Dis moi d’où tu viens je te dirai si
tu as raison.
Par Christian
Fremaux avocat honoraire, élu local, et citoyen saturé.
Au commencement était le verbe on le
sait en tous les cas pour ceux qui connaissent l’origine chrétienne de la fille
ainée de l’église, mais pas que car certains ne croient à rien et la religion
quelle qu’elle soit n’est pas leur boussole. J’aime les débats et j’ai choisi
d’être avocat car l’expression des idées ou arguments est pour moi fondamentale
et elle permet d’expliquer et de trouver des solutions apaisantes souvent ?
Mais trop c’est trop. Trop de discussions et de polémiques tue la réflexion et
on ne sait plus où on en est à force d’entendre sur les médias en continu
autant de versions et d’avis qu’il y a de personnes interrogées qui se piquent
d’être des experts, auto-proclamés bien sûr.
Je dois être un citoyen à part car
personnellement aucun institut de sondage ne m’a jamais demandé mon avis même
sur le prix de la carotte ou les 90 kms à heure, ou l’usage du plastique. Sur
des sujets fondamentaux comme la démocratie, la justice sociale, la violence,
la légitimité de M.Macron ou de M.Martinez ou sur les valeurs républicaines qui
incluent les devoirs et le respect des autres, encore moins. On ne m’a pas
interrogé non plus sur le projet de réforme de retraite universelle avec lequel
je suis pour en corrigeant l’âge pivot pour le rendre plus acceptable bien
qu’il soit indispensable, mais contre le fait que l’on touche à mon régime de
caisse créditrice autonome du barreau dont je profite : c’est humain.
C’est le règne de l’à peu près et /ou
des affirmations péremptoires qui se veulent être indépassables et définitives.
Le doute a disparu des esprits et chacun estime détenir la vérité qu’il veut
imposer à l’autre. Le principe est de passer en force comme on l’entend souvent
c’est-à-dire de maintenir des avantages ou de légiférer avec l’aide d’une
majorité docile, inféodée à je ne sais qui et quoi et ainsi contraindre le
petit peuple qui ploie sous le joug. On serait presque selon des excités dans
une dictature molle qui ne dit pas son nom ! Tout ce qui est excessif est
insignifiant disait le prince de Talleyrand-Périgord.
En réalité on est cru ou non selon le camp
dans lequel les autres nous rangent et surtout caricaturent. Le camp du bien
est défini par ceux qui s’opposent à tout ou proposent des solutions qui
décoiffent ou veulent choquer le bourgeois et qui se proclament progressistes
comme si le progrès était de tout bouleverser, de dire oui à toutes minorités, de
ne pas mettre de limites, de ne pas être réalistes, et de renvoyer la
responsabilité sur les autres. Le camp du mal qui est honni est composé de gens
raisonnables qui réfléchissent au -delà de leurs intérêts personnels, ceux qui paient,
assument des responsabilités diverses, respectent le verdict des élections même
si le résultat ne leur convient pas, sont pour des valeurs traditionnelles qui
assurent la cohésion sociale et récusent la force ou la menace dans les
rapports sociaux.
La parole des uns est ainsi sacralisée,
présumée être la vérité révélée, et celle des autres est discréditée et
suspectée d’arrières pensées et de mille maux. Les médias aiment les bons
clients ceux qui gueulent, sont vindicatifs, ne « lâchent rien ou iront
jusqu’au bout », ont découvert leurs vocations de contestataires
professionnels, ne proposent rien de concret sauf la mort du capitalisme ou de
l’ultra libéralisme pour faire court et démagogique mais ils croient « défendre
le peuple » : pas moi par parenthèse je n’ai pas besoin d’avocat.
Celui qui a le malheur-car il est
moderne de dire que les « élites » ne représentent rien et qu’on
n’a pas fait d’études car on n’en avait pas les moyens ce qui est parfois vrai
d’ailleurs- d’avoir des diplômes après avoir un peu sacrifier de sa jeunesse,
d’exercer une profession reconnue avec
des horaires improbables, qui ont des revenus conséquents (comme ceux de
M.Martinez bien payé et on s’en réjouit) qui excédent la moyenne de ceux de la majorité des travailleurs, n’a à être ni
entendu ni écouté car il défendrait son intérêt de classe ce qui est suspect. On n’évoque jamais le terme intérêt général,
on préfère statuts qui datent de Mathusalem, ou régimes avec des spécificités
qui justifient des privilèges. Bientôt chaque métier aura une pénibilité
revendiquée ne serait- ce que celle de devoir travailler. Et on se moque ou on
passe aux pertes ceux qui sont restés sur le carreau puisqu’il ne faudrait rien
changer. Bonjour la solidarité avec les plus faibles.
Le
philosophe Michel Onfray que je lis et que j’admire généralement car il réfléchit
librement sur la société et distribue ses coups à droite comme à gauche, dans
son dernier livre « grandeur du petit peuple » s’est laissé aller à
illustrer cette tendance d’être partial. Il rappelle que ses parents ont été
ouvrier agricole et femme de ménage et que sa famille actuelle exerce des
métiers de base pour faire l’éloge des gilets jaunes qui pensent -ce dont
personne ne doute- et dont quelques-uns ont défendu le symbole de l’arc de
triomphe et de la stèle du maréchal Juin- ce dont on les félicite. Il y a
des gens biens dans tous les camps.
En revanche il ne se gêne pas pour critiquer
les bobos parisiens et on partage partiellement son analyse car ces derniers ne
sont pas coupables de tout et je ne les fréquente pas. Le quidam individualiste
a aussi des exigences qu’il faut satisfaire. M.Onfray fait sincèrement l’éloge du peuple et
critique vertement les élites dont il fait d’ailleurs partie : il est un
exemple du mérite républicain puisque vivant en province dans un milieu
défavorisé il a réussi à devenir docteur d’Etat en philosophie, à animer une
université populaire, à être une grande vedette des médias, et à vendre des
centaines de milliers de livres brillants. Il est lui -même un contre- exemple
de ce qu’il dénonce. Comme quoi être binaire et vouloir trop démontrer ne sert
à rien. Il faut la base sur laquelle s’appuie ceux qui doivent prendre les décisions
pour faire grandir tout le monde.
Michel Onfray écrit : «… car
les révolutions ne sont jamais que des girations(mouvements circulaires) qui
reconduisent les plus modestes à leur point de départ. Une fois qu’elles ont eu
lieu (les révolutions) elles remplacent une tyrannie par une autre. Elles
abolissent le dictateur pour faire place à son semblable : il porte
juste d’autres vêtements ». Michel
Onfray a raison et qu’on en prenne de la graine, ou du grain à moudre comme on
dit en matière de conflits sociaux.
On peut cependant faire la synthèse.
J’habite souvent à la campagne dans une commune rurale de 600 habitants qui est
le berceau de ma famille où je suis élu ; et je vis aussi à Paris où
j’exerce ma profession d’avocat et diverses activités (bénévoles). Je suis donc
un rat (ou plutôt un souriceau) des champs et de ville. Comment donc me classer
et comment apprécier ce que j’écris ou me critiquer en fonction de là d’où je
viens.
Le mieux est donc d’écouter dans le
calme et sans s’invectiver ceux qui s’expriment avec modération et raison en
posant comme principe qu’ils sont de bonne foi.
Et en confrontant les arguments pour retenir ceux qui sont fondés ou
peuvent s’améliorer et ceux qui sont toujours négatifs quoiqu’on dise. Ceux qui
viennent aux négociations pour dire qu’il n’y a rien à négocier et
qu’il faut retirer tout projet ont une conception sectaire du débat, social
notamment car celui-ci ne peut qu’être le fruit de compromis. Les défilés et
les blocages n’honorent pas notre pays. Je
ne dois pas être le seul à être fatigué par les dialogues de sourds. Nous
devons tendre vers la tolérance, le rassemblement, la concession même si nous
ne pouvons tous être d’accord. C’est de cette démocratie là que je viens.
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