vendredi 24 mai 2024

La C.P.I. et la position française

 

                                      La C.P.I. et la position française

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire

Guerre et Justice n'est- ce pas un oxymore comme tolérance subjective et partiale ?

La Cour Internationale de justice [C.I.J] créée en 1945 est un organe de l'Onu qui siège à La Haye. Il y a un juge français M. Ronny Abraham. Elle est compétente pour juger exclusivement les différends entre Etats qui sont le plus souvent des difficultés de frontières terrestres ou maritimes. Elle peut être saisie aussi pour apprécier l'existence d'un génocide, ou le financement du terrorisme ou de la discrimination raciale (ex. Arménie contre Azerbaïdjan). Elle se prononce au fond après une très longue procédure où chaque partie argumente. Elle peut ordonner des mesures d'urgence comme celle que la Russie cesse son action contre l'Ukraine. Mais elle ne peut forcer aucune partie à s'exécuter. On est plutôt dans de la communication. Sur requête de l'Afrique du Sud la Cour a indiqué qu'il y avait un risque génocidaire de la part d'Israël contre Gaza. Elle ne s'est pas prononcée sur la nature du mouvement terroriste du Hamas. Elle a indiqué qu'Israël avait le droit de se défendre de façon proportionnée en privilégiant le devoir humanitaire.  Elle n'a donc pas déclaré, comme le soutiennent des militants, qu'il y avait génocide avéré.  

La C.I.J. n'est pas à confondre avec une autre Cour qui défraie la chronique.

La Cour Pénale Internationale [C.P.I] qui siège aussi à La Haye a été créée en 1998. Elle ne juge que des individus pour crimes d'agression, de guerre ou contre l'humanité et génocide. M. Nicolas Guillou est le juge français. Des responsables africains pour le Rwanda ou la Côte d'Ivoire ont été poursuivis et le dirigeant Serbe Milosevic est décédé en détention.

 Pour qu'un quidam soit justiciable il faut que son Etat ait ratifié la convention. Or les USA, la Chine, la Russie, Israël notamment n'ont pas ratifiés le traité. Le procureur de la Cour M. Karim Hahn avocat écossais a osé lancer des mandats d'arrêt contre M. Netanyahou premier ministre d'Israël et son ministre de la Défense qui ont une adresse et qui sont en fonctions. Et contre trois dirigeants du Hamas qui sont sans domicile fixe dans le désert ou dans des tunnels ou dans des pays amis et qui sont injoignables surtout avec des faux noms.

 C'est un tollé et peut-être de la gesticulation car les intéressés ne vont pas se livrer à la Cour pieds et poings liés la corde au cou pour être mis en détention provisoire ! D'autant plus que le procureur propose mais seule la Cour peut ordonner l'exécution de mandats d'arrêt. Elle va y réfléchir car les bonnes intentions pour aboutir au cessez le feu peuvent être contre productives et relancer le conflit. L'annonce du procureur pose des problèmes.

Il y a deux poids deux mesures car on ne sait pas sur quels textes précis et surtout sur quels critères objectifs on poursuit tel individu plutôt qu'un autre qui a fait autant sinon pire ? Les pays du Sud global posent cette question.

Peut-on mettre sur un niveau d'équivalence les dirigeants d'un Etat démocratique reconnu et qui rendront des comptes à leurs mandants et à leur Justice, avec des fantômes fugitifs sans responsabilités, non élus, sans peuple défini qui les légitime et qui sont des terroristes. Le principe une vie est une vie semble insuffisant car l'émotion ne remplace pas le droit qui ne peut être à la remorque des opinons publiques.

La diplomatie française a approuvé par la doctrine du "en même temps "la décision du procureur international.  D'accord pour que le droit international s'applique et qu'une Cour de Justice se prononce si elle est compétente et reconnue. Mais pas d'accord en mettant au même niveau Israël et le Hamas. On ne peut qu’être satisfait : on soutient le droit et l'ordre et on essaie la négociation en proposant une trêve des combats pour sauver des êtres humains.

 Furieux mais "même pas peur" doivent ricaner M. Netanyahou et son ministre et les responsables en fuite permanente du Hamas comme d'autres futurs ou déjà concernés dans d'autres guerres, mais ils ne peuvent plus voyager sur le territoire d'un Etat qui est membre de la C.P.I. qui doit appliquer le mandat d'arrêt si la Cour le juge ainsi ! ça chauffe sous les crânes politiques.  Dont la France qui voudrait être le leader des pacifistes réalistes objectifs et convoquer les parties pour en discuter à Paris ! Mais voyage-t-on quand son pays est en guerre ?

 Doctrine d'ailleurs qui s'appliquerait peut- être pour nos émeutes internes dans les quartiers dits perdus ? Et comme en Nouvelle- Calédonie par exemple puisqu'on combat pour des motifs divers notamment la fin de la décolonisation et la reconnaissance d'un peuple autonome. En niant les droits de la nation française. Et des Français citoyens sur place ! Parallèle osé je l'avoue.

Le monde a besoin de principes supérieurs objectifs et universels pour progresser et donc d'arbitres neutres. Commencer par enquêter sur des criminels suspectés sous réserve de la légitime défense, est un bon début. Sinon il n'y a plus qu'à se désespérer et attendre la fin des combats avec un gagnant ou un perdant ou un match nul c'est-à- dire la mort de nombreuses victimes. L'idéologie ne peut effacer le dialogue et le compromis nécessaire. La vérité judiciaire est relative mais le droit est un moyen d'avancer. Il ne peut cependant être à la place de la volonté politique et mettre fin à la folie des hommes.  Les armes pures doivent se substituer aux armes qui tuent. Le procureur Karim Khan s'est lancé dans un pari sous un tombereau de scepticisme sinon d'injures. Il a eu le courage de prendre une initiative. Vive la C.P.I.   

1 commentaire:

  1. La justice n'est crédible que si elle est objective et ses servants neutres. Instrumentaliser la CPI contribue à dévoyer son intérêt. Pour quel résultat ?

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