Billet
d’humeur : « prenons le train en marche si possible ?
Par
Christian Fremaux avocat honoraire, élu
local et usager à pied.
Pour une
fois je ne vais pas faire un commentaire juridique ou judiciaire voire sur la
sécurité et la justice ou les institutions. Je vais me risquer dans une analyse
succincte du conflit social en cours car comme n’importe qui j’ai mon idée et
je ne raconterai pas plus de bêtises – pas moins non plus d’ailleurs- que
celles que l’on entend à longueur de déclarations. Prenons donc le train en
marche ce qui n’est qu’une image et critiquons la cgt car j’aime plutôt les
syndicats réformistes.
Il est
cocasse de voir dans les étranges lucarnes s’exprimer des moins ou à peine plus
de trente ans membres de la cgt qui sont extrêmement virulents comme si la
guerre civile était aujourd’hui déclarée pour ce qui a vocation à s’appliquer
dans des années lointaines, et qui réclament le retrait du projet de réforme de
retraite universelle avec des arguments pour les moins spéciaux comme les
régimes de la Sncf ou de la ratp, ou historiquement curieux car tout ne se
compare pas. Ces militants ont la
certitude de ce qu’ils ne connaissent pas et débitent de façon impavide les
éléments de langage qui leur ont été communiqués. C’est la bonne langue de bois
qui nous revient comme du temps des soviets que certains considéraient comme étant
l’avant-garde du prolétariat donc des salariés selon le vocable actuel. J’ai entendu par exemple que la cgt refusait
même le simple principe d’une discussion -bonjour les démocrates- car le
gouvernement ne respectait pas les principes définis par le conseil national de
la résistance. On ne sait pas lesquels mais ce serait avéré ?
C’est Jean
Moulin -un héros torturé et tué sauvagement- qui a fondé à la demande du
général de gaulle le conseil national de la résistance mi 1943. On ne parlait
pas de retraite ! sauf celle des nazis. Son programme adopté le 15 mars 1944
comportait pour après la libération du territoire une liste de réformes
sociales et économiques et suivait des principes d’obédience communiste
(économie planifiée notamment) avec le rétablissement du suffrage universel,
les nationalisations (énergie, assurances, banques) et la création de la
sécurité sociale. La constitution de 1958 marquant le retour au pouvoir du
général de gaulle, a intégré dans ses préambules les grands principes de la
constitution de 1946 inspirés par le conseil national de la résistance. Nous
sommes donc en 2020 sous le régime constitutionnel qui respecte encore les
grands principes de 1944.
Il faut donc
avoir des lunettes rouge foncé ou obstruées pour ne pas lire que la réforme de
retraite universelle présentée par le gouvernement du jeune Macron mais qui
connait l’histoire, tournerait le dos aux principes de solidarité,
redistribution, rôle incitatif et garantie de l’Etat. La cgt a peur que l’Etat
joue avec la valeur du point chaque année pour la baisser et ainsi diminuer les
pensions des retraités ce que l’Etat dément en proposant une mesure législative
qui interdirait cette manœuvre. Tout le monde s’accorde pour relever que la
réforme proposée est plutôt très sociale (je ne dis pas de gauche car celle- ci
est absente du débat), qu’elle installe plus de justice et d’équité, qu’elle va
favoriser des catégories sociales oubliées et méprisées comme les agriculteurs,
les femmes, les travailleurs aux carrières hâchées ou qui sont au chômage et qu’elle va pénaliser surtout les cadres et
les mieux payés. Rien n’y fait la cgt considère sans rire mais avec des
contradictions néanmoins que le régime actuel est le meilleur du monde - tant
pis donc pour ceux qui n’en profitent pas- et que les privilèges des régimes
spéciaux (dont les déficits sont pris en charge par le contribuable) doivent
être maintenus, en réclamant subsidiairement la clause du grand-père c’est- à-
dire le renvoi de la réforme aux calendes grecques : nos petits- enfants
nous voueront aux gémonies si on fait droit à cette absurdité. La cgt campe cependant
sur son refus qui devient une prise de position politique.
C’est là où
le bât blesse.
Maurice
Thorez puissant secrétaire général du parti communiste disait qu’il faut savoir
terminer une grève. Nous étions le 11 juin 1936 avec les accords dits de
Matignon du temps du front populaire. A l’époque les conditions de travail
n’étaient pas comparables avec celles de 2020 et la retraite était l’objet de
débats. Le conseil de la résistance n’a pas gravé dans le marbre qu’il ne
pouvait y avoir pour la vie éternelle qu’un régime de répartition. D’ailleurs
au fil du temps les régimes complémentaires par capitalisation ont fleuri comme
Agirc-arrco pour le privé et la Préfon par exemple pour la fonction publique
que gèrent les partenaires sociaux. Des
régimes autonomes qui ne coûtent pas un centime au contribuable ont été créés
comme celui du barreau dont je profite.
M.Martinez
dit n’avoir pas aimé Margaret Thatcher, son libéralisme ( et surtout sa mise aux pas des syndicats
britanniques ). Il confond volontairement défense légitime de ses adhérents et des travailleurs - mais
pas de tous les travailleurs ni des citoyens - et suffrage universel qui ne le concerne pas dans
le cadre d’une république aux institutions existantes pour vouloir changer de
régime politique et établir ce qui lui
fait plaisir, et qui ressemble peu ou prou
à ce que M.Mélenchon propose en
encourageant à la grève générale : faire payer les riches, abattre le
capitalisme ou le libéralisme ; pouvoir
à tout instant obtenir la révocation des
élus notamment le président de la république qui ne plaisent plus ; ériger une démocratie directe car chaque citoyen est le
souverain , le peuple qui crée les
richesses-pas les patrons -dans la rue détenant la vérité .Je ne caricature
même pas. J’ai entendu pire dans la bouche de grévistes ou de gilets jaunes. On
a compris que la cgt voulait son record du monde : faire encore plus long
qu’en 1986 ou 1995. Quelle ambition moderne ! c’est lamentable. Mais on ne
peut céder à la violence ou au chantage. Que veut dire « on ira jusqu’ au
bout puisqu’après un mois de grève on n’a plus rien à perdre » ? Que
fera la cgt si le projet initial est adopté avec des amendements puis voté par
le parlement ? Je vis à
paris : je vais avec ma famille m’acheter une nouvelle paire de chaussures
très solides ce qui fera plaisir aux commerçants.
On n’est pas
obligé d’approuver aveuglément tout ce que l’exécutif imagine. Mais quel serait
l’intérêt de tout gouvernement de mentir, de trafiquer et de faire perdre des
droits aux français en réduisant leurs revenus pour enrichir des fonds de
pension ? Politiquement ce serait un enterrement de première classe avec la
fuite à Varennes et une incitation à la révolution. Mais peut être suis-je
naïf. Je suis pour le débat d’idées, projet de société contre projet de
société : j’entends qu’il soit tranché dans les urnes et pas par la force
c’est -à- dire le blocage du pays par l’infime minorité de ceux qui ont la
sécurité de l’emploi et le pouvoir de nuisance et sans responsabilité ni en
droit ni électorale. La démocratie est fragile,
ne pas respecter ses règles est irresponsable et peut ouvrir la voie à toutes
sortes d’aventure autoritaire en particulier. Le général de gaulle dénonçait la
chienlit. Nous y sommes.
Nous devons
nous reprendre collectivement, sortir des postures, retourner à la table des
négociations avec un esprit ouvert bien que ferme contre la démagogie, faire
des compromis qui ne sont pas des compromissions au cas par cas, financer (le
fameux âge pivot ou d’équilibre qui peut être moins drastique semble t- il) ce
qui doit l’être pour que ceux qui cotiseront plus ou travailleront plus, aient
leur avenir de « vieux » assuré dans la justice. C’est cela l’esprit
de la résistance : vaincre collectivement sans humilier personne, et bâtir
une société où tout le monde est gagnant. Encore faut-il que le train arrive à
quai.
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