jeudi 8 février 2024

La justice fait elle son examen de conscience ?

 

                     La justice fait elle son examen de conscience ?

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire

La justice fait feu de tout bois. C’est le réchauffement judiciaire. Quand on veut on peut. Lorsque les politiques dénoncent le gouvernement des juges et un coup d’Etat de droit à propos de la loi immigration passée au crible par le Conseil Constitutionnel, ils ont tort. On ne peut être toujours gagnant et il leur suffit de proposer des textes courageux et conformes au droit positif pour avoir raison. Sous la souveraine appréciation des magistrats qui ne sont pas des machines et ont des certitudes personnelles avec une conscience.   

Le droit qui n’est pas une science exacte s’interprète et on peut poser comme acquis sociétal qu’un justiciable fût- il un homme ou une femme politique est de bonne foi. Le gouvernement vient d’indiquer que chacun avait droit à l’erreur qui pouvait être régularisée. Ils peuvent aussi être honnêtes bien que maladroits et commettre des manquements sinon des infractions qui seront sanctionnées, personne n’est parfait. Mais tout le monde et certains en particulier ne doivent pas être désignés du doigt en raison de leurs notoriétés ou de leurs fonctions. La démocratie exige beaucoup mais il ne faut pas que les électeurs disent « tous pourris » et s’abstiennent. En ne votant plus au cri de pour quoi faire ?

L’élection n’exonère de rien. Elle n’entraine pas de soupçon d’office non plus. La justice n’a pas à trier tel éventuel délinquant plutôt qu’un autre surtout quand il y a un retentissement médiatique. Par définition le juge est paré de toutes les vertus professionnelles. Mais il peut se tromper, n’est pas exempt de faiblesses sinon d’arrière- pensées les maçons du mur des cons nous l’ont appris ou le parquet national financier [P.N.F.] quand il a éliminé M. Fillon de la course à la présidentielle. Initiative validée ensuite par les juges du fond. Mais attendons la fin de tous les recours une surprise n’étant pas à exclure.

Le parquet national financier né le 1er février 2014 du temps de la présidence de M. Hollande est en pointe dans beaucoup de dossiers économiques et financiers. Au nom de la pureté et de l’honnêteté les magistrats choisissent -ils leurs cibles par eux-mêmes, selon quels critères définis par quelle entité supérieure ?  Le P.N.F veut-il laver plus blanc que blanc ce qui donne transparent comme le disait Coluche donc invisible ? Le parlement pourrait décider de la politique pénale à ce sujet. L’indépendance a un prix.  

Y a-t-il actuellement un revirement de jurisprudence ou revient-on aux principes de base ? Les juges aborderaient-ils les dossiers des politiques avec plus de mesure et bon sens ou moins de parti pris c’est à dire sans tordre le droit ou l’étendre pour créer une nouvelle société et ainsi la rendre vertueuse selon eux et sans interroger le peuple. Sans faire des intéressés naturellement des privilégiés ou des plus égaux que d’autres car le citoyen aime l’égalité de traitement et considère que l’élu ou le nommé au sommet de l’exécutif par la volonté présidentielle doit donner l’exemple. L’impunité ne doit profiter à personne.

 M. Dupond -Moretti ministre garde des sceaux en fonction a été relaxé par la Cour de Justice de la République. Les juges ont constaté que la matérialité du délit de prise illégale d’intérêts était caractérisée mais que l’intention faisait défaut. Le ministre ayant commis un délit à son insu de son plein gré a été déclaré non coupable. Le parquet général n’a exercé aucun recours. Il est donc acquis que le principe de l’intentionnalité est prépondérant. Tout justiciable va pouvoir l’invoquer. Si un jour Me Dupond-Moretti retrouve sa robe d’avocat il pourra convaincre les juges avec sa propre jurisprudence. C’est classe.

M. Dussopt alors ministre du travail en exercice a été jugé pour des faits de 2009 quand il était maire d’Annonay. On lui reprochait un délit de favoritisme pour avoir attribué un marché public de l’eau et avoir reçu en récompense quelques lithographies d’une valeur modeste. C’était faux. Le tribunal correctionnel vient de décider que l’ancien maire n’avait fourni aucune information privilégiée. Le soupçon ne valait rien. Notons le processus. Le procureur doit prouver le délit. Ce n’est pas au prévenu de faire la preuve qu’il n’est pas coupable. Qu’on se le dise et qu’on applique la règle. Le parquet a interjeté appel. Le P.N.F. ne lâche pas un client facilement.

M. Bayrou président du Modem vient d’être relaxé alors que les cadres de son parti dont M. Mercier ancien ministre de la justice ont été condamnés. On leur reprochait un détournement de fonds européens en faisant travailler les assistants parlementaires non pas à Bruxelles mais à Paris. M. Bayrou s’était insurgé. L’intérêt du jugement rendu est que M. Bayrou a été renvoyé des poursuites au bénéfice du doute. Le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas la preuve que M. Bayrou connaissait et avait approuvé les méthodes utilisées par ses collaborateurs. Les juges ont ajouté finement qu’ils pensaient -sans pouvoir le démontrer -que néanmoins M. Bayrou ne pouvait ignorer voire avait autorisé ce qui se passait dans sa boutique. Un patron peut- il tout savoir et donner des consignes implicites en fermant les yeux ? Poser la question n’est pas déclarer la culpabilité. Le parquet a fait appel de la relaxe.

Tout le monde connait l’adage « le doute profite à l’accusé ». C’est un principe pénal fort car il y a à la clé une peine de prison, d’amende, d’inéligibilité ou autre joyeuseté. Dans d’autres domaines du droit -social notamment - le doute peut conduire à une condamnation. Je suis persuadé que ceux (comme le RN) qui comparaitront prochainement devant les mêmes juridictions quels que soient les faits se verront appliquer le même raisonnement ! Vive la justice qui  innocente. Les français vont retrouver confiance en l’institution. Il est permis d’espérer.

Encore un petit effort et on va admettre que la présomption d’innocence dont on se gargarise sans la respecter les médias s’y employant, est un fondement premier qui s’impose face à une dénonciation ou une accusation qui peut remonter à des temps prescrits mais que l’on ne pourrait opposer à une victime qui s’estime comme telle. Il y aurait contradiction de légitimité et dans ce cas celle du plus faible ou de la plus faible domine tout. Cela se discute.

Heureusement les juges savent s’écarter de l’opinion publique pour s’en remettre aux faits rien qu’aux faits. Puis au droit. Parfois on les maudit. Souvent on trouve qu’ils exagèrent. Jamais on ne les remercie. Mais s’ils n’existaient pas comment règlerait-on les conflits ? Tout le monde veut la justice et déteste l’injustice qui consiste à ne pas punir celui ou celle qu’on n’aime pas et qui nous a fait du mal. Appuyons-nous sur les principes. La souveraineté du peuple s’incarne aussi dans la justice. 

 

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