La
constitution est -elle anti démocratique ?
Par
christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
On
souhaiterait un peu plus de sang-froid et de mesure dans les réactions de nos
politiques de tous bords, eux qui se distinguent parfois par des actes
inappropriés qui entrainent un départ précipité ou qui ont des polémiques
subalternes dignes de la cour d’école à propos de la vie privée l’un dénonçant
les divorces de l’autre qui lui répond qu’il a tort entre deux beuveries, en
organisant une conférence de presse pas moins, comme si la république était en
danger. C’est lamentable. Les hommes et les femmes ne sont que des êtres
humains avec leurs qualités et leurs faiblesses. Qu’ils se regardent dans le
miroir et révisent la parabole de la paille et de la poutre. Nos hommes et
femmes politiques n’ont pas la science infuse et ils n’ont pas été oint d’une
essence supérieure quand ils ont été élus. Le peuple que chacun revendique
pour soi, raisonne, juge et sait se faire une opinion à condition que l’on
expose les faits avec clarté, que l’on mette tous les paramètres et solutions
sur le tapis, et qu’on lui démontre que telle réforme est pour son bien qu’il
soit collectif pour que les perdants retrouvent un espoir et que les gagnants soient convaincus qu’ils sont sacrifiés par solidarité pour les moins bien
lotis. Cela ne change rien mais on peut le comprendre ! Et aussi que le
bien futur soit personnel car il n’est pas interdit de défendre ses intérêts particuliers
y compris corporatistes. C’est mon cas : je veux conserver le régime
autonome des avocats qui ne coûte pas un centime public.
Les
politiques n’ont pas l’utilité de
surjouer sinon on est dans la comedia del arte ce dont nous n’avons pas besoin
vu les circonstances sanitaires
anxiogènes bien plus graves que des
polémiques politiciennes, les menaces diverses sur le pays, les difficultés
sociales et le dislocation de la nation
avec ce que l’on nomme par doux euphémisme du séparatisme, la violence qui
dépasse tous les niveaux et qui n’est plus de l’incivilité ou les dérapages de
sauvageons, et la nécessité économique
qui conditionne le niveau de vie de tous pour que chacun vive dans la
dignité. Il y a plus besoin de calme que de tension et chacun doit être responsable
de ses actes, quelle que soit son indignation. C’est le prince de Talleyrand
qui a dit : « quand je me regarde je me désole, quand je me
compare je me console ».Il avait ajouté « ce qui est excessif devient
insignifiant » et nous y sommes actuellement. La grande maison du
monde est en feu mais nous nous plaisons à allumer des incendies certes verbaux
mais qui peuvent cependant avoir des conséquences ne serait- ce que dans la
rue. Nos politiques dénoncent scandale
sur scandale si on les écoute alors qu’ils devraient user de la parole
avec modération pour rassurer, unir plus que de diviser et surtout faire œuvre
de pédagogie, d’éducation, expliquer sans cesse. Sous réserve qu’ils connaissent la problématique
eux-mêmes ce qui ne résulte pas avec évidence de ce que l’on entend sur les
ondes et ce que l’on voit dans les lucarnes.
Le réforme
des retraites en discussion à l’assemble illustre ces propos. On a compris
après des semaines de grève que le choix était entre le retrait et le vote des
parlementaires. Le premier ministre a
saisi l’occasion de la réunion d’un conseil des ministres samedi 29 février
consacré à la lutte contre le coronavirus- ce qui paraissait suffisant comme
tâche à résoudre- pour annoncer qu’il allait utiliser l’article 49-3 de la
constitution pour faire passer son projet avec des amendements que le gouvernement
retient en les choisissant y compris ceux de l’opposition a t-il affirmé ? et les
7 articles déjà votés sur les 65 à délibérer en tout. On entendit aussitôt un cri de rage ou de
souffrance et les protestations fusèrent pour dénoncer un « coup de Jarnac »
en plein weekend, comme si le samedi était réservé aux loisirs quoiqu’il arrive
et alors que le coup de Jarnac n’est qu’une manœuvre habile des escrimeurs et même
si ce terme a été utilisé en politique avec M.Mitterrand qui est né dans cette
ville. On a crié à l’autoritarisme,
voire pour les plus indignés n’ayant pas peur de l’hyperbole à la dictature, à
la brutalité et j’en passe des meilleures alors qu’eux- mêmes se saisissent
aussi des possibilités constitutionnelles : faites ce que je dis, pas ce que je
fais ! Mais de quoi s’agit-il ?
La constitution est le texte fondamental dans la hiérarchie des normes, et de
toutes les façons une fois la loi approuvée par la majorité après la navette
entre le sénat et l’assemblée, elle sera soumise à l’éventuelle censure du
conseil constitutionnel qui peut reprendre les critiques déjà formulées par le
Conseil d’Etat qui dénonçait notamment l’insécurité juridique de la réforme des
retraites n’ayant pas eu un temps suffisant pour l’étudier ?
Il n’y a pas
plus démocratique qu’une constitution votée et ratifiée par le suffrage universel,
qui détermine nos principes de droit, sauf à considérer que la loi a une valeur
relative et est à géométrie variable, et que le texte suprême de la
constitution ne doit pas être appliqué si quelques-uns l’estiment inopportun.
Pour le coup ce serait le coup d’Etat juridique en permanence comme l’avait
décrit le natif de Jarnac. Chacun a pu
constater que l’opposition avait déposé des milliers d’amendements souvent
folkloriques qui paralysaient tout débat sérieux ce qui n’est que son droit constitutionnel,
et que M.Mélenchon menait une guerre de tranchée selon son expression
grandiloquente . Mais nous ne sommes plus en 14-18 ! Le gouvernement a lui aussi
la possibilité de contrer ce qu’il considère être une obstruction
démocratique, en utilisant l’article 49-3 qui permet à l’opposition de déposer
une motion de censure et tenter de faire chuter le gouvernement. On est en
pleine démocratie parlementaire. Le peuple est spectateur puisque tout se passe
entre élus et exécutif. Il n’en pense pas moins et on verra les 15 et
22 mars pour les élections locales ,s’il y a sanction et de qui, car parfois le
municipal permet de faire connaitre son avis sur les initiatives au plan
national.
L’article 49
de la constitution de 1958 dispose : « le premier ministre après
délibération du conseil des ministres engage devant l’assemblée nationale la
responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une
déclaration de politique générale.
L’assemblée
nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une
motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par
1/10ème au moins des membres de l’assemblée nationale.
Le vote ne peut avoir lieu que 48 heures après
son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui
ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’assemblée…
le premier ministre peut, après délibération
du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant
l’assemblée nationale sur le vote d’un
projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas
le projet est considéré comme adopté sauf si une motion de censure déposée dans
les 24 heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa
précédent.Le premier ministre peut en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session… ».
L’article 49-3 permet donc au gouvernement de faire
passer son texte, sans vote sous couvert du rejet de la motion de censure. Tous
les exécutifs de droite comme de gauche ont utilisé cette procédure.
Il fallait bien que le gouvernement actuel qui fait tout en même temps
s’empare d’une des recettes constitutionnelles du vieux monde. En quoi n’est-
ce pas démocratique, au-delà de ce qui est souhaitable à savoir un dialogue
constructif. La constitution ne s’use
que si on ne s’en sert pas. Tout le reste n’est que gesticulations.
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