lundi 30 mars 2020

souviens-toi de l'avenir


                      Souviens- toi de l’avenir.
                      par Christian FREMAUX Avocat honoraire
J’ai eu une très vieille voisine charmante, érudite, dynamique, madame Anne-Dominique Kapferer professeure émérite, écrivaine, qui avait la mémoire du XXème siècle où elle avait connu les guerres et ses conséquences humaines, et tout le milieu intellectuel et artistique. J’emprunte le titre d’un de ses ouvrages paru aux éditions l’Harmattan en 2008.  
Toute crise oblige à se regarder dans le miroir qui nous renvoie l’image de ce que nous sommes : il nous appartient de devenir ce que l’on veut être, ou ce qu’on est sans le savoir, de créer ce que l’on prétend vouloir faire et de ne pas se raconter d’histoires à nous -même. Chacun peut devenir son propre héros s’il s’y oblige à son niveau.
Avec la crise du coronavirus, Il y a les courageux ceux qui sont sur le terrain qui assument leur travail quoiqu’il leur en coûtera et qui n’attendent rien à peine un merci voire une prime si les promesses sont tenues. On se rappelle que les policiers et les gendarmes étaient acclamés  comme des héros  après les attentats  contre Charlie hebdo. Rapidement ils furent les ennemis accusés de violences par ceux là mêmes qui les avaient portés aux nues. Et puis il y a les confinés dont moi, qui restent chez eux, qui ne participent à rien et qui attendent des jours meilleurs en faisant confiance aux pouvoirs publics et aux soignants.  Sont-ils moins citoyens que les autres ? Un héros peut-il rester confiné ?
 Les devoirs sont une notion qui est devenue abstraite. Faudra -t -il la revitaliser, l’enseigner encore plus comme le civisme dans nos écoles pour que l’on retrouve le sens du dévouement -je n’évoque pas le sacrifice ce serait beaucoup y compris pour ma personne- et de la nation qui rassemble et donne de l’espoir car nous ne sommes plus seuls, c’est -à- dire de l’intérêt général ? S’y ajoute la prise en compte de son prochain que l’on peut toucher et fréquenter car il partage des valeurs et des malheurs communs, et qui se distingue selon le philosophe Robert Redeker de l’autre qui est plus évanescent et théorique « une abstraction pour belles âmes des beaux quartiers » écrit- il.  La crise du coronavirus qui frappe les jeunes comme les moins jeunes, les ministres et puissants ou des personnalités comme les inconnus, nous oblige à réfléchir sur l’avenir pour re- bâtir une autre société démocratique, plus solidaire, plus respectueuse, moins capricieuse et exigeante, plus de proximité ancrée sur des territoires là où vivent les gens dont on s’aperçoit que les villes ont besoin. Les grands principes du conseil national de la résistance  sont ignorés  dans la société hédoniste qui n’admet aucune entrave et qui parle business : les vols de masques, la vente de protections, le refus pour certains d’exécuter les mesures de confinement  indignent le citoyen moyen , mais ils sont révélateurs de tempéraments matérialistes que nous n’avons pas assez pris au sérieux, comme les trafics de drogue qui s’épanouissent par livraison directe et paiement sans contact que les forces de l’ordre ne peuvent arrêter car obliger au confinement n’est pas «  une priorité » (sic) a déclaré le ministre, et  il ne faut pas provoquer les banlieues. Il parait aussi que le cannabis réduit les angoisses :  tout est dit. Les obligations de la loi sont à option pour certains et depuis le temps que l’on attend pour tenter de reprendre pied dans certains territoires comme le gouvernement s’y efforce, les paroles verbales ne suffiront pas. Il faudra y mettre en concertation avec les maires et élus locaux, les moyens juridiques, matériels et financiers ajustés et non saupoudrés dans le vide pour calmer telle ou telle catégorie, humains, politiques, et permanents. Si on sait se battre contre une guerre sanitaire, il n’est pas pensable que l’on ne vienne pas à bout de quartiers insurrectionnels et séparatistes qui font du chantage à l’émeute, et qui pourrissent en plus la santé des habitants. Mais c’est pour après et il ne faudra pas oublier.  
 Comme on peut faire n’importe quoi en cette époque baroque, Je vais faire un parallèle osé avec le passé en nous reliant avec ceux qui ont donné leur vie pour que nous restions des citoyens libres. Pardonnez -moi si je choque mais selon moi l’être humain reste le même quelles que soient les technologies modernes, le prétendu progrès en toute matière, et l’extension infinie des droits. Seules les circonstances imprévues et graves changent les gens et révèlent l’homme tel qu’il est.  Dans le bon surtout, dans le moins bien aussi. 
 L’association nationale du souvenir français à laquelle j’appartiens a pour vocation de maintenir la mémoire de ceux qui se sont battus moralement et physiquement dans des conditions atroces face à un ennemi armé et puissant. Cela a duré. Ils ont désormais l’immortalité et nous les vivants, le souvenir. Les années et les générations se sont succédé, l’histoire aussi avec ses affrontements et horreurs, et nous sommes passés d’une mémoire de guerre à une mémoire civile et victimaire comme l’écrit Madame Sophie Hasquenoth maître de conférences en histoire à l’université de Lille [lire « les passeurs de mémoire. Le cimetière des Batignolles » sous la direction de Michel Terrioux président du Souvenir français du 17ème arrondissement de paris].    
La mémoire des grands évènements tragiques est un devoir envers ceux qui se sont sacrifiés pour que les autres vivent, et permet aux générations qui suivent de prendre les bonnes décisions soit  pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets soit parce que on peut anticiper et prendre des mesures préventives  pour atténuer autant que faire se peut les conséquences d’une crise inédite et grave, qu’elle soit militaire, économique, sociale, ou sanitaire, voire climatique  ou qui réunit tous les inconvénients en même temps, personne ne pouvant faire des prévisions à  ce sujet. L’avenir est donc écrit au présent et il appartient aux responsables dans tout domaine car les politiques n’ont pas la science infuse et l’Etat ne peut tout prévoir, de ne pas baisser les bras et de mettre en place ce qui pourra être utile plus tard quand les circonstances l’exigeront.
 L’union sacrée des citoyens fait la force chacun agissant à son niveau avec ses moyens. Les générations nées après la 2 ème guerre mondiale qui au mieux ont entendu leurs grands- parents parler de la 1ère et des crises militaires, financières ou sociales entre 1919 et 1940 avec la grippe espagnole de 1919-1920, n’ont pas été habituées à des bouleversements majeurs et c’est tant mieux. Ceux qui ont connu les horreurs de 1940-45, les déportations et la souffrance se taisent et sont de moins en moins nombreux : on les honore mais leurs malheurs sont loins pour les plus jeunes. Sauf exception pour leurs parents qui ont participé aux guerres des indépendances et qui n’en racontent pas grand-chose par pudeur et parce qu’il faut tourner la page sans l’effacer.  
Les papy boomers sont désormais à la retraite et ils ont vécu les trente glorieuses, avec la société de consommation qu’ils croyaient installée pour toujours et aseptisée de toute maladie dangereuse collectivement. Mai 68 a libéré les esprits et les mœurs en interdisant d’interdire y compris en mettant en danger sa propre santé, et a conféré plus de droits individuels que de devoirs collectifs. Notre société est devenue égoïste chacun se repliant sur ses intérêts, voire sur sa communauté. La nation s’est vidée de sa substance et n’a plus de réel sens pour certains. La liberté individuelle prime toute autre considération.  On croyait la paix installée ad vitam aeternam dans notre démocratie malgré les exigences sociales ou environnementales ou participatives, et les soubresauts guerriers partout dans le monde. Et on croyait normal d’obtenir toujours plus, de se croire misérables, de pinailler pour tout et rien, de n’accepter aucune limitation à nos désirs et réclamations.  
Et puis arrive « La » crise qui devient rapidement mondiale, qui est une guerre sanitaire comme l’a qualifiée le président de la république avec un ennemi invisible mais qui fait des morts, et agresse notre modèle républicain, nos structures, nos habitudes de réagir, et interroge notre civisme. On est sidéré et perdu, avec des polémiques confondantes, des pouvoirs publics qui  ont peur d’être trainés devant les tribunaux ce qui est déjà le cas, qui s’en remettent aux sachants pas d’accord entre eux, et qui organisent ce qui est possible de l’être en commandant des protections …en chine d’où viendrait  le mal,  pays qui va rattraper économiquement ses mois de confinement en faisant tourner ses usines jour et nuit, car le droit social dans l’empire du milieu n’a pas la même vigueur et ancienneté que le nôtre avec les droits acquis. Et même malgré des objections syndicales ici et là si nous avons adapté notre législation par ordonnances compte tenu des circonstances exceptionnelles, jusqu’au 31 décembre 2020 pour permettre à ceux qui produisent de travailler avec des volontaires de surcroît, car il ne faut pas ajouter un désastre économique aux malheurs humains.    
L’Etat providence mâtiné de mondialisation se bat, résiste mais il a du mal : on voit nos insuffisances et l’ennemi se propage. Chacun doit s’engager comme il le peut.  Les plus anciens qui en ont vu d’autres savent ce qu’est se confiner, ne pas parler pour rien, ne rien gâcher, d’obéir aux recommandations et à la loi, de patienter, et de ne jamais cesser d’espérer car il y a toujours une fin et une victoire. Nos contraintes doivent être appliquées volontairement avec le sourire, en applaudissant ceux qui sont au front en première ligne. Au lieu d’armes nous avons comme moyens une conduite civique exemplaire et la solidarité, avec la confiance dans les autres. 
Comme nos ainés nous n’aurons pas l’occasion d’être distingués au champ d’honneur, heureusement. Mais sur le champ de paix civile bien que bouleversé nous devons être à la hauteur. C’est notre devoir qui donne de l’espoir sans qui la vie n’existe pas. Mais quand tout sera terminé, il ne faudra pas occulter ce qui s’est passé, pour en tirer les leçons.   Comme l’a écrit Jean de la Fontaine : « le corbeau honteux et confus, jura mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus ».


jeudi 26 mars 2020

Pour que l’avenir tienne compte du passé.


Pour que l’avenir tienne compte du passé.
 par Christian FREMAUX.
La mémoire des grands évènements tragiques est un devoir envers ceux qui se sont sacrifiés pour que les autres vivent, et permet aux générations qui suivent de prendre les bonnes décisions soit  pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets soit parce que on peut anticiper et prendre des mesures préventives  pour atténuer autant que faire se peut les conséquences d’une crise inédite et grave, qu’elle soit militaire, économique, sociale, ou sanitaire, voire climatique  ou qui réunit tous les inconvénients en même temps, personne ne pouvant faire des prévisions à  ce sujet. L’avenir est donc écrit au présent et il appartient aux responsables dans tout domaine car les politiques n’ont pas la science infuse et l’Etat ne peut tout prévoir, de ne pas baisser les bras et de mettre en place ce qui pourra être utile plus tard quand les circonstances l’exigeront.
 L’union sacrée des citoyens fait la force chacun agissant à son niveau avec ses moyens. Les générations nées après la 2 ème guerre mondiale qui au mieux ont entendu leurs grands- parents parler de la 1ère et des crises militaires, financières ou sociales entre 1919 et 1940, n’ont pas été habituées à des bouleversements majeurs et c’est tant mieux. Ceux qui ont connu les horreurs de 1940-45, les déportations et la souffrance se taisent et sont de moins en moins nombreux : on les honore mais leurs malheurs sont loins pour les plus jeunes. Sauf exception pour leurs parents qui ont participé aux guerres d’indépendance et qui n’en racontent pas grand-chose par pudeur et parce qu’il faut tourner la page sans l’effacer.  
Les papy boomers sont désormais à la retraite et ils ont vécu les trente glorieuses, avec la société de consommation qu’ils croyaient installée pour toujours. Mai 68 a libéré les esprits et les mœurs en interdisant d’interdire, et a conféré plus de droits individuels que de devoirs collectifs. Notre société est devenue égoïste chacun se repliant sur ses intérêts, voire sur sa communauté. La nation s’est vidée de sa substance et n’a plus de réel sens pour certains. La liberté individuelle prime toute autre considération.  On croyait la paix installée ad vitam aeternam dans notre démocratie malgré les exigences sociales ou environnementales ou participatives, et les soubresauts guerriers partout dans le monde.
Et puis arrive une crise qui devient rapidement mondiale, qui est une guerre sanitaire comme l’a qualifiée le président de la république avec un ennemi invisible mais qui fait des morts, et agresse notre modèle républicain, nos structures, nos comportements, et interroge notre civisme. On est sidéré et perdu, avec des polémiques confondantes.
L’Etat providence matiné de mondialisation se bat, résiste mais il a du mal : on voit nos insuffisances et l’ennemi se propage. Chacun doit s’engager comme il le peut.  Les plus anciens qui en ont vu d’autres savent ce que c’est que se confiner, ne pas parler pour rien, ne rien gâcher, d’obéir aux recommandations et à la loi, de patienter, et de ne jamais cesser d’espérer car il y a toujours une fin et une victoire. Nos contraintes doivent être appliquées volontairement avec le sourire, en applaudissant ceux qui sont au front en première ligne. Au lieu d’armes nous avons comme moyens un comportement civique exemplaire et la solidarité, avec la confiance dans les autres. 
Comme nos ainés nous n’aurons pas l’occasion d’être distingués au champ d’honneur, heureusement. Mais sur le champ de paix civile bien que bouleversé nous devons être à la hauteur. Cela ne peut s’oublier.  
P.S : Ce texte est destiné à la publication de l’association Le Souvenir Français -qui conserve la mémoire de tous les combattants morts pour la France- du 17 ème arrondissement de paris présidée par Michel Terrioux 11 rue Guersant paris 17ème, adhésion annuelle de 10 euros minimum. La devise de l’association nationale est : « à nous le souvenir à eux l’immortalité ». Tout est dit.

mercredi 25 mars 2020

la lol à l'assaut du virus


                           La loi à l’assaut du virus.
                   par christian Fremaux avocat honoraire.
Soyons paradoxal et léger, on n’est pas à une élucubration près par ces temps incertains où les scientifiques se disputent tandis que les politiques naviguent à la godille plutôt bien de mon point de vue, ni à une information qui n’a ni vraie queue ni tête comme le danger invisible, car le droit n’est pas la préoccupation première des gens inquiets. Et pourtant !
Pour que le virus disparaisse on doit stopper sa prorogation c’est-à-dire contraindre au confinement. Il faut donc appliquer les principes légaux que l’on a modifié dans beaucoup de domaines (comme par exemple pour les copropriétés en reportant la tenue des Ag en rappelant que l’on n’efface pas le paiement des charges mais que l’on peut les échelonner, ou en matière d’entreprises avec les diverses déclarations légales, Ag, réunions des instances représentatives, gestion des sites fermés, productions ralenties et chômage partiel…).  Mais pour être spectaculaire on a surtout durci le respect dû aux consignes gouvernementales liées au confinement par des amendes fortes et de possibles peines de prison. La loi est donc devenue un médicament qui participe à la guérison. CQFD.
 Dans l’intérêt des malades qui s’ignorent on a d’abord parié sur le sérieux des citoyens, leur civisme, et leur discipline spontanée pour suivre les recommandations gouvernementales. On a été vite déçu, et il a fallu que le parlement vote en urgence des lois qui permettent de sanctionner ceux qui ne respectent rien, interprètent les textes et les conseils de précaution, rédigent n’importe comment les attestations de déplacement dérogatoires selon leurs bons vouloirs pour tourner l’obligation de rester chez soi, ou refusent de les remplir car ils estiment qu’eux ne craignent pas même une peccadille la mort ou la souffrance étant pour les autres , qu’ils ne peuvent transmettre la maladie et ne tolèrent pas qu’on les prive de leurs petits plaisirs. Il y a toujours des prétendus plus forts et égoïstes que d’autres qui n’acceptent aucune contrainte même minime, défient tout le monde, mais sont les premiers à demander de l’aide et de la solidarité s’ils sont atteints dans leur intégrité ou ont besoin de quelque chose. C’est la nature humaine les épreuves n’y changent rien. Je n’ai jamais partagé l’opinion belle mais utopique de Rousseau qui pensait que l’homme est né bon et que la société le pervertit. Je crois au contraire que si l’homme a des droits individuels qu’il peut revendiquer et exercer effectivement quitte à les faire confirmer et protéger par la justice, c’est parce que la société qui défend l’intérêt général a aussi des droits collectifs et des valeurs égales à ceux de l’individu, et est organisée pour faire respecter les devoirs qu’ils soient personnels ou concernent l’ensemble des membres de la nation qui dépasse la somme des intérêts particuliers. La république c’est un équilibre et la balance ne penche pas d’un seul côté.
 D’où notamment le rôle pénal des tribunaux qui arbitrent entre les justifications subjectives forcément bonnes de ceux qui sont poursuivis, et la loi qui reflète l’avis de la majorité des citoyens, qui est objective et générale et qui a pour but de vérifier les comportements, de fixer les limites du bien et du mal au sens commun du terme sans faire un cours de philosophie ou de morale, et de peser les conséquences de toute nature en cas d’infraction ou d’abus y compris de droits .Tout en individualisant la sanction au cas par cas. Il ne s’agit pas de faire des exemples. Il convient de voir si les principes posés par la loi – à tort ou à raison, de façon juste ou non- ont été respectés ou pas, et de mesurer le préjudice subi par la victime qui peut être la société tout entière.  
Examinons sans exhaustivité car tout évolue chaque jour, les principales dispositions de l’arsenal juridique voté de façon supplémentaire à ce qui existe,  puisque quand on est en guerre il faut des armes  pour  l’exécutif et  ses représentants, les préfets les magistrats  et les forces de l’ordre, pour tenter  de faire fonctionner le pays, pour ne pas ajouter aux drames humains une catastrophe économique .Et aussi  pour avertir voire faire peur à titre préventif car le but n’est pas de faire du chiffre ou de remplir encore un peu plus les prisons  d’autant plus que l’on essaie de les vider pour les  détenus en fins de peine ( ce qui  ne plait pas  à ceux qui les ont arrêtés ou jugés et aux victimes on le comprend ) en raison… du confinement obligatoire qui peut conduire à des contagions !
 Il s’agit cependant de ne pas hésiter à réprimer car en temps de guerre on ne peut se permettre d’être laxiste. J’ajoute qu’en temps de paix non plus, car si on n’avait pas relâché plus ou moins la pression sous des principes divers humanistes et prétendus tels ou intellectuels, ou sociologiques ou culturels pour ne pas écrire cultuels, ou financiers (on n’a pas de budget en rien, ni  pour construire des prisons modernes ou suivre et former tous ceux qui ont commis des erreurs et que l’on doit réinsérer, ni pour mettre au niveau l’hôpital public en asphyxie depuis des mois ), peut- être aurait -on plus de civisme et de soutien à l’intérêt général. Mais c’est une autre histoire comme aurait dit Rudyard kipling que l’on s’inventera plus tard quand on tirera les leçons de la crise sanitaire qui remet en cause notre rapport au monde,  à nos territoires oubliés ou méprisés (mais peuplés et vivants) qui produisent l’alimentation et protègent la nature ; aux zones de non- droit ,  à notre solidarité nationale, à nos devoirs individuels, à la mondialisation et à nos systèmes de production et  industriels ; au sens du travail et du respect des «  petites mains » (que l’on applaudit à 20 heures) au- delà  du télé- travail, des plateformes  et de l’internet ;  des prétendus progrès  pour augmenter l’homme ou faire plaisir à des minorités remuantes ; du choix de  nos intérêts vitaux et  du service public…
Nous sommes donc conformément à l’article L.3131-1 du code de la santé publique dans un      état d’urgence sanitaire (selon la loi du 3 avril 1955) pendant deux mois, délai prorogeable par une loi ultérieure. Les mesures générales que le gouvernement a pu modifier concernent « les libertés d’aller et venir, d’entreprendre, de se réunir, de fermeture d’établissements, de réquisitions… elles doivent être strictement proportionnés aux risques sanitaires encourus et appropriés aux circonstances de temps et de lieu… ». Le juge administratif y compris en référé est compétent pour les juger. La jurisprudence du Conseil d’Etat est ancienne :  arrêt Heyriès du 28 juin 1918 avec la théorie des circonstances exceptionnelles en période de guerre, et arrêt Dames Dol et Laurent 28 février 1919.Il s’agit de respecter la légalité tout en garantissant l’ordre public.   Ce juge sait être rapide puisque sur saisine de divers professionnels médicaux, il a prononcé une ordonnance (un jugement) le dimanche 22 mars 2020 sur l’interprétation du décret du 16 mars 2020 à propos des mesures de confinement que certains jugeaient trop floues et trop laxistes. Le gouvernement a immédiatement revu sa copie (sur le jogging et les marchés notamment) et en a profité pour prendre des dispositions pénales car une obligation sans sanctions est un cautère sur une jambe de bois.
Des milliers d’infractions souvent volontaires ont en effet été constatées. Cela ne pouvait plus durer ne serait -ce que par respect pour ceux qui obéissent et ceux qui se battent en engageant leur propre vie dans les hôpitaux ou services de santé. Il pouvait déjà en coûter 10.000 euros d’amende et 6 mois de prison si on violait l’article L .3131-1 CSP et on pouvait en outre être poursuivi sur le fondement de l’article 223-1 du code pénal pour mise en danger de la vie d’autrui (15.000 euros d’amende et 1 an de prison). On y a ajouté une incrimination spécifique pour les attestations bidons ou erronées de déplacement voire leurs absences, avec des amendes de 135 euros majorées ensuite et pouvant conduire à une amende maximale de 3750 euros pour les récidivistes et 6 mois de prison. Les sanctions prononcées par les juges judiciaires peuvent l’être par la procédure de comparution immédiate ou seront prononcées avec le retour à la normale en temps de « paix » sanitaire. Je ne doute pas qu’ils sauront faire la part des choses entre la solidarité qui oblige en temps de « guerre » même sanitaire, et la complexité des comportements. Les textes prévoient la possibilité de peines complémentaires comme la suspension du permis de conduire et/ou comme un travail d’intérêt général ou civique (faire un stage citoyen, repeindre les écoles, balayer les services d’urgence, être ambulancier la nuit, construire des lieux d’accueil pour les malades ou blessés graves, entretenir les tombes des morts pour la France … et les magistrats ne manquent pas d’imagination). 
 Je n’évoque que pour information d’autres possibilités légales qui sont facilitées.  Ainsi les couvre-feux que chaque maire peut décider de prononcer selon les circonstances locales sous le contrôle du préfet représentant l’Etat ou prendre des décisions pratiques et naturellement motivées qu’un danger spécifique grave et imminent justifie.  Décentralisation et déconcentration font cause commune.  On redécouvre la place essentielle des élus locaux qui ont des pouvoirs de police et qui avec leur deuxième casquette sont l’autorité de l’Etat dans leur commune. Et même si le deuxième tour des municipales pour les moyennes et grandes villes est pour plus tard dans des conditions juridiques à définir. Mais 80% des mairies du territoire ont leur conseil municipal élu : on doit s’en réjouir car les maires sont sur le terrain, sur la ligne de front.
Enfin le droit du travail a été aussi modifié par ordonnances (qui ne sont pas contraires au code du travail actuel mais qui le complètent a déclaré la ministre du travail) pour un délai de trois mois pour éviter les licenciements, faciliter le travail à temps partiel ; maintenir et élargir les indemnisations par pôle emploi avec de nouvelles catégories de bénéficiaires comme les professions indépendantes ; avec le télétravail, ou autres innovations.  Les congés payés pourront être imposés pour 6 jours par l’employeur comme la prise des rtt parfois sans délai de prévenance ou réduit au minimum ; le droit de retrait sera apprécié de façon souple, ainsi que d’autres dispositions qui nous apparaissent des droits acquis quoiqu’il advienne. Les conseils de prud’hommes trancheront plus tard.
La loi combat donc aussi le virus. Quand tout sera revenu en ordre les tribunaux se prononceront et la polémique démocratique reprendra. Espérons que l’on aura de la mémoire !

vendredi 20 mars 2020

dura lex sed lex


                        Dura lex sed lex.
           Par christian Fremaux avocat honoraire.
Pour lutter contre tous ceux qui font preuve d’inconscience sanitaire ou d’égoïsme surtout, et d’incivisme ensuite mais les devoirs sont devenus secondaires dans notre société individualiste, et qui se croient malin en ne respectant pas les mesures de confinement, le gouvernement à fait fixer dans la loi le montant de l’amende à 135 euros qui peut être majorée si le récalcitrant aggrave son cas. Comme ceux qui interpellés plusieurs fois n’ont pas d’attestations, ou qui se moquent des avertissements, voire sont agressifs pendant les contrôles.  Ceux qui continuent à être dehors pour se balader ou faire du sport sans respecter un court périmètre, à se rendre en masse dans des marchés de plein air, à picoler ou fumer avec des potes sur la voie publique, à poursuivre leurs trafics divers, en narguant les autorités et en inventant n’importe quoi pour ne pas avoir rempli avec sincérité l’attestation de déplacement dérogatoire qui n’est pourtant qu’une auto-justification,  sont de dangereux irresponsables .Désormais ils vont être  aussi des délinquants qui auront un casier judiciaire. Le gouvernement vient de décider de poursuivre les plus rebelles avec le délit de mise en danger de la vie d’autrui.
Je ne doute pas que des éminents juristes trouveront des arguments de droit pour tenter de faire annuler les sanctions, sur la base de fondements juridiques insuffisants contraires aux principes constitutionnels ou à la préservation des libertés individuelles, et plaideront avec talent  et force -car ils auront été au repos forcé quelques jours et doivent se rattraper- que la protection collective ou l’état de nécessité publique ne suffisent pas pour justifier un régime dérogatoire aux droits élémentaires comme ceux de circuler, parler, avoir une vie privée. Et même de manifester puisque l’inénarrable M.Martinez phare de la Cgt veut organiser une grève car il estime que les salariés du privé, ou soignants, ou pompiers et  fonctionnaires ou toute personne d’un secteur vital qui exercent leurs fonctions et qui sont en contact avec des individus ne sont pas assez protégés faute de masques et de gel hydro- alcoolique. J’ajoute qu’il faudra aussi remercier ces courageux non pas uniquement par de bonnes paroles mais par des espèces sonnantes et trébuchantes quoiqu’il en coûte a dit le président.  Mais si le leader maximo syndicaliste a raison sur le fond, est -ce le moment d’organiser une pagaille supplémentaire ?   Concernant les policiers et gendarmes je ne sais pas si la commisération du confiné de la Cgt va jusqu’à soutenir les forces de l’ordre - celles à l’origine des violences en cas de défilés selon lui - qui sont sur le terrain pour faire respecter la loi et les mesures sanitaires ? Eux aussi sont en première ligne pour les risques.
Les avocats quand ils retrouveront leurs cabinets auront du pain sur la planche pour faire annuler les amendes et défendre les poursuivis devant les tribunaux correctionnels, et tenter de faire triompher les libertés publiques face à la sécurité globale et aux contraintes exceptionnelles. On a connu déjà ce débat avec les attentats : faut- il limiter les libertés individuelles au profit d’une sécurité collective, et comment la loi peut- elle trouver un équilibre pour concilier libertés et ordre public, et défense de l’intérêt général. On se rappelle la polémique avec la loi dite anti-casseurs début 2019 par exemple ce que les plus sourcilleux humanistes auto-proclamés adeptes des droits absolus de l’homme ont qualifié de liberticide jusqu’au moment bien sûr où la disposition prise trouve son utilité.  On peut toujours ne rien faire, estimer que tout est de trop, que les précautions sont illégitimes, que l’Etat est Léviathan, que tout est excessif et le danger sur-estimé.   Mais si on ne fait rien ou pas assez et que l’on se prive d’instruments d’action, on pourra ensuite se le voir reprocher et être poursuivi.  Il y a des exemples dans le passé. Je crains que madame Buzyn quel que soit son destin municipal à Paris, ait par ses propres déclarations d’ancien ministre avec d’autres des comptes judiciaires à rendre quand la crise aura été jugulée.
Et comme quoi il ne faut jamais procrastiner. Le président Macron a dans ses projets une réforme de la constitution notamment pour diminuer le nombre des députés et sénateurs,  réduire le cumul des mandats, et  supprimer la Cour de justice de la république compétente pour juger les ministres qui sont accusés d’avoir fauté dans le cadre de leurs fonctions. Il a échoué l’année dernière à faire passer cette réforme qui désormais attend, car il n’a pas trouvé de majorité dès 3/5 ème des parlementaires pour la voter en congrès à Versailles. Ladite Cour existe donc encore. Hélas ! soupire sans postillonner et sans masque madame Buzyn et des collègues qui peuvent être concernés et qui se lavent les mains au savon.   
La mise en danger de la vie d’autrui est définie à l’article 223-1 du code pénal. Cette disposition prévoit une sanction d’1 an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende pour « toute personne qui a exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ». Nous sommes dans le risque, sanitaire en particulier. Il n’y a pas d’acte précis, ni conséquence concrète et avérée. On peut punir un auteur qui n’a pas voulu porter atteinte à l’intégrité physique d’autrui et alors que ladite atteinte n’a pas été commise. C’est délicat en droit et surtout en intentions. Ce qui est sanctionné c’est un acte et le résultat d’avoir exposé directement quelqu’un à un risque, et le lien de causalité entre les deux conformément au principe de la responsabilité. Il faut avoir violé de façon manifestement délibérée ce qui caractérise l’élément moral, une obligation particulière qui correspond à un comportement déterminé : c’est donc un délit d’action (commettre une infraction comme un vol, une escroquerie…) ou d’omission (ne pas avoir suivi un règlement).
 Outre le domaine médical avec la responsabilité des médecins, on a vu depuis des années et on voit dans l’actualité judiciaire de nombreux procès contre des laboratoires pharmaceutiques notamment sur ce fondement juridique entre autres bien sûr selon les dossiers et les victimes. D’autres vont suivre. Car la santé comme le climat ou la préservation de la nature sont des enjeux désormais majeurs.  On ne tolère plus la défense de Mme Dufoix alors ministre : « je suis responsable mais pas coupable ». Notons qu’avec MM.Fabius  1er ministre en 1984-86 aux moments des faits du sang contaminé  et Hervé ministre,  elle a comparu en 1999 devant la cour de justice de la république sous la prévention «  d’homicide involontaire et atteinte involontaire à l’intégrité physique des personnes ».On ne pouvait appliquer à titre rétroactif le délit de mise en danger de la vie d’autrui qui n’existait pas en 1984-86.  M.Fabius actuellement président du conseil constitutionnel connait bien le sujet et pourra avec ses collègues apprécier les lois d’exception qui sont actuellement votées.
 L’article 223-1 du code pénal existe depuis 1992 et a été activé avec la mise en vigueur le 1er mars 1994 du nouveau code pénal, avec une notion inédite :  la responsabilité des personnes morales.  Il ne peut donc concerner que des actes ou faits postérieurs à ces dates.   Il a été modifié par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011.Son domaine a été étendu aux infractions routières ou comportement sur la voie publique (conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants) et il est appliqué fréquemment dans les entreprises. La loi est dure mais c’est la loi surtout dans les périodes de troubles, de dangers, ou de grande peur.

mercredi 18 mars 2020

le virus n'est pas que dans l'ordinateur


Le virus n’est pas que dans l’ordinateur.
Par christian fremaux avocat honoraire et ancien élu local.
 J’ai bien entendu le président de la république et  j’obéis aux instructions gouvernementales car j’ai le sens de la responsabilité pour moi et les autres,  et comme il est interdit d’avoir une activité non essentielle pour le pays ce qui est mon cas puisque je suis retraité et que je sévis encore dans le domaine judiciaire civil, je me suis confiné tout seul et j’erre de mon clavier à la télévision dont je me méfie de peur qu’un virus mal intentionné saute de l’écran sur mes lunettes,  pour écouter la nouvelle libératrice qui annoncera la  fin du mal. Je préfère me priver d’un petit plaisir debout à l’air en me promenant avec ma famille et veaux, vaches, cochons,couvées, mon chien et mon chat, plutôt que de déguster cette ignoble maladie allongé malgré moi en prenant une place d’hôpital à ceux qui ont été atteint gravement sournoisement. C’est une question de civisme par ces temps électoraux. On applique le fameux principe de précaution que l’on a étendu à tout et rien et que je critique souvent, sauf en matière de santé.
Je n’en étais pas loin mais je suis devenu fermement hypocondriaque en entendant jour et nuit les urgentistes, réanimateurs, infectiologues et j’en passe, spécialistes des poumons et des difficultés de l’hôpital public, et je me demande si, tout en étant bien portant en apparence, je ne suis pas un porteur sain. Le docteur Knock manque au tableau et désormais au loto je joue le 15. Je tente de plaisanter pour ne pas stresser. Les journalistes qui font difficilement leur travail me font peur car ils sont aussi ignorants que moi en matière de médecine, et ils se contentent de rapporter ce qu’ils entendent à partir de sources parfois étranges qui ajoutent de l’anxiété à l’angoisse, ou montrent du vide dans les rues ce qui est creux comme informations. Croyons plutôt en la parole des autorités qui se seraient volontiers passé de cet épisode en raison des réformes sur le feu. Et je suis content d’entendre et de voir à la télévision le professeur Salomon qui est à la santé ce que le procureur Mollins était aux attentats : des experts calmes qui rassurent.  
Je n’aime pas non plus le décompte macabre tous les soirs, car il n’y a pas un concours avec les pays voisins et comparer n’est pas jouer. On a bien compris que la progression journalière était très forte et qu’on n’avait pas atteint la phase de stagnation, sachant qu’il n’y a pas de médicaments ou de traitements efficaces, sauf à se laver les mains et à ne parler de près à personne. On va donc être propre comme des sous neufs, même si la bourse dévisse on ne sait pas rationnellement vraiment pourquoi et que les revenus vont surtout faire défaut aux commerçants, artisans, professions libérales déjà touchés par les conséquences des manifestations des gilets jaunes, les grèves diverses et l’ambiance délétère.    
On va donc lire et il parait que le livre d’Albert Camus « la peste » fait un tabac (que les commerces dédiés peuvent continuer à vendre ! ). Je ne partage pas la réflexion désabusée de Stéphane Mallarmé dans brise marine : « la chair est triste hélas et j’ai lu tous les livres ». Je n’ai pas lu tous les livres tant mieux, et ayant l’âge merveilleux de 70 ans passés ma chair est devenu plus flasque, mais elle peut servir et me suffit d’ailleurs.  Tout espoir n’est donc pas perdu il faut être optimiste.
On vient de comprendre que la peur est mauvaise conseillère, que nous étions solidaires puissants comme misérables à égalité devant la douleur sans faire de tri, ou de choix cornéliens, et que nous devions être unis quelles que soient nos origines et croyances ce qui est une bonne nouvelle. Mais on a une critique collective à se faire : à force d’avoir économisé et délocalisé peu importe pourquoi, on s’est tiré une balle dans le pied. Tous les domaines dont celui de la santé ne sont pas éligibles à la mondialisation et l’Etat a toujours un rôle d’intervention central à jouer, même si les libertés individuelles doivent être conservées sans être en opposition avec les contraintes nécessaires.  Les libertés collectives qu’on appelle encore devoirs ont un sens et les valeurs républicaines nous donnent un cadre de comportement civique.
On vient de s’apercevoir que malgré nos institutions décriées qui sont très solides, notre société et notre démocratie sont fragiles, et les gilets jaunes en fureur qui ont manifesté samedi 14 mars malgré l’interdiction des regroupements, sont de dangereux irresponsables. Quand la nation est touchée on met de côté les revendications catégorielles et on ne défile pas pour avoir raison contre tout le monde en voulant imposer sa vérité sans avoir le moindre devoir ou conscience des dangers.   Le virus est aussi dans certaines têtes. Comme l’a déjà écrit Jean de la Fontaine dans sa fable les animaux malades de la peste : « tous n’en mouraient pas mais tous étaient frappés ».
Sur le plan politique des élections municipales la polémique va venir. Pour l’instant tout le monde est vertueux et modéré en paroles, met en avant la santé des français et commente peu le résultat du 1er tour. La question était : peut -on repousser le 2ème tour sans que le 1er soit annulé ? Les professeurs de droit constitutionnel sont d’avis divergents - le contraire eut étonné- car il n’y a pas de précédents et de jurisprudence formelle pour s’inspirer. Le président a tranché en fonction de l’avis des scientifiques et des juristes du conseil d’Etat sûrement, voire des responsables politiques dont certains ont été élus au 1er tour : ils n’ont donc pas plaidé pour une annulation on le présume. La solution choisie me parait la bonne.  On fera le bilan quand l’épidémie sera finie et on pourra juger alors si la décision fut opportune ou non. Je parie qu’il y aura dispute car c’est toujours facile de réécrire l’histoire.
 Il n’y avait aucune raison de droit ou de fait d’annuler le premier tour des élections municipales. Je me réjouis que les élus du premier tour soient sanctuarisés car les électeurs se sont déplacés quelle que soit la relativement faible participation (que l’on a déjà subi pour d’autres élections ou consultations) et ont fait connaitre leurs opinions. Ces élus ont pu élire leurs maires et font fonctionner la commune.  La décision de reporter le deuxième tour est prise, par une loi en urgence, avec l’avis du conseil constitutionnel.   Il faut en effet changer les conditions de l’article 56 du code électoral qui prévoit un délai de huit jours entre les deux tours, et l’allonger de quelques mois, puisque la date du 21 juin a été citée.  On n’est d’ailleurs pas sûr que la participation soit meilleure à cette date et que les électeurs se déplaceront en masse quand il n’y aura plus de virus car rien ne prouve que le déplacement pour voter toujours insuffisant- on voudrait plus- soit la conséquence uniquement de la peur de bouger compte tenu du dégagisme ambiant et de la lassitude du corps électoral en matière de représentation ?  
Je connais les objections. Une élection à deux tours est un tout pour que le résultat final soit sincère et légitime dans la foulée.  Des électeurs changent de camp en fonction du résultat du 1er tour, des alliances se nouent, des accords parfois curieux se concluent. Le 2ème tour peut ne pas avoir la même configuration et trajectoire que le 1er. Ce n’est pour autant que ce dernier est anti-démocratique même s’il a eu lieu des mois ou des semaines auparavant et que le futur 2ème tour n’a aucun lien dans la continuation avec le 1er. Les éliminés le restent il n’y aura pas une deuxième chance au nouveau tirage !.  Mais il faudra innover le cas échéant car l’opinion peut varier, vouloir corriger son vote du 1er tour et on sera dans une situation juridique inédite. Par ailleurs je ne vois pas juridiquement ou civiquement en quoi cela change quoique ce soit de confirmer les élus du 1er tour de façon définitive les conditions de l’élection ayant été transparentes et sincères, ce qui apporte de la sécurité juridique et règle le cas d’environ 30.000 communes de quelques centaines ou milliers d’habitants. Et je suis égoïste puisque je parle de moi : après 37 ans de mandat en commune rurale de 600 habitants j‘ai laissé la place aux jeunes qui ont été élus à 15 sur 15 sièges avec plus de 55% de participation.  Pas de 2ème tour.  Mission accomplie. C’est moi le vainqueur puisque je n’ai pas été battu et je pars en un tournemain. 
Pour le deuxième tour les candidats agiront comme d’habitude à partir du 1 er tour qui a fixé la volonté et les choix du corps électoral.  Les municipales sont des élections locales faites pour élire surtout des gestionnaires. Ne faisons pas du juridisme sous la réserve de l’appréciation du conseil constitutionnel.   La politique politicienne celle que le citoyen déteste se trouve surtout dans les plus ou moins grandes villes et n’est pas compatible avec la santé publique. Le virus de la politique qui manœuvre ne passera pas.  
 La constitution s’interprète. Le droit n’est pas gravé dans le marbre : il doit s’adapter à des circonstances exceptionnelles. Le covid-19 peut participer au progrès citoyen et à l’apaisement politique. Ce sera un apport démocratique positif de cette crise.  Les battus crieront de toutes les façons au scandale et au déni de démocratie.  Et restent les tribunaux en urgence même si les juges sont aussi confinés que les avocats.
Comme l’a écrit Paul Valéry «le vent se lève il faut tenter de vivre».       


dimanche 1 mars 2020

la constitution est-elle anti démocratique?

La constitution est -elle anti démocratique ?
Par christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
On souhaiterait un peu plus de sang-froid et de mesure dans les réactions de nos politiques de tous bords, eux qui se distinguent parfois par des actes inappropriés qui entrainent un départ précipité ou qui ont des polémiques subalternes dignes de la cour d’école à propos de la vie privée l’un dénonçant les divorces de l’autre qui lui répond qu’il a tort entre deux beuveries, en organisant une conférence de presse pas moins, comme si la république était en danger. C’est lamentable. Les hommes et les femmes ne sont que des êtres humains avec leurs qualités et leurs faiblesses. Qu’ils se regardent dans le miroir et révisent la parabole de la paille et de la poutre. Nos hommes et femmes politiques n’ont pas la science infuse et ils n’ont pas été oint d’une essence supérieure quand ils ont été élus. Le peuple que chacun revendique pour soi, raisonne, juge et sait se faire une opinion à condition que l’on expose les faits avec clarté, que l’on mette tous les paramètres et solutions sur le tapis, et qu’on lui démontre que telle réforme est pour son bien qu’il soit collectif pour que les perdants retrouvent un espoir et que les gagnants soient convaincus qu’ils sont sacrifiés par solidarité pour les moins bien lotis. Cela ne change rien mais on peut le comprendre ! Et aussi que le bien futur soit personnel car il n’est pas interdit de défendre ses intérêts particuliers y compris corporatistes. C’est mon cas : je veux conserver le régime autonome des avocats qui ne coûte pas un centime public. 
Les politiques n’ont pas l’utilité  de surjouer sinon on est dans la comedia del arte ce dont nous n’avons pas besoin vu  les circonstances sanitaires anxiogènes  bien plus graves que des polémiques politiciennes, les menaces diverses sur le pays, les difficultés sociales  et le dislocation de la nation avec ce que l’on nomme par doux euphémisme du séparatisme, la violence qui dépasse tous les niveaux et qui n’est plus de l’incivilité ou les dérapages de sauvageons, et la nécessité économique  qui conditionne le niveau de vie de tous pour que chacun vive dans la dignité. Il y a plus besoin de calme que de tension et chacun doit être responsable de ses actes, quelle que soit son indignation. C’est le prince de Talleyrand qui a dit : « quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console ».Il avait ajouté « ce qui est excessif devient insignifiant » et nous y sommes actuellement. La grande maison du monde est en feu mais nous nous plaisons à allumer des incendies certes verbaux mais qui peuvent cependant avoir des conséquences ne serait- ce que dans la rue.  Nos politiques dénoncent scandale sur scandale si on les écoute alors qu’ils devraient user de la parole avec modération pour rassurer, unir plus que de diviser et surtout faire œuvre de pédagogie, d’éducation, expliquer sans cesse.  Sous réserve qu’ils connaissent la problématique eux-mêmes ce qui ne résulte pas avec évidence de ce que l’on entend sur les ondes et ce que l’on voit dans les lucarnes.
Le réforme des retraites en discussion à l’assemble illustre ces propos. On a compris après des semaines de grève que le choix était entre le retrait et le vote des parlementaires.  Le premier ministre a saisi l’occasion de la réunion d’un conseil des ministres samedi 29 février consacré à la lutte contre le coronavirus- ce qui paraissait suffisant comme tâche à résoudre- pour annoncer qu’il allait utiliser l’article 49-3 de la constitution pour faire passer son projet avec des amendements que le gouvernement retient en les choisissant y compris ceux de l’opposition a t-il affirmé ? et les 7 articles déjà votés sur les 65 à délibérer en tout.  On entendit aussitôt un cri de rage ou de souffrance et les protestations fusèrent pour dénoncer un « coup de Jarnac » en plein weekend, comme si le samedi était réservé aux loisirs quoiqu’il arrive et alors que le coup de Jarnac n’est qu’une manœuvre habile des escrimeurs et même si ce terme a été utilisé en politique avec M.Mitterrand qui est né dans cette ville.  On a crié à l’autoritarisme, voire pour les plus indignés n’ayant pas peur de l’hyperbole à la dictature, à la brutalité et j’en passe des meilleures alors qu’eux- mêmes se saisissent aussi des possibilités constitutionnelles : faites ce que je dis, pas ce que je fais !  Mais de quoi s’agit-il ? La constitution est le texte fondamental dans la hiérarchie des normes, et de toutes les façons une fois la loi approuvée par la majorité après la navette entre le sénat et l’assemblée, elle sera soumise à l’éventuelle censure du conseil constitutionnel qui peut reprendre les critiques déjà formulées par le Conseil d’Etat qui dénonçait notamment l’insécurité juridique de la réforme des retraites n’ayant pas eu un temps suffisant pour l’étudier ?   
Il n’y a pas plus démocratique qu’une constitution votée et ratifiée par le suffrage universel, qui détermine nos principes de droit, sauf à considérer que la loi a une valeur relative et est à géométrie variable, et que le texte suprême de la constitution ne doit pas être appliqué si quelques-uns l’estiment inopportun. Pour le coup ce serait le coup d’Etat juridique en permanence comme l’avait décrit le natif de Jarnac.  Chacun a pu constater que l’opposition avait déposé des milliers d’amendements souvent folkloriques qui paralysaient tout débat sérieux ce qui n’est que son droit constitutionnel, et que M.Mélenchon menait une guerre de tranchée selon son expression grandiloquente . Mais nous ne sommes plus en 14-18 ! Le gouvernement a lui aussi la possibilité de contrer ce qu’il considère être une obstruction démocratique, en utilisant l’article 49-3 qui permet à l’opposition de déposer une motion de censure et tenter de faire chuter le gouvernement. On est en pleine démocratie parlementaire. Le peuple est spectateur puisque tout se passe entre élus et exécutif.   Il n’en pense pas moins et on verra les 15 et 22 mars pour les élections locales ,s’il y a sanction et de qui, car parfois le municipal permet de faire connaitre son avis sur les initiatives au plan national.
L’article 49 de la constitution de 1958 dispose : « le premier ministre après délibération du conseil des ministres engage devant l’assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.
L’assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par 1/10ème au moins des membres de l’assemblée nationale.
 Le vote ne peut avoir lieu que 48 heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’assemblée…
 le premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’assemblée nationale  sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas le projet est considéré comme adopté sauf si une motion de censure déposée dans les 24 heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.Le premier ministre peut en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session… ».
L’article 49-3 permet donc au gouvernement de faire passer son texte, sans vote sous couvert du rejet de la motion de censure. Tous les exécutifs de droite comme de gauche ont utilisé cette procédure. Il fallait bien que le gouvernement actuel qui fait tout en même temps s’empare d’une des recettes constitutionnelles du vieux monde. En quoi n’est- ce pas démocratique, au-delà de ce qui est souhaitable à savoir un dialogue constructif.  La constitution ne s’use que si on ne s’en sert pas. Tout le reste n’est que gesticulations.

samedi 15 février 2020

de la transparence exigée à la vertu obligatoire


De la transparence exigée à la vertu obligatoire.
Par Christian Fremaux avocat honoraire .
M.Griveaux jeune par l’âge donc vigoureux, ancien ministre désigné par le parti du président de la république pour accéder à la mairie de paris a choisi le vendredi 14 février jour de la saint- valentin et fête de l’amour pour annoncer qu’il n’était plus candidat à l’élection en raison d’un désordre amoureux inapproprié. C’est paradoxal. Il semble qu’une vidéo volée de 2018 circule où il apparait dans une posture sexuelle et prouve qu’il entretient des relations avec une femme sauf que ce n’est pas la sienne. Faut-il en faire un drame pour ce qui appartient à sa vie personnelle ?  Le futur maire de paris doit- il être abstinent pour tout ? On ne s’est pas vraiment interrogé sur celui (un russe au passé trouble) qui est à l’origine de la publication et on ne connait pas ses motivations et son intérêt dans cette mise au tapis d’un homme politique proche de M.Macron qui n’avait pas besoin d’une péripétie ridicule négative de plus.  Le nouveau monde renvoie à l’ancien.  
 Et ce serait le scandale en France la patrie du libertinage, du romantisme et de la beauté des femmes ? « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » a déjà écrit dans Tartuffe (1664) Molière qui doit bien rire d’où il est. La fille ainée de l’église (de quelle obédience désormais ?) qu’est resté notre pays est devenue bien prude et elle exige beaucoup des hommes et des femmes politiques, surtout dans leur vie privée.  M.Griveaux veut défendre surtout sa famille qui est très malmenée et injuriée depuis sa candidature : il a raison. S’y ajoute la pratique actuelle de notre démocratie dont il faut parler. Car les grands gagnants de la campagne électorale sont pour l’instant la rumeur malveillante, la haine, l’injure, la violence et tout ce qui rabaisse l’homme. M.Griveaux s’est auto-puni alors que personne ne lui demandait rien. C’est de plus en plus fort mais inquiétant.
Comme pour M.Fillon  M.Griveaux chute pour un accident de parcours qui n’a rien à voir directement avec la politique. La différence est que M.Fillon  qui a été mis en examen en vitesse supersonique comparait en correctionnelle bientôt, tandis que M.Griveaux victime de délits sera partie civile dans un futur procès si on retrouve les auteurs de la diffusion de la vidéo dérobée et s’ils sont jugés, rien n’étant certain. Si tel est le cas j’espère que la justice sera très sévère car il y a des textes répressifs qui s’appliquent et même si M.Griveaux s’est piégé tout seul.  Ce n’est pas la première fois que le sexe ou autre habitude joue un rôle dans la vie politique ou publique. La liste serait trop longue mais citons des cas.  On se rappelle le bon président Félix Faure qui est mort dans les bras de sa maitresse à l’Elysée. Et le Cardinal Daniélou qui est monté au ciel en pleine épectase. D.S.K - dont M.Griveaux a été le collaborateur  - a perdu toutes ses chances de devenir président après ses péripéties à New-York et à l’hôtel Carlton de Lille. Tandis que Winston Churchill buvait beaucoup, fumait de gros cigares et avait de graves dépressions.
L’exemple de M.Griveaux pose un problème de principe : que peut -on exiger moralement  d’un homme ou d’une femme politique ? La démocratie est- elle l’ascèse et le renoncement à ce que l’on est ?
Bientôt ne pourrait se présenter à une élection significative qu’un célibataire ( homme ou femme),  blanc mais pas forcément , aux tendances et pratiques sexuelles classiques et connues, sans amis,  ne fumant même pas du cannabis, buvant de l’eau, étant évidemment pauvre, n’ayant  eu aucun mauvais point ou colle de la maternelle à l’université, n’ayant reçu aucun avertissement dans le monde du travail ni commis la moindre infraction punie d’une contravention, totalement transparent pour toute chose et naturellement incarnant la vertu. Son programme politique public devra correspondre à sa vie privée et inversement.   
L’opinion publique ou plus précisément ceux qui la manipulent en toute impunité sur les réseaux sociaux notamment ce qui prouve qu’il faut légiférer pour réguler et interdire les débordements avec des donneurs de leçons adeptes des ligues de vertu, exigerait que l’on soit conforme à ce que l’on prêche, demanderait que l’on lave toujours plus blanc et qu’il ne puisse y avoir ni doute ni soupçon dans la vie publique ce que j’approuve , et aussi  dans la vie privée et là je m’insurge. On en fait beaucoup dire à l’opinion publique ! Le voyeurisme ne passera pas.
On ne peut pas imposer à un responsable politique d’avoir une vie privée sans ses goûts et ses couleurs, avec ses défauts et qualités, comme elle serait définie par on ne sait qui à partir de critères et valeurs subjectives. Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre. Qui peut prétendre être parfait ? Les dénonciateurs qui se prennent pour des justiciers sont-ils de bonne foi ? Connaissent-ils la parabole de la paille et de la poutre ?
L’homme ou la femme politique ne sont que des humains avec leurs faiblesses et ce qui compte ce sont leurs engagements publics, leurs promesses, qu’ils disent leur vérité, et qu’ils accomplissent le programme sur lequel ils se sont fait élire, en écoutant la voix du peuple surtout s’il se plaint ou renâcle. La vie publique c’est de mettre le plus possible ses actes en conformité avec ses paroles, s’expliquer sur ses intentions, d’être honnête dans tous les sens du terme, et de faire le maximum pour l’ensemble de la nation en la tirant vers le haut et en la protégeant dans un rassemblement y compris de ses emportements. 
Un homme ou une femme politique doit être exemplaire dans ses décisions publiques et les valeurs républicaines mais on ne lui demande pas d’étaler sa vie privée et de nous dire si elle est conforme, d’ailleurs à quoi ? Comme le disaient les inconnus jouant les journalistes dans un sketch : « [… on divulgue ce qui est confidentiel…] mais cela ne nous regarde pas ! ».  M.Griveaux vient de mettre à mal sa carrière : je lui souhaite d’être heureux dans sa famille et de prendre les plaisirs qu’il souhaite car on ne tape pas sur un homme à genoux. D’autant plus que je n’aurai pas voté pour lui puisque je suis électeur dans ma petite commune de l’Oise où je termine mon mandat après 37 ans de fonctions d’élu.  
L’ancien ministre a donc décidé de se retirer -si je puis m’exprimer ainsi sans ambiguïté- de la course à la mairie. Dont acte. Comme la nature politique a aussi horreur du vide on va lui trouver vite un ou une remplaçante. M.Griveaux avait placé sa campagne sous les signes de la sécurité et de la propreté. Qu’il soit entendu dans toutes les significations des mots en y accolant le respect et la dignité outre un programme pour la ville-capitale qui convienne aux citoyens au-delà des parisiens.     
Je crains un monde de transparence imposée tous azimuts d’abord pour les politiques puis ensuite pour tout le monde.  On sait que cela conduit à l’arbitraire et à l’autoritaire. L’information ne justifie pas tout. La liberté d’expression ne doit pas nuire et franchir la porte de l’alcôve ou du domicile en faisant du mal à femme et enfants. La politique n’est pas le tir à vue : elle est faite pour être positive. Le citoyen mérite le mieux. Je détesterai la norme élaborée par une minorité haineuse, et la vertu obligatoire. Que la jurisprudence Griveaux serve au moins à rétablir la confiance et la fraternité entre nous.    

jeudi 13 février 2020

Attaquer l'Etat est -ce bien raisonnable?


Attaquer l’Etat en justice est-ce bien raisonnable ?
               Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Dans les Misérables Victor Hugo fait dire à Gavroche qui se meurt : « je suis tombé par terre c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau c’est la faute à Rousseau ». Désormais tout est de la faute lourde de l’Etat et plus personne ne veut en outre assumer les conséquences de ses actes. On n’a que des droits pas des devoirs, et il fait trouver un responsable, pas forcément un bouc-émissaire quoique c’est plus facile, mais celui ou celle dont l’erreur, l’action ou l’inaction ont conduit à un désastre avéré ou prévisible. Attaquer l’Etat est la dernière tendance furieuse d’autant plus qu’avec lui on ne risque rien, ce n’est pas lui qui va déposer plainte en dénonciation calomnieuse ou demander des dommages -intérêts si la procédure est abusive. Et les médias aiment bien que l’on assigne le plus puissant bien qu’anonyme de la société.
L’impunité ou l’impuissance ne sont  plus tolérées qu’il s’agisse de faits graves dans les guerres par exemple (nos militaires sont aussi dans le collimateur) ou dans les affrontements sociaux ( on dénonce les violences policières pas celles des manifestants)  ou que l’on critique les conséquences de situations qui ne sont pas gérées avec des résultats (la violence) ou insuffisamment (le climat), ou de décisions qui n’ont pas un effet immédiat (la transition écologique) , ou de manquements individuels quelles que soient les bonnes ou mauvaises raisons invoquées. La justice est sommée de se prononcer entre des injonctions contradictoires. On demande aux juges de trancher toutes les difficultés de la société alors que la justice est très controversée par ailleurs : comprenne qui pourra.
 La formule ancienne de « responsable mais pas coupable » est haïe car il faut forcément que quelqu’un ou le représentant d’un symbole assume, vienne demander pardon ou fasse acte de repentance, et à défaut l’Etat reste l’interlocuteur tout désigné. Le silence ou l’inertie de tout dirigeant sont pires qu’un crime c’est une faute. On exige la transparence et on veut décréter un monde de vertu, ce qui historiquement parlant peut conduire à des dérives autoritaires on le sait. On veut créer avec l’aide involontaire ou orientée des réseaux sociaux, des tribunaux et de la morale ambiante une société parfaite donc ouverte, sans racisme, sans discrimination, sans genre, sans passé colonial ou autre, sans méchanceté institutionnelle ou personnelle, où tout le monde doit être beau et bon, gentil et fraternel, aimer la nature et les animaux, ce qui relève de l’utopie mais c’est l’air du temps. On n’hésite plus à saisir la justice quand on estime unilatéralement que rien n’avance ou que c’est lent : l’Etat est l’ultime adversaire.
La faute lourde ou grave ou inexcusable on la connait en droit du travail : les conseils de prud’homme notamment en jugent quotidiennement. On peut trainer l’Etat devant la justice administrative pour divers motifs de droit. La jurisprudence est établie depuis longtemps. Ce contentieux est très important dans tous les domaines et les particuliers n’hésitent plus à contester telle décision du maire et de la commune et des élus en général, du préfet, du président de département ou de région, de l’Etat, de l’hôpital, du professeur qui brimerait l’enfant, de l’école où se passent des évènements graves, dans la fonction publique… et de tous les services publics. Car nous sommes un peuple formidable et sûr de lui : chacun d’entre nous sait ce qu’il faut faire, ce que les responsables doivent prendre comme décisions, et s’ils ne le font pas en négligeant la vox populi ils sont responsables. Si de surcroit ils répondent non à une demande individuelle c’est le procès assuré car l’individu ne peut qu’avoir raison : le doute, celui qui prouverait qu’il a tort ne l’effleure même pas.
 Pour s’en prendre à l’Etat directement on peut aller aussi devant les tribunaux judiciaires mais uniquement en cas de faute lourde.
L’actualité va illustrer mes propos par quelques exemples que j’ai choisis arbitrairement et qui ne sont pas exhaustifs car il y en a beaucoup pour tous sujets secondaires comme importants certains étant dramatiques ce qui ne se discute pas et on partage la douleur de ceux qui subissent. 
Examinons encore le tribunal administratif où l’on juge la faute de service et la faute personnelle détachable du service.  Quatre ONG-dont une est dirigée par Mme Duflos l’ancienne excellente dirigeante et ministre des verts- ont saisi la justice administrative d’un recours contre l’Etat en matière de réchauffement climatique pour dénoncer son manque de réactivité malgré les engagements internationaux pris, peu important le coût social et financier. Cette procédure est dénommée modestement « l’affaire du siècle » comme si c’était la seule priorité et qu’il fallait tout abandonner pour se consacrer au climat et faire droit à ce que pensent des militants.
Dans le cas récent de la petite fille prénommée Vanille placée dans une famille, tuée par sa mère qui était en proie à des troubles psychiatriques sévères et qui néanmoins a bénéficié du droit de prendre librement sa fille deux jours, qui va-t-on incriminer, quel service public défaillant?  
Examinons ensuite le tribunal judiciaire l’ex-TGi depuis le 1er janvier 2020. Selon le code de l’organisation judiciaire le déni de justice (par exemple des délais trop longs pour juger) avec la faute lourde sont les deux cas d’ouverture d’une action en responsabilité contre l’Etat. La cour de cassation a précisé la notion de faute lourde par arrêt du 23 février 2001 : « c’est toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ». La définition est extensive la justice proprement dite n’étant pas seule en cause, tous les services de l’Etat étant concernés.  L’Etat qui a un avocat est défendu et représenté par l’agent du trésor car la procédure se termine généralement par une éventuelle condamnation à des dommages -intérêts. Donnons des exemples : la sœur d’une victime de féminicide a attaqué l’Etat pour faute lourde.  Elle estime que la police saisie n’est pas intervenue assez vite et que le contrôle judiciaire imposé par un juge à l’assassin n’était pas assez sévère. On a aussi Mediapart qui a assigné l’Etat pour faute lourde après la tentative de perquisition dans ses locaux. On a parfois les contrôles d’identité discriminatoires et systématiques de jeunes par des policiers…Les juges apprécient au cas par cas s’il y a faute lourde ou non.
L’Etat peut aussi être poursuivi par une juridiction internationale. La cour européenne des droits de l’homme qui dépend du conseil de l’Europe et siège à Strasbourg vient d’accepter la requête de parents qui ont vu leur jeune fille partir en Syrie, y avoir des enfants, être blessée, être retenue au Kurdistan et contestent le fait que l’Etat français refuse de les rapatrier notamment celle que l’Etat considère être une djihadiste. Le Conseil d’Etat en 2019 a jugé que c’était une prérogative diplomatique de la France de dire oui ou non et pas une obligation de juridiction. On en discute y compris au sein du gouvernement.
On voit donc que l’Etat est le responsable de tout et son contraire en dernier ressort, et que la responsabilité personnelle de l’individu ne compte plus. Or l’Etat c’est nous c’est l’ensemble des citoyens qui paient leurs impôts, votent, sont pacifiques et tolérants, ont besoin de travail, de sécurité et de calme, avec le renforcement de leurs valeurs républicaines et qui font ce qu’ils peuvent pour résoudre collectivement les problèmes qui sont posés à la société. On entend les cris de rage et de désespoir mais à vouloir faire condamner l’Etat -sauf préjudices avérés et fautes incontestables- c’est se tirer une balle dans le pied. La justice existe pour réguler la vie en société, pas pour moraliser et faire que l’émotion et la bonne conscience dirigent la raison.

vendredi 7 février 2020

l'émotion glisse, la raison convainc.


                         L’émotion glisse, la raison convainc.
                                    Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Les scandales d’ordre sexuel en mélangeant viols et agressions voire tentatives ou dragues poussées se succèdent dans tous les milieux professionnels du cinéma bien sûr qui a donné le coup d’envoi -si je peux m’exprimer ainsi- en passant par la littérature, le sport individuel ou collectif, les professions libérales où il y a des collaboratrices (le barreau n’est malheureusement pas exempt) et tous les domaines qui vont se révéler à la stupeur générale bientôt du moins je le crains.  Il y a un flot ininterrompu de polémiques, on accuse  ouvertement et par tribunes publiques mais le citoyen de base n’est pas plus informé et a du mal à se faire une opinion claire. Trop de scandale tue la réalité objective et à force de s’indigner on fatigue. L’émotion ne dure que le temps de l’effet d’annonce et des discussions des prétendus experts qui donnent leurs avis personnels sans connaître d’ailleurs le fond du dossier et si les faits dénoncés sont avérés.
Peu importe puisqu’il est demandé de faire une confiance aveugle à la victime qui s’estime comme telle sinon on apparait comme sans cœur et on est accusé de soutenir le bourreau désigné. La vague de dégagisme qui inonde le monde politique s’étend à tout et à tous. Ainsi la ministre des sports somme le président de la fédération des sports de glace de démissionner à la suite des révélations de la célèbre patineuse Sarah Abitbol et il doit s’exécuter sur l’instant. On s’étonne que ledit présumé coupable ose résister, dire qu’il a commis des erreurs et pas des fautes- affirmation unilatérale qui doit être vérifiée- qu’il y a aussi la responsabilité de la tutelle donc le ministère et le ministre de l’époque qui peut être n’ont pas été parfaits et réactifs -à voir - mais rien n’y fait. Le président de la fédération est forcément un salaud qui savait et qui doit être écarté en urgence par décence, pour la morale, pour répondre à l’émotion de la victime et de l’opinion publique, en attendant que l’enquête qui débute désigne le ou les vrais coupables. Le coupable certain c’est évidemment l’entraineur celui qui a abusé d’une jeune fille de 15 ans grâce à son emprise sur une sportive qui voulait gagner et « acceptait » tous les sacrifices y compris intimes grâce au fait qu’il se sentait tout puissant et avait le destin d’une enfant entre ses mains, et qui a profité de sa position dominante sans que l’entourage de sa protégée parents ou autorités osent s’immiscer et interdire ce qui n’aurait jamais dû arriver.
 Mais si le sort judiciaire du prédateur est réglé à terme (il a admis des relations « inappropriées ») à la condition que la prescription en droit ne joue pas, son avenir intéresse moins semble- t- il : ce que l’on veut avec raison c’est démonter le système de copinage, de cooptation, de protections, de silence organisé et la toute-puissance des élus d’une fédération dont le président est le symbole et qui peut se permettre de dire zut à la ministre.  Je ne défends évidemment pas ce président que je ne connais pas, qui est assez grand pour le faire par lui- même : il doit savoir manœuvrer, se rattraper, connaitre les figures imposées et le programme libre du patinage artistique qui est un sport de glisse. Je ne sais pas si ce président résistera à la pression qui va peut- être aussi venir en interne, de ses amis et affidés de la fédération, les grands élus des clubs qui l’ont porté au pouvoir et qui ne doivent pas aimer cette publicité malencontreuse et dommageable avec une image dégradée de leur sport, ni un conflit ouvert avec la ministre. Mais le destin de ce président est secondaire sauf pour lui. Ce qui m’intéresse ou m’intrigue dans cet épisode odieux c’est la dénonciation des dizaines d’années plus tard d’une victime qui n’a plus supporté de se taire : je la plains et il est normal qu’elle règle ses comptes avec celui qui lui a gâché sa vie. Le droit ne sera peut- être pas en phase avec ce qu’elle recherche, mais le scandale qu’elle a déclenché lui donnera au moins consolation et réhabilitation pour elle- même. Cependant la justice ne se rend pas au nom de l’émotion et il faut faire attention à ne pas tout confondre. On le voit avec le film « j’accuse » de Roman Polanski : son film est formidable tant sur le plan technique, que par l’angle d’approche de Dreyfus, et le jeu des acteurs mérite d’être récompensé. Ces derniers doivent -ils être les victimes collatérales de la mauvaise réputation réelle ou supposée personnelle que traine le metteur en scène ? C’est mon illustre confrère Me Moro- Giafferi qui a eu cette exclamation célèbre alors qu’il plaidait devant la cour d’assises : « chassez l’opinion publique du prétoire, cette trainée qui tire le juge par la manche ».
Dans la volonté de vouloir expliquer, et de flatter le public ou toute victime j’ai même entendu et vu à la télévision (sur BFM le soir tard sauf erreur) une psychologue professionnelle dire que « la France avait des tendances pédophiles » : Yves Calvi le journaliste qui animait le débat en est resté estomaqué. Moi aussi. L’auto- flagellation ne rime à rien.
Il faut garder la mesure dans les dossiers qui mettent en cause des individus connus ou non et même si on veut en faire des affaires de principe, pour modifier les comportements, les rendre plus vertueux et donner l’exemple. Puisque nous sommes dans un état de droit - bien que certains qui n’ont pas peur d’exagérer ou de délirer soutiennent que notre démocratie actuelle serait arbitraire voir dictatoriale (qu’ils aillent voir ailleurs comment cela se passe) - rappelons que la présomption d’innocence est un principe intangible et qu’il ne faut pas condamner avant le jugement, quand les juges ont examiné publiquement tous les faits et les preuves après un débat contradictoire. Ce qui vaut pour n’importe quel justiciable vaut aussi pour un prétendu puissant !
 Le tribunal médiatique n’a aucune légitimité, et pour ceux qui ont de la mémoire ou qui connaissent l’histoire rappelons-nous du tribunal révolutionnaire en 1792-1794 sous la terreur où les avocats n’étaient pas admis et où les juges devaient choisir-sans preuves- en quelques minutes entre l’acquittement-très rare- et la mort par la guillotine- prononcée de façon massive. Ou encore les tribunaux populaires pendant le maoïsme (avec l’auto-critique) et le communisme, sans compter les périodes de guerre et les exécutions sans procès en raison de la race.  On m’objectera à juste titre que mon argument est excessif et que ce n’est plus l’époque : mais à petite échelle on s’en rapproche en désignant à la vindicte populaire tel ou tel pour des faits non établis formellement et on peut démolir la réputation de quiconque en un clin d’œil ne serait- ce que par les réseaux sociaux où l’on peut tout dire avec impunité.
  Voyez comme on flotte avec le cas d’une jeune fille de 16 ans Mila qui a exprimé de façon excessive et vulgaire sa vision de l’islam (mais son cas serait- il différent si elle avait critiqué l’islam avec élégance et retenue ?) et qui est menacée de mort, interdite d’école, cas qui entraine des prises de position contradictoires de nos grandes âmes rapides à s’indigner en général, et un silence prudent de nos féministes patentées. Et pourtant c’est extrêmement grave : comment en France en 2020 dans une république laïque qui se veut un modèle peut-on craindre pour sa vie pour s’être exprimé sur une religion ? Et la tolérance bordel !
 Enfin souvenons- nous de la parole de 1991 devenue collector au moment de la très grave affaire collective dite du sang contaminé (1980-1990) de Mme Georgina Dufoix ministre : « je suis responsable mais pas coupable ». La cour de justice de la république en 2006 l’a déclarée coupable, mais dispensée de peine. Sic transit gloria mundi. Si l’on veut qu’un scandale provisoire par nature soit utile, il faut que la raison l’emporte pour que l’on puisse tirer les leçons qui  s’imposent. A défaut la subjectivité brouillera le message, et il ne me parait pas nécessaire d’en rajouter à ce qui est douloureux.  

mardi 21 janvier 2020

Une fête en larmes


                    Une fête en larmes (titre de jean d’Ormesson)
           Par Christian Fremaux avocat honoraire, élu local et citoyen qui ne se gondole pas.
Les violences de toute nature qui tous les jours désolent ceux qui croient à la raison et à la tolérance ne donnent pas envie de rire quoique certains en pensent ou relativisent.  Elles font plutôt douter du genre humain même si défendre ses intérêts est légitime à la condition que l’on n’y sacrifie pas l’intérêt général et que l’on ne dresse pas les uns contre les autres.  Le théâtre est la fête de la culture, des connaissances et de la réflexion sur les rapports humains, du talent des auteurs et des comédiens. On assiste à une représentation pour se grandir et se perfectionner soi-même. On laisse les polémiques à l’entrée.
 Le prétendu journaliste -car il semble qu’il n’ait pas de carte de presse mais il est certain qu’il est militant de la France insoumise - qui  se trouvait par un hasard étrange (comment a-t-il su que M.Macron venait au spectacle ?) - trois rangées derrière le président de la république au théâtre des bouffes du nord  et qui a  d’abord tweeté pour demander s’il devait balancer sa basket à la tête du président puis a fait savoir que la soirée serait mouvementée - ce qui a été le cas puisque des militants en fureur sont entrés de force dans le théâtre en débordant le service de protection, a naturellement minimisé son geste en prétendant qu’il s’agissait d’une plaisanterie et qu’il n’avait pas demandé à ce que l’on agresse le président. Quelle bonne blague ! Je me marre comme disait Coluche !  Des parlementaires (qui sont élus pour faire la loi et la faire respecter quelques soient leurs opinions politiques et pas pour excuser n’importe quoi) ou autres intellectuels et sociologues l’ont immédiatement soutenu en disant qu’il n’y avait eu que quelques militants qui avaient conspué le président, que rien de grave ne s’était passé et qu’on pouvait en sourire vu la futilité de l’acte et même s’il y a eu des heurts à l’extérieur et qu’il a fallu exfiltrer le chef de l’Etat et son épouse.
 Ces mêmes personnalités ont ajouté qu’il était normal et pas grave que l’on bouscule verbalement voire qu’on insulte le président qui préférait venir au théâtre de surcroît dans un quartier populaire alors qu’il y avait un rejet de son projet de réforme des retraites. Doit-il se claquemurer dans les sous -sols de l’Elysée en buvant de l’eau et en mangeant des topinambours (humour !) en attendant que la Cgt obtienne le retrait du projet ? Autrement dit le 10ème arrondissement métro La chapelle est réservé à ceux qui n’aiment pas M. Macron (et Madame hidalgo ?) et sont de conditions modestes et pas des bobos. Il y avait les territoires perdus de la république. Des quartiers de Paris entrent dans la liste.
Mais bien qu’habitant Neuilly-sur-seine, travaillant dans le 16 ème arrondissement et étant élu dans une commune rurale de 600 habitants, le président me représente et dénigrer la fonction au-delà de l’homme me touche comme citoyen. Certes je connais la théorie politique et le livre d’Ernst Kantorowicz des deux corps du roi mais je me demande si les agresseurs aveuglés de mépris et bornés y ont pensé ce qui serait les prendre pour plus intelligents qu’ils le sont, car ils sont au premier degré à les entendre ?   
 Je ne partage pas l’opinion de ceux qui gloussent car si déjà pour divers motifs l’autorité légitime fout le camp ce que je déplore, le respect des institutions et de celui qui l’incarne est le minimum vital que l’on ait voté ou non pour lui et que l’on approuve ou non ses réformes. Je crains qu’il y ait désormais une pagaille latente continue jusque la prochaine élection présidentielle une sorte de  guérilla larvée ne serait- ce que pour créer un vrai drame avec les forces de l’ordre pour dénoncer ensuite des violences dites  volontaires sans avoir à  s’interroger sur la responsabilité de ceux qui cassent et provoquent .Les élections intermédiaires ne calmeront personne et pas les insurgés en peau de lapin à titre individuel   mais déstabilisateurs par l’effet de groupe surtout si les urnes ne donnent pas satisfaction aux extrémistes. Mais quelle élection peut satisfaire des révolutionnaires qui profitent de la société de consommation ?   L’électeur de mars prochain a une forte responsabilité pour devoir aller aux urnes, et voter sérieux et citoyen. Il ne faut pas s’abstenir ou voter blanc. Ce n’est plus de la rigolade, la fête est finie.
Aux prochaines élections municipales tous ceux qui sont contre tout et/ou de tendances communautaires vont essayer d’entrer dans les conseils municipaux pour tenter de remédier localement à la politique nationale ce qui va perturber les efforts locaux voire les déstabiliser ce dont on n’a pas besoin. Et ils vont entretenir le désordre jusque 2022 car ceux d’horizons divers qui ont été battus en 2017 et n’acceptent pas le résultat des urnes, veulent imposer leur vérité. Ils vont huer le président où qu’il soit quoiqu’il dise et saboter tout projet de réforme.  C’est trop. On ne rit plus.
  Nous sommes désormais entrés dans l’ère où tout et tous doivent dégager ou être remis en permanence en cause. C’est dangereux pour une démocratie.  Il faut se ressaisir collectivement et que la majorité silencieuse dise basta si elle veut bien s’exprimer ou faire savoir qu’elle ne supporte plus la situation. Un peu de défilés d’accord, mais trop d’occupations de rues avec violence non. Ce n’est pas drôle. Voir des excités tous les jours à la télévision cela fatigue et agace. Et devient contreproductif : on n’écoute même plus ceux qui tentent d’argumenter sérieusement.   
Revenons à l’échauffourée du théâtre dont il ne faut pas faire quand même une tragédie (comme l’incendie de la préfecture au Puy- en- Velay) mais qui est significative : ce ne fut pas un opéra-bouffe.   Après une brève garde à vue la justice a entendu l’avocat du concerné et lui a conféré le simple statut de témoin assisté qui se situe entre celui de témoin et celui de mis en examen. Le « héros » de l’information a levé les bras au ciel et s’est pavané : il est resté libre comme si un juge allait incarcérer un prévenu pour ce genre d’affaire !
La sécurité du président devrait être renforcée car comment est-il possible que n’importe qui dans un lieu public puisse être à un jet de pierre, ou de coup de couteau ou d’autre possibilité de blessure ou de mort du président ?  Là on ne sourit plus ce n’est pas une farce pour enfants. On n’a pas oublié le coup de fusil dirigé contre le président Chirac alors que dans sa voiture découverte il remontait les Champs-Elysées le 14 juillet 2002. Ce fut sans conséquence sauf pour le tireur arrêté (Maxime Brunerie). Il avait déclaré aux policiers qui le tenait :« pourquoi vous me tenez si fort, ce n’est pas si grave que cela » (sic). Cela ne vous rappelle rien ?  Il fut condamné à dix ans de réclusion criminelle en 2004. Il a été libéré en 2009.
Mais ce fait divers me rappelle un souvenir personnel. Comme avocat j’avais été désigné pour assister les gendarmes pris en otage avec confiscation de leurs armes qui ont servi quelques mois plus tard à tuer, derrière la famille Erignac devant la cour d’assises spécialement composée à Paris en matière de terrorisme. Un commando corse animé par Yvan Colonna a assassiné le Préfet Claude Erignac le 6 février 1998 alors que celui-ci, sans gardes du corps et sans armes, rejoignait à pied sa femme au théâtre d’Ajaccio pour assister à une représentation. Il fut assassiné de dos. Les auteurs disaient qu’ils n’avaient pas voulu supprimer l’homme mais le représentant de l’Etat, le préfet. Les multiples procès furent longs et âpres. On entendit plusieurs justifications mais la mort était réelle.  Les condamnations sévères furent à la hauteur du geste et de sa portée symbolique. On s’en souvient encore car la fête de l’esprit (le théâtre) où allait sereinement M.Erignac s’est transformée en un tombereau de larmes.
Bien sûr selon la formule consacrée toute ressemblance avec des faits réels n’est que pure coïncidence et il ne faut rien exagérer et extrapoler même si une situation peut dégénérer sans le vouloir.
On rigole toujours ? La démocratie mérite mieux : je pleure qu’elle ne soit plus préservée des excès et de ceux qui ricanent de tout.