Salut
l’artiste
Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Il n’y a personne qui n’aime pas le divertissement
vivant par ces temps moroses, les décors, la musique, les lumières et surtout
celui ou celle qui par son talent apporte un supplément d’âme ou de bonne
humeur, nous fait rêver ou nous conduit sur les hauteurs vers des sphères
inconnues qui nous donnent l’espoir. Les clowns nous donnent de la joie, et
parfois des professionnel(le)s de la politique aussi même
involontairement. Tout le monde veut en profiter, pouvoir être joyeux pour
évacuer le stress des évènements actuels et les menaces que l’on entend
régulièrement. La société du spectacle a besoin de participants.
La vie
publique n’échappe pas à ce besoin. Chacun sait que les promesses n’engagent
que ceux qui y croient, mais il faut se raccrocher à quelqu’un ou à un
programme pour que l’avenir soit plus attrayant et que nos efforts soient
payants. On veut y croire. Les campagnes électorales ne sont en général pas des
périodes où l’on s’amuse sauf si les candidats commettent des bourdes,
endossent des costumes qui leur seront reprochés, que la justice brusquement
s’en mêle en poursuivant pour une affaire croustillante concernant la vie
privée fiscale ou de mœurs ou publique avec un petit détournement ou un abus
présumé. La présomption d’innocence est remisée au placard, et quand les boules
puantes sont lancées on dit que cela ne nous regarde pas mais on est attentif. On
peut en rire, jaune naturellement.
On nous propose aussi des animateurs de débats
politiques comme M. « Baba » Hanouna dont son émission est un modèle
de violences verbales, de sujets sous la ceinture, d’invectives et d’exagérations
nulles pour ne pas les qualifier autrement prononcées par des incompétents, des
sectaires, ou par des gens qui n’ont que leur personnalité comme bagage. Le
niveau monte ! Mais comme il faut faire moderne M. Baba plait, y
compris à Mme Schiappa ministre chargée de la citoyenneté et à d’autres
personnalités du monde politique car il est censé avoir l’oreille des jeunes
qui sont plutôt abstentionnistes. Et qui sont vite saoulés. Il est vrai
que les vieux citoyens - la majorité silencieuse - portent souvent un
appareil auditif qui filtre les déclarations et les bêtises, et que les
pitreries de M. Hanouna et de ses invités les interpellent moins. Mais cela ne
les empêchera pas d’aller voter. MM. Zemmour
et Mélenchon ont débattus sous l’autorité de Baba, se sont presque battus au
moins verbalement en s’insultant et le match fut nul, en tous les sens du terme.
Vive le show.
Ces outrances de la démocratie qui exige la
transparence pour les autres que soi sont un passage obligé car l’électeur a
besoin de savoir à qui il a affaire, presque de toucher physiquement le
candidat et croire qu’il est son sauveur. Les meetings font partie de la
campagne électorale. Le fond de ce que propose le candidat est fondamental bien
qu’il se réduise en slogans, mais dans notre société du spectacle la forme
est essentielle. Il faut savoir innover.
Un meeting
politique c’est la réunion d’affidés, de partisans, de laudateurs, réunis dans
une salle, avec un décor tricolore, des jeux de lumière, des écrans géants, une
musique choisie par le candidat qui galvanise ; puis des chauffeurs de salle
qui mobilisent les troupes en dénigrant les adversaires et en encensant le
candidat qui fera ce qu’il dit même si on ne sait pas s’il aura une
majorité parlementaire ou les moyens de ses ambitions. Enfin l’idole parait celui
ou celle qui marche sur les eaux qui vont le porter tel un tsunami vers
l’Elysée. C’est beau, c’est poignant, c’est encourageant. On termine par la Marseillaise
reprise en chœur, on crie plusieurs fois avec force on va gagner, et le
candidat reparti, chacun rejoint ses pénates et reprend le cours ordinaire de
sa vie, en priant pour que son candidat persuade une majorité et soit élu. Les
feux éteints c’est un exercice un peu tristounet, convenu et attendu, un peu
« chiant » si je reprends le vocabulaire Hanounien, mais nécessaire
pour souder les militants qui diffuseront la bonne parole et qui auront vu de
leurs yeux vus le futur président de la république. Celui-ci ne guérit plus les
écrouelles mais qui sait ? et pour lui on arpente les marchés.
Je n’ignore
pas que ce que je décris est considéré comme ringard, dépassé par les réseaux
sociaux, les débats à la télévision, les formes de communication par internet
et autres moyens de faire connaitre qui on est et ce qu’on propose. Mais
il faut des meetings en chair et en os quelles que soient les règles sanitaires
et les restrictions qui permettent au candidat de quitter Paris, de venir sur
le terrain dans la boue de la ruralité, et de faire savoir aux présents
qu’il les aime et fera tout pour eux, néanmoins à tour de rôle selon le
thème qu’il développe et le public présent. On peut adapter ses propos
à la conjoncture.
M. Mélenchon
vient de frapper fort. En 2019 pendant la campagne des européennes
il avait délégué un hologramme dont il va encore se servir pour la
campagne présidentielle 2022. Ce sera un Mélenchon pour le prix de plusieurs.
Ceux qui ne l’aiment pas vont pâlir. Mais il mérite le prix de
l’innovation ce qui est déjà une victoire, peut- être la seule ? Il a tenu un
meeting immersif, tout le monde n’a pas fini noyé je rassure. On ne sait
pas ce qu’il a dit de nouveau sur le ton « modéré » que l’on connait
et que les militants veulent entendre. Mais peu importe le contexte a été
génial. On aurait dit de l’art abstrait, surréaliste, branché. Les murs étaient
des écrans lumineux avec des images, les plafonds étaient recouverts de
panneaux de leds, le son était spatialisé, des masques (mais pas des bandeaux
et des boules quiès) étaient distribués aux participants. L’orateur en a mis
plein les yeux et plein les oreilles. Je ne sais pas s’il a gagné des
points dans les sondages, mais il n’a pas perdu la bataille de l’écume, du
secondaire et du spectacle digne du Futuroscope. Et le clou était la diffusion de
parfums pendant le discours. Ceux qui déjà ne sentaient pas M. Mélenchon s’indigneront
et ne changeront pas d’avis même si ses arguments ont l’odeur de la rose ou la
senteur envoûtante du cannabis qui rend euphorique -parait -il -ceux qui
l’absorbent. Mais quand même salut l’artiste !