L’Assemblée Nationale un lieu
hors-la-loi
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Faites ce
que je dis pas ce que je fais. Cette exhortation concerne certains
parlementaires récemment élus qui ont frappé fort la bouche en cœur comme des
présumés innocents.
La justice
est prompte à sanctionner tout individu qui ne respecte pas la loi. Notre état de
droit repose sur l’indépendance des juges. Sauf quelques maçons des murs des
cons et militants ils appliquent les textes issus de la réflexion intense des
élus du peuple, avec la rigueur qui s’impose. Il ne s’agit pas de les interpréter
pour construire une société idéale dite progressiste telle qu’une minorité
rêverait qu’elle soit. Le peuple français de base se contente de la société qui
existe, voudrait en conserver les valeurs républicaines classiques tout en
éliminant ce qui les affecte et ne supporte pas l’inégalité des chances devant
la loi. Ou qu’il y ait de plus égaux que d’autres.
Nos nouveaux parlementaires viennent de donner
un spectacle affligeant : ils ne pourront plus donner la moindre leçon de morale
notamment. Ce que les élites sans responsabilité et légitimité adorent
formuler.
L.F.I qui
est un parti politique très minoritaire en nombre d’élus à l’intérieur d’une
coalition hétéroclite le N.F.P. elle -même globalement minoritaire avait saisi
le Conseil Constitutionnel pour contester la participation de ministres
démissionnaires élus députés à l’élection de la présidence de l’assemblée. En
droit les avis divergent et les professeurs de droit disent tout et son
contraire. L.F.I a une vocation hégémonique en écartant les millions
d’électeurs qui n’ont pas voté pour son camp. Avec 72 députés au compteur sur
577 élus le parti revendiquait avec force un maximum de fonctions et
présidences notamment celle du perchoir. Cela a en partie payé. Et en exigeant
le poste de premier ministre. Pour son candidat avec la casaque N.F.R.
C’est la médaille d’or du bluff toutes catégories. Le Président ne pourrait que
dire amen si la laïcité n’existait pas ! L’article 8 de la constitution
lui permettant par ailleurs un choix non contraint, usage républicain ou non.
Le Conseil Constitutionnel
vient de rejeter le recours de L.F.I en se déclarant incompétent avec la motivation
suivante : « aucune disposition de la Constitution ou d’une loi
organique prise sur son fondement ne donne compétence au Conseil
Constitutionnel pour statuer sur une telle demande ». Le parlement est -il
imperméable à la justice et irresponsable en droit ? Cela semble être le
cas. MM.et Mmes les députés font ce qu’ils veulent sur leur terrain de
jeux ! C’est la loi du plus fort ou du plus manœuvrier qui règne ? Rappelons
qu’au premier tour de scrutin pour la présidence, on a trouvé plus de bulletins
que de votants ! C’est de la fraude caractérisée et c’est très grave car
on remet en cause le fondement de l’état de droit avec des élections libres et régulières
sous le contrôle de la justice. C’est une atteinte à la démocratie. J’espère
qu’une enquête interne aura lieu et que les coupables- pas un simple dysfonctionnement
matériel- seront trouvés et punis. Si un électeur lamda était pris en train de
tricher dans un bureau de vote, il
serait poursuivi devant la justice pénale, condamné à de la prison et privé de
ses droits civiques. Il ne peut y avoir deux poids et deux mesures. L’élection
de Mme Braun-Pivet membre du parti minoritaire macronniste de son état
désormais définitif au troisième tour n’efface pas la volonté d’avoir voulu
vicier le scrutin.
Les obsédés textuels
juristes sont ravis.
D’autres questions de droit inédites se
posent. Avec ses 66 députés le parti socialiste a interrogé le conseil :
le président a-t-il le droit de nommer des hauts fonctionnaires alors
qu’il n’y a plus de gouvernement, mais des ministres se contentant d’expédier
les affaires courantes. Or il n’y a pas de définition juridique formelle des
affaires courantes ni une juridiction dédiée pour savoir ce qu’on peut faire ou
non. Et il faut bien que l’Etat fonctionne, avec ses cadres, canicule ou non,
J.O. en cours, et exigences des pressés de venir au pouvoir quitte à se faire
censurer. Quoiqu’il en coûte selon la formule qui a fait florès.
Les électeurs ont fait leurs devoirs. IIs ont
voulu sanctionner le chaos avec « l’agit-prop.» des prétendues victimes
révolutionnaires et mal élevées de la société. Dans tous les domaines et en
jouant de la peur de l’autre. Surtout les français ont demandé qu’on s’occupe
de ce qui les préoccupe : particulièrement l’insécurité, l’immigration, leur
identité et leurs valeurs. Sans confier le gouvernail exclusivement à ceux qui
portent ces thèmes. Il ne faut pas substituer au désordre matériel et intellectuel,
la chienlit. Les électeurs sont adultes et plus raisonnables que leurs
représentants. Il appartient aux politiques dont c’est le métier d’avancer sur
des idées au lieu de bloquer. Et de tout dénoncer en lançant des polémiques
stériles. Ce qui est inquiétant quand on veut gouverner. Que nos parlementaires
bouillonnants aillent barboter en prenant des vacances avec des douches froides
et qu’ils reviennent avec la conscience des besoins de réformes. Avec un
minimum de civilité et de respect. Il n’y a pas des fascistes, des racistes, des
privilégiés ou des conservateurs forcenés à tous les coins de rue ! Abroger
ce qui existe, renverser la table et faire barrage n’est pas un but en soi ni
une politique publique d’intérêt général. Il s’agit de voter des textes qui
rassemblent les français.
En droit il
y a une certitude.
On applique
la théorie de Montesquieu de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif,
judiciaire qui se contrôlent mutuellement en évitant les débordements de
compétences. Sauf que dans la Constitution de la 5ème
République le pouvoir judiciaire n’existe pas : il y a une autorité
judiciaire. On se méfie d’un éventuel gouvernement des juges. Le Conseil
Constitutionnel ne vérifie que la conformité de la loi à la constitution même
si le conseil a étendu ses compétences par des jurisprudences hardies. Le Conseil d’Etat plus haute juridiction de
l’ordre administratif mais aussi conseiller juridique du gouvernement serait illégitime
et en conflit d’intérêt pour le moins s’il se prononçait sur des actes
internes du parlement sauf revirement de jurisprudence majeur. La Cour de cassation a des compétences
précises. Elle ne se mêle pas de ce qui se passe au palais Bourbon sauf pour
juger en matière pénale les députés dont l’immunité a été levée par
l’assemblée. L’impunité ne peut profiter à personne.
Les députés
se sont affranchis d’une règle au nom d’un raisonnement curieux sinon pervers.
Le règlement de l’assemblée texte écrit prévoit que les postes à responsabilité
sont attribués à la proportionnelle. Tous les électeurs sont ainsi représentés.
D’autant plus qu’une fois élu le député est celui de la nation qui n’exclut
personne et pas celui d’une minorité ou d’un courant de pensée. Mais cette
bonne pratique c’était avant !
Le barrage républicain
à géométrie variable selon les moments et la conjoncture n’a aucun fondement
juridique ni justification morale puisque le mal et le bien ne se décrètent pas
personne n’ayant la vérité. C’est un moyen électoral pour éliminer des
candidats donc des électeurs. En l’espèce les français ont fait passer par deux
fois au niveau européen et national un message d’ordre et de fermeté, mais
n’ont pas voulu que les porteurs de leur flamme gagnent la compétition. Dont
acte. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont demandé à être écartés de toute
responsabilité à l’intérieur de l’assemblée où les députés minoritaires
ont joué encore-sans prévenir les électeurs -le barrage républicain. Le parti
ayant le plus d’élus hors coalition n’a obtenu aucun poste malgré la règle impérative
du parlement. Cela me parait un abus de pouvoir mais il n’y a aucune juridiction
compétente pour le juger. Sauf problème d’oreille je n’ai entendu aucune grande
voix démocrate et humaniste pour s’indigner d’avoir mis au ban de la République
des représentants de millions d’électeurs présumés infréquentables. La fin dite
supérieure a justifié les moyens même les moins honorables. Attention au retour
de bâton car quand les principes sont tordus rien ne va plus droit.
Enfin il fallait
enfoncer le clou. L.F.I avec ses dizaines de députés se dit dans l’opposition
quand cela l’arrange et dans la majorité avec la coalition si c’est utile.
Soyons pratique que diable ! La présidence de la très importante
commission des finances revient par tradition à l’opposition. En jouant le
barrage républicain L.F.I a obtenu cette présidence. Vive les tours de
passe-passe et l’absence de scrupules au nom bien sûr des hautes valeurs que
l’on s’attribue hors de toute considération. Comme le disait
Talleyrand : « asseyez -vous sur les principes, ils finissent
par céder ».
Il y a donc
au parlement creuset et figure de la démocratie et de la loi un droit de tricher
en rond ? Je ne doute pas que pour la prochaine fois - mais il faut attendre un an pour une nouvelle dissolution - les règles faussant la
représentativité vont être revues et que ceux qui en ont profité vont être les
premiers à demander leurs abrogations. On peut rêver. On n’est jamais à l’abri
d’une bonne surprise ou de remords tardifs. Sinon de la colère d’une partie des
électeurs qui ne se feront pas rouler deux fois ?
Au secours
Montesquieu l’esprit dévoyé des lois est entré au parlement qui devient une
zone de non-droit puisqu’aucune juridiction ne peut se prononcer sur les
décisions prises en son sein. Malheur aux vaincus et bonne chance au peuple
français au nom de qui les lois sont votées. Mais il ne faudrait pas que la
démocratie se fasse contre le peuple et le droit élémentaire que sont la simple
égalité et la justice.