La liberté pour les
nuls.
Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Un sujet du bac 2022
m’a plu : « La liberté consiste-t-elle à n’obéir à
personne » ? C’est d’actualité entre les insoumis qui veulent
gouverner ! et les rebelles ou fâchés de toutes catégories, des beaux
quartiers comme dans ceux qui sont qualifié de sensibles, tout ceci au nom de
causes estimées justes comme la paix et la fin de la violence, la planète, la
faim et la pauvreté dans le monde, … enfin tout ce qui entraine
compassion. Le bien est dans le cœur de chacun. La pratique est différente.
N’obéir à personne m’a rappelé la vieille formule historique : «ni dieu ni
maitres »
J’ai passé mon
bac.au moment de Mai 68, et je n’ai pas réussi avec mes camarades ( bourgeois
devenus bohêmes réussite en poche) pendant les trente glorieuses qui ont suivi
à extirper l’état d’esprit libertaire des soixante- huitards –« jouir
sans entrave »… « pas de liberté pour les ennemis de la liberté
»- qui ont profité de la situation pour devenir
hommes et femmes politiques avec le succès et le passif que l’on découvre actuellement ,ou très hauts
fonctionnaires, banquiers, notaires ou magistrats et avocats comme moi, en
verrouillant les pouvoirs car il ne faut pas exagérer dans la générosité.
Ce qui m’étonne dans les élections de 2022 c’est le niveau très haut du total
des extrêmes ou de ceux qui rejettent « l’ordre » établi ou la société
telle qu’elle est devenue. Ce qui démontre que même des nantis se
rebellent. Veulent-ils se faire pardonner ? mais sûrement avec des raisons
contraires d’où la difficulté à trouver la bonne solution pour tout le monde.
C’est donc que le mal est profond ?
Peut- on n’obéir à
rien et à personne sauf à son avis et d’où vient cette tendance de plus en plus
prégnante, ce qui mine la société ? La
liberté est-elle un refus ? Le fait d’obéir ne libère-t-il jamais ? Ne
peut-on être libre en fixant des limites dans l’intérêt de tous ?
L’autorité-ou ce qu’il
en reste- est mise en cause. La rébellion ou pour ne pas exagérer cette
propension à discuter, protester, pinailler, douter, dire tout et son
contraire, se retrouvent dans tous les domaines et chacun d’entre nous doit
l’affronter : par exemple dans la famille avec les
enfants ; à l’école où les parents viennent agresser les
enseignants ; dans l’entreprise où la moindre remarque est
considérée comme du harcèlement moral et de la discrimination ; en justice
où les jugements rendus font polémiques ; et bien sûr dans la sphère
publique quand les politiques votent des lois à la suite d’un processus
démocratique. A peine élu, le responsable n’est plus légitime. Guignol
rosse le gendarme sous les applaudissements.
Refuser d’obéir,
de se soumettre à la loi, c’est considérer que la liberté individuelle est un
principe supérieur à toute autre considération, en particulier si elle nous
concerne. L’intérêt général devient secondaire.
On doit se rappeler ce
que prêchait le père Henri Lacordaire (1802-1861), membre de l’Académie
française et homme politique : « entre le fort et le faible,
entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté
qui opprime et la loi qui affranchit ». Examinons deux concepts :
l’ordre illégal et la désobéissance civile.
La 1ère catégorie
de désobéissance consiste pour un militaire surtout (un fonctionnaire aussi) à
ne pas exécuter un ordre qui lui parait illégal. C’est la théorie des
« baïonnettes intelligentes ». L’article 122-4 du code pénal précise
que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte
commandé par l’autorité légitime sauf si cet acte est manifestement
illégal ». Mais cette théorie veut dire aussi que désobéir à l’autorité
est admis par la loi dans des conditions très strictes cela va de soi.
La 2ème catégorie
de désobéissance concerne ceux qui sont persuadés de détenir la vérité. Ils
occupent des terres, ils se battent pour que tel projet soit abandonné.
Ils savent tout en matière de virus et ne croient pas les spécialistes …Ils
n’ont pas tout faux, mais ils n’apportent aucune vraie solution. On ne joue pas
à la roulette russe avec la santé, ou l’économie. L’ordre public est légal. Les
pseudos résistants à son application sont des tigres de papier.
Les militants qui
désobéissent en se disant pacifiques mais en n’hésitant pas à faire le coup de
poing avec les forces de l’ordre, utilisent le concept de désobéissance civile
pour se justifier. Elle a été décrite en 1849 par le philosophe, naturaliste et
poète né en 1817 à Concord (usa) Henry David Thoreau. En juillet
1846 il avait refusé de payer un impôt à l’Etat américain pour protester
contre l’esclavage dans le sud du pays et la guerre au Mexique. Il ne va passer
qu’une nuit en prison car sa tante va payer sa caution. Furieux il décide
de théoriser son action sans oublier « le Discours de la servitude
volontaire ou le contr’un » d’Estienne de la Boétie (1530-1563) qui est
une remise en cause de la légitimité des gouvernants à propos d’une révolte
antifiscale - déjà - en Guyenne en 1548. Ce texte de La Boétie traduit le
désarroi d’une partie de la population souvent cultivée devant la réalité de
l’absolutisme. La question est : « pourquoi
obéit-on ? ».
Avec la désobéissance
civile on refuse de se soumettre à une loi ou une mesure qui nous paraissent
injustes. On s’interroge : « le légal est-il juste ? »
alors que l’on est en république et que l’absolutisme n’existe plus et sauf à
penser que l’Etat est totalitaire. On en appelle à la conscience personnelle,
aux valeurs qui nous motivent, à la définition du bien et du mal, à l’intérêt
collectif outre à l’impuissance des Etats face à des firmes mondialisées.
On connait les
désobéisseurs collectifs (les zadistes) qui défendent une cause et les quasi-
professionnels proches des mouvements anarchistes, nihilistes ou
anticapitalistes
Il y a
aussi des désobéisseurs individuels qui font passer l’humain avant tout. Au nom
du beau mot de fraternité.
Une société moderne
complexe par définition qui ne sait pas répondre immédiatement à ce qui n’est
jamais arrivé et est imprévisible, ou qui envisage les meilleures décisions
pour l’avenir par des réformes, ne peut bien fonctionner qu’avec l’acceptation
des règles par le plus grand nombre. La désobéissance pour avoir raison ou par
principe ne peut mener qu’au désordre civique. La vérité est protéiforme et
seule la légitimité démocratique par l’élection permet de progresser. La
désobéissance conduit à l’impasse exceptés quelques exemples historiques. Ma
liberté est d’obéir en réfléchissant à ce qui me parait conforme
à l’intérêt général. Je le fais volontairement avec une contrainte
librement consentie. Mon devoir devient ma liberté. Obéir est de ma
responsabilité sauf au tyran. Je n’obéis pas à moi-même.
Si je suis recalé pour cette copie je
redoublerai !