La Constitution cet obscur objet de désir.
Par Christian Fremaux avocat
honoraire.
La
Constitution notre texte juridique suprême qui organise les relations entre les
pouvoirs et fondateur de l’état de droit fait l’objet de convoitise. Pourquoi ?
Le citoyen doit- il s’en inquiéter ou s’en réjouir ? Le progressisme et
la possibilité de réformes doivent -ils concerner les tables de la
loi ? C’est une fixation de certains candidats à la présidence :
il faut changer de Constitution pour pouvoir agir ou en modifier certains
points pour éliminer les obstacles de droit. Comme si avec de nouvelles règles
du jeu les problèmes disparaitraient, les comportements individuels se
bonifieraient, les violences diverses s’atténueraient, et le bonheur social
économique et sociétal dans une nature sauvée régnerait. On veut le croire.
Depuis 1958.
Le 9 novembre
2021 le général de Gaulle symbole de la résistance et de la grandeur sans
petites combines et manœuvres subalternes a dû se retourner dans sa tombe. On a
vu ou aperçu le ban et l’arrière ban des politiques à Colombey -les -deux
églises notamment Marine le Pen dont le papa avait combattu férocement le
général pour des raisons liées à l’indépendance de l’Algérie. Madame Hidalgo
également présente qui se veut l’héritière du socialisme canal historique F. Mitterrand
a certainement lu le livre de ce dernier sur « le coup d’Etat
permanent » dénonçant le général revenu au pouvoir à qui on prêtait des
tentations de dictateur. Surtout en raison de la Constitution qu’il avait mise
en place en 1958 avec le fameux article 16 qui pouvait lui donner pleins
pouvoirs. M. Mitterrand élu président changea d’opinion et trouva très bien d’être
un monarque républicain et d’avoir à sa disposition le texte du général à
savoir une Constitution qui avait des fondations fortes et des valeurs
républicaines et permettait de gouverner de façon efficace mais démocratique.
Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.
C’est quoi la Constitution ?
La
Constitution est un ensemble de textes juridiques qui définit les institutions
de l’Etat et organise leur fonctionnement et qui s’impose aux lois conformément
à la hiérarchie des normes. On y rappelle aussi des grands principes supérieurs
dans leurs portées qui viennent de loin et des textes fondamentaux comme les droits
de l’homme. La Constitution votée le 4 octobre 1958 à l’initiative du
général de Gaulle qui a créé la V -ème république, précise par exemple
dans son article 1 que « la France est une république indivisible, laïque,
démocratique et sociale… ». C’est à l’aune de cette règle fondamentale que
l’on apprécie en 2021 les velléités de séparatisme, le débat sur la place des
religions ou d’une en particulier et les revendications de certains en matière
d’identité, la participation des citoyens aux décisions publiques qui les
concernent par les élections et à faire plus entendre leurs voix si on les questionne.
On ne peut faire n’importe quoi :
on doit respecter le texte qui est le garant des libertés, de l’objectivité, de
l’égalité, et de l’intérêt collectif. Ainsi depuis 1958 avons-nous un pouvoir
exécutif (le gouvernement nommé par le président de la République) et un
pouvoir législatif (des députés et sénateurs élus par le peuple). Nous avons
aussi et simplement une « autorité » judiciaire . Faut-il
que ladite autorité devienne un pouvoir ? Or on discute sur le
gouvernement des juges réel ou supposé. Le général avait choisi une
priorisation : La France d’abord, puis l’Etat et enfin le droit. Est-ce
immuable à notre époque où l’individu pense n’avoir que des droits ; où la
nation est un concept discuté ; où l’Europe et ses juges interfèrent
pour tout ; et où beaucoup de paradigmes nouveaux sont apparus, dans le
cadre de la globalisation et de l’évolution des mœurs et du rapport à l’autre ?
Des candidats pensent que si on ne modifie aucun article, rien ne sera possible
on n’avancera pas et les problèmes demeureront. Montesquieu a écrit que l’on ne
touche aux lois que d’une main tremblante. On peut le dire de la Constitution-
la loi constitutionnelle la plus importante- car on sait ce que l’on a et
on ne peut partir à l’aventure.
Depuis 1958 la Constitution a été modifiée
déjà 24 fois : de 1962 avec l’élection du président de la république au
suffrage universel avec le reproche actuel au président de sa gestion
jupitérienne : au quinquennat en 2000 ou à la création du
référendum d’initiative partagée en 2008 pour donner de nouveaux droits
aux citoyens. On utilise selon la Constitution
(articles 11 et 89) soit la voie du référendum en interrogeant tous les
citoyens, soit la voie du congrès à Versailles où il faut une majorité des
3/5-ème des députés et sénateurs pour que le projet aboutisse. M. Macron a essayé
sur divers sujets en 2019 : il a échoué devant les parlementaires.
Des idées percutantes ?
M. Mélenchon
veut entrer en VI -ème république et dès son élection réunir une assemblée
populaire constituante. Je ne sais pas ce qu’il veut y mettre, comment
il va réorganiser le fonctionnement des institutions, qui va décider. Je
comprends qu’il veut rendre le pouvoir au peuple : mais est-il sûr
que le peuple en veut car avoir des responsabilités c’est risqué (voir les
poursuites judiciaires liées à la covid-19) et on peut se contenter de ne
vouloir qu’être entendu ? Faut-il bouleverser les institutions pour ça ?
M. Bertrand
qui a des idées de fermeté pour combattre notamment la délinquance, le terrorisme,
le laisser- aller avec l’assistanat, veut restaurer l’autorité de l’Etat et
protéger ceux qui le servent, en obligeant les magistrats à sévir malgré leur
indépendance. Il se sent bridé par les lois internes actuelles et celles des
juges européens. Il veut un état de droit agile et ne supporte pas que l’on
dise que l’on ne peut rien faire notamment en matière de justice rendue au nom
du peuple français et d’immigration. Il interpellera donc les citoyens par
voie de référendum à questions multiples pour un changement de certaines
dispositions de la Constitution pour que le pays et ses citoyens redeviennent
souverains. C’est un débat qui a lieu aussi dans d’autres pays européens.
Faisable ou non ?
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