Ne nous privez pas de vie privée.
Par
Christian FREMAUX avocat honoraire.
J’ai l’impression mais j’espère que je
me trompe que l’on va insidieusement vers un contrôle de la vie privée. Au
nom de l’intérêt commun naturellement. Et de la sécurité globale contre la
délinquance bien sûr y compris familiale mais aussi désormais pour des motifs
liés à l’énergie ou autres et à la guerre en Ukraine qui a bon dos. Sans
oublier la transition énergétique et la nature à l’agonie. Le mieux serait de
supprimer les hommes et les femmes baby-boomers accusés d’être responsables de
la catastrophe et qui se seraient gobergés pendant les 30 glorieuses. Et de
refaire la copie pour les générations futures.
Déjà
il y avait un débat sur les restrictions de liberté imposées par exemple
pour la covid ou la lutte nécessaire contre le terrorisme avec des lois
d’exception entrées progressivement dans le droit commun. Outre les menaces
extérieures. Certains criant aux mesures liberticides en faisant prévaloir les
libertés individuelles face aux devoirs et aux contraintes de sûreté collectives.
Sans proposer de solutions concrètes car la défense ne s’improvise pas. La
difficulté étant de savoir où placer le curseur entre la liberté et les
obligations, entre la prévention et la répression, entre la morale ou les
grands principes humanistes et l’amour de l ’homme et la réalité qui est
cruelle. Voire pour la protection de la patrie.
On n ‘a jamais
trouvé la bonne formule car la perfection est comme l’horizon : on ne peut
la saisir. Si tel avait été le cas on aurait moins de polémiques. Tout le monde
serait heureux. D’autant plus que la société évolue constamment et que ce que
l’on acceptait hier n’est plus toléré aujourd’hui et sera banni demain. Le terme
progrès n’est pas entendu de la même manière par tous. L’homme libre décide
pour lui et la collectivité mais n’est pas celui qui a choisi de se placer sous
la volonté divine ou idéologique qui lui dicte son comportement où qu’il vive
et quel que soit son environnement sociétal.
Je n’ai
jamais hurlé avec les prétendus éclairés qui ne veulent rien accepter, voient
le mal à travers des discriminations, du racisme, des inégalités partout
et savent tout. Ils crient au « fascisme » sans savoir ce qu’il fut
avec d’autres doctrines totalitaires qui voulaient faire le bonheur du peuple
malgré lui et qui ont conduit des millions de personnes à la mort. Ou au
malheur. Mais en même temps exigent de l’Etat une protection absolue et
qu’il pallie ce qui fait défaut, est dangereux, ou devient rare donc cher.
Ils souhaitent que les problèmes n’arrivent qu’aux autres ce qui permet de critiquer
sans risque. Et qu’ils ne subissent pas les effets secondaires des décisions
prises après débats publics et parlementaires. La sécurité dans tout domaine est
pourtant l’affaire de tous les citoyens qui doivent participer à leurs
niveaux et moyens à sa réussite qui dépend aussi d’eux. Notre état de droit est
notre bouclier : il ne faut pas qu’en dévoyant les principes
républicains nos protections s’effondrent. L’intérêt général doit se confondre
avec l’intérêt privé. On l’envisage.
J’essaie
d’adapter ma vie privée aux préoccupations du moment : je n’allume pas de
barbecue car je suis maladroit et ma femme se résigne à le faire : ouh le
macho ! J’ai engagé à titre préventif un avocat pour me défendre pour le
cas où le délit de non -partage des tâches ménagères serait voté. On ne résiste
pas à une absurdité de plus. Mais je confirme être un garçon. Et d’être
responsable tout en refusant de changer de genre et de me déconstruire. J’ai
peur que l’on crée une police domestique, des inspecteurs qui viendront
contrôler chez moi et me punir si j’utilise du fuel alors que l’électricité
verte est la panacée, parait-il ? ; si j’ai baissé d’au moins 1 ou 2
degrés la température de ma chambre pour mieux greloter dans mon lit, cela endurcit
; et si le soir en douce je ne mange pas
un bon gros steak avec des frites, avec comme hors d’œuvre du maïs qui ne
pousse qu’avec des quantités importantes d’eau ; et que je ne déguste pas
des fruits qui viennent de loin en avion qui pollue ; si enfin j’ai bien acheté ma trottinette
pour aller dans ma mairie de l’Oise ce qui n’est qu’un trajet de 24
heures !…Mais si je m’éclaire à la bougie, sans prendre de bains, bravo.
Cela me rappelle la Chine actuelle qui connait tout de ses citoyens au travail
ou dans la rue, comme chez eux ! Si vous vivez ou traversez-en dehors des
clous la sanction tombe : X. points
sociaux de moins.
Ma vie
privée est à la merci de nouveaux inquisiteurs au nom de la fin de l’abondance
ce que personnellement je n’ai jamais ressenti. Je n’ai pas été insouciant mais
en payant largement j’ai gâché, j’ai honte. Je ne fais pas mon auto-critique
publique comme du temps de Mao Tsé Tung sur ce que j’ai consommé y compris avec
des herbes aromatiques (mais pas celle des beatniks devenus bobos). Je mange, bois,
me chauffe et je roule au diesel encore : est- ce être un bon
citoyen ? Il y avait le contrôle fiscal. Et médiatique. On veut y
ajouter la vérification sociétale. Ma vie
privée va donc être épluchée au nom de mon devoir énergétique car quand il y a
pénurie le partage est d’autant plus important. Faire maigre s’impose et est
une exigence civique !
Finalement
la crise qui résulte d’évènements dont on n’est en rien responsable et sur lesquels
on n’a pas de prise vraiment avec des sanctions qui reviennent comme un
boomerang, m’oblige à modifier ma vie privée. Mais je souhaiterai que les
pouvoirs publics n’en rajoutent pas et ne fassent pas peser sur moi une
présomption de culpabilité.
Je suis
content : libertés individuelles martyrisées mais préservées ; égalité
dans la solidarité ; fraternité avec ceux qui en ont besoin. La guerre en
Ukraine et ses conséquences avec l’énergie qu’il va falloir économiser sont en
fait simplement l’application de notre devise républicaine. J’offre ma vie
privée un peu forcé comme gage de mon combat pour la démocratie qui serait
attaquée en Europe notamment. Ma vie privée est le seul bien immatériel que
l’on n’a pas taxé en tant que tel. Il m’arrive d’être sobre.
Puissants
qui nous gouvernez laissez- la moi en l’état, j’en fais bon usage. Dans
« 1984 » George Orwell avait décrit les méfaits de Big Brother.
Il ne s’est trompé que de quelques années, je le crains. Avec le prétexte
qu’on agit pour le bien de l’humanité et de la planète. Sauf sursaut de
lucidité. Et de bon sens car la vie privée n’est pas une variable d’ajustement.