L’Etat
c’est moi .
Par Christian Fremaux
avocat honoraire
Je n’aurai pas voulu
passer mon baccalauréat en juin 2022 car non seulement il y a la canicule qui
aurait fait fondre mes quelques neurones mais en plus il y a les élections
législatives et les déclarations échevelées de certains candidats qui
perturbent et nous font voir midi à14h. Je ne sais si l’avenir institutionnel
et économique va être radieux compte tenu des sujets très sérieux qu’il
faut résoudre avec un minimum d’union pour y parvenir. On a posé aux futurs
bacheliers l’élite montante, des questions fondamentales mais difficiles sur le
rôle de l’art, de l’Etat, de la liberté, de ce qui est juste, et je ne suis pas
sûr que la grande majorité des adultes qui votent seraient capables d’y
répondre. Je m’y essaie mais j’espère que je n’aurai pas un zéro pointé.
.
Un pays sans Etat,
sans règles objectives d’intérêt général, avec des lois d’opportunité, qui est
en outre corrompu, court au désastre, à l’affrontement. Un pays qui a un Etat
fort et totalitaire comme George Orwell l’avait décrit est mortel pour les
individus et les libertés. Méfions-nous de l’extension infinie de la haute
technologie qui est un progrès mais qui nous piste à notre insu de notre plein
gré. L’histoire nous a donné des exemples de chaque catégorie d’Etat et de
leurs conséquences souvent dramatiques. L’Etat est l’ensemble des pouvoirs de
contrainte collective que la nation possède pour le bien commun que personne
n’a défini et coulé dans le marbre.
En France quel est
le rôle de l’Etat qui est cette grosse machinerie que certains considèrent
comme l’Alpha et l’Omega. Et attendent tout de lui ce qui évite de prendre ses
propres responsabilités ne serait- ce que celle élémentaire qui nous est enviée
dans le monde d’aller librement voter ! Du temps de M. Reagan aux Usa et
de Mme Thatcher en Grande Bretagne on lui demandait d’être minimum, de réserver
ses actions aux fonctions strictement régaliennes et de faire confiance à
l’activité privée, de libérer des énergies, de ne pas s’immiscer dans la vie
privée ou les croyances voire de l’éthique sauf exceptions discutées
publiquement et contradictoirement.
Les différentes crises et menaces guerrières
ainsi que l’évolution des mœurs et des exigences individuelles ont laminé ce
modèle et désormais on attend tout de l’Etat sauf qu’il est devenu obèse,
impotent et inefficace. Il faut le réformer mais on ne sait pas où tailler et
pour quels objectifs. L’actualité nous démontre chaque jour son
impuissance entre les avis divergents des groupes de pression. L’Etat est sommé
d’intervenir sous peine d’être poursuivi et condamné par les tribunaux pour des
manquements présumés en ce qui concerne de multiples sujets comme par exemple l’environnement,
la justice sociale, la fin de vie, la
bioéthique, sans compter les revendications catégorielles, et le budget des
familles selon leurs besoins. La liste est sans fin. Le citoyen exige d’être
protégé mais souvent se refuse à en payer le prix ou subir quelques
contraintes. L’Etat devient l’adversaire comme s’il prenait des décisions pour
lui -même dans son intérêt exclusif. L’individu estime avoir des droits et une
créance sur la collectivité. L’Etat ne peut en plus fixer les règles morales du
jeu et définir le bien et le mal. Il se réfugie derrière la notion de
valeurs républicaines de nature universelle dont certaines sont reconnues comme
telles et d’autres remises en question. La devise liberté égalité fraternité
permet de fixer le cap, mais il y a parfois des tempêtes qui font dévier de la
route pour arriver à bon port.
Personne ne peut décréter ce qui est juste ou
non qui dépend de notre conscience et de notre subjectivité. Je n’évoque pas la
justice qui est une vertu et une institution matérielle gérée par des hommes et
des femmes avec leurs qualités et défauts. L’Etat n’y intervient pas sauf en
garantissant son indépendance et en collaborant par les projets du gouvernement
à l’initiative des lois que les juges appliquent. La justice est plutôt décriée
mais indispensable.
L’Etat ne se
mêle pas non plus de la morale qui est du domaine de l’intime. Est
juste la personne qui se comporte conformément à la justice et à la loi,
ainsi qu’à l’équité qui est une notion à géométrie variable très subjective car
elle se définit différemment selon ce qui est inné, notre origine, notre
héritage familial ou sociologique, et nos acquis avec nos échecs et nos
détestations, notre expérience et le fruit de nos propres réflexions. Nous
avons construit notre statue intérieure avec des matériaux composites. Parfois
elle se lézarde et parfois elle nous permet de résister et d’imposer notre
opinion dans le respect de celui qui ne la partage pas et la tolérance. C’est
un combat permanent contre soi-même mais aussi une lutte musclée contre d’autres.
Soyons honnêtes la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Je ne crois pas que
l’homme soit né forcément bon, il faut des règles pour qu’il le soit, et
surtout quand une minorité agissante et très peu ouverte pour ceux qui ne
croient pas en ses raisonnements rêve du grand soir ou d’une nouvelle aube
prétendument rayonnante du jour au lendemain pour faire notre bonheur, ce que
je ne demande pas. Guillaume Apollinaire guetteur mélancolique a écrit que
jamais les crépuscules ne vaincront les aurores.
Revient-il à l’Etat de
décider ce qui est juste a-t-on demandé à nos chères têtes blondes si j’ose
encore cette expression qui peut me conduire à une accusation de
discrimination. L’Etat c’est moi d’abord puis nous dans notre diversité et nos
contradictions. L’Etat Léviathan qui incarne la volonté générale donc qui est
un monstre froid et impersonnel n’est rien par lui-même. Le gouvernement fait
légiférer pour ses projets .Avec parfois la force injuste de la loi. Il n’est
qu’un moyen pour faire fonctionner la république et maintenir la démocratie.
Il est un serviteur pas un créateur. L’Etat n’a pas de droits spécifiques.
Quand on parle de
l’état de droit on veut dire que la puissance publique est soumise aux mêmes
lois que tout citoyen, qu’il n’y a de privilèges pour personne y compris
les premiers de cordée et que le rôle de l’Etat est de conforter les libertés
dans le cadre légal voté par l’assemblée nationale et le Sénat. Sous
l’autorité des juges qui tranchent les litiges et rappellent les obligations au
nom du peuple français qui est le souverain. Montesquieu est toujours vivant
même si les pouvoirs actuels se disputent dans leurs moyens et légitimités, et
si notre démocratie semble fatiguée les citoyens s’abstenant de la régénérer
par perte de confiance et le « à quoi bon-isme » tout en voulant y
participer et qu’on les interroge, en dehors des jours d’élections bien sûr !
L’Etat - ou plutôt nos
représentants et la bureaucratie qui l’animent -n’a pas à nous dicter nos
conduites, croyances et notre mode de vie. Les droits individuels semblent
dominer les devoirs collectifs ce qui devient excessif voire dangereux car la
liberté illimitée a déjà conduit à des catastrophes. L’Etat doit maintenir
l’équilibre. Pas définir le juste.