vendredi 2 août 2024

L’Assemblée Nationale un lieu hors-la-loi

 

                                     L’Assemblée Nationale un lieu hors-la-loi

                            Par Christian Fremaux avocat honoraire

Faites ce que je dis pas ce que je fais. Cette exhortation concerne certains parlementaires récemment élus qui ont frappé fort la bouche en cœur comme des présumés innocents.  

La justice est prompte à sanctionner tout individu qui ne respecte pas la loi. Notre état de droit repose sur l’indépendance des juges. Sauf quelques maçons des murs des cons et militants ils appliquent les textes issus de la réflexion intense des élus du peuple, avec la rigueur qui s’impose. Il ne s’agit pas de les interpréter pour construire une société idéale dite progressiste telle qu’une minorité rêverait qu’elle soit. Le peuple français de base se contente de la société qui existe, voudrait en conserver les valeurs républicaines classiques tout en éliminant ce qui les affecte et ne supporte pas l’inégalité des chances devant la loi. Ou qu’il y ait de plus égaux que d’autres.

 Nos nouveaux parlementaires viennent de donner un spectacle affligeant : ils ne pourront plus donner la moindre leçon de morale notamment. Ce que les élites sans responsabilité et légitimité adorent formuler.

L.F.I qui est un parti politique très minoritaire en nombre d’élus à l’intérieur d’une coalition hétéroclite le N.F.P. elle -même globalement minoritaire avait saisi le Conseil Constitutionnel pour contester la participation de ministres démissionnaires élus députés à l’élection de la présidence de l’assemblée. En droit les avis divergent et les professeurs de droit disent tout et son contraire. L.F.I a une vocation hégémonique en écartant les millions d’électeurs qui n’ont pas voté pour son camp. Avec 72 députés au compteur sur 577 élus le parti revendiquait avec force un maximum de fonctions et présidences notamment celle du perchoir. Cela a en partie payé. Et en exigeant le poste de premier ministre. Pour son candidat avec la casaque N.F.R. C’est la médaille d’or du bluff toutes catégories. Le Président ne pourrait que dire amen si la laïcité n’existait pas ! L’article 8 de la constitution lui permettant par ailleurs un choix non contraint, usage républicain ou non.

Le Conseil Constitutionnel vient de rejeter le recours de L.F.I en se déclarant incompétent avec la motivation suivante : « aucune disposition de la Constitution ou d’une loi organique prise sur son fondement ne donne compétence au Conseil Constitutionnel pour statuer sur une telle demande ». Le parlement est -il imperméable à la justice et irresponsable en droit ? Cela semble être le cas. MM.et Mmes les députés font ce qu’ils veulent sur leur terrain de jeux ! C’est la loi du plus fort ou du plus manœuvrier qui règne ? Rappelons qu’au premier tour de scrutin pour la présidence, on a trouvé plus de bulletins que de votants ! C’est de la fraude caractérisée et c’est très grave car on remet en cause le fondement de l’état de droit avec des élections libres et régulières sous le contrôle de la justice. C’est une atteinte à la démocratie. J’espère qu’une enquête interne aura lieu et que les coupables- pas un simple dysfonctionnement matériel- seront trouvés et punis. Si un électeur lamda était pris en train de tricher dans un bureau de vote,  il serait poursuivi devant la justice pénale, condamné à de la prison et privé de ses droits civiques. Il ne peut y avoir deux poids et deux mesures. L’élection de Mme Braun-Pivet membre du parti minoritaire macronniste de son état désormais définitif au troisième tour n’efface pas la volonté d’avoir voulu vicier le scrutin.

Les obsédés textuels juristes sont ravis.

 D’autres questions de droit inédites se posent. Avec ses 66 députés le parti socialiste a interrogé le conseil : le président a-t-il le droit de nommer des hauts fonctionnaires alors qu’il n’y a plus de gouvernement, mais des ministres se contentant d’expédier les affaires courantes. Or il n’y a pas de définition juridique formelle des affaires courantes ni une juridiction dédiée pour savoir ce qu’on peut faire ou non. Et il faut bien que l’Etat fonctionne, avec ses cadres, canicule ou non, J.O. en cours, et exigences des pressés de venir au pouvoir quitte à se faire censurer. Quoiqu’il en coûte selon la formule qui a fait florès.

 Les électeurs ont fait leurs devoirs. IIs ont voulu sanctionner le chaos avec « l’agit-prop.» des prétendues victimes révolutionnaires et mal élevées de la société. Dans tous les domaines et en jouant de la peur de l’autre. Surtout les français ont demandé qu’on s’occupe de ce qui les préoccupe : particulièrement l’insécurité, l’immigration, leur identité et leurs valeurs. Sans confier le gouvernail exclusivement à ceux qui portent ces thèmes. Il ne faut pas substituer au désordre matériel et intellectuel, la chienlit. Les électeurs sont adultes et plus raisonnables que leurs représentants. Il appartient aux politiques dont c’est le métier d’avancer sur des idées au lieu de bloquer. Et de tout dénoncer en lançant des polémiques stériles. Ce qui est inquiétant quand on veut gouverner. Que nos parlementaires bouillonnants aillent barboter en prenant des vacances avec des douches froides et qu’ils reviennent avec la conscience des besoins de réformes. Avec un minimum de civilité et de respect. Il n’y a pas des fascistes, des racistes, des privilégiés ou des conservateurs forcenés à tous les coins de rue ! Abroger ce qui existe, renverser la table et faire barrage n’est pas un but en soi ni une politique publique d’intérêt général. Il s’agit de voter des textes qui rassemblent les français.

En droit il y a une certitude.

On applique la théorie de Montesquieu de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire qui se contrôlent mutuellement en évitant les débordements de compétences.   Sauf que dans la Constitution de la 5ème République le pouvoir judiciaire n’existe pas : il y a une autorité judiciaire. On se méfie d’un éventuel gouvernement des juges. Le Conseil Constitutionnel ne vérifie que la conformité de la loi à la constitution même si le conseil a étendu ses compétences par des jurisprudences hardies.  Le Conseil d’Etat plus haute juridiction de l’ordre administratif mais aussi conseiller juridique du gouvernement serait illégitime et en conflit d’intérêt pour le moins s’il se prononçait sur des actes internes du parlement sauf revirement de jurisprudence majeur.  La Cour de cassation a des compétences précises. Elle ne se mêle pas de ce qui se passe au palais Bourbon sauf pour juger en matière pénale les députés dont l’immunité a été levée par l’assemblée. L’impunité ne peut profiter à personne.

Les députés se sont affranchis d’une règle au nom d’un raisonnement curieux sinon pervers. Le règlement de l’assemblée texte écrit prévoit que les postes à responsabilité sont attribués à la proportionnelle. Tous les électeurs sont ainsi représentés. D’autant plus qu’une fois élu le député est celui de la nation qui n’exclut personne et pas celui d’une minorité ou d’un courant de pensée. Mais cette bonne pratique c’était avant !

Le barrage républicain à géométrie variable selon les moments et la conjoncture n’a aucun fondement juridique ni justification morale puisque le mal et le bien ne se décrètent pas personne n’ayant la vérité. C’est un moyen électoral pour éliminer des candidats donc des électeurs. En l’espèce les français ont fait passer par deux fois au niveau européen et national un message d’ordre et de fermeté, mais n’ont pas voulu que les porteurs de leur flamme gagnent la compétition. Dont acte. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont demandé à être écartés de toute responsabilité à l’intérieur de l’assemblée où les députés minoritaires ont joué encore-sans prévenir les électeurs -le barrage républicain. Le parti ayant le plus d’élus hors coalition n’a obtenu aucun poste malgré la règle impérative du parlement. Cela me parait un abus de pouvoir mais il n’y a aucune juridiction compétente pour le juger. Sauf problème d’oreille je n’ai entendu aucune grande voix démocrate et humaniste pour s’indigner d’avoir mis au ban de la République des représentants de millions d’électeurs présumés infréquentables. La fin dite supérieure a justifié les moyens même les moins honorables. Attention au retour de bâton car quand les principes sont tordus rien ne va plus droit.

Enfin il fallait enfoncer le clou. L.F.I avec ses dizaines de députés se dit dans l’opposition quand cela l’arrange et dans la majorité avec la coalition si c’est utile. Soyons pratique que diable ! La présidence de la très importante commission des finances revient par tradition à l’opposition. En jouant le barrage républicain L.F.I a obtenu cette présidence. Vive les tours de passe-passe et l’absence de scrupules au nom bien sûr des hautes valeurs que l’on s’attribue hors de toute considération. Comme le disait Talleyrand : « asseyez -vous sur les principes, ils finissent par céder ».

Il y a donc au parlement creuset et figure de la démocratie et de la loi un droit de tricher en rond ? Je ne doute pas que pour la prochaine fois - mais il faut attendre un an pour une nouvelle dissolution - les règles faussant la représentativité vont être revues et que ceux qui en ont profité vont être les premiers à demander leurs abrogations. On peut rêver. On n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise ou de remords tardifs. Sinon de la colère d’une partie des électeurs qui ne se feront pas rouler deux fois ?   

Au secours Montesquieu l’esprit dévoyé des lois est entré au parlement qui devient une zone de non-droit puisqu’aucune juridiction ne peut se prononcer sur les décisions prises en son sein. Malheur aux vaincus et bonne chance au peuple français au nom de qui les lois sont votées. Mais il ne faudrait pas que la démocratie se fasse contre le peuple et le droit élémentaire que sont la simple égalité et la justice.   

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