La justice fait elle son examen de
conscience ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
La justice
fait feu de tout bois. C’est le réchauffement judiciaire. Quand on veut on peut.
Lorsque les politiques dénoncent le gouvernement des juges et un coup d’Etat de
droit à propos de la loi immigration passée au crible par le Conseil Constitutionnel,
ils ont tort. On ne peut être toujours gagnant et il leur suffit de proposer
des textes courageux et conformes au droit positif pour avoir raison. Sous la
souveraine appréciation des magistrats qui ne sont pas des machines et ont des certitudes
personnelles avec une conscience.
Le droit qui
n’est pas une science exacte s’interprète et on peut poser comme acquis
sociétal qu’un justiciable fût- il un homme ou une femme politique est de
bonne foi. Le gouvernement vient d’indiquer que chacun avait droit à l’erreur
qui pouvait être régularisée. Ils peuvent aussi être honnêtes bien
que maladroits et commettre des manquements sinon des infractions qui seront
sanctionnées, personne n’est parfait. Mais tout le monde et certains en
particulier ne doivent pas être désignés du doigt en raison de leurs notoriétés
ou de leurs fonctions. La démocratie exige beaucoup mais il ne faut pas que
les électeurs disent « tous pourris » et s’abstiennent. En ne votant
plus au cri de pour quoi faire ?
L’élection
n’exonère de rien. Elle n’entraine pas de soupçon d’office non plus. La justice
n’a pas à trier tel éventuel délinquant plutôt qu’un autre surtout quand
il y a un retentissement médiatique. Par définition le juge est paré de
toutes les vertus professionnelles. Mais il peut se tromper, n’est pas exempt
de faiblesses sinon d’arrière- pensées les maçons du mur des cons nous l’ont
appris ou le parquet national financier [P.N.F.] quand il a éliminé M. Fillon
de la course à la présidentielle. Initiative validée ensuite par les juges
du fond. Mais attendons la fin de tous les recours une surprise n’étant pas à
exclure.
Le parquet
national financier né le 1er février 2014 du temps de
la présidence de M. Hollande est en pointe dans beaucoup de dossiers
économiques et financiers. Au nom de la pureté et de l’honnêteté les
magistrats choisissent -ils leurs cibles par eux-mêmes, selon quels critères
définis par quelle entité supérieure ? Le P.N.F veut-il laver plus
blanc que blanc ce qui donne transparent comme le disait Coluche donc invisible
? Le parlement pourrait décider de la politique pénale à ce sujet.
L’indépendance a un prix.
Y
a-t-il actuellement un revirement de jurisprudence ou revient-on aux
principes de base ? Les juges aborderaient-ils les dossiers des politiques
avec plus de mesure et bon sens ou moins de parti pris c’est à dire sans tordre
le droit ou l’étendre pour créer une nouvelle société et ainsi la rendre
vertueuse selon eux et sans interroger le peuple. Sans faire des intéressés naturellement
des privilégiés ou des plus égaux que d’autres car le citoyen aime l’égalité de
traitement et considère que l’élu ou le nommé au sommet de l’exécutif par la
volonté présidentielle doit donner l’exemple. L’impunité ne doit profiter
à personne.
M. Dupond
-Moretti ministre garde des sceaux en fonction a été relaxé par la Cour de Justice
de la République. Les juges ont constaté que la matérialité du délit de
prise illégale d’intérêts était caractérisée mais que l’intention faisait
défaut. Le ministre ayant commis un délit à son insu de son plein gré a été
déclaré non coupable. Le parquet général n’a exercé aucun recours. Il est donc
acquis que le principe de l’intentionnalité est prépondérant. Tout justiciable
va pouvoir l’invoquer. Si un jour Me Dupond-Moretti retrouve sa robe
d’avocat il pourra convaincre les juges avec sa propre jurisprudence.
C’est classe.
M. Dussopt alors
ministre du travail en exercice a été jugé pour des faits de 2009 quand
il était maire d’Annonay. On lui reprochait un délit de favoritisme pour
avoir attribué un marché public de l’eau et avoir reçu en récompense quelques
lithographies d’une valeur modeste. C’était faux. Le tribunal correctionnel vient
de décider que l’ancien maire n’avait fourni aucune information privilégiée. Le
soupçon ne valait rien. Notons le processus. Le procureur doit
prouver le délit. Ce n’est pas au prévenu de faire la preuve qu’il n’est
pas coupable. Qu’on se le dise et qu’on applique la règle. Le parquet a interjeté appel. Le P.N.F. ne lâche pas un client facilement.
M. Bayrou
président du Modem vient d’être relaxé alors que les cadres de son parti dont
M. Mercier ancien ministre de la justice ont été condamnés. On leur reprochait
un détournement de fonds européens en faisant travailler les assistants
parlementaires non pas à Bruxelles mais à Paris. M. Bayrou s’était insurgé.
L’intérêt du jugement rendu est que M. Bayrou a été renvoyé des poursuites au
bénéfice du doute. Le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas la
preuve que M. Bayrou connaissait et avait approuvé les méthodes utilisées par ses
collaborateurs. Les juges ont ajouté finement qu’ils pensaient -sans pouvoir le
démontrer -que néanmoins M. Bayrou ne pouvait ignorer voire avait autorisé ce
qui se passait dans sa boutique. Un patron peut- il tout savoir et
donner des consignes implicites en fermant les yeux ? Poser la question
n’est pas déclarer la culpabilité. Le parquet a fait appel de la relaxe.
Tout le
monde connait l’adage « le doute profite à l’accusé ». C’est un
principe pénal fort car il y a à la clé une peine de prison,
d’amende, d’inéligibilité ou autre joyeuseté. Dans d’autres domaines du
droit -social notamment - le doute peut conduire à une condamnation. Je suis
persuadé que ceux (comme le RN) qui comparaitront prochainement devant les
mêmes juridictions quels que soient les faits se verront appliquer le même
raisonnement ! Vive la justice qui
innocente. Les français vont retrouver confiance en
l’institution. Il est permis d’espérer.
Encore un petit
effort et on va admettre que la présomption d’innocence dont on se gargarise sans
la respecter les médias s’y employant, est un fondement premier qui s’impose
face à une dénonciation ou une accusation qui peut remonter à des temps prescrits
mais que l’on ne pourrait opposer à une victime qui s’estime comme telle. Il y
aurait contradiction de légitimité et dans ce cas celle du plus faible ou de la
plus faible domine tout. Cela se discute.
Heureusement
les juges savent s’écarter de l’opinion publique pour s’en remettre aux faits
rien qu’aux faits. Puis au droit. Parfois on les maudit. Souvent on trouve
qu’ils exagèrent. Jamais on ne les remercie. Mais s’ils n’existaient pas
comment règlerait-on les conflits ? Tout le monde veut la justice et
déteste l’injustice qui consiste à ne pas punir celui ou celle qu’on n’aime pas
et qui nous a fait du mal. Appuyons-nous sur les principes. La
souveraineté du peuple s’incarne aussi dans la justice.
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