Les bassins de la colère.
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
La campagne
électorale pour les législatives est à peine commencée avec les accords
électoraux curieux à gauche sans oublier les problèmes d’alliance à droite et
en macronie, qu’un problème quasi existentiel est soulevé : comment
s’habiller ou non pour plonger dans une piscine municipale ? C’est
l’urgence du moment !
Touché,
coulé ! je n’évoque pas la perte du navire-amiral de la flotte russe détruit
par les ukrainiens dans la mer noire ce qui est un vrai symbole et signifie
beaucoup. Je pense à la ville de Grenoble qui prend l’eau sur l’initiative de
son maire écologiste M. Piolle qui a décidé d’autoriser le port du burkini dans
les piscines publiques. Le président de la région M. Wauquiez en colère froide
s’est offusqué et a promis de couper l’alimentation en subventions sonnantes et
trébuchantes qui ne sont pas versées pour encourager l’islamisme radical, si le
maire persistait. Celui-ci a répondu vertement de façon un peu insolente et
détachée que M. Wauquiez était un raciste car le port du burkini s’inscrivait
dans un progrès social de nature universaliste et qu’il choisissait pour sa
part le camp des libertés. Il a indiqué qu’au nom de ces mêmes principes et pour
éviter toute inégalité les baigneuses aux seins nus étaient aussi bienvenues.
Il va falloir réserver sa place dans les piscines de Grenoble car il est
certain qu’il y aura des spectateurs qui n’aiment pas l’eau mais qui y barboteront
!
Le maire soutient que sa décision ne repose
pas sur un risque d’ordre public ou sanitaire et de tension entre populations en
opposant les unes et les autres pour des raisons contraires : les couvertes
contre les moins habillées. Il parle d’un accès égalitaire aux services
publics. Que fait-il alors du principe de neutralité dans lesdits services
publics ? J’évoque pour la clarté des débats le combat pour la promotion de
l’égalité et celui de l’émancipation des femmes qui ne me parait pas être
exemplaire et progressiste avec le burkini pour une petite minorité qui veut
faire d’un choix personnel de vie ou de croyance religieuse une règle
à l’égale de la loi pour tous. C’est plutôt discriminatoire en faveur d’un
petit clan.
M. Piolle
veut que le corps de la femme soit considéré comme celui des hommes- aucune
allusion ou pensée coupable n’y sont attachées - qui peuvent venir sans avoir
la poitrine couverte mais à la condition qu’ils portent un slip de bain ou
un short large, le court, le moulant ou le string étant prohibés ? M. Piolle
doit être partisan de la théorie du genre. Avec le pantalon qui permet à la femme
d’être un homme comme un autre ? Peut -être au nom de la liberté de son
accoutrement et de la non- distinction hommes /femmes va-t-il autoriser les
hommes à se baigner en djellabahs et babouches ? Et que fait-on avec un
visiteur écossais en kilt, ou une bretonne avec sa coiffe bigoudène, ou un juif
qui porte la kippa comme bonnet de bain, ou un turc ou un persan avec son
turban ?
La querelle
n’est pas dérisoire. Elle est en réalité très sérieuse puisqu’elle remet en
cause les fondements de notre république et la laïcité. Les hommes et femmes
politiques verts devenus LFI/PC/et partiellement PS compatibles vont désormais
prêcher tout ce qu’ils ont combattu. L’électeur tranchera. On avait essayé de nous
habituer avec Mme Rousseau féministe de pointe à la déconstruction de l’homme
en particulier et de la société patriarcale en général, puis à des interdictions
multiples notamment du tour de France au sapin de noël et de tout ce qui rapproche
les gens et font leurs plaisirs. Le vert n’aime pas la joie et la bonne franquette.
Ni la mixité. C’est une attaque directe mais insidieuse contre la laïcité en se
parant de celle-ci à contre-sens. Si
chaque maire qui représente aussi l’Etat et ceux qui n’ont pas voté pour lui dans
sa commune édicte des consignes spécifiques où va-t-on avec l’unité du pays et
le respect des devoirs collectifs ?
Je suis
hostile à ce qu’il faille légiférer pour ce qui concerne le vêtir en général sauf
provocation manifeste ou les comportements privés et les modes de vie. Mais pour
tout ce qui touche au public, à l’espace partagé, au bien commun il faut une
règle ferme qui protège les libertés certes mais ne permet pas le prosélytisme
ou des exceptions à la norme objective. Dura Lex Sed Lex car il n’y aura jamais
consensus ou unanimité. Sinon on
divisera et on fracturera le pacte républicain dans notre pays qui vient de
loin avec ses traditions, un art de vivre, une culture propre. Les migrants
ukrainiens qui fuient la menace nucléaire ou d’autres nationalités de confession
musulmane comme à Kaboul voire chrétienne qui veulent échapper aux persécutions
et se battent pour leurs survies, doivent ouvrir des yeux ronds en voyant ce
qui se passe dans nos piscines. Le pays des droits de l’homme se noie dans un
verre d’eau. C’est la honte. Un maire participe à son insu de son plein gré au
repli communautaire sur soi et à la régression humaine au pays des lumières.
L’insoumis
M. Corbière est venu au secours de son nouveau camarade vert : il estime lui
que c’est simplement un problème d’hygiène. Mais où va se nicher ce qui est
« sale ou impur » sur le corps qui n’est pas un objet identitaire des
femmes dévêtues ou recouvertes ? Je n’ose répondre. C’est une conception
sexiste. N’y a-t-il pas plus d’insécurité si l’ordre public est troublé et si les
participant(e)s s’écharpent à coup de serviettes de bains ? C ’est bien en
réalité une difficulté de liberté publique dont on teste la résistance
puisqu’il s’agit de la laïcité qui est une liberté avec des limites et non pas
une interdiction. M. Piolle veut lever tous les interdits. Quel libérateur et
surtout maitre-nageur hors pair ! En sa qualité de vert
il devrait s’occuper de la nature et de la transition écologique et ne pas
vouloir faire le bonheur des gens et le vivre ensemble malgré eux. Si on ne
fait rien il va falloir que les tribunaux s’en mêlent ce que je ne
souhaite pas car il appartient aux politiques de prendre leurs responsabilités.
Si le droit est flou qu’on l’éclaircisse. S’il est tordu qu’on le redresse.
Qu’est un
progrès social sinon une mesure qui améliore la situation de tous les citoyen(ne)s.
Elle devient universelle si elle peut s’appliquer dans tous les pays du
monde. M.Piolle ne réunit pas ces critères. La liberté n’est pas illimitée et
elle s’arrête là où commence le droit pour les autres de ne pas être choqués. M.
Piolle a donc tout faux. Il a voulu provoquer et discriminer à l’envers celles
qui sont adeptes du simple maillot de bain d’une ou deux pièces. Il s’est
planté. Il devrait se rappeler la devise de la ville de paris : « Fluctuat
nec mergitur ». Elle est battue par les flots mais ne sombre pas. Quand
on mélange le vert écologiste et le rouge insoumis on n’obtient jamais du bleu républicain.