mardi 21 janvier 2020

Une fête en larmes


                    Une fête en larmes (titre de jean d’Ormesson)
           Par Christian Fremaux avocat honoraire, élu local et citoyen qui ne se gondole pas.
Les violences de toute nature qui tous les jours désolent ceux qui croient à la raison et à la tolérance ne donnent pas envie de rire quoique certains en pensent ou relativisent.  Elles font plutôt douter du genre humain même si défendre ses intérêts est légitime à la condition que l’on n’y sacrifie pas l’intérêt général et que l’on ne dresse pas les uns contre les autres.  Le théâtre est la fête de la culture, des connaissances et de la réflexion sur les rapports humains, du talent des auteurs et des comédiens. On assiste à une représentation pour se grandir et se perfectionner soi-même. On laisse les polémiques à l’entrée.
 Le prétendu journaliste -car il semble qu’il n’ait pas de carte de presse mais il est certain qu’il est militant de la France insoumise - qui  se trouvait par un hasard étrange (comment a-t-il su que M.Macron venait au spectacle ?) - trois rangées derrière le président de la république au théâtre des bouffes du nord  et qui a  d’abord tweeté pour demander s’il devait balancer sa basket à la tête du président puis a fait savoir que la soirée serait mouvementée - ce qui a été le cas puisque des militants en fureur sont entrés de force dans le théâtre en débordant le service de protection, a naturellement minimisé son geste en prétendant qu’il s’agissait d’une plaisanterie et qu’il n’avait pas demandé à ce que l’on agresse le président. Quelle bonne blague ! Je me marre comme disait Coluche !  Des parlementaires (qui sont élus pour faire la loi et la faire respecter quelques soient leurs opinions politiques et pas pour excuser n’importe quoi) ou autres intellectuels et sociologues l’ont immédiatement soutenu en disant qu’il n’y avait eu que quelques militants qui avaient conspué le président, que rien de grave ne s’était passé et qu’on pouvait en sourire vu la futilité de l’acte et même s’il y a eu des heurts à l’extérieur et qu’il a fallu exfiltrer le chef de l’Etat et son épouse.
 Ces mêmes personnalités ont ajouté qu’il était normal et pas grave que l’on bouscule verbalement voire qu’on insulte le président qui préférait venir au théâtre de surcroît dans un quartier populaire alors qu’il y avait un rejet de son projet de réforme des retraites. Doit-il se claquemurer dans les sous -sols de l’Elysée en buvant de l’eau et en mangeant des topinambours (humour !) en attendant que la Cgt obtienne le retrait du projet ? Autrement dit le 10ème arrondissement métro La chapelle est réservé à ceux qui n’aiment pas M. Macron (et Madame hidalgo ?) et sont de conditions modestes et pas des bobos. Il y avait les territoires perdus de la république. Des quartiers de Paris entrent dans la liste.
Mais bien qu’habitant Neuilly-sur-seine, travaillant dans le 16 ème arrondissement et étant élu dans une commune rurale de 600 habitants, le président me représente et dénigrer la fonction au-delà de l’homme me touche comme citoyen. Certes je connais la théorie politique et le livre d’Ernst Kantorowicz des deux corps du roi mais je me demande si les agresseurs aveuglés de mépris et bornés y ont pensé ce qui serait les prendre pour plus intelligents qu’ils le sont, car ils sont au premier degré à les entendre ?   
 Je ne partage pas l’opinion de ceux qui gloussent car si déjà pour divers motifs l’autorité légitime fout le camp ce que je déplore, le respect des institutions et de celui qui l’incarne est le minimum vital que l’on ait voté ou non pour lui et que l’on approuve ou non ses réformes. Je crains qu’il y ait désormais une pagaille latente continue jusque la prochaine élection présidentielle une sorte de  guérilla larvée ne serait- ce que pour créer un vrai drame avec les forces de l’ordre pour dénoncer ensuite des violences dites  volontaires sans avoir à  s’interroger sur la responsabilité de ceux qui cassent et provoquent .Les élections intermédiaires ne calmeront personne et pas les insurgés en peau de lapin à titre individuel   mais déstabilisateurs par l’effet de groupe surtout si les urnes ne donnent pas satisfaction aux extrémistes. Mais quelle élection peut satisfaire des révolutionnaires qui profitent de la société de consommation ?   L’électeur de mars prochain a une forte responsabilité pour devoir aller aux urnes, et voter sérieux et citoyen. Il ne faut pas s’abstenir ou voter blanc. Ce n’est plus de la rigolade, la fête est finie.
Aux prochaines élections municipales tous ceux qui sont contre tout et/ou de tendances communautaires vont essayer d’entrer dans les conseils municipaux pour tenter de remédier localement à la politique nationale ce qui va perturber les efforts locaux voire les déstabiliser ce dont on n’a pas besoin. Et ils vont entretenir le désordre jusque 2022 car ceux d’horizons divers qui ont été battus en 2017 et n’acceptent pas le résultat des urnes, veulent imposer leur vérité. Ils vont huer le président où qu’il soit quoiqu’il dise et saboter tout projet de réforme.  C’est trop. On ne rit plus.
  Nous sommes désormais entrés dans l’ère où tout et tous doivent dégager ou être remis en permanence en cause. C’est dangereux pour une démocratie.  Il faut se ressaisir collectivement et que la majorité silencieuse dise basta si elle veut bien s’exprimer ou faire savoir qu’elle ne supporte plus la situation. Un peu de défilés d’accord, mais trop d’occupations de rues avec violence non. Ce n’est pas drôle. Voir des excités tous les jours à la télévision cela fatigue et agace. Et devient contreproductif : on n’écoute même plus ceux qui tentent d’argumenter sérieusement.   
Revenons à l’échauffourée du théâtre dont il ne faut pas faire quand même une tragédie (comme l’incendie de la préfecture au Puy- en- Velay) mais qui est significative : ce ne fut pas un opéra-bouffe.   Après une brève garde à vue la justice a entendu l’avocat du concerné et lui a conféré le simple statut de témoin assisté qui se situe entre celui de témoin et celui de mis en examen. Le « héros » de l’information a levé les bras au ciel et s’est pavané : il est resté libre comme si un juge allait incarcérer un prévenu pour ce genre d’affaire !
La sécurité du président devrait être renforcée car comment est-il possible que n’importe qui dans un lieu public puisse être à un jet de pierre, ou de coup de couteau ou d’autre possibilité de blessure ou de mort du président ?  Là on ne sourit plus ce n’est pas une farce pour enfants. On n’a pas oublié le coup de fusil dirigé contre le président Chirac alors que dans sa voiture découverte il remontait les Champs-Elysées le 14 juillet 2002. Ce fut sans conséquence sauf pour le tireur arrêté (Maxime Brunerie). Il avait déclaré aux policiers qui le tenait :« pourquoi vous me tenez si fort, ce n’est pas si grave que cela » (sic). Cela ne vous rappelle rien ?  Il fut condamné à dix ans de réclusion criminelle en 2004. Il a été libéré en 2009.
Mais ce fait divers me rappelle un souvenir personnel. Comme avocat j’avais été désigné pour assister les gendarmes pris en otage avec confiscation de leurs armes qui ont servi quelques mois plus tard à tuer, derrière la famille Erignac devant la cour d’assises spécialement composée à Paris en matière de terrorisme. Un commando corse animé par Yvan Colonna a assassiné le Préfet Claude Erignac le 6 février 1998 alors que celui-ci, sans gardes du corps et sans armes, rejoignait à pied sa femme au théâtre d’Ajaccio pour assister à une représentation. Il fut assassiné de dos. Les auteurs disaient qu’ils n’avaient pas voulu supprimer l’homme mais le représentant de l’Etat, le préfet. Les multiples procès furent longs et âpres. On entendit plusieurs justifications mais la mort était réelle.  Les condamnations sévères furent à la hauteur du geste et de sa portée symbolique. On s’en souvient encore car la fête de l’esprit (le théâtre) où allait sereinement M.Erignac s’est transformée en un tombereau de larmes.
Bien sûr selon la formule consacrée toute ressemblance avec des faits réels n’est que pure coïncidence et il ne faut rien exagérer et extrapoler même si une situation peut dégénérer sans le vouloir.
On rigole toujours ? La démocratie mérite mieux : je pleure qu’elle ne soit plus préservée des excès et de ceux qui ricanent de tout.    


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