samedi 15 février 2020

de la transparence exigée à la vertu obligatoire


De la transparence exigée à la vertu obligatoire.
Par Christian Fremaux avocat honoraire .
M.Griveaux jeune par l’âge donc vigoureux, ancien ministre désigné par le parti du président de la république pour accéder à la mairie de paris a choisi le vendredi 14 février jour de la saint- valentin et fête de l’amour pour annoncer qu’il n’était plus candidat à l’élection en raison d’un désordre amoureux inapproprié. C’est paradoxal. Il semble qu’une vidéo volée de 2018 circule où il apparait dans une posture sexuelle et prouve qu’il entretient des relations avec une femme sauf que ce n’est pas la sienne. Faut-il en faire un drame pour ce qui appartient à sa vie personnelle ?  Le futur maire de paris doit- il être abstinent pour tout ? On ne s’est pas vraiment interrogé sur celui (un russe au passé trouble) qui est à l’origine de la publication et on ne connait pas ses motivations et son intérêt dans cette mise au tapis d’un homme politique proche de M.Macron qui n’avait pas besoin d’une péripétie ridicule négative de plus.  Le nouveau monde renvoie à l’ancien.  
 Et ce serait le scandale en France la patrie du libertinage, du romantisme et de la beauté des femmes ? « Couvrez ce sein que je ne saurais voir » a déjà écrit dans Tartuffe (1664) Molière qui doit bien rire d’où il est. La fille ainée de l’église (de quelle obédience désormais ?) qu’est resté notre pays est devenue bien prude et elle exige beaucoup des hommes et des femmes politiques, surtout dans leur vie privée.  M.Griveaux veut défendre surtout sa famille qui est très malmenée et injuriée depuis sa candidature : il a raison. S’y ajoute la pratique actuelle de notre démocratie dont il faut parler. Car les grands gagnants de la campagne électorale sont pour l’instant la rumeur malveillante, la haine, l’injure, la violence et tout ce qui rabaisse l’homme. M.Griveaux s’est auto-puni alors que personne ne lui demandait rien. C’est de plus en plus fort mais inquiétant.
Comme pour M.Fillon  M.Griveaux chute pour un accident de parcours qui n’a rien à voir directement avec la politique. La différence est que M.Fillon  qui a été mis en examen en vitesse supersonique comparait en correctionnelle bientôt, tandis que M.Griveaux victime de délits sera partie civile dans un futur procès si on retrouve les auteurs de la diffusion de la vidéo dérobée et s’ils sont jugés, rien n’étant certain. Si tel est le cas j’espère que la justice sera très sévère car il y a des textes répressifs qui s’appliquent et même si M.Griveaux s’est piégé tout seul.  Ce n’est pas la première fois que le sexe ou autre habitude joue un rôle dans la vie politique ou publique. La liste serait trop longue mais citons des cas.  On se rappelle le bon président Félix Faure qui est mort dans les bras de sa maitresse à l’Elysée. Et le Cardinal Daniélou qui est monté au ciel en pleine épectase. D.S.K - dont M.Griveaux a été le collaborateur  - a perdu toutes ses chances de devenir président après ses péripéties à New-York et à l’hôtel Carlton de Lille. Tandis que Winston Churchill buvait beaucoup, fumait de gros cigares et avait de graves dépressions.
L’exemple de M.Griveaux pose un problème de principe : que peut -on exiger moralement  d’un homme ou d’une femme politique ? La démocratie est- elle l’ascèse et le renoncement à ce que l’on est ?
Bientôt ne pourrait se présenter à une élection significative qu’un célibataire ( homme ou femme),  blanc mais pas forcément , aux tendances et pratiques sexuelles classiques et connues, sans amis,  ne fumant même pas du cannabis, buvant de l’eau, étant évidemment pauvre, n’ayant  eu aucun mauvais point ou colle de la maternelle à l’université, n’ayant reçu aucun avertissement dans le monde du travail ni commis la moindre infraction punie d’une contravention, totalement transparent pour toute chose et naturellement incarnant la vertu. Son programme politique public devra correspondre à sa vie privée et inversement.   
L’opinion publique ou plus précisément ceux qui la manipulent en toute impunité sur les réseaux sociaux notamment ce qui prouve qu’il faut légiférer pour réguler et interdire les débordements avec des donneurs de leçons adeptes des ligues de vertu, exigerait que l’on soit conforme à ce que l’on prêche, demanderait que l’on lave toujours plus blanc et qu’il ne puisse y avoir ni doute ni soupçon dans la vie publique ce que j’approuve , et aussi  dans la vie privée et là je m’insurge. On en fait beaucoup dire à l’opinion publique ! Le voyeurisme ne passera pas.
On ne peut pas imposer à un responsable politique d’avoir une vie privée sans ses goûts et ses couleurs, avec ses défauts et qualités, comme elle serait définie par on ne sait qui à partir de critères et valeurs subjectives. Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre. Qui peut prétendre être parfait ? Les dénonciateurs qui se prennent pour des justiciers sont-ils de bonne foi ? Connaissent-ils la parabole de la paille et de la poutre ?
L’homme ou la femme politique ne sont que des humains avec leurs faiblesses et ce qui compte ce sont leurs engagements publics, leurs promesses, qu’ils disent leur vérité, et qu’ils accomplissent le programme sur lequel ils se sont fait élire, en écoutant la voix du peuple surtout s’il se plaint ou renâcle. La vie publique c’est de mettre le plus possible ses actes en conformité avec ses paroles, s’expliquer sur ses intentions, d’être honnête dans tous les sens du terme, et de faire le maximum pour l’ensemble de la nation en la tirant vers le haut et en la protégeant dans un rassemblement y compris de ses emportements. 
Un homme ou une femme politique doit être exemplaire dans ses décisions publiques et les valeurs républicaines mais on ne lui demande pas d’étaler sa vie privée et de nous dire si elle est conforme, d’ailleurs à quoi ? Comme le disaient les inconnus jouant les journalistes dans un sketch : « [… on divulgue ce qui est confidentiel…] mais cela ne nous regarde pas ! ».  M.Griveaux vient de mettre à mal sa carrière : je lui souhaite d’être heureux dans sa famille et de prendre les plaisirs qu’il souhaite car on ne tape pas sur un homme à genoux. D’autant plus que je n’aurai pas voté pour lui puisque je suis électeur dans ma petite commune de l’Oise où je termine mon mandat après 37 ans de fonctions d’élu.  
L’ancien ministre a donc décidé de se retirer -si je puis m’exprimer ainsi sans ambiguïté- de la course à la mairie. Dont acte. Comme la nature politique a aussi horreur du vide on va lui trouver vite un ou une remplaçante. M.Griveaux avait placé sa campagne sous les signes de la sécurité et de la propreté. Qu’il soit entendu dans toutes les significations des mots en y accolant le respect et la dignité outre un programme pour la ville-capitale qui convienne aux citoyens au-delà des parisiens.     
Je crains un monde de transparence imposée tous azimuts d’abord pour les politiques puis ensuite pour tout le monde.  On sait que cela conduit à l’arbitraire et à l’autoritaire. L’information ne justifie pas tout. La liberté d’expression ne doit pas nuire et franchir la porte de l’alcôve ou du domicile en faisant du mal à femme et enfants. La politique n’est pas le tir à vue : elle est faite pour être positive. Le citoyen mérite le mieux. Je détesterai la norme élaborée par une minorité haineuse, et la vertu obligatoire. Que la jurisprudence Griveaux serve au moins à rétablir la confiance et la fraternité entre nous.    

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