer quoi puisque les caisses sont
vides pour longtemps), sans modifier tout notre arsenal juridique, ou
changer la constitution de fond en comble voire la république, ou substituer
des quidams tirés au sort à la place d’experts ou des représentants élus, ou ponctionner
les riches, ou de déconstruire en peignant tout en vert ou en écrivant en
écriture inclusive (difficile à déchiffrer) et non genrée ou racialisée… Que veut dire participer à une élection, sauf
à élire seulement une personnalité qui va incarner le pouvoir sans avoir raison
sur tout et que l’on aime plus ou moins. Puis mettre en musique la composition
des musiciens que sont les citoyens et accorder les instruments pour éviter la
cacophonie ?
Elle sert à
conforter la démocratie c’est-à -dire le gouvernement du peuple en toutes ses
composantes parfois contradictoires en lui permettant de les exprimer et de les
faire reconnaitre, et par le peuple ce qui est complexe à mettre en
pratique surtout par ces temps de burn-out. Etienne de la Boétie avait écrit en
1576 le discours de la servitude volontaire. A notre époque où toute autorité
est assimilée à du totalitarisme, où toute contrainte même librement consentie
et votée démocratiquement car justifiée dans l’intérêt général est
considérée comme liberticide, l’art et la méthode de gouverner sont devenus
épiques. L’élection est faite pour rassembler sur les plus grands dénominateurs
communs. Elle doit révéler ce qui fait sens, ce qui grandit, ce qui donne de
l’espoir et entraine vers le haut. Elle a pour mission de rassurer ceux qui doutent,
protéger tout le monde, donner sa chance à égalité de naissance, de déterminismes.
L’élection n’est pas faite tous les 5 ans pour gouverner tranquilles sans avoir
à rendre des comptes. Mais l’élection c’est aussi de la responsabilité des
électeurs. Il est facile de s’abstenir au prétexte que l’on n’entend pas
ce qui nous plait ; que les candidats sont médiocres et les promesses
jamais tenues ; que le citoyen n’est pas suffisamment consulté et écouté ;
qu’il y a des plus égaux que d’autres ; qu’on n’a pas le temps d’aller au
bureau de vote ; ou élection « piège à cons » comme en mai 68…
L’actualité géopolitique sur à peu près tous
les continents où les bruits de bottes remplacent ceux des urnes et désormais près
de nous, devrait nous inciter à nous ressaisir et aller voter en masse
puisqu’on en a le droit. L’élection n’est pas une notion à géométrie variable
que l’on utilise au choix, quand on veut, si l’on veut. C’est une obligation permanente
et il suffit de se rappeler les combats passés avec des morts dans l’histoire
pour être convaincu que l’on ne peut se dérober. Soutenons ceux qui se battent
actuellement pour leurs libertés en votant chez nous pour montrer la voie. Les
intérêts des nations sont fluctuants et fragiles. Parfois ils tiennent à un
pouvoir idéologique, à une volonté de puissance, à un dirigeant qui comme la grenouille
veut se faire aussi grosse que le bœuf.