dimanche 1 mars 2020

la constitution est-elle anti démocratique?

La constitution est -elle anti démocratique ?
Par christian Fremaux avocat honoraire et élu local.
On souhaiterait un peu plus de sang-froid et de mesure dans les réactions de nos politiques de tous bords, eux qui se distinguent parfois par des actes inappropriés qui entrainent un départ précipité ou qui ont des polémiques subalternes dignes de la cour d’école à propos de la vie privée l’un dénonçant les divorces de l’autre qui lui répond qu’il a tort entre deux beuveries, en organisant une conférence de presse pas moins, comme si la république était en danger. C’est lamentable. Les hommes et les femmes ne sont que des êtres humains avec leurs qualités et leurs faiblesses. Qu’ils se regardent dans le miroir et révisent la parabole de la paille et de la poutre. Nos hommes et femmes politiques n’ont pas la science infuse et ils n’ont pas été oint d’une essence supérieure quand ils ont été élus. Le peuple que chacun revendique pour soi, raisonne, juge et sait se faire une opinion à condition que l’on expose les faits avec clarté, que l’on mette tous les paramètres et solutions sur le tapis, et qu’on lui démontre que telle réforme est pour son bien qu’il soit collectif pour que les perdants retrouvent un espoir et que les gagnants soient convaincus qu’ils sont sacrifiés par solidarité pour les moins bien lotis. Cela ne change rien mais on peut le comprendre ! Et aussi que le bien futur soit personnel car il n’est pas interdit de défendre ses intérêts particuliers y compris corporatistes. C’est mon cas : je veux conserver le régime autonome des avocats qui ne coûte pas un centime public. 
Les politiques n’ont pas l’utilité  de surjouer sinon on est dans la comedia del arte ce dont nous n’avons pas besoin vu  les circonstances sanitaires anxiogènes  bien plus graves que des polémiques politiciennes, les menaces diverses sur le pays, les difficultés sociales  et le dislocation de la nation avec ce que l’on nomme par doux euphémisme du séparatisme, la violence qui dépasse tous les niveaux et qui n’est plus de l’incivilité ou les dérapages de sauvageons, et la nécessité économique  qui conditionne le niveau de vie de tous pour que chacun vive dans la dignité. Il y a plus besoin de calme que de tension et chacun doit être responsable de ses actes, quelle que soit son indignation. C’est le prince de Talleyrand qui a dit : « quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console ».Il avait ajouté « ce qui est excessif devient insignifiant » et nous y sommes actuellement. La grande maison du monde est en feu mais nous nous plaisons à allumer des incendies certes verbaux mais qui peuvent cependant avoir des conséquences ne serait- ce que dans la rue.  Nos politiques dénoncent scandale sur scandale si on les écoute alors qu’ils devraient user de la parole avec modération pour rassurer, unir plus que de diviser et surtout faire œuvre de pédagogie, d’éducation, expliquer sans cesse.  Sous réserve qu’ils connaissent la problématique eux-mêmes ce qui ne résulte pas avec évidence de ce que l’on entend sur les ondes et ce que l’on voit dans les lucarnes.
Le réforme des retraites en discussion à l’assemble illustre ces propos. On a compris après des semaines de grève que le choix était entre le retrait et le vote des parlementaires.  Le premier ministre a saisi l’occasion de la réunion d’un conseil des ministres samedi 29 février consacré à la lutte contre le coronavirus- ce qui paraissait suffisant comme tâche à résoudre- pour annoncer qu’il allait utiliser l’article 49-3 de la constitution pour faire passer son projet avec des amendements que le gouvernement retient en les choisissant y compris ceux de l’opposition a t-il affirmé ? et les 7 articles déjà votés sur les 65 à délibérer en tout.  On entendit aussitôt un cri de rage ou de souffrance et les protestations fusèrent pour dénoncer un « coup de Jarnac » en plein weekend, comme si le samedi était réservé aux loisirs quoiqu’il arrive et alors que le coup de Jarnac n’est qu’une manœuvre habile des escrimeurs et même si ce terme a été utilisé en politique avec M.Mitterrand qui est né dans cette ville.  On a crié à l’autoritarisme, voire pour les plus indignés n’ayant pas peur de l’hyperbole à la dictature, à la brutalité et j’en passe des meilleures alors qu’eux- mêmes se saisissent aussi des possibilités constitutionnelles : faites ce que je dis, pas ce que je fais !  Mais de quoi s’agit-il ? La constitution est le texte fondamental dans la hiérarchie des normes, et de toutes les façons une fois la loi approuvée par la majorité après la navette entre le sénat et l’assemblée, elle sera soumise à l’éventuelle censure du conseil constitutionnel qui peut reprendre les critiques déjà formulées par le Conseil d’Etat qui dénonçait notamment l’insécurité juridique de la réforme des retraites n’ayant pas eu un temps suffisant pour l’étudier ?   
Il n’y a pas plus démocratique qu’une constitution votée et ratifiée par le suffrage universel, qui détermine nos principes de droit, sauf à considérer que la loi a une valeur relative et est à géométrie variable, et que le texte suprême de la constitution ne doit pas être appliqué si quelques-uns l’estiment inopportun. Pour le coup ce serait le coup d’Etat juridique en permanence comme l’avait décrit le natif de Jarnac.  Chacun a pu constater que l’opposition avait déposé des milliers d’amendements souvent folkloriques qui paralysaient tout débat sérieux ce qui n’est que son droit constitutionnel, et que M.Mélenchon menait une guerre de tranchée selon son expression grandiloquente . Mais nous ne sommes plus en 14-18 ! Le gouvernement a lui aussi la possibilité de contrer ce qu’il considère être une obstruction démocratique, en utilisant l’article 49-3 qui permet à l’opposition de déposer une motion de censure et tenter de faire chuter le gouvernement. On est en pleine démocratie parlementaire. Le peuple est spectateur puisque tout se passe entre élus et exécutif.   Il n’en pense pas moins et on verra les 15 et 22 mars pour les élections locales ,s’il y a sanction et de qui, car parfois le municipal permet de faire connaitre son avis sur les initiatives au plan national.
L’article 49 de la constitution de 1958 dispose : « le premier ministre après délibération du conseil des ministres engage devant l’assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.
L’assemblée nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d’une motion de censure. Une telle motion n’est recevable que si elle est signée par 1/10ème au moins des membres de l’assemblée nationale.
 Le vote ne peut avoir lieu que 48 heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’assemblée…
 le premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’assemblée nationale  sur le vote d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas le projet est considéré comme adopté sauf si une motion de censure déposée dans les 24 heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.Le premier ministre peut en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session… ».
L’article 49-3 permet donc au gouvernement de faire passer son texte, sans vote sous couvert du rejet de la motion de censure. Tous les exécutifs de droite comme de gauche ont utilisé cette procédure. Il fallait bien que le gouvernement actuel qui fait tout en même temps s’empare d’une des recettes constitutionnelles du vieux monde. En quoi n’est- ce pas démocratique, au-delà de ce qui est souhaitable à savoir un dialogue constructif.  La constitution ne s’use que si on ne s’en sert pas. Tout le reste n’est que gesticulations.

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