lundi 13 septembre 2021

la justice de la CJR est- elle équitable?

 

                 La justice de la C.J.R. est -elle équitable ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire. 

On attend de la justice qu’elle applique le droit sans faire de morale, condamne si les infractions sont avérées, relaxe si tel n’est pas le cas, et qu’elle personnalise sa décision en tenant compte de l’équité au profit de l’individu poursuivi. On connait la cour d’assises qui apprécie les crimes. Me Dupond-Moretti avocat en était un ténor. On a l’habitude des tribunaux correctionnels qui jugent parfois des personnalités ou des anciens dignitaires politiques pour des faits de droit commun comme des achats de costume, le travail d’un proche payé par de l’argent public, des dépassements de comptes de campagne, de la corruption, ou autres délits comme le fait le justiciable moyen. Parfois de la prison ferme est prononcée. On attend l’appel ou le pourvoi en cassation. Souvent on pense que l’indépendance des magistrats est un leurre, et qu’ils subissent des pressions pour condamner ou non. La politique s’est immiscée dans la justice selon l’opinion publique. Mais c’est parfois le contraire : la justice prend place dans la politique. Les juges n’ont rien demandé mais on les oblige à se prononcer sur des décisions publiques de politique réelle.  

En 1993 on a créé la Cour de justice de la république qui a pour mission globale de juger les ministres en exercice ou qui ont quitté le gouvernement, qui auraient pu commettre des fautes, des manquements devenus des délits voire des crimes dans l’accomplissement de leurs fonctions. Cela partait d’un bon sentiment : personne ne doit échapper à sa responsabilité que l’on soit puissant ou misérable, et encore plus avec l’ère de la transparence, du soupçon et de la justice pour tous. Les plus responsables doivent répondre encore plus de leurs actes.  C’est une question de confiance dans l’intérêt de la vérité et de l’égalité entre les citoyens solidaires d’un même destin et des conséquences d’une décision publique. Sa composition est particulière :il y a   3 magistrats du siège dont le président, et 6 députés plus 6 sénateurs. Les poursuites sont gérées par le procureur général de la cour de cassation. Toute personne qui se prétend lésée peut déposer plainte dont la recevabilité est examinée par une commission. Il y a ensuite l’instruction des faits dénoncés. Si les magistrats instructeurs les estiment fondés la personne poursuivie est jugée par la cour. Celle-ci n’entend ni témoins ni victimes. Cela donc évite de ne juger qu’en fonction de l’émotion, bien que présente surtout en matière de santé ou de la vie.La CJR ne s’est prononcée au fond qu’à de rares reprises. L’affaire la plus emblématique fut celle du sang contaminé. Avec la formule devenue culte : « responsable mais pas coupable… ».

L’actualité nous a comblé. M. Dupond-Moretti ministre de la justice en exercice a été mis en examen pour divers motifs dont celui de profiter de ses fonctions de ministre pour régler des comptes d’avocat. On a peu réagi. Le ministre gère toujours les magistrats et se bat pour l’amélioration de la justice quotidienne.   Mais Mme Buzyn ancienne ministre de la santé, responsable au gouvernement jusqu’aux élections municipales et chargée de la crise de la covid-19 vient d’être mise en examen par la CJR notamment pour mise en danger de la vie d’autrui, infraction qui implique une intention. Le port du masque la rattrape.

 Ce fut un tollé : comment la justice peut-elle poursuivre un ancien ministre alors que la crise n’est pas terminée disent les uns. Les autres répliquent que la responsabilité d’un ancien ministre ne peut être écartée par principe et que tout le monde est responsable de ses fautes. Tous s’interrogent sur le rôle de la justice. Faut-il que les hommes et les femmes politiques comparaissent pour leurs actes ou abstentions ou décisions inappropriées devant un tribunal ordinaire comme n’importe quel justiciable ? Ce qui veut dire que les juges prennent le pas sur les politiques alors que l’institution judiciaire n’est pas un pouvoir mais une autorité ? Ou seul le suffrage universel est le juge suprême, sachant que les ministres sont nommés-et non élus- par le président de la république élu au suffrage universel, sur proposition du 1er ministre qu’il a désigné, et dont la responsabilité politique peut être engagée devant le parlement ? Les juges n’auraient ainsi aucune légitimité. Pourquoi alors avoir créé la cour de justice de la république que d’ailleurs M. Macron voulait supprimer en 2017 ? Mais sa réforme constitutionnelle n’a pas trouvé de majorité au congrès à Versailles.

Le débat est lancé tandis que les juges feront leur travail celui prévu par les textes légaux et sachant que le responsable en chef le président de la république a une irresponsabilité pénale pendant son mandat selon les articles 67 et 68 de la Constitution. Si M. Macron se représente et est réélu en 2022, cela repousse l’échéance vers 2027-2028. D’ici là les ministres en exercice qui vont être aussi poursuivis tout est possible, l’ancien premier ministre, les hauts fonctionnaires voire l’Etat car tout s’est fait avec son autorité et les moyens suffisants ou non qu’il a déployés, seront sanctionnés ou blanchis.

On n’a donc pas fini de parler de la CJR et de la justice. Cela peut décourager les plus compétents qui n’auraient pas envie de se dévouer pour la chose publique, puisque le risque zéro n’existe pas, et qu’être ministre devient un métier dangereux. Les aléas de la vie ne sont plus supportés et chacun veut faire reconnaitre « ses » droits sur la collectivité. Il y a actuellement des milliers de plaintes recopiées à partir d’internet, ce qui est regrettable et peut avoir un effet contre-productif. La CJR n’a pas été créée pour des contentieux de masse et siéger jours et nuit et contrôler l’action publique. Paradoxalement on dénonce le gouvernement des juges mais on leur soumet n’importe quel dossier fut- il important ou non. La covid-19 ne sera pas jugulée par les décisions de la CJR qui par son enquête permettra cependant d’améliorer la prise de décision du pouvoir exécutif et surtout le fonctionnement de l’Etat et de l’administration en général, autre sujet de débats sur la décentralisation ou la déconcentration. 

Pour qui se sent non « coupable » même par incompétence ou manque de courage politique ou d’avoir été involontairement insuffisant mais qui est avant tout responsable, un procès pénal  donc public est difficile à assumer. Une condamnation est insupportable sinon injuste. N’en rajoutons pas. Ne cherchons pas des boucs émissaires. Pointons les défaillances, les négligences, les hésitations, les manquements en déplorant de n’avoir pas pu faire bouger le « mammouth », pour remédier à ce qui n’a pas marché.  La justice y compris la CJR n’a pas pour mission de condamner à tout prix. Parce qu’elle doit être équitable au -delà du droit elle permet de retrouver l’apaisement et la réconciliation pour regarder l’avenir et ne pas commettre les mêmes erreurs. Nous devons avoir foi dans les décideurs publics. La justice doit y jouer sa partition. Le seul à condamner est… le virus.

    

réflexions mitigées

 

                         Réflexions mélangées.

             Par Christian Fremaux avocat honoraire.

J’ai lu dans la presse que les talibans avaient nommé un gouvernement d’hommes exclusif puisque constitué uniquement de pachtounes et de mollahs sans aucune minorité de tadjiks, ouzbèkes, hazaras, serait-elle chrétienne ou non croyante voire laïque si ce mot existe sur place ? Qu’en disent nos séparatistes locaux français de diverses communautés ? Par ailleurs je n’ai pas entendu les protestations indignées sur le sort des femmes afghanes et des enfants par nos féministes voyant en France du harcèlement pour tout et par tous et adeptes de « me -too » : avec la burqa intégrale c’est plus difficile ! Les plus optimistes d’entre nous croyaient à un gouvernement inclusif. Comme le chantait Julio Iglesias « non je n’ai pas changé… ». L’utopie se heurte toujours à la réalité.

Les talibans ont recréé un ministère dont l’intitulé m’a toujours rendu dubitatif : celui de la prévention du vice et de la promotion de la vertu. Sans vouloir naturellement comparer avec l’importance de nos ministères en France, avec François Mitterrand nous avions eu le ministère du temps libre. M. Giscard d’Estaing avait créé celui de la condition féminine. Chacun peut apprécier les libellés encore faut-il qu’ils correspondent à un vrai progrès. Mais il y a une justice en Afghanistan qui se veut comme telle et qui applique le code avec sévérité : la charia qui permet de couper la main pour un vol et autres gracieusetés. Les avocats afghans ont du travail s’ils peuvent plaider ?  Notre état de droit que l’on veut exemplaire a dû être mal expliqué ! Nos juges ne sont pas compris. Et la déclaration des droits de l’homme n’a pas fait l’objet d’une traduction compréhensible. Le mot démocratie n’existe pas dans la langue du pays. On devrait envoyer nos rebelles humanistes-tolérants -bienpensants qui considèrent que notre pays est globalement liberticide faire de la formation accélérée à Kaboul.   

Chateaubriand a fait un compte rendu acerbe sur le ministre des relations extérieures de Napoléon 1er le prince de Talleyrand-Périgord et de Fouché ministre de la police de l’empereur se rendant nuitamment de conserve auprès du nouveau pouvoir celui de Louis XVIII pour l’assurer de leurs ralliements positifs dans l’intérêt de la France, après la chute de l’Aigle. Il a écrit : « j’ai vu le vice appuyé sur le bras du crime ». En politique la trahison est un art . Les talibans ramassent les grosses miettes surtout militaires qu’ont laissées sur le terrain les américains, et essaient de conserver de bonnes relations diplomatiques avec l’ancien envahisseur sous l’œil attentif des russes et des chinois. En pratique ils mettent en place leurs certitudes et leurs principes d’un autre âge, mais qui correspondent à leurs croyances : pas de culte de la beauté mais de la barbe, de la musique mais religieuse, la lapidation, et pas de loisirs cela pervertit ; les femmes à la maison et l’école au compte- gouttes… Sur le plan économique et social mise à part l’aide financière internationale, j’avoue que je ne sais rien. Eradiqueront- ils les trafics dont celui juteux de la drogue ?  Nous on accueillera les afghans persécutés qui fuient.

Un responsable afghan a été clair auprès de l’agence Reuters : « il n’y aura aucun système démocratique ni aucune discussion sur le système politique. C’est la charia et c’est tout ». Exit une république ou tout modèle qui s’en rapprocherait on est dans un bon vieux  régime théocratique totalitaire.  Les occidentaux ont aussi perdu cette bataille civilisationnelle ou institutionnelle. Chez nous on évoque la dictature sanitaire, les décisions unilatérales du chef de l’Etat, son mépris pour le peuple ou pour certaines catégories de la population, les lois forcément autoritaires bien que votées dans l’intérêt collectif et pour la protection du plus grand nombre, l’impossibilité d’user de nos libertés individuelles anti-vax ou anti- passe sanitaire et j’en passe. Sans compter le laxisme face aux violences et à la délinquance. Comparaison n’est pas raison mais à Kaboul les problèmes se règlent autrement. Notre démocratie est un exemple dans le monde, ne l’altérons pas. On devrait modérer nos ardeurs de contestations en conservant notre liberté d’expression. Nous avons besoin de solidarité et d’union dans un débat public de haute tenue et de respect mutuel.  Surtout avec le procès en cours de M. Salah Abdeslam et ses complices : notre justice doit rayonner et ressortir au camp des vainqueurs malgré les souffrances et le ressentiment à juste titre des victimes. M.Abdelslam comme M.Merah ne peuvent devenir des héros  pour une minorité qui vit en France en ayant bu le lait républicain et ayant suivi les cours de notre école laïque. Ce sont des assassins.   

C’est un joli nom « camarade » chantait Jean Ferrat pour magnifier les luttes pour les libertés réelles et non formelles. Il évoquait aussi la nuit et le brouillard des camps, ce qui à notre époque perdure et renvoie à des territoires renfermés sur eux-mêmes soumis à une répression féroce.  On ne peut abandonner personne, en particulier ceux qui sont dans la détresse. Peut-on être tolérant face à l’intolérance ? Guillaume Apollinaire a affirmé « que jamais les crépuscules ne remplaceront les aurores ». Le poète a toujours raison, il voit plus haut que l’horizon…. Et nous avons toujours la résilience pour rebondir.

La prévention du mal ou du vice est d’avoir un mode de vie consensuel et des lois et des règles qui s’appliquent à tous dans l’égalité et la compréhension mais sans faiblesse. La promotion du bien et de la vertu c’est de récompenser ceux qui ne trichent pas, participent, sont civiques, connaissent leurs devoirs et demandent peu sans exiger ou profiter en assumant leurs propres responsabilités à leurs niveaux. La réussite ne peut qu’être collective.

Notre humanisme n’est ni pleureur ni victimaire et nous ne sommes pas rongés par une permanente culpabilité.  Nous avons des valeurs supérieures dans la liberté de conscience et un système organisationnel républicain qui permet à chacun de profiter de l’ascenseur social qui peut avoir des pannes certes mais qui permet de se hisser si nous nous prenons en mains. Faisons le contraire de ce que les talibans et  leurs imitateurs revendiquent. Comme pour les terroristes n’attendons ni repentir ni compassion car ils vivent dans un monde qui ne sera jamais le nôtre. On a le droit de détester ceux qui tuent ou veulent imposer par la force ou le nombre leurs modèles de vie. Personne n’a envie de quitter le paradis : pourquoi y a-t-il tant de monde sur les routes et les mers qui espèrent une vie meilleure en venant chez nous malgré nos défauts ? 

Le malheur Afghan entre autres nous oblige à encore plus de grandeur, d’universalisme et d’efficacité. Cela dépend de nous.       

samedi 4 septembre 2021

Justice inclusive ou non ?

 

                      Justice inclusive ou non ?

             Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Le procès des attentats du 13 novembre 2015 dont celui du Bataclan s’ouvre.  Nous sommes dans la tuerie de masse perpétrée par une organisation terroriste internationale avec 130 morts, des centaines de blessés, des traumatismes permanents pour les concernés directement ou leurs proches, et une sidération qui n’a pas disparue.  La justice qui se prononce au nom du peuple français va avoir un rôle considérable dans les principes comme dans ses décisions, à la fois tant pour les citoyens que nous sommes que pour montrer au reste du monde que nous ne céderons pas à l’intimidation et que nous nous défendrons sans renier nos principes universels qui nous permettent d’avoir la tête haute quelques soient les malheurs. La résilience fait partie de nos qualités.    

L’actualité nous fait réfléchir. En Afghanistan les talibans qui ont défait les russes puis les Usa première puissance mondiale parlent d’une gestion inclusive de leur société qui devra néanmoins se soumettre à la charia. Inclusif veut dire que l’on intègre une personne ou un groupe en mettant fin à leur exclusion pour aboutir à un ensemble solidaire. Attendons quelques semaines ou mois pour voir si les femmes afghanes par exemple, ou tous ceux qui ont combattu les talibans seront inclus ou non. En attendant le premier geste symbolique des nouveaux maîtres de Kaboul enfouraillés jusqu’au cou, est d’avoir libéré les prisonniers terroristes d’al -qaïda, les talibans détenus, et les criminels et autres bandits de grand chemin, en prononçant une amnistie dont on ne sait pas qui est vraiment concerné et si en pratique elle jouera malgré la charia et la revanche. Et en matière de justice, quid ?  C’est le terme inclusif qui me chiffonne : aurait-on pu parler de nazis inclusifs ou de khmers rouges modérés, et désormais d’islamistes éclairés ou de génocidaires indulgents tuant proprement plutôt qu’à la machette ?

Notre justice va-t-elle être inclusive pour M. Salah Abdeslam et le commando ? Denis Salas magistrat et écrivain pose la question ainsi : « allons-nous le juger comme un ennemi ou comme un justiciable » ? La justice ne peut s’abaisser à utiliser des méthodes que l’on réprouve chez les autres. La justice est aussi une vertu et fait partie des valeurs que l’on enseigne surtout dans notre société laïque qui ne se réfère pas à un principe spirituel. La justice n’est pas la morale même si parfois on confond les deux notions. Elle permet de progresser vers la recherche de la vérité qui peut - être à géométrie variable : « vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au- delà » a écrit Blaise Pascal. Mais en dehors des considérations métaphysiques qui intéressent accessoirement le quidam, il y a une évidence : je pense que si par référendum on interrogeait les français sur la terreur ils baisseraient le pouce pour condamner tout terroriste et pour lui infliger la peine la plus sévère possible. Cette réaction est humaine surtout quand on est victime.

Tout le monde n’a pas la force de caractère de M. Antoine Leiris qui a perdu sa femme dans l’attentat et qui a écrit « vous n’aurez pas ma haine ». M. Victor Rouard gravement blessé au Bataclan vient de publier « Comment pourrais-je pardonner » ? Il précise son état d’esprit : « comment accorder le pardon à des individus qui ont semé la mort, provoqué des souffrances insupportables et endeuillé des familles entières ? ». Effectivement pour pardonner encore faudrait -t- il d’abord une volonté des auteurs et un geste de leur part…Chacun, surtout une victime, agit selon sa conscience, sa douleur, ce qu’il attend.

Je crains que les mois d’audience soient difficiles à supporter : on entendra - si les accusés daignent parler- des explications saugrenues, des excuses accusatrices, des arguments qui n’ont aucun sens, des renvois de responsabilités vers les autres, des défaussements, et sûrement la référence à un dieu ce qui justifierait la violence aveugle et injuste. Je ne crois pas que les accusés vont formuler des regrets sauf pour dire qu’ils ne savaient pas ou que leur rôle a été purement matériel pour tenter d’éviter une lourde condamnation, et encore moins plaindre les victimes et dire qu’ils ont eu tort. Les terroristes en général s’estiment martyrs de tout et de tous et combattent pour leur « idéal » ou ce qu’ils croient être l’avenir du monde pour faire son bonheur sans tenir compte des souffrances des autres. Ils se trompent profondément sur la nature humaine qu’ils ne connaissent pas puisqu’ils sont claquemurés dans leurs certitudes moyenâgeuses. Ils vont se réjouir in petto de nos atermoiements, de nos polémiques, de notre liberté de paroles et de pensées, des luttes entre nos services de sécurité, des ordres d’intervention donnés ou non, de notre géopolitique, de nos valeurs républicaines dont la laïcité, et de ce qu’ils estiment être une société vide de sens et consumériste. Ils useront de nos principes de droit et de nos règles de procédure pénale pour essayer de s’en sortir.

Leurs avocats payés souvent par l’aide juridictionnelle exécuteront leurs missions de défense et tenteront d’éviter le pire pour leurs clients voire d’en faire acquitter pour les moins impliqués s’il n’y a pas de preuve, sans les cautionner ou partager leurs délires et mensonges. Il ne faudra pas crier au scandale.  C’est l’honneur du barreau d’être présent, et il ne faudra pas confondre l’avocat avec l’accusé. Comme citoyen je sais que c’est un effort considérable pour comprendre qu’on s’occupe des pires individus et qu’on admet avec réticence ce luxe de précautions judiciaires pour ceux qui sont « présumés coupables » selon les gens, mais l’opinion publique n’est pas le juge. Comme professionnel auxiliaire de justice je participe à ce que les procès soient les plus exemplaires possibles : la justice doit sortir grandie de ce procès historique.

 Il ne peut y avoir de déni de justice ou une justice expéditive ou d’exception ou prétendument subjective dès le départ ou aux ordres supposés. Tout ce qui va se passer ne fera pas l’unanimité. Il y aura des querelles et des incidents mais nous y arriverons : il y aura un verdict, la justice passera, les victimes seront considérées comme telles, et la société pourra ne pas oublier mais passer à autre chose sans exploitation dans la campagne présidentielle qui vient, et tirer les conséquences en matière de protection collective et du risque terroriste. Les magistrats français font leur métier sans faiblesse et connaissent leurs devoirs. Il faut leur faire confiance. La justice n’a pas d’ennemi. Elle n’est ni inclusive ni exclusive. Elle est distributive c’est-à-dire donne à chacun la part qui lui revient.  Elle juge des faits et des hommes et des femmes selon leurs responsabilités. Cela n’empêche personne d’avoir une opinion. La vérité judiciaire n’est pas parole d’évangile.    

vendredi 13 août 2021

Moi ça va (Coluche).

 

Moi ça va (Coluche).

Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Gavroche le symbole de la liberté avant de mourir sur les barricades chante : « je suis tombé par terre c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau c’est la faute à Rousseau ». Je veux parler de fautes potentielles donc de responsabilités à propos de la mort en plein mois d’août du père Maire provoquée volontairement (selon l’auteur !) par celui qu’il hébergeait à la demande de la justice, catholique rwandais déjà incendiaire non expulsé pour des raisons dites juridiques que l’on a du mal à admettre. Personne ne veut croire que ce drame n’est pas la conséquence au moins de légèretés ou d’erreurs d’appréciation naturellement de bonne foi de professionnels fussent-ils magistrats ou experts. La discussion sur l’abolition du discernement totale ou partielle des meurtriers va reprendre.  Par ailleurs on se rappelle évidemment pendant le mois d’août 2016 de l’assassinat du prêtre Jacques Hamel à Saint -Etienne du Rouvray par deux fanatiques musulmans. Bis repetita, la violence extrême n’a pas de camp et comparaison apparente n’est pas raison. Plaignons ceux qui ont succombé alors qu’ils apportaient la tolérance et l’amour.

Comme il fallait s’y attendre les réactions écrites d’avance ont eu lieu. Le garde des sceaux a défendu ses ouailles et a rappelé que la loi avait été appliquée, que le présumé innocent -c’est son statut de droit à ce stade de la procédure-avait accompli 10 mois de prison préventive, mais que ne s’agissant pas d’un crime de sang les juges, experts psychiatres et autres chargés du dossier de l’incendie volontaire avaient estimé que la libération provisoire pouvait avoir lieu en attendant le procès lointain sur sa culpabilité. Chacun jugera la pertinence de cette libération.  Elle souligne au passage combien la justice est lente, dépourvue de moyens humains et techniques et est incapable de prononcer des sanctions qui ont un sens rapidement ou des décisions qui tranchent vite les litiges ce qui est un des éléments de la considération envers elle et en l’état de droit. Pourtant c’est possible de choisir une vitesse supersonique comme on l’a vu avec le parquet national financier lors de l’élection présidentielle de 2017.Seuls quelques dossiers qui défraient la chronique mériteraient cette urgence : pourquoi ne pas le prévoir ? Les grandes réformes qui sont comme l’arlésienne ne règlent pas les problèmes au quotidien mais il faut les faire et pas se contenter de les annoncer comme un perroquet depuis des années ! Le bénéficiaire de la mesure de liberté qui est un acte de confiance a remercié en tuant le prêtre ! Le ministre a critiqué ceux qui se jetaient sur le malheur pour l’instrumentaliser et essayer d’en tirer un minuscule profit politique. En effet des membres de l’opposition, comme c’était prévisible, se sont indignés de la libération du tueur et estiment que des dysfonctionnements ont forcément eu lieu. Ils veulent les têtes des responsables alors même qu’ils n’ont pas accès au dossier et que l’enquête est encore sur les plages de l’été malgré la covid-19.

Critiquer la justice est légitime, et il est normal que les parlementaires dont le rôle est de contrôler l’exécutif veillent scrupuleusement et s’expriment. Mais il n’est pas utile de rajouter de la polémique au drame.  Et il faut être prudent car si l’opposition revient aux affaires elle aura à gérer les mêmes sortes de dossiers, car la nature humaine est ce qu’elle est, et en matière d’horreurs l’histoire nous a appris que l’homme avait une imagination sans limites. Soyons donc modérés dans nos certitudes et ayons des critiques positives. L’avenir n’est écrit nulle part et MM. Mmes les assassins ne demandent pas la permission de tuer et ne se renseignent pas sur la sanction pénale avant d’agir ! Que ceux qui contestent fassent des propositions concrètes, avancent des solutions préventives applicables, et disent comment on empêche le crime. Le peuple serait ainsi rassuré et on ne parlerait pas dans le vide. La formule du « responsable mais pas coupable » est révolue depuis longtemps. On doit collectivement pouvoir assumer et surtout reconnaitre les manquements s’ils existent, pour les faire disparaitre dans l’intérêt général. 

Dans un sketch devenu culte Coluche disait : « moi ça va, ne changez rien ». Il affirmait avoir toujours de bonnes raisons d’agir et dénonçait l’égoïsme ou l’incompétence des autres. Les politiques devraient faire œuvre de pédagogie à chaque fois qu’il y a un évènement sensible qui émeut l’opinion plutôt qu’essayer de mettre ceux qui sont leurs adversaires dans la difficulté, mais à la condition de bien connaitre eux- mêmes le sujet. La lutte pour la conquête du pouvoir ne passe pas simplement par la dénonciation de l’incurie de ceux qui pensent différemment. En matière de justice il faut être modeste car les grandes déclarations enflammées et guidées par l’émotion ne riment à rien. Le citoyen n’est pas dupe : il veut simplement des résultats et vivre en paix dans la sûreté. Je ne crois pas d’ailleurs que l’électeur se détermine par des affirmations martiales : il attend un programme complet, réalisable, efficace. Il est las des promesses qui se heurtent à la réalité de la vie dont il n’exige pas le changement pour faire son bonheur mais l’amélioration.

En matière de justice il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante et chercher le consensus. On ne peut choisir de laisser les délinquants en liberté faute de place en prison contre les victimes qui attendent avec impatience que justice passe. On ne peut créer à l’infini pour faire plaisir aux minorités agissantes de nouveaux droits individuels sans tenir compte de l’intérêt collectif de la société qui doit pouvoir se défendre et des libertés légitimes de la majorité des citoyens qui attendent la protection de l’Etat. Le débat entre le tout répressif et la prévention nécessaire est faussé et inutile : il faut naturellement les deux.

Moi ça va parce que professionnellement je crois maitriser les arcanes de la procédure pénale malgré mes lacunes et que je ne suis pas concerné directement par un drame.  Je connais les fonctions et pouvoirs du juge des libertés et de la détention, du juge d’instruction, du juge de l’application des peines, ceux des conseillers en cours d’appel chargés de ces dossiers, le contrôle judiciaire et les substituts à l’enfermement, et naturellement le rôle essentiel des experts en matière de crime. On a vu dans l’actualité récente des dysfonctionnements suite à des rapports d’experts psychiatres en particulier qui portaient à conflits sur des cas individuels de meurtriers. Mais n’oublions pas que c’est le juge chargé du dossier qui a la décision finale de renvoi ou non devant la juridiction compétente en respectant ce que dit la loi en matière de responsabilité personnelle de celui qui a commis l’irréparable. Le citoyen ne connait pas cet enchevêtrement d’obligations légales.

« Laisse Madeleine je ne m’énerve pas j’explique aux gens » ajoutait Coluche. C’est là que le bât blesse. Au lieu de débats stériles  et souvent excessifs sinon  médiocres qui n’apportent rien à la connaissance de la justice ,à ses méandres, à ses principes dans un état de droit, et à son fonctionnement voulu par nos institutions et nos lois, il serait préférable que la chancellerie désigne des professionnels (par exemple un  trio avec un magistrat, un avocat, un expert) capables  d’expliquer au cas par cas la procédure, qui décide quoi  et comment , sous quels contrôles et par qui , après quels avis d’experts…et le rôle des avocats parties civiles s’il y a lieu.  Les médias joueraient leur rôle d’information et ne se contenteraient pas de relayer ce qui est le plus sanglant en cherchant à découvrir « la vérité » par leurs propres enquêtes voire à pointer telle ou telle responsabilité. Il faut donc expliquer sans relâche. La justice ne doit pas être entrainée dans des querelles subalternes.

Souvent la polémique résulte de l’ignorance et on croit que le quidam ne peut pas comprendre ce qui est complexe. Mais en démocratie il n’y a pas de plus égaux en intelligence que d’autres sans compter le bon sens,  et chacun à son niveau doit répondre de ses fautes involontaires -à son insu de son plein gré-qui ont entrainé un dommage. C’est l’égalité pour tous et l’honneur de ceux qui ont les pouvoirs. Ils ont hélas l’opportunité de se tromper. Nul n’est parfait. La société a le devoir de le savoir et d’en tirer des conséquences. Ce n’est évidemment pas la poursuite du bouc-émissaire surtout dans des dossiers terribles où rien n’est jamais sûr surtout l’être humain avec sa face sombre.

L’assassin du missionnaire Maire a déjà été examiné par des experts pour l’incendie de la cathédrale de Nantes et ils ont conclu qu’il n’était pas dangereux. D’autres experts vont l’examiner pour son nouveau geste criminel sanguinaire : que diront-ils ? Responsable avec conscience, ou non ?

Si quelqu’un a la solution qui évite les crimes ou la haine et qui permet la punition des coupables sans que la société ne se venge ou se divise et conserve ses principes humanistes et républicains ce qui sont nos valeurs universelles, qu’il écrive directement au ministre.

jeudi 22 juillet 2021

Les conseils de prud’homme et le virus.

 

              Les conseils de prud’homme et le virus.

                Par Christian Fremaux avocat honoraire.

La loi rien que la loi et le droit avant l’émotion et l’intérêt particulier tels sont les leitmotivs et les devoirs des juges qui n’ignorent pas l’humain cela va de soi dans le cadre des intérêts supérieurs de la collectivité nationale, ni les grands principes de la république et les libertés individuelles comme publiques.  Ils doivent souvent résoudre la quadrature du cercle qui évolue selon les circonstances imprévues et le progrès défini par personne et souvent revendiqué par des minorités agissantes. Les tribunaux rendent des jugements et arrêts et pas des services et ne doivent pas être entrainés dans les polémiques.  Le covid-19 ne changera pas les fondamentaux de la justice et en particulier la pratique du conseil de prud’homme (composé de 4 juges bénévoles : 2 employeurs et 2 salariés) qui a la grande responsabilité de participer à l’ordre public social ce qui à notre époque est suivi de très près par des observateurs attentifs et exigeants avec des injonctions contradictoires selon la place où l’on se situe et les fonctions que l’on exerce entre employeurs et salariés, tous étant des citoyens. Juridiction qui utilise l’équité parfois pour corriger la force qui peut être injuste de la loi et pour juger de l’exécution des contrats de travail ou de leurs ruptures de la façon la plus mesurée et objective possible.  

Le président de la république a annoncé une « vraie-fausse » obligation vaccinale pour la rentrée en espérant n’avoir pas à sévir.  La loi est en cours d’être votée au parlement pour le passe sanitaire, et les débats sur les libertés sont âpres à juste raison s’agissant de droits essentiels pour tous. On parle de sanctions qui peuvent avoir un effet sur le contrat de travail d’où la saisine future et éventuelle des conseils de prud’homme dans les mois qui viennent. Ce sera le contentieux virus !  

Les juristes discutent de la portée de la recommandation forte par l’exécutif ou de la loi qui contraint. Avec un vaccin obligatoire pourra-t-on estimer par exemple qu’il y a une violation d’une liberté fondamentale qui entraine la nullité du licenciement déjà prévue à l’article L.1235-2-1 du code du travail et qui permet de déroger à l’application du barème légal de l’article L.1235-3 du code du travail qui fixe un plancher et un plafond de dommages-intérêts en fonction de l’ancienneté et la taille de l’entreprise ?

La ministre du travail a indiqué que si le salarié ne se vaccinait pas, il pourrait faire l’objet d’un licenciement pour motif personnel c’est- à- dire une cause réelle et sérieuse qui permet de recevoir les indemnités légales et conventionnelles puis de s’inscrire à pôle emploi après avoir reçu un avertissement, mais en persistant dans le refus.  Elle a évoqué aussi une mise à pied préalable (qui n’est habituellement pas payée) et qui renvoie à la faute grave privative de préavis et d’indemnité de licenciement (ancienneté) mais qui oblige l’employeur à régler aussi les congés payés. Je pense que le gouvernement n’a pas arrêté ses choix- tous mauvais a priori d’ailleurs- sur ces points de droit, comme il va écarter un licenciement pour faute lourde que réclament certains employeurs pour n’avoir rien à payer sauf quand même les congés payés. Le virus est déjà mortel. Il ne peut pas y avoir de surcroît des conséquences excessives dans les relations sociales sachant que les patrons se battent pour survivre et faire fonctionner leurs entreprises indispensables à l’économie en général et que les salariés subissent la crise comme tout le monde jeunes comme vieux.  Ce n’est la faute de personne si la covid-19 entraine des dégâts dans les domaines économique, social et de santé. Il ne faut pas que l’on en rajoute sur le travail, les libertés et la justice.  Vont peut- être s’y adjoindre des licenciements économiques individuels motivés par les méfaits du virus.  C’est -dire si le droit du travail – comme d’autres domaines telle la sécurité - risque d’être bouleversé car il faut de plus en plus concilier la défense de l’intérêt général et l’autorité de l’Etat en maintenant les libertés fondamentales de notre état de droit dans notre démocratie. Il y a des conflits de légitimités. Le pacte républicain va devoir être revu et conforté en s’adaptant à ce qu’on n’avait pas prévu.   

Les conseils des prud’hommes apprécieront les litiges puisqu’ils sont en première ligne judiciaire. Les juges de carrière des cours d’appel ou ensuite de la cour de cassation dans des années fixeront la jurisprudence et peut être on l’espère que quand ils se prononceront ,le virus aura-t-il disparu et la raison et la science auront triomphé ? En attendant vu l’urgence ce sont les conseillers employeurs et salariés qui porteront l’immense et redoutable honneur d’allier le droit et l’éthique, de concilier- ce qui est leur mission première- notamment les libertés individuelles et l’intérêt collectif et ainsi de rendre une justice de proximité et concrète qui pacifie.  Faisons leur confiance et attendons les textes légaux validés ou amendés par le conseil constitutionnel composé de sages.             

 

mardi 20 juillet 2021

La justice un monument en péril.

 

                                     La justice un monument en péril.

                            Par Christian Fremaux avocat honoraire

Quand le bâtiment va tout va parait -il sauf qu’avec la crise il a des difficultés ne serait- ce que pour avoir des matériaux et des bras, le confinement ayant ramolli des bonnes volontés. La covid-19 n’a pas amélioré la justice dans son fonctionnement et je crains que les dernières péripéties n’aient atteint les fondations. Cela me désole. Je n’ai pas plaidé activement  pendant plus de 42 ans quasiment chaque jour devant toutes les juridictions de France et de Navarre sans que je m’intéresse encore de près à la justice tant dans son organisation matérielle que pour ses messages dans la société à travers ses décisions .Bien qu’en retraite désormais je continue à exercer peu ou prou et comme président d’audience auprès du conseil de prud’homme à Paris où avec mes collègues magistrats d’origine professionnelle (nous sommes deux employeurs et deux salariés) nous faisons face à un contentieux très important et parfois âpre. La cour d’appel de Paris infirme ou confirme nos jugements et je prends acte du raisonnement en droit et en fait des magistrats de carrière.

Nous sommes quoiqu’en disent des excités peu objectifs dans un état de droit, ce qui veut dire que chacun peut saisir les tribunaux pour faire reconnaitre ses droits, conforter ses libertés y compris de vivre sans vaccin au détriment de la collectivité, voire se battre contre l’Etat c’est-à -dire nous pour l’obliger à agir. Nous vivons dans un beau pays ouvert à la démocratie que l’on critique pourtant et que l’on sabote par l’abstention, où tant de possibilités nous sont offertes en même temps que nous pouvons exprimer à haute voix notre mécontentement. On crie aux mesures liberticides pour tout et rien, mais on veut aussi être protégé. On a la société que l’on mérite et que l’on fabrique. Tel est le cas de la Justice qui n’est ni un pouvoir ni un contre- pouvoir mais une autorité.  

La justice est controversée depuis longtemps voire toujours. Salomon n’est plus  et ne peut arbitrer tous les litiges du quotidien.  César baisse ou non le pouce mais il doit tenir compte malgré lui des médias en continu et des réseaux sociaux donc des minorités agissantes, ainsi que des juges de la cour européenne de Strasbourg et des grands principes humanistes ou prétendus tels. L’opinion publique est entendue quand elle est dans le sens du politiquement correct sinon on doit l’écarter des prétoires naturellement.   On pense que la justice est forte avec les faibles et indulgente pour les puissants. C’est faux et les dernières ou plus lointaines personnalités condamnées vouent les juges aux gémonies. Je parle évidemment de l’aspect pénal qui aborde le mal quasiment le seul qui intéresse le quidam qui veut tout connaitre du criminel, et ignore les victimes en lâchant une larme de compassion, car cela aurait pu être pour soi ! Or le contentieux le plus important  dont les juges non médiatisés ont la lourde charge concerne les problèmes de la vie personnelle,  un divorce, une garde d’enfants, un licenciement,  les conditions de travail avec du harcèlement ou de l’inégalité, un permis de conduire, un petit litige d’abonnement  ou d’assurance, une construction et un permis de construire,  des relations  difficiles avec les administrations, les communes…C’est ce monument qu’il faut consolider, moderniser notamment  par des équipements numériques , des simples téléphones et  des photocopieuses,  remettre à proximité, faciliter la saisine par des procédures rapides et allégées moins complexes, ce qui veut dire augmenter le nombre des juges qui siègent réellement et leur demander d’être les plus véloces possible ; les payer mieux  pour avoir les meilleurs  professionnels,   les faire aider par des assistants administratifs, multiplier les greffiers, et obliger tout le monde dans certaines conditions à du rendement comme dans toute entreprise privée. Le résultat n’est pas l’ennemi du bien, de la réflexion et de la compétence. J’ajoute et de la responsabilité car aucun professionnel fût -il fonctionnaire ou magistrat ne peut se retrancher derrière son ministère ou l’Etat s’il commet une faute grave qui a eu des conséquences. Naturellement ce dernier point se discute.  

On ne peut se contenter de toujours palabrer pour savoir si les procureurs pourraient être indépendants du ministère de la justice ce qui n’est pas le cas constitutionnellement parlant et peut être une fausse bonne idée, et si les juges du siège ne cèdent pas à des pressions. Il faut faire confiance aux hommes et aux femmes, et instituer un système qui permet aux juges d’être impartiaux sachant qu’ils ont le droit d’avoir des humeurs et des convictions et que le plus difficile -et j’en ai une modeste expérience dans mon activité prud’homale- est de n’envisager que la loi rien que la loi, et de ne pas faire interférer avec le droit la morale personnelle ou indiquer le chemin à suivre. Les politiques sont là pour cela.

Bien sûr on se rappelle les maçons du mur des cons ou le parquet national financier qui a contrarié et le mot est faible la trajectoire de l’élection présidentielle de 2017.  Mais globalement la justice selon moi est neutre mais peut être suis- je naïf, et elle rend des arrêts pas des services comme l’a écrit le 1er président Séguier de la cour d’appel de paris au 19 -ème siècle. J’avoue que la mise en examen inédite pour un ministre qui reste à son poste à savoir M. Dupond-Moretti pour un éventuel conflit d’intérêts et la perquisition échevelée de ses bureaux à la chancellerie me perturbent, car la confiance en la justice représentée par une déesse aux yeux bandés s’érode. Mon excellent ex-confrère doit regretter d’avoir fait son travail jusqu’au bout pour défendre tous ceux qui l’ont choisi pour son talent et sa détermination ! On n’y comprend plus rien sur le rôle des uns et des autres et des magistrats entre eux. On ne peut pas dire que la justice en sort grandie. Il y a des fissures dans l’édifice.   M. Dupond-Moretti n’est pas heureusement M. Mélenchon et il ne sera pas en plus poursuivi pour rébellion ! Si des magistrats veulent choisir leur ministre, pourquoi ne pas confier le ministère du travail à la Cgt, Fo et la Cfdt réunis ; ou le ministère des finances au Medef et aux banquiers ; et peut être le ministère des armées à un objecteur de conscience ?  

Le ministère de la justice fait partie du domaine régalien et il doit être fort pour maintenir l’état de droit, défendre les institutions et les valeurs républicaines, et permettre aux citoyens d’exercer leurs libertés, aux entreprises de dégager de la valeur ajoutée, et de poser les limites là et quand il le faut. Il a aussi une visibilité symbolique. Quand la justice passe tout ne se résout pas mais tout peut se comprendre de façon équitable. Confortons notre monument qui est en péril et notre société en sortira plus confiante en elle -même et envers ceux qui la représente puisqu’il ne peut y avoir de plus égaux que d’autres. L’intérêt général n’est l’apanage de personne. La justice est une vertu.     

vendredi 16 juillet 2021

Devoirs d’été.

 

                                                     Devoirs d’été.

                         Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Nous sortons provisoirement d’une période difficile et il va falloir préparer la rentrée qui ne s’annonce pas sous des auspices favorables, mais j’espère me tromper, et nous allons nous lancer tête baissée dans la campagne présidentielle ce qui va entrainer toutes les outrances, approximations, injures hélas, disqualification des autres, et promesses improbables. Le citoyen a déjà fait connaitre sa désapprobation par une abstention record aux dernières élections locales. Il est fatigué des débats stériles, du manque d’efficacité de l’exécutif et de tous les dirigeants, des discours contradictoires souvent dans la même catégorie professionnelle comme les spécialistes de l’épidémie, et du fait que toute minorité prétend imposer sa vérité .Il se bat contre le virus en se résignant aux contraintes, et  va cependant  se mobiliser pour l’élection du futur chef de l’Etat car le français est sérieux, responsable, et il ne veut pas laisser son destin et celui de ses enfants entre les mains d’idéologues, de prétendus rebelles divers qui profitent en même temps du système, et il sait qu’il doit protéger les acquis et les valeurs républicaines et traditionnelles.

 Le progrès dont la définition est à géométrie variable et qui n’est pas toujours positif, ne doit pas avoir lieu dans n’importe quelles conditions, au profit de quelques groupes ou individus qui n’exigent que des droits et veulent faire notre bonheur malgré nous. Il n’est pas nécessaire de bousculer ou de déclarer périmés tous les cadres de vie qui font la beauté de nos territoires qui doivent rester vivants et sécurisés, et imposer des règles qui ne correspondent pas aux habitudes sociétales et séculaires qui ont fait leurs preuves. Le citoyen veut que l’on s’occupe de la proximité selon la formule polémique en son temps de « la Corrèze plutôt que le Zambèze », ce qui n’interdit pas que l’on accueille ceux qui sont convaincus que notre société avec nos manières de vivre est enthousiasmante, et que l’on participe au règlement des grands problèmes du monde en étant solidaire avec les plus malheureux. Il n’appartient pas aux élites prétendues et auto-déclarées de décerner des brevets du bien, et de dire ce qu’il faut faire ou non. Personnellement j’en ai assez d’être taxé de racisme pour tout et rien ; d’être accusé de discrimination quand je me réfère à la laïcité liberté qui permet à chacun d’exercer sa liberté de conscience mais qui ne peut entrainer des exigences et des partitions y compris sur le domaine public ; de devoir me repentir pour ce que mes ancêtres auraient fait de mal dans leurs époques pour tout sujet ; et de devoir demander pardon à qui s’estime victime… Et je n’énumère pas plus chacun ayant son expérience personnelle. Je ne digère pas les leçons de morale.  

Je crois qu’en réalité on attaque notre civilisation, ce qu’est notre nation millénaire, ses qualités, ses défauts parfois qu’il faut supprimer, mais ce qui nous a conduit à être dans le monde la 5ème ou 6ème puissance économique et militaire (des pays devraient nous en être reconnaissants) , et surtout à avoir un rayonnement universel par nos valeurs. A force de donner dans le contrat social des coups permanents de canif voire plus (le terrorisme individuel interne ou organisé) il y a le risque que nous sombrions dans le chaos. C’est un danger imminent qui impose une réaction forte en légitime défense.  Je n’évoque pas le terme délitement qui vaut à des généraux en retraite de comparaitre devant un conseil de discipline. La liberté d’expression est réservée à ceux qui se situent dans le camp du politiquement correct, notion fumeuse définie par personne d’ailleurs.  Ainsi quand j’entends des gens parfois très instruits et très privilégiés hurler à la tyrannie, ou à la dictature, ou au totalitarisme à propos de certaines décisions publiques qui désormais sont toutes liberticides (sic) y compris celles qui protègent contre la délinquance ou l’insécurité qui est vécue dans la réalité, ou parce qu’on veut préserver la santé collective, je m’insurge. Je pense qu’en Corée du Nord ou à Cuba et la liste des pays autoritaires qui mettent à mal leurs populations est très longue, leurs dirigeants qui s’auto- qualifient de démocrates doivent être pliés de rire à entendre nos états d’âme et nos discussions ! Nous succomberons par nos libertés et notre droit si  l’on n’y prend pas garde.

 Notre devoir d’été est de se calmer et de retrouver un niveau mesuré de débats qui n’incitent pas à la surenchère et à la violence. Personne ne détient la vérité.  Relisons les philosophes, les stoïciens, les tolérants, Voltaire et les autres, ceux qui définissent la Nation une et indivisible. Bannissons la haine et le complotisme des réseaux sociaux. N’oublions pas que la déclaration des droits de l’homme parlait aussi du citoyen. L’individu peut avoir un conflit d’intérêts avec le citoyen qu’il est d’abord. Sans civisme, sans l’acceptation volontaire de limiter nos ambitions et ce que nous voulons obtenir pour notre confort, l’Etat qui est nous dans sa diversité, ne pourra fournir. Notre devoir d’été est de nous préparer à penser collectif, et notre responsabilité individuelle est de coopérer aux efforts nécessaires. Il ne faut pas de plus égaux que d’autres qui exigent parce que ce sont eux et qu’ils le mériteraient. L’égalité est la norme. La fraternité n’est pas qu’une valeur devenue constitutionnelle et elle implique que chacun aille vers l’autre et que personne ne se soumette, à la condition évidente d’adhérer au cadre républicain, à ses principes, à l’ordre public.  Quant à la loi elle protège tandis que la liberté (sans limites) opprime. Mais nos libertés publiques ne sont pas en danger, les circonstances les malmenant quelque peu à titre temporaire.

Les politiques, les responsables syndicaux et de toute nature, tous les élus à leurs niveaux et les multiples candidats au poste suprême - quelle chance ont les français d’avoir autant de personnalités qui font le sacrifice de leur vie personnelle pour nous quidams de base - devront donner l’exemple, débattre avec sérieux voire passion pour montrer qu’ils croient en ce qu’ils disent,  et ne pas se contenter de critiquer. Ils devront avoir des programmes clairs, et proposer des solutions concrètes, des choix humanistes, sans révolution si possible merci. Ils ont tout l’été pour préparer leurs devoirs pour convaincre en respectant l’adversaire.  Le corrigé aura lieu en avril 2022.

Aux armes légales citoyens car il faut un état de droit fort, et des valeurs morales car le spirituel a autant de nécessité que le matériel indispensable. Optons pour une rentrée raisonnable. On doit y croire.  Sous les pavés la plage disait-on en mai 68. En octobre 2021 il faudra du béton armé pour consolider l’édifice, et pour les décisions difficiles à prendre du courage qui permet l’espoir. Nous devons gagner la paix.  

lundi 14 juin 2021

Billet d’humeur : On perd la boule.

 

            Billet d’humeur : On perd la boule.

               Par Christian Fremaux avocat honoraire

Il y a des parallèles à faire simplement pour constater, déplorer et/ou se réjouir selon ses convictions. Il est temps de voter pour qu’on en finisse de cette répétition car la présidentielle approche et l’artillerie lourde va être dégainée.  

Le gifleur du président de la république n’a pas supporté que M. Macron vienne vers lui sourire aux lèvres pour tenter de le convaincre de sa bonne politique. Contre un sourire une gifle une violence ordinaire, par un simple quidam qui se revendique des gilets jaunes (sic) et des chevaliers au cri de Montjoie-Saint-Denis, c’est la tendance de l’époque. La haine de la macronie dépasse toute ouverture d’esprit. Elle vaut 4 mois ferme avec mandat de dépôt outre du sursis et la privation de droits civiques : c’est le coût du non- respect envers le chef de l’Etat. Oyez oyez braves gens. 

M. Séjourné député européen et proche conseiller du président de la république a déclaré si j’ai bien compris, qu’il fallait interdire Cnews et surtout M. Zemmour car ils rabaissaient le débat public. Je ne sais pas si sur d’autres médias en continu ou si sur le service public le niveau du débat est dans la stratosphère, alors même que les dirigeants et parlementaires de LREM participent allègrement aux échanges d’invectives sur les plateaux télévisés. Je n’ai pas entendu M. Séjourné ancien socialiste sauf erreur, qui doit avoir des qualités intellectuelles incomparables exprimer des idées qui transcendent, font consensus et qui sont applicables concrètement.  Mais est-ce grave docteur comme maladie démocratique de vouloir interdire les idées qui ne vous plaisent pas, les discussions qui abordent les problèmes qui fâchent mais qui préoccupent le citoyen y compris dans le monde rural qui échappe aux bienfaits de la mondialisation, qui fume des clopes et roule au diesel et qui pense que la classe politique n’est pas à la hauteur des enjeux. Comme antidote a-t-on le droit de penser que l’insécurité n’est pas un sentiment, que la justice devrait être forte, que l’énergie verte doit faire l’objet d’une transition et pas d’une précipitation, que la violence doit être contenue le plus possible, que le travail est l’essentiel, et que les problèmes des minorités de toute nature sont importants pour eux mais que la majorité a aussi le droit de vivre selon ses traditions et habitudes. Dois -je prendre un traitement pour ne pas adhérer aux élucubrations des «wokes » ( les éveillés)? M. Séjourné fait simple : pour ne pas diffuser une idée qui ne lui plait pas, il suffit de supprimer l’émetteur. La liberté d’expression ne doit concerner que le camp auto-proclamé du bien qui choisit les sujets et décrète ce qu’il faut faire. Au secours George Orwell ils sont devenus fous.  Vive l’ORTF et à bas la couleur ! (sauf à être en plus taxé de raciste). J’ai dû mal comprendre le conseiller de l’Elysée qui de son bureau jupitérien pense avoir la vérité ?    

Mme Pulvar ex-journaliste engagée et qui prétend devenir présidente de la plus grande région de France où les opinions sont diverses et les intérêts divergents a surenchéri pour demander que le journaliste Zemmour soit déclaré persona non grata sur les plateaux. Elle refusait déjà que des blancs assistent à certaines réunions sauf à rester muets. Elle récidive et elle cumule les rejets : bon début d’union ! A force de vouloir écarter cet analyste-polémiste de la vie publique, je vais finir par l’écouter régulièrement bien qu’il soit  parfois excessif d’après ce que j’ai ouï ,car je défends ceux qui sont attaqués c‘est mon métier !  Je précise que je ne vote pas en Ile-de-France mais dans une zone bien rurale.

M. Mélenchon qui prédisait un acte grave avant la présidentielle qui permettrait de stigmatiser les musulmans a été entendu. Il a eu la gueule enfarinée expression populaire qui est issue de la fable de Jean de la Fontaine « le chat et un vieux rat ». M. Mélenchon qui n’est pas un nigaud- car il pense hautement de lui, croit qu’il domine tout le monde et que son corps est sacré puisqu’il incarne la république- est au moins l’arroseur arrosé.  Il a ri jaune alors qu’il était tout blanc ce qui devrait lui plaire puisqu’il rêve d’un monde « créolisé ».  Il y a eu d’autres personnalités enfarinées ou entartrées dans le passé dont le président se disant normal.  C’est donc le bizutage classique. La Justice va cependant s’occuper de l’agresseur car on ne peut tolérer que le niveau frôle les pâquerettes- comme le dit M. Séjourné- alors que l’on accuse les politiques ou certains de rouler l’électeur dans la farine par des promesses fallacieuses.

M. De Rugy ancien ministre qui aimait trop les fruits de mer quand il présidait l’assemblée nationale, a été aussi été enfariné à Nantes pendant sa campagne électorale. La femme qui l’a blanchi a crié parait-il : « rends les homards ». Sic transit gloria Mundi.

M. Dupond- Moretti ministre en campagne électorale pour les régionales s’est fait apostropher par un candidat du rassemblement national, et par M. Ruffin député de la France insoumise. Il a répondu vertement à l’un et à l’autre et le niveau culturel et civique des dialogues -je veux dire des engueulades- a été confondant. Je ne sais pas si la dignité d’un ministre de la justice l’autorise à participer à une foire d’empoigne. Mais je n’ai aucune leçon à donner. Me Dupont-Moretti a du caractère : les électeurs apprécieront ces débats de comptoir au café du commerce. M. Séjourné va peut- être lui en parler ?  

Le ministre des élections M. Darmanin a parlé de marque satanique à propos d’une éventuelle victoire du RN dans une région qui repousserait tout investisseur. Il est aussi ministre des cultes dans une république laïque qui se bat contre les séparatismes théocratiques. Que l’on laisse Dieu ou le diable en dehors du champ de bataille électoral.  

Alphonse Karr a écrit : « je suis contre la peine de mort, mais que MM. les assassins commencent ».  Les hommes/femmes politiques doivent donner l’exemple et il leur revient de hausser le niveau à la hauteur des grands principes, de la tolérance, et de notre démocratie. Le populisme a toujours mené à une impasse, et vouloir en rajouter dans la démagogie n’est pas positif. Les électeurs votent pour ceux qui leur montrent un chemin clair, apaisé, mais qui conduit à de l’action et de l’efficacité globalement sans oublier personne. Le bulletin de vote est plus fort qu’une invective et donne à celui qui doit l’utiliser la chance d’écarter ceux qui vocifèrent mais n’ont pas de solution concrète. Le citoyen doit parfois être plus responsable  que ceux qui veulent le représenter en proposant des changements extrêmes. Personne ne peut être dupe. La boule doit toujours rouler vers le nord pour tenter d’atteindre l’inaccessible étoile c’est -à -dire l’espoir de vivre tous mieux, en paix.  On doit y croire.  

 

mardi 8 juin 2021

Réformer la justice : oui, mais pour quels bénéficiaires et dans quels buts ?

 

     Réformer la justice : oui, mais pour quels bénéficiaires et dans quels buts ?

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le président de la République lui -même a annoncé qu’il lançait les états généraux de la justice. C’est donc du sérieux même si je ne connais pas l’ampleur de la future réforme et quels seront les domaines examinés à part ceux brûlants qui occupent l’actualité. Examinons à titre préventif les aspects pénal et civil puisque la justice est un tout pour le citoyen.

Les plus dubitatifs ou cyniques diront qu’il faut éteindre l’incendie entre des autorités régaliennes et que la décision de réformer vient à la suite du Beauvau de la sécurité où certains policiers ont hurlé que le problème de la police c’était la justice. Ils ont tort et le raccourci n’est pas acceptable dans un état de droit où sécurité publique et justice sont complémentaires et doivent être dans leurs missions spécifiques, indiscutables et insoupçonnables.  Certes il y a de quoi avoir peur et chercher des solutions miraculeuses en regardant les faits divers malheureusement quotidiens et la violence endémique de la société. Ou plutôt la radicalisation d’individus mués par la haine pour des raisons aussi diverses que confuses, sans oublier le fait que certains n’aiment pas le passé de la France et veulent faire payer aux vivants ce que leurs lointains ancêtres ont toléré ou n’ont pas fait de mieux. J’y ajoute les attentats et le terrorisme d’origine interne comme externe.

Tout ceci crée de l’insécurité qui est réelle et pas un sentiment, même si et c’est heureusement vrai la France n’est pas un coupe- gorge comme l’a dit le garde des sceaux. Mais le débat sur la répression à outrance quasi automatique avec le concours Lépine des solutions drastiques n’est pas en phase terminale, les campagnes électorales favorisant la surenchère. Rappelons-nous la phrase célèbre de Blaise Pascal : « la justice sans la force est impuissante :  la force sans la justice est tyrannique ». Tout est dit. Bâtissons des solutions concrètes.

On peut cependant  opposer toutes les statistiques que l’on veut qui prouveraient que les violences étaient au moins égales jadis, que les mineurs sont restés avant tout des enfants, et autres explications ou excuses tirées de réflexions de philosophes, d’intellectuels, de sociologues et autres membres du camp du bien ouverts à tous les autres et à toutes les cultures, rien ne peut persuader le citoyen : la police que l’on méprise, attaque, accuse des pires travers qui seraient systémiques fait son travail ,mais la justice est un maillon faible.

C’est injuste, et Mme Arens 1ère présidente de la cour de cassation  qui représente les magistrats du siège toutes spécialités confondues ainsi que M.Molins procureur général de ladite cour qui incarne le parquet celui qui soutient l’accusation c’est-à-dire le respect de la loi  , sont venus défendre à juste titre leur institution outragée car accablée pour être  réputée  laxiste et globalement insuffisante, en protégeant ses membres même s’ils ont commis des fautes professionnelles ou qu’ils prennent des décisions qui ne correspondent pas avec l’opinion publique. Ce qui est rassurant selon moi, car il n’y a rien de pire que la foule en colère. Mais les juges appliquent la loi que les politiques fabriquent, et comblent les vides juridiques quand une question est officiellement posée dans un contentieux. Il ne faut pas en faire des boucs émissaires. M.Macron leur a répondu en lançant les états généraux : je pense que ces hauts magistrats attendaient une autre proposition plus corporatiste de leur protecteur institutionnel, garant de leur indépendance et de l’autorité judiciaire. Et qu’il leur renouvelle publiquement sa confiance et leurs mérites. Il a dû le faire, mais discrètement ?

La réforme de la justice doit aussi s’étendre à ce qui ne ressortit pas du droit pénal qui intéresse certes le quidam mais n’est pas son habitude. Les contentieux autres sont la majorité et ils génèrent  un sentiment d’injustice ou de désespoir pour certains. Les états généraux rappellent ceux de 1789 : qu’est le tiers état : rien ? Que veut-il : tout. C’est le cas aujourd’hui. Le citoyen-justiciable veut à son service une justice globale performante digne du XXIème siècle dans tous ses tiroirs. Et pas seulement pour que les juges soient réconfortés et reconnus au niveau qu’ils se sont fixés dans la hiérarchie sociale et parce qu’ils estiment devoir être considérés sinon admirés. Mais surtout pour que le sort personnel du consommateur de justice soit amélioré. Il veut aussi être reconnu et être partie prenante participative puisque la justice est rendue en son nom. La tour d’ivoire doit être abattue !

 Il peut y avoir quiproquo et le président a pensé peut- être n’agir que sur la justice pénale celle qui est en lien avec les gendarmes et policiers ? Ce serait dommage de limiter la réflexion car la justice n’est pas circonscrite au plus spectaculaire. Comme Janus l’individu a un recto qui peut être sombre et donc doit respecter des devoirs, mais aussi un verso qui veut la lumière donc faire reconnaitre ses droits. L’annonce au moins de discussions a été bien accueillie par les justiciables, ceux qui sont victimes ou prévenus certes, mais surtout par tous ceux qui ont à régler un problème de la vie privée ; qui sont devant le conseil de prud’homme ou le tribunal de commerce ; qui ont un conflit avec leurs voisins ou leurs mairies ou une administration quelconque voire le fisc, ou avec son assurance, sa copropriété ou un squatteur, car la justice ce n’est pas que le procès pénal  même si de petits dérapages y conduisent pour les infractions au code de la route ou un peu trop d’alcool ou de shit! c’est la vie de tous les jours. Et pour qui un juge est un juge sans distinction subtile entre les différentes fonctions. Personne ne peut se vanter qu’il n’aura jamais affaire à un magistrat. Donc prudence, mais désir d’une justice rapide qui sait trier le bon grain de l’ivraie occasionnelle ou apaiser un conflit par  son jugement.  

 Tout individu qui a eu affaire à la justice a connu les obstacles à l’accès de celle -ci ; le choix indispensable des avocats ; le tribunal de plus en plus lointain puisque les juges de paix de proximité n’existent plus et que désormais les tribunaux d’instance sont regroupés auprès du tribunal judicaire siégeant au chef -lieu du département et que les cours d’appel sont dans les régions. Ils ont subi les délais d’attente interminables avant que leurs dossiers soient évoqués, ont été perdus dans la procédure compliquée ; n’ont pas eu droit à la parole puisqu’ils avaient un conseil qui s’exprime pour eux…Ils ont peut-être gagné, mais l’adversaire a un droit d’appel. Et ils doivent attendre pour que le jugement soit exécuté avec l’aide d’un huissier qui fait payer des frais !... Et je passe les péripéties. Je n’évoque que pour mémoire l’existence du tribunal administratif que l’on trouve dans les régions, qui traite les contentieux administratifs (avec l’Etat ; les collectivités locales ; les services publics…) de plus en plus fréquents par une procédure exclusivement écrite, et dont les juges sont de hauts fonctionnaires. N’est -ce pas une incongruité du passé ?

La liste de tout ce que l’on reproche à la justice est longue et puisqu’il va y avoir des états généraux il faut consulter les cahiers de doléances écrits depuis longtemps. On sait qu’elle manque de moyens matériels comme humains, et que son budget bien que récemment revu à la hausse est insuffisant. On a donc la justice que l’on mérite, en dépensant pour elle avec parcimonie. On vit  un état de droit au rabais. Certes il y a des comportements individuels inacceptables comme les magistrats qui ont construit le mur des cons ou ceux qui ont déclenché une enquête supersonique à la veille des élections présidentielles de 2017 et qui ont éliminé de fait un candidat. Mais c’est une infime minorité qui confond réserve et idéologie. Il y a aussi ceux qui commettent des erreurs parfois avec des conséquences très graves. Dans tout métier c’est le cas, et chacun doit assumer ses responsabilités devant ses pairs et devant la justice : les victimes ont droit de savoir, d’exiger des sanctions, d’être indemnisées. Au lieu de se focaliser sur l’indépendance nécessaire des juges, donnons-leur les moyens d’être impartiaux, de juger vite, de s’entourer d’assistants qualifiés et d’être aidés. Tout en examinant éventuellement leur responsabilité personnelle.  Comme en matière de sécurité le risque zéro n’existe pas. Quand le drame tombe sur vous on ne veut plus rien comprendre ni accepter.  Mais la société a le devoir de faciliter le travail  de ceux qui prennent des décisions difficiles. Ils doivent pouvoir se confier à des collègues, à des experts, que le choix soit collectif, et qu’ils ne soient pas contraints de faire confiance à leur seule conscience et bonne foi. Un juge est une femme ou un homme, un être humain qui peut se tromper quel que soit le domaine concerné ou le cas particulier qu’il doit affronter. 

La réforme de la justice doit être naturellement matérielle mais pas uniquement. La morale ne participe pas mais il y a l’équité, et les grandes règles universelles sont les fondements de la justice avec la loi positive. Nul n’ignore que donner toujours plus de moyens n’améliore pas automatiquement les décisions, s’il n’y a aucun cap, aucune stratégie, ni choix de société ou de civilisation que le peuple a choisis. Le président de la république a annoncé qu’il souhaitait que désormais le garde des sceaux explique aux parlementaires, donc au peuple, chaque année la politique pénale du gouvernement : qui sont ceux qui défient l’ordre public, nos adversaires voire ennemis ; comment les combattons nous avec quelles armes légales ; quel est le sens de la punition et de la réinsertion … ? Bonne idée mais il faudra écouter les citoyens en permanence et entendre ce que disent les élus locaux. 

En matière civile comment améliorer le fonctionnement concret de la justice ? Comment faire du droit donc de la loi un élément structurant de la vie en société pour l’utilisation de nos libertés sans choquer ou nuire à autrui ? Comment faciliter la médiation, la concertation qui donnent des résultats rapides en cas de conflit, sans gagnant ou vaincu chacun ne perdant pas la face ce qui est essentiel quand on estime que l’on a raison et que l’autre a forcément tort : c’est mettre de l’harmonie dans les rapports sociaux…

La question principale est : dans notre état de droit la justice doit- elle passer d’autorité judiciaire à pouvoir judiciaire selon la théorie adaptée à la modernité de Montesquieu, et si oui avec quels moyens légaux ou autres et quels contrôles, pour faire quoi au bénéfice du qui ?

Je souhaite donc que la discussion sur la réforme concerne la justice en tous ses états, et pas seulement celui qui attire l’attention du public et des médias. La justice doit être contextualisée selon le mot à la mode dans un espace plus vaste qui est celui de la vie en société .Il faut rétablir de l’autorité c’est- à -dire le respect des normes générales à tous les étages et dans tous domaines y compris dans la famille ou l’école .On doit s’intéresser au rapport entre tous les individus dans leurs diversités qui acceptent l’usage de la tolérance .Enfin il faut rappeler que pour vivre tranquille il faut donner aussi de la priorité à ce qui est collectif, la défense de la nation et de la patrie avec des citoyens qui n’exigent pas que des droits en écartant les devoirs. Il faut nous mettre d’accord sur les grands principes républicains sinon toute réforme échouera.  Si l’on veut que police/gendarmerie et justice réussissent sans s’opposer il faut leur donner des objectifs communs qui dépassent leurs missions. Et convaincre les citoyens que c’est dans leur intérêt que la justice intervient. 

Tout le monde doit participer. La justice n’appartient ni aux magistrats, ni aux avocats, ni aux politiques ni à un pouvoir ou un contre -pouvoir quelconque : les citoyens l’ont en commun. Ils doivent être partie à la réflexion sans tirage au sort. On a besoin de responsables légitimes. La justice qui est aussi une vertu est une chose trop sérieuse pour ne pas la laisser à des aléas ou à de l’instrumentalisation. Il en va de la démocratie.     

mardi 25 mai 2021

instrumentalisation et/ou idiot utile

 

                 Instrumentalisation et / ou idiot utile.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire.

Dire que la violence y compris verbale domine la société est un truisme et traduit un climat d’insécurité, une société électrisée. Les prétendues élites ne donnent pas toujours l’exemple, et la sérénité ou la tolérance ne règnent pas en maître. On clive entre le camp du bien et celui du mal, entre le politiquement correct et le rejet de toutes nuances qui sont prises pour au moins de la trahison, de qui et de quoi c’est un autre sujet. On conteste tout et son contraire c’est plus rapide, mais sans proposer du concret faisable c’est plus facile.  On relativise les valeurs surtout républicaines car tout se vaudrait, ce qui est inexact. Et on attend le moment clé : deux à trois heures en direct à la télé entre les deux finalistes, où l’on juge le physique, l’esprit, l’expression et les idées des candidats au poste unique de la république. C’est le vote image et impressions.  La démocratie est chronométrée et en couleurs.  

Pour ceux qui auraient mauvaise vue, ou seraient sourds rappelons qu’on est entré en campagne électorale présidentielle bien sûr, car tout ce qui concerne les élus locaux, départementaux ou régionaux sert de prétexte et de répétition. Le sort local des citoyens qui sont sur le terrain et qui ont des besoins est mis de côté. Tout est fondamental, tout est très sérieux, à chaque évènement c’est le drame. Et le lendemain on passe à autre chose. Les lilliputiens se prennent pour Gulliver.

Dans notre quotidien on assiste impuissants aux échanges entre politiques de formules lapidaires qui sont plutôt des invectives sinon des insultes ou des menaces. Cela lasse et ne conduira pas à plus de confiance envers nos futurs élus comme ils ne cessent de la réclamer. Elle ne se décrète pas et le citoyen n’est coupable de rien, sauf de vouloir de la réussite globale et de vivre en paix. Il ne se bat pas tous les jours contre son voisin. On préférerait des discussions positives mais il n’y en a plus.  On twitte, on raccourcit, on résume, on condamne, on soupçonne, on schématise. Le slogan vaut action et il faut surtout discréditer l’autre sans se lancer dans des considérations plus élaborées, plus démocratiques, plus humanistes, pour prouver plus d’efficacité dans l’intérêt général futur.  On sera élu au moins par défaut si on ne commet aucune faute de communication et non pas en fonction de son programme et de ses propres qualités, mais parce que l’adversaire aura été rabaissé et taxé d’infâmie. L’enthousiasme est secondaire, à option et quasiment réservé aux seuls militants. 

L’instrumentalisation consiste à considérer quelqu’un ou quelque chose comme un instrument simplement utile, on veut dire manipulé. On détourne ainsi de son but tout ce qui est l’objectif projeté. On se sert de l’occasion pour desservir autrui. Il y a aussi les idiots utiles d’une cause selon le mot attribué à Lénine, qui en politique s’applique à des personnalités qui servent des desseins divergents de leurs représentations authentiques, fussent-elles sincères.  Les exemples sont légion qui substituent l’émotion à la raison, l’empathie à la nécessité, la conviction à la responsabilité, et la lutte pour le pouvoir à l’attente collective. Comme si un camp pouvait avoir raison sur tout ! 

Dans le champ politique ce n’est plus programme contre programme, et à la limite promesses contre promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Il faut réduire l’adversaire à sa part d’ombre, le ranger dans une catégorie dangereuse totalitaire si possible, ou utopique qui a échoué. L’histoire est évacuée. Il n’y a plus d’exposé des motifs, mais la demande d’adhérer sans réserve à ce qui est proposé. L’expérience des autres est rejetée, et on s’empresse de jeter à la poubelle même ce qui a pu fonctionner jadis, ou qui mériterait d’être maintenu et/ou revu simplement. On n’accepte ni analyses contraires ni avertissements viendraient -ils de voix non officiellement autorisées à s’exprimer mais légitimes, et ayant fait la preuve de leur neutralité et de leur dévouement dans l’intérêt général.  La prétendue bonne parole se cantonne à des citoyens tirés au sort, ou aux vociférations de quelques excités qui ont des haut -parleurs.   

A chaque fois qu’il y a une objection pour des projets de réforme sur des problèmes fondamentaux, par exemple sur la sécurité et les libertés, ou sur la police et la justice, sur l’identité et les frontières aussi, et je n’allonge pas la liste de ce qui est vital, on la balaie en dénonçant de l’instrumentalisation à des fins diverses notamment électorales ou électoralistes. Autant supprimer le parlement ou toute institution dédiée aux dialogues et à la coopération. Pour le peu qui en reste d’ailleurs puisque la démocratie semble se limiter à quelques individus choisis au hasard ? ou à des influenceurs, car il faut faire jeune et participatif.  L’instrumentalisation dénoncée permet ainsi de ne pas répondre à la question sans avoir à préciser son projet et sans admettre la moindre critique et surtout de ne pas être obligé de convaincre.  Mais la bonne foi et le subjectif constat que les prédécesseurs ont échoué ne sont pas la démonstration que l’on détient la vérité. Un peu de modestie grandit.

Les idiots utiles sont les responsables qui prennent le citoyen pour ce qu’il n’est pas.  L’électeur comprend les enjeux et sait faire la part des choses. Il vote parce qu’il croit qu’il aura un avenir meilleur que ce qu’il subit aujourd’hui. Il ne faut désespérer ni Boulogne ni Billancourt. Il faut rassembler. Le quidam veut que les politiques le guident sans l’embrigader ou vouloir qu’il vive contrairement à ses traditions et principes. Et qu’ils soient pratiques en proposant des mesures qui conviennent à la majorité sans vouloir changer la vie ou la planète même si l’individu sait qu’il faut progresser dans tous les domaines y compris pour lui. Accuser d’instrumentalisation celui qui n’est pas d’accord avec vous n’est pas persuader, et est un postulat un peu court jeune homme pour conforter la cause que l’on veut servir car à la fin de l’envoi on ne touche pas. Cela peut au contraire nuire par son excès et sa caricature.

 Créons de vrais débats publics, arguments contre arguments, raison contre émotion qui ne sont pas incompatibles, réalité contre utopie dont on a besoin mais qui a coûté sa tête au lord - chancelier Thomas More.  Instrumentaliser ou prétendre à une manipulation n’est ni débattre ni agir surtout. Revenons à l’essence de la démocratie : la confrontation des idées au -delà des personnes qui les incarnent. Et la recherche de consensus car pour avoir des résultats il faut que tout le monde s’y engage ardemment.      

lundi 26 avril 2021

Le droit contre les tordus.

 

                        Le droit contre les tordus. 

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire.

A chaque fois qu’il y a un drame comme l‘assassinat de la policière du commissariat de Rambouillet, monte spontanément un cri de désespoir avec de la compassion pour la victime, de la haine pour le meurtrier, et des commentaires : c’est inadmissible, c’est la faute au gouvernement, il faudrait faire ceci ou cela… Comme si quelqu’un avait la vérité et savait quelle était la solution pour arrêter les crimes volontaires fussent -ils symboliques, politiques ou religieux, familiaux ou de n’importe quelle nature ; ou juguler le terrorisme individuel ou de groupe organisé de l’extérieur, et faire que tout le monde vive en paix.  En matière de forces de l’ordre après quelques jours la victime et sa famille sont quelque peu quasi oubliés : on leur rend hommage publiquement, avec des belles paroles martiales du genre plus jamais cela qui sont à juste titre prononcées par les plus hautes autorités ce qui nous fait du bien. Puis on décore, et on passe à autre chose.

                                           Des réactions peu chaudes.

Je dois avoir l’ouïe bouchée, car je n’ai pas immédiatement entendu pour se désolidariser le représentant du culte concerné qui doit être par définition contre la violence. Je n’ai pas non plus été rendu sourd par une clameur publique spontanée de citoyens comme après les attentats de Charlie hebdo pour soutenir les policiers. A défaut ce silence assourdissant semblerait vouloir dire que certains pensent que se faire tuer ou blesser c’est le risque du métier quand on incarne l’ordre public ou que la mort d’une policière n’est pas un évènement. Je ne tiens pas compte des indignés qui n’admettent pas que l’on soutienne les victimes alors même que l’assassin forcément détraqué et en proie à des problèmes dépressifs ou métaphysiques et absorbant des produits y compris médicamenteux - qui est présumé innocent selon nos règles procédurales bien que mort - aurait eu des circonstances atténuantes ou un coup de chaud qui l’exonérerait de toute responsabilité du même type que pour le bourreau de Madame Sarah Halimi.

                                            Qui veut de ma solution ?

Au- delà de l’horreur on assiste au concours Lépine de propositions de loi ou de modifications du code pénal qui émanent surtout de ceux qui n’ont aucune légitimité. Mais on entend aussi - le cadavre n’étant pas encore froid et l’enquête étant en cours - des responsables politiques notamment qui en profitent pour vanter leur fonds de commerce basé sur la sécurité, et faire croire qu’avec eux cela n’arriverait pas. D’autres veulent changer le système qui serait trop inégalitaire, discriminatoire et empêche de croire, ce qui entrainerait des frustrations et des passages à l’acte. Surfer sur le désastre est indécent et personne n’est dupe. Nul n’a la formule magique légale naturellement et concrète qui permet d’anticiper et d’éviter que des crimes aient lieu, et qu’on empêche des attaques fréquentes des commissariats ou gendarmeries enfin contre tout ce qui représente l’ordre et l’autorité donc la démocratie. On sait que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, mais celui ou celle qui annonce n’importe quoi à quelques encâblures des élections prend une responsabilité grave. Il en est de même pour ceux à la réflexion ambiguë qui critiquent toute action ou initiative et qui la jugent toujours insuffisante et sont donc contre. Ils ne veulent rien partager avec la majorité au pouvoir qu’ils veulent remplacer par leur omniscience. 

                                           Un fait divers, une loi ?

On ne peut pas faire une loi à chaque fois qu’il y a une catastrophe naturellement non prévue. N’est pas Cassandre ou la Pythie qui veut. Le gouvernement avec célérité va tenter de pallier les conséquences d’un nouvel assassinat comme celui de Mme Halimi où l’antisémitisme était avéré. Il a raison. Les juges ne peuvent s’en remettre aux seuls experts psychiatres en estimant que la loi ne distinguait pas suffisamment les causes d’abolition du discernement donc de la responsabilité, alors que comme je l’ai constaté pendant mes dizaines d’années d’exercice d’avocat, les juges savent modifier parfois radicalement et soudainement la jurisprudence, interpréter les textes légaux, ou innover dans des domaines que la loi n’avait pas prévu, et qui résultent de l’évolution de la société, des mœurs, de la morale, ou de la bioéthique. Un procès est salutaire pour que la famille des victimes tente de comprendre ce qu’elle ne peut accepter, pour examiner le mécanisme intellectuel ou éducatif du coupable, les raisonnements qui conduisent à la barbarie, et voir si l’entourage est complice.  

                                          La société du spectacle en décors réels.

Je participe moi aussi au concours d’idées. Les télévisions diffusent régulièrement des procès reconstitués ou des faits criminels que l’assassin soit vivant ou disparu. Pourquoi ne pas organiser un vrai procès pour les faits symboliques qui heurtent l’opinion, et les jurés qui sont des citoyens décideront de qui a son discernement aboli ou restreint ou non, puisqu’ils ont au moins autant de bon sens que les experts psychiatres que les magistrats suivent. Je suis pour un procès à la suite de l’assassinat de la policière de Rambouillet pour lui rendre d’abord hommage, et malgré la mort de l’auteur- justifiée par la légitime défense - essayer de comprendre comment Allah Akbar peut conduire au pire. Le Garde des Sceaux veut faire filmer certains procès pour que les citoyens comprennent encore plus comment fonctionne la justice. Chiche ! On nous dit que les assassins sont de gentilles personnes avec leurs familles et leurs voisins bien que brutalement devenus déséquilibrés voire « fous ». D’où un procès qui sera pédagogique. Bien sûr la législation la plus ferme du monde n’empêchera pas les tordus d’agir. La peine de mort n’avait pas évité les tueries. Le zéro crime ou délit est une utopie, surtout avec le terrorisme. Mais sans droit c’est encore plus dangereux.

                                      Pour une politique pénale qui dure.

 Ne légiférons pas pour tout et rien à chaque émotion.  Définissons une politique pénale qui concilie la répression et la prévention sans abandonner nos grands principes qui protègent chaque justiciable et n’en changeons pas à chaque nouvelle majorité. Appliquons sévèrement la loi existante et armons nous légalement si on manque de moyens juridiques. Comme le covid 19 qui est dans le « cloud », nous n’avons pas trouvé le virus du mal. Créons une atmosphère plus respirable, plus apaisée, plus fraternelle et moins laxiste, ce qui impose un effort de tous, colossal pour des radicalisés sectaires. Mais abaissons le glaive de la justice sans trembler. C’est mon dernier mot.