jeudi 2 décembre 2021

Voltaire est -il devenu ringard ?

 

                      Voltaire est -il devenu ringard ?

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

La pré- campagne présidentielle est pathétique pour certains clans qui ne sont pas sûrs d’être dans la course ou qui n’arrivent pas à régler leurs affaires internes et plutôt insipide pour tous. Les arguments que l’on entend ne sont pas à la hauteur des enjeux. On en reste à l’indignation et à l’émotion sans rien expliquer de façon rationnelle sans fournir la moindre solution et on se perd dans des détails qui n’ont pas d’importance au lieu de hausser le niveau et aborder ce qui intéresse l’avenir des français et du pays. Personnellement j’ai des convictions, j’ai déjà éliminé tous ceux qui sont des extrêmes de tout bord rouge, brun ou vert et tout radicalisé dans le discours ou les croyances, car comme le prince de Talleyrand-Périgord je pense que tout ce qui est excessif est insignifiant. Je m’applique le principe de précaution. Je me déterminerai au 1er tour pour un(e) candidat(e) quand les programmes seront connus, les possibilités concrètes d’amélioration ou de réformes développées, en tenant compte du contexte européen que l’on ne peut écarter d’un revers de main tout en voulant être souverain dans notre droit et par notre constitution avec nos valeurs républicaines et notre art de vivre humaniste. Vaste programme qui dépend aussi de la conjoncture internationale, et n’oublie pas la fin du mois dans une planète plus préservée sans l’idéologie punitive et dé- constructrice d’exaltés. Un libéralisme politique avec des contrepouvoirs puissants mâtiné d’Etat indispensable me ferait plaisir. Je crains que mon profil idéal soit une utopie et je voterai pour celui ou celle qui s’en rapprochera le plus.  L’écume des vantardises ne me touche pas.

                                           Un candidat et la tolérance.

Bien qu’avocat je ne défends aucun candidat. D’ailleurs personne ne me demande rien c’est vexant ! D’habitude en matière d’élections grâce aux procédures spéciales d’urgence la justice intervient pour départager des candidats à propos de ce qu’ils disent, ce qu’ils ont affiché ou diffusé, sur leurs critiques réciproques, leurs vies privées…voire des illégalités. Attendons donc pour voir en se souvenant du parquet national financier et de M. Fillon.

Puisque M. Zemmour candidat officiel et non plus journaliste -polémiste semble pour l’instant attirer la lumière et qu’on veut le renvoyer dans l’ombre sinon à l’ombre, parlons de sa déclaration de candidature que je n’ai pas vue : cela me donne la légitimité pour en parler comme le font plusieurs intéressés à en rajouter ou désintéressés au point de mettre de l’huile sur le feu. Je ne suis ni pour ni contre lui, au contraire aurait dit Pierre Dac.

Paul Claudel disait que pour la tolérance il y avait des maisons. Mais ceux qui sont hargneux sur les réseaux sociaux ne savent plus où ils habitent et se vantent de leur impunité donc de leur absence de responsabilités. Leur bile est contreproductive et donnera un mal de foi[e] d’ici peu.

                                     Deux poids deux mesures ?  

A la fin de son beau discours pour la panthéonisation de Mme Joséphine Baker le président Macron a terminé par un vibrant Vive la République, Vive la France avant que la Marseillaise ne retentisse. On était ému. M. Zemmour dans un décor crépusculaire qui n’annonce rien de bon au micro de sa radio -vidéo. isée a achevé sa candidature par les mots : Vive La République et surtout Vive la France. C’est l’adverbe surtout qui veut dire avant tout ou plus particulièrement qui a déclenché la polémique.  Des exégètes zélés et naturellement neutres se sont aussitôt écriés que M. Zemmour voulait mettre à bas « la gueuse » comme les monarchistes l’appelaient, pour établir une sorte de régime de Vichy Pétainisé contre tous les étrangers dont les juifs et évidemment les migrants avec le privilège blanc et je passe d’autres considérations. Je ne me risque pas à interpréter la pensée de M. Zemmour. Il est assez grand pour le faire lui-même ;

                       La France est- elle la République et réciproquement ?

 Mais ce qui ne m’a pas plu c’est de considérer que la France était simplement et uniquement la République et qu’il ne fallait pas distinguer. Sauf à avoir fait régulièrement l’école buissonnière ou d’être un décrocheur précoce, personne y compris les cancres que ne sont pas les candidats au poste suprême ou les commentateurs professionnels du moins je l’espère, ne peut ignorer l’histoire de France, sa construction avec la monarchie, puis la 1ère république qui conduit à l’empire, enfin la République définitivement au moins depuis 1875 quelles que soient les crises, guerres et menaces diverses. Sur ce sujet on fait une querelle d’allemands à M. Zemmour qui a d’autres croyances ou obsessions que l’on peut combattre. N’est -ce pas Voltaire qui disait « je ne partage pas vos idées mais je me ferai tuer pour que vous puissiez les exprimer ». Puis il allait se réfugier à Ferney ou partait en un exil proche quand ses propres idées chagrinaient des puissants. On ne peut quand même pas demander à nos courageux moralistes de salon auto-satisfaits de leur générosité sans conséquences pour eux de s’installer à la Bastille ou de se réfugier en Andorre ou à Monaco.

                                           Sur la République.

Le seul à vouloir une autre République la VI -ème est M. Mélenchon qu’on ne soupçonne pas de noirs desseins et qu’on ne critique pas vivement même si on ne connait rien du contenu de sa République que l’on devine forcément plus démocratique, plus participative, plus ouverte et plus distributive. La République est un mode d’organisation des pouvoirs publics qui n’est pourtant pas adoptée par tous les pays réellement démocratiques, comme notre pratique à la Française avec notre système semi-présidentiel : le chef de l’Etat élu au suffrage universel direct décide ; le gouvernement met en forme, détermine et conduit la politique de la nation et le parlement vote ou non. Comme la démocratie, la République est le pire des régimes juridiques à l’exception de tous les autres pour paraphraser W. Churchill.  Des élections à tout niveau ; un état de droit avec des contre- pouvoirs ; des valeurs dont les droits de l’homme largement interprétés d’ailleurs ; et des grands principes. Ainsi l’article 1 de la constitution indique que la république est indivisible, laïque, démocratique et sociale, avec la devise liberté, égalité fraternité. 

                                                 Sur la France.

La France est une nation qui s’est constituée au fil des siècles, qui rassemble les citoyens de toute origine qui acceptent sans oublier qui ils sont de suivre et d’appliquer les principes et valeurs républicains pour intégrer une civilisation à laquelle ils croient. La France ne répond pas à une définition figée, elle est unique, s’adapte à la modernité mais demeure immuable dans ses fondements universels. On s’y réfère dans le monde. Elle dépasse les individus ou les communautés elle n’est pas la somme de particularismes. Elle est faite de chair et de sang et d’âme qui transcende. Elle a du mépris pour des intérêts matériels personnels qui ne sont pas de son royaume, tout en faisant assurer le bien- être dans la paix de tous. Elle ne dépend pas d’un régime politique mais a besoin d’institutions fortes, de stabilité pour affirmer sa puissance et sa souveraineté.  Elle a des intérêts vitaux, protège tous ses enfants où qu’ils soient, défend une identité qui peut évoluer dans un cadre plutôt hédonique à faire progresser pour tous qui a fait ses preuves.  Elle est d’essence naturelle supérieure à son organisation constitutionnelle. Tous les candidats devraient faire connaitre leur vision de la France au lieu de s’en tenir à des propositions techniques. Ils se reconnaissent tous dans le général de Gaulle qui pensait qu’il y avait dans l’ordre : la France, l’Etat, le droit.

             Je n’ai jamais si bien compris la plaine que du haut des montagnes (Ibsen).

Au secours Voltaire, à l’aide les humanistes, les démocrates et les raisonnables ils sont devenus fous. Parler de la France au lieu de la planète et de la fin du mois va être un handicap. Où est la tolérance des idées, le débat qui grandit ? Je n’aime pas les leçons de morale. Quand le sage montre la lune l’idiot regarde le doigt qu’il soit celui controversé de M. Zemmour ou le sien et pourquoi pas le mien pour éviter de se regarder le nombril.   

 

 

 

 

 

 

 

 

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