vendredi 3 janvier 2020

Billet d’humeur : « prenons le train en marche si possible ?



Billet d’humeur : « prenons le train en marche si possible ?
Par Christian Fremaux  avocat honoraire, élu local et usager à pied.
Pour une fois je ne vais pas faire un commentaire juridique ou judiciaire voire sur la sécurité et la justice ou les institutions. Je vais me risquer dans une analyse succincte du conflit social en cours car comme n’importe qui j’ai mon idée et je ne raconterai pas plus de bêtises – pas moins non plus d’ailleurs- que celles que l’on entend à longueur de déclarations. Prenons donc le train en marche ce qui n’est qu’une image et critiquons la cgt car j’aime plutôt les syndicats réformistes.   
Il est cocasse de voir dans les étranges lucarnes s’exprimer des moins ou à peine plus de trente ans membres de la cgt qui sont extrêmement virulents comme si la guerre civile était aujourd’hui déclarée pour ce qui a vocation à s’appliquer dans des années lointaines, et qui réclament le retrait du projet de réforme de retraite universelle avec des arguments pour les moins spéciaux comme les régimes de la Sncf ou de la ratp, ou historiquement curieux car tout ne se compare pas.  Ces militants ont la certitude de ce qu’ils ne connaissent pas et débitent de façon impavide les éléments de langage qui leur ont été communiqués. C’est la bonne langue de bois qui nous revient comme du temps des soviets que certains considéraient comme étant l’avant-garde du prolétariat donc des salariés selon le vocable actuel.  J’ai entendu par exemple que la cgt refusait même le simple principe d’une discussion -bonjour les démocrates- car le gouvernement ne respectait pas les principes définis par le conseil national de la résistance. On ne sait pas lesquels mais ce serait avéré ?
C’est Jean Moulin -un héros torturé et tué sauvagement- qui a fondé à la demande du général de gaulle le conseil national de la résistance mi 1943. On ne parlait pas de retraite ! sauf celle des nazis. Son programme adopté le 15 mars 1944 comportait pour après la libération du territoire une liste de réformes sociales et économiques et suivait des principes d’obédience communiste (économie planifiée notamment) avec le rétablissement du suffrage universel, les nationalisations (énergie, assurances, banques) et la création de la sécurité sociale. La constitution de 1958 marquant le retour au pouvoir du général de gaulle, a intégré dans ses préambules les grands principes de la constitution de 1946 inspirés par le conseil national de la résistance. Nous sommes donc en 2020 sous le régime constitutionnel qui respecte encore les grands principes de 1944.
Il faut donc avoir des lunettes rouge foncé ou obstruées pour ne pas lire que la réforme de retraite universelle présentée par le gouvernement du jeune Macron mais qui connait l’histoire, tournerait le dos aux principes de solidarité, redistribution, rôle incitatif et garantie de l’Etat. La cgt a peur que l’Etat joue avec la valeur du point chaque année pour la baisser et ainsi diminuer les pensions des retraités ce que l’Etat dément en proposant une mesure législative qui interdirait cette manœuvre. Tout le monde s’accorde pour relever que la réforme proposée est plutôt très sociale (je ne dis pas de gauche car celle- ci est absente du débat), qu’elle installe plus de justice et d’équité, qu’elle va favoriser des catégories sociales oubliées et méprisées comme les agriculteurs, les femmes, les travailleurs aux carrières hâchées ou qui sont au chômage  et qu’elle va pénaliser surtout les cadres et les mieux payés. Rien n’y fait la cgt considère sans rire mais avec des contradictions néanmoins que le régime actuel est le meilleur du monde - tant pis donc pour ceux qui n’en profitent pas- et que les privilèges des régimes spéciaux (dont les déficits sont pris en charge par le contribuable) doivent être maintenus, en réclamant subsidiairement la clause du grand-père c’est- à- dire le renvoi de la réforme aux calendes grecques : nos petits- enfants nous voueront aux gémonies si on fait droit à cette absurdité. La cgt campe cependant sur son refus qui devient une prise de position politique.
C’est là où le bât blesse.
Maurice Thorez puissant secrétaire général du parti communiste disait qu’il faut savoir terminer une grève. Nous étions le 11 juin 1936 avec les accords dits de Matignon du temps du front populaire. A l’époque les conditions de travail n’étaient pas comparables avec celles de 2020 et la retraite était l’objet de débats. Le conseil de la résistance n’a pas gravé dans le marbre qu’il ne pouvait y avoir pour la vie éternelle qu’un régime de répartition. D’ailleurs au fil du temps les régimes complémentaires par capitalisation ont fleuri comme Agirc-arrco pour le privé et la Préfon par exemple pour la fonction publique que gèrent les partenaires sociaux.  Des régimes autonomes qui ne coûtent pas un centime au contribuable ont été créés comme celui du barreau dont je profite.
M.Martinez dit n’avoir pas aimé Margaret Thatcher, son libéralisme ( et  surtout sa mise aux pas des syndicats britanniques ). Il confond volontairement défense légitime  de ses adhérents et des travailleurs - mais pas de tous les travailleurs ni des citoyens - et  suffrage universel qui ne le concerne pas dans le cadre d’une république aux institutions existantes pour vouloir changer de régime politique et  établir ce qui lui fait plaisir, et qui ressemble peu ou prou  à ce que M.Mélenchon propose  en encourageant à la grève générale : faire payer les riches, abattre le capitalisme ou le libéralisme ;  pouvoir à tout instant obtenir la  révocation des élus notamment le président de la république  qui ne plaisent plus ; ériger  une démocratie directe car chaque citoyen est le souverain , le peuple  qui crée les richesses-pas les patrons -dans la rue détenant la vérité .Je ne caricature même pas. J’ai entendu pire dans la bouche de grévistes ou de gilets jaunes. On a compris que la cgt voulait son record du monde : faire encore plus long qu’en 1986 ou 1995. Quelle ambition moderne ! c’est lamentable. Mais on ne peut céder à la violence ou au chantage. Que veut dire « on ira jusqu’ au bout puisqu’après un mois de grève on n’a plus rien à perdre » ? Que fera la cgt si le projet initial est adopté avec des amendements puis voté par le parlement ?  Je vis à paris : je vais avec ma famille m’acheter une nouvelle paire de chaussures très solides ce qui fera plaisir aux commerçants. 
On n’est pas obligé d’approuver aveuglément tout ce que l’exécutif imagine. Mais quel serait l’intérêt de tout gouvernement de mentir, de trafiquer et de faire perdre des droits aux français en réduisant leurs revenus pour enrichir des fonds de pension ? Politiquement ce serait un enterrement de première classe avec la fuite à Varennes et une incitation à la révolution. Mais peut être suis-je naïf. Je suis pour le débat d’idées, projet de société contre projet de société : j’entends qu’il soit tranché dans les urnes et pas par la force c’est -à- dire le blocage du pays par l’infime minorité de ceux qui ont la sécurité de l’emploi et le pouvoir de nuisance et sans responsabilité ni en droit ni électorale.  La démocratie est fragile, ne pas respecter ses règles est irresponsable et peut ouvrir la voie à toutes sortes d’aventure autoritaire en particulier. Le général de gaulle dénonçait la chienlit. Nous y sommes.  
Nous devons nous reprendre collectivement, sortir des postures, retourner à la table des négociations avec un esprit ouvert bien que ferme contre la démagogie, faire des compromis qui ne sont pas des compromissions au cas par cas, financer (le fameux âge pivot ou d’équilibre qui peut être moins drastique semble t- il) ce qui doit l’être pour que ceux qui cotiseront plus ou travailleront plus, aient leur avenir de « vieux » assuré dans la justice. C’est cela l’esprit de la résistance : vaincre collectivement sans humilier personne, et bâtir une société où tout le monde est gagnant. Encore faut-il que le train arrive à quai.       

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