L'actualité vue par...
Christian
FREMAUX. avocat honoraire. 2ème promotion IHESI -1991-président d'honneur de
I'ANA
« Le
seul moyen de résister à une tentation c'est d'y céder »a écrit OSCAR WILDE .La
tentation de cette fin d'année 2015 est de partager l'inquiétude de certains
intellectuels ou classés comme tels, de toutes tendances d'ailleurs, et
d'intégrer Ie clan des déclinistes ou prétendus tels qui ne bêlent pas avec les
moutons de la bien-pensance et qui regrettent les trente glorieuses ou certains
aspects de celles ci, en constatant que
la société est au bord de la crise de nerfs, que de misérables querelles
politiciennes alimentent le désamour entre les dirigeants et les citoyens, mais
qui pour autant ne proposent rien de vraiment concret pour combattre le cri de
« on a tout essayé ».Mais je ne le ferai pas et je choisis le camp de ceux qui
ont foi en l’avenir, et qui essaient de trouver et de proposer des mesures de
bon sens, pragmatiques qui s’appuient sur des valeurs incontestables et qui tendent à réunir plutôt que cliver. Il
n’y a qu’un peuple français qu’il soit de gauche, de droite ou d’ailleurs et
c’est pour lui que l’on doit faire tous les efforts possibles. Quand on connait
la fin de l'histoire il est facile de dire voilà ce qu'il aurait fallu faire.
Cela n'exonère pas ceux qui sont à la manœuvre de répondre de leurs erreurs et
d'éviter de poursuivre dans l'idéologie : errare humanum est perseverare
diabolicum, s'il est encore permis de parler latin puisqu'il semble que les
humanités ont mauvaise presse au sein de l'éducation nationale, et conduiraient
à des inégalités ?
L'actualité
étant protéiforme et abondante, dans notre société de l'urgence où on zappe
d'un sujet à un autre , tout étant mis au même niveau d'importance, j'ai choisi
ce qui m'a paru significatif dans l'actualité de ce semestre pour faire passer
quelques idées ou messages que j'espère positifs car je crois en la France dans
l'Europe, qui conserve sa souveraineté pour protéger ses citoyens et combattre
le « marché » celui qui doit se réguler tout seul mais qu’il faut
contraindre ! ,en son génie, à sa capacité de rebondir, même si ce sont
les citoyens qui doivent prendre leur destin directement à leurs comptes, pour
que tous les corps intermédiaires et représentatifs qui sont indispensables
dans une démocratie, suivent et prennent le relais. « il faut bien que je les
suive puisque je suis leur chef » disait Alexandre-auguste LEDRU-ROLLIN en
1849.
Le 18
juin dernier-date qui parle à certains français libres- on a rejoué la bataille
de WATERLOO qui a mis fin aux rêves de NAPOLEON de reconquête du pouvoir avec la défaite des armées anglo-prussiennes. On se rappelle
du poème CHÂTIMENTS de Victor HUGO : on attendait GROUCHY, ce fut BLUCHER ! Pour
l'instant on attend la croissance et l'inversion de la courbe du chômage qui
devraient régler tous les problèmes et nous dispenser de faire les réformes
structurelles, comme celles notamment qui
concernent le service public et le
marché du travail avec une vraie réforme du droit du travail sans éviter les
sujets qui fâchent comme le contrat de travail à durée indéterminée et les …35
heures, alors que l'on participe avec l'Union européenne à exiger des efforts considérables
pour d'autres Etats comme la Grèce , ou
l'Espagne…Fais ce que je dis, pas ce que je fais ! Et s'il n'y avait pas de
retour vers le futur ? Si se créait sous nos yeux une nouvelle société où la
valeur travail ne serait plus la même, si l'ère du numérique, de la
dématérialisation, de la technologie exigeait d'autres formes de solidarité
entre les hommes ; et si le progrès cher à tous les républicains était dans des
rapports sociaux à inventer pour que tout le monde y trouve sa place et soit
gagnant ? Et s'il fallait faire du sur-mesure plutôt qu'un costume
uniforme...Et si « tu seras un homme mon fils » écrivait RUDYARD KIPLING, mais
c'est une autre histoire, celle où la richesse se partage autrement, où les
territoires se complètent et offrent tous des espoirs nouveaux selon les
compétences et efforts de chacun, et non pas du lieu d'où l'on vient et sa
dénomination .On le voit tous les jours : nos valeurs républicaines
traditionnelles changent de contenu et ne sont pas comprises pareillement: les
libertés individuelles doivent prendre en compte les menaces internes et
externes .Comme le disait le prince SALINA dans le GUEPARD, « il faut que tout
change, pour que tout reste pareil ».
Il
s'agit donc de bâtir de nouvelles perspectives, concrètes car beaucoup
attendent, et ne voyant rien venir sont prêts à toutes les aventures, avec des
principes solides pour que chacun y trouve un intérêt personnel et que
l'ensemble forme une Nation prospère, juste ,n'oubliant personne sur le chemin
et assez fière d'elle –même et puissante pour porter sa parole humaniste
résultant de son histoire, à I' extérieur.
Il y
a eu CHARLIE dont la signification et la portée font l'objet de débats intenses :
[lire : << Qui est vraiment CHARLIE ? ces 21 jours qui
ébranlèrent les lecteurs du MONDE ».ED. François Bourrin JUIN 2015]. Nous
sommes dans l'après CHARLIE, dans notre réflexion sur la liberté d'expression,
la tolérance, et la République qui s'est réveillée aux cris des barbares qui
sont à nos portes voire déjà chez nous. Ils ont désormais un territoire et de
l'argent, beaucoup d'argent. DAESH vend du pétrole, rackette, fait peur en
démolissant des merveilles du passé, et décapite en direct en filmant la scène
.L'Etat islamique embrigade des (jeunes) hommes et femmes qui viennent parfois
de chez nous et veut imposer un califat partout où il le peut. ! Pendant ce temps-là
les migrants se déplacent, en colonnes qui nous rappellent d'autres tristes
époques, en hordes dispersées, fuient, passent d'un frontière à l'autre ou se heurtent d’un mur à des barbelés -ce qui
n’est pas un vrai progrès humain- et cherchent l'espoir d'une vie meilleure, en
provoquant des polémiques tendues. Nous avons a priori, les moyens de les accueillir
mais faut-il le faire et dans quelles conditions matérielles et morales, avec
un consensus du plus grand nombre d’entre nous ?. Il va falloir réviser en
urgence les accords de SCHENGEN et en
attendant gérer avec empathie et lucidité selon nos moyens.
L'Europe, et la FRANCE ne sont pas l'Eldorado : on attend les
réfugiés vrais ou faux, avec les bras fermés, même si chacun compatit au malheur
de tous. L'immigration est-elle une chance ? : personne ne le démontre et on pose
un postulat. En Allemagne sans doute, écrit M .Charles WYPLOSZ professeur
d'économie internationale à l'Institut des Hautes Etudes Internationales et du
Développement à GENÈVE. Il pense que l'immigration est , en principe, facteur
de croissance économique mais tout
dépend du contexte économique, social et politique du pays d'accueil, en tenant
compte de la démographie, d’ailleurs satisfaisante en France [Le FIGARO du
9/09/2015 page 16 ] .La générosité n'a qu'un temps et répond, en ce qui
concerne l'Allemagne, aussi à des préoccupations morales [lire JL THERIOT Le
FIGARO du 9/09/2015]. L'Europe s'est refroidie car les 28 Etats membres doivent
affronter leur propre crise et les revendications de leur population. On est
dans la démocratie d'opinion ou sondage en temps réel, les médias questionnant
n’importe qui pour avoir un avis autorisé ou non ,et tout azimut. Mais est-ce
vraiment utile pour la prise de décision ? Faut-il gouverner au gré des humeurs
changeantes, des intérêts contradictoires ? N'est-il pas préférable d'avoir
comme seul objectif l'intérêt général qui n'est pas la somme des intérêts
corporatistes.
En se rendant en banlieue,
on s’est rappelé les émeutes de 2005, le Chef de l'Etat a répété qu'il n'y a
pas de quartiers perdus dans la république, une France périphérique .On
apprenait par ailleurs l'assassinat de deux très jeunes garçons à MARSEILLE sur
fond de trafic de drogue .M. Christophe GUILLUY, géographe, (qui a reçu le prix
AKROPOLIS de l’ANA-INHESJ) a indiqué que les quartiers dits sensibles ne sont
pas des ghettos . [Le FIGARO 26/1O/2O15 page 20]. Il a précisé que « les zones
urbaines sensibles sont devenues des formes de sas territoriaux.. les banlieues produisent de la classe moyenne
(ménages en phase d'ascension sociale ; jeunes diplômés..). La république n'a donc
pas lâché ces quartiers.. Selon lui, «
ce qui caractérise véritablement la banlieue c'est qu'elle est le réceptacle
des flux migratoires et qu'elle fait émerger une société multiculturelle, une
autre France »…Il ajoute : « ce n’est plus le vote du
« petit blanc » mais un vote d’immigré (en phase d’ascension sociale) qui
voit d’un mauvais œil l’arrivée desdits flux . La France périphérique existe
.Il y a un phénomène de communautarisme et de question identitaire ».Et il
conclut : « nos politiques ont des logiciels périmés, on a l’impression
qu’ils ne parlent qu’aux catégories (de plus en plus réduites) protégées de la
mondialisation ».Il est donc légitime de s’interroger sur la politique de
la ville et les sommes investies puisque pauvreté, délinquance et échec
scolaire persistent [LE FIGARO 26/10/2015 page 2].
Dans « génération radicale » rapport commandé par
le premier ministre M.VALLS après les attentats, M.Malik BOUTIH député( PS )de
l’Essonne écrit que « les islamistes radicaux ne contrôlent pas encore ces
quartiers, mais ils y ont établi un rapport
de force nettement visible, à travers l’affichage ostentatoire de signes
religieux, le contrôle des commerces de proximité et parfois même les
affrontements avec la force publique » . C’est inquiétant, mais il
faut voir la réalité en face sans l’exagérer pour trouver des solutions pratiques
.Il ne faut pas abandonner certaines banlieues cela va de soi, mais il
faut faire des choix qui reposent sur
les valeurs de la république et ne pas céder au saupoudrage électoraliste, sachant que les
budgets partout sont contraints, et que les collectivités territoriales ne
peuvent se substituer à l’Etat.
La laïcité est-elle
une solution ou l’un des moyens pour retrouver l’union ?
On pensait il y a encore plusieurs années passées, que l’on avait trouvé un équilibre satisfaisant entre la volonté
de l’ETAT de n’être sous l’influence d’aucune religion ou groupe spirituel ,en
affirmant sa neutralité mais on s’est
aperçu progressivement que le socle de la loi de 1905 se fissurait , dans
l’école, dans les services public au sens large, puis un peu dans tous les domaines. On a
essayé de sanctionner avec modération au cas par cas ,en croyant que cela
rentrerait dans l’ordre (républicain) mais la tendance s’est élargie . Comme
l’a rappelé DANIEL KELLER Grand maître du Grand Orient de France dans la
presse(JDD) « la laïcité est une organisation de la république dans
laquelle on sépare ce qui relève de l’intérêt général, des religions , des
puissances dogmatiques..Elle a une vision émancipatrice car elle permet aux individus
de conquérir leur liberté ». Tout le monde devrait se réjouir d’avoir une
telle liberté car la laïcité ne retire rien à personne. Elle impose simplement
une règle commune qui permet de ne pas choquer l’autre, de cohabiter
harmonieusement, et à l’ETAT de ne
dépendre d’aucun dogme. C’est ce que la CONSTITUTION rappelle .Mais selon le point de vue que l’on
professe, cette valeur d’ouverture est parfois considérée comme un abus ou un rejet.
La raison n’a pas pénétré tous les esprits et même les tribunaux (administratifs) flottent.
Avec les fêtes de fin d’année -je n’écris pas de Noël pour
être politiquement correct- est revenu
le débat sur le droit d’installer, ou non sur le domaine public, une crèche qui
n’est pour les uns que le rappel d’une tradition culturelle et affective
témoignant de leur racine et de leur identité [M.RETAILLEAU sénateur de la
Vendée] et pour les autres les libres penseurs qui sont vent debout, un signe
religieux ostentatoire et scandaleux, qui ne peut être accepté dans une France
de la diversité, de la non-discrimination et de l’égalité (fermez le ban).Les
tribunaux administratifs hésitent. Ainsi en octobre 2015 la cour administrative d’appel de PARIS a sommé la mairie de MELUN de renoncer à une
crèche de Noël estimant «qu’un emblème
religieux » n’avait pas sa place dans un « bâtiment public ».Un
peu plus tôt la cour administrative de NANTES ne voyait pas dans une crèche
l’ombre d’un emblème religieux. Comprenne qui pourra le raisonnement en droit et l’appréciation des juges :
le CONSEIL d’ETAT devra unifier la jurisprudence pour que les élus et les
citoyens s’y retrouvent !
La loi du 9 décembre 1905 s’intitule de la séparation des
églises (à l’époque catholique, protestante et juive) et de L’ETAT. Aristide BRIAND
en avait été le grand ordonnateur. Il s’agissait de combattre surtout
l’influence de la religion catholique – la France étant la fille ainée de
l’église - et avait posé le principe que les institutions publiques devaient
respecter la liberté de conscience des citoyens .En plus d’un siècle la société
a évolué et avouons le,
l’islam a surgi surtout vu du mauvais côté à savoir le terrorisme,
auquel il ne faut absolument pas l’assimiler. Qu’en est-il de la laïcité
aujourd’hui ? Va – elle favoriser la compréhension et apaiser les
tensions, c’est la vraie question de mon point de vue .
A l’observatoire de la laïcité présidé par M.JL BIANCO ancien
ministre, on souligne que l’article 28 de la loi de 1905 laisse une marge
d’appréciation aux magistrats « dans la qualification ou non, d’emblèmes
religieux de ces représentations
figuratives »[Le FIGARO 23/10/2015 page 9. M. Stéphane KOVACS].Le
rapporteur général dudit observatoire M. Nicolas CADENC, considère que le dîner
du ramadan organisé par la mairie de Paris ou la galette des rois de l’Elysée
ne font pas de la laïcité une notion à « géométrie variable » en ce
qu’elle n’interdit pas aux élus de dialoguer avec les cultes.
M.BIANCO estime que l’important c’est la pédagogie.[ le
Parisien 23/10/2015 page 3 : « la laïcité n’est pas un remède
miracle : c’est d’abord une liberté de croire, de ne pas croire, ou de
changer de religion. Sa limite c’est aussi le trouble à l’ordre public , l’indépendance
de l’Etat, et la stricte
neutralité du service
public »].On va rédiger une charte qui va préciser le cadre juridique et
politique pour qu’un vestiaire, par exemple, ne se transforme pas en salle de
prière.
La laïcité garantit les valeurs de tolérance et d’humanisme
permettant à tous de vivre ensemble. Il ne faut pas de nouveaux clercs,
exaltés, et le débat qui consiste à stigmatiser des intellectuels – autrefois
qualifiés de gauche c’est- à dire dans le camp du bien, et désormais soumis à
la vindicte médiatique parce qu’ils
dénoncent des faits et favoriseraient
ainsi un parti « honni » quoique légal avec de nombreux
électeurs- ne rend service à personne
alors que l’on a besoin de mesure et surtout de comprendre.[lire
« une autre histoire de la laïcité ».Jean-François CHEMAIN ; Via
Romana 2013]. On a le droit et le devoir de réfléchir et d’exprimer son avis
sur le christianisme (martyrisé en orient) , l’islam et la liberté de ne pas
croire.[lire Abdennour BIDAR et Fabrice HADJADJ philosophes et écrivains ].
Dans son dernier livre « Situation de la France » 2015 édition
Desclée de Brouwer, le philosophe Pierre MANENT s’est interrogé sur la montée
de l’Islam, et de l’islam radical en particulier qui pose problèmes. Il
écrit : « les citoyens de nos nations voient approcher avec appréhension le moment où l’existence
même de la Nation comme communauté de sens et forme de vie commune, sera radicalement mise en cause ». Il précise
que l’expérience française de la laïcité est formée de « trois
éléments : l’Etat neutre simplement protecteur des droits
individuels ;la société de mœurs chrétiennes ; la nation
sacrée ».Mais il ajoute qu’il va falloir apprendre à vivre avec l’Islam,[Le
Figaro magazine 23/10/2015], et peut être accepter des accommodements par
exemple sur les horaires de piscine ou
les menus de substitution pour éviter des motifs de conflit secondaires tout en
étant ferme sur les grands principes. Il demande un gagnant –gagnant. Il faut
que les musulmans clarifient leur position dans la société, fassent savoir qui
ils sont, ce qu’ils veulent, où ils se situent ,et les efforts qu’ils sont prêts à faire, pour participer à la vie
collective et conforter nos valeurs républicaines, en partageant notre culture,
notre histoire, nos traditions, et nos ambitions collectives. Certains
craignent que c’est mettre le doigt dans un engrenage fatal, mais peut on
toujours refuser des avancées dans la France qui est diverse et égale pour
tous ? Ici et là d’ailleurs dans des collectivités, on a trouvé des
solutions pratiques et il ne faut pas
que plus tard nous nous interrogions pour savoir ce que nous avons
raté ou pourquoi nous n’avons pas osé.
Alain MINC, d’origine juive polonaise, pur mérite de la
méritocratie a aussi réfléchi aux défis
que nous devons vaincre. Il prône une certaine forme de discrimination
positive pour que les musulmans deviennent une partie égale à une autre dans la
société et souhaite que l’on suspende momentanément la loi de 1905 pour
permettre à l’islam de se mettre dans les mêmes conditions que les trois religions traditionnelles [lire « un français de tant de
souches (avec un S à souche) » Ed. GRASSET 2015.] Tout ceci se discute. Bien
qu’indispensable et devant être consolidée la laïcité n’est pas la panacée.
Elle doit jouer son rôle actif dans le cadre d’un Etat fort, recentré sur ses
missions régaliennes, pilier des valeurs républicaines, capable de résister aux
groupes de pression et de mettre des limites à toute revendication religieuse
ou communautaire. Comme le dirait en le pastichant Michel HOUELLEBECQ ,
l’extension des domaines de la lutte
n’est pas infinie .M.MANENT l’explique ainsi : la religion s’était réduite à un aspect de
l’identité individuelle. Or pour
l’Islam, la religion est un « fait social massif » et elle ne
se dissout pas dans la démocratie. La
religion doit rester de la sphère privée et ne peut exiger une place visible
dans l’espace public. Les tribunaux ne pourront pas résoudre toutes les
difficultés et interprétations de la laïcité, notion qui reconnait tous les
siens dans une coexistence pacifique .La Justice est alors pour d’autres sujets sensibles, au
centre du débat public que l’on approuve ou que l’on rejette l’action et les
déclarations (souvent lyriques) de Mme la Garde des Sceaux qui applique la
politique judiciaire décidée par le gouvernement.
ACCUSEE JUSTICE,LEVEZ
VOUS ; QU’AVEZ –VOUS A DIRE POUR VOTRE DEFENSE ?
Le rôle du Ministère de la Justice et des tribunaux ne se
réduit pas à la personne de celui qui les incarne, en l’occurrence Mme la Garde
des Sceaux qui plait aux uns et pas aux autres. C’est d’ailleurs la marque d’un
ministre dont on se souviendra. Le ministère de la Justice est régalien et
incarne l’autorité de l’exécutif : il a pour mission de faire appliquer
notamment la politique pénale –celle
dont les médias sont friands- à savoir la philosophie générale sur les délinquants,
le rôle de la prison ; la protection des victimes et celle de la société.
Je n’oublie pas naturellement le terrorisme
dont on a intégré la menace pesante en permanence. Mais il a aussi en
charge le fonctionnement des diverses juridictions sur le plan civil, social,
commercial, et public( avec les hôpitaux, les collectivités territoriales…) qui
intéressent dans la vie quotidienne l’ensemble des justiciables qui sont honnêtes, paient leurs impôts et
taxes , respectent la loi mais ont besoin d’un arbitre neutre et compétent –le juge -pour régler leurs litiges
personnels. Sauf s’ils en ont été victimes le sort des délinquants les intéresse
moyennement, même s’il y a beaucoup de films policiers ou de séries à la
télévision sur le crime. Mais à chaque fois qu’il y a une bavure, il faut
trouver toutes affaires cessantes, le
responsable et coupable si possible ! On n’échappe pas à ces
contradictions. Si de surcroît c’est un politique qui est soupçonné voire
interrogé ou encore mis en garde à vue ,
l’imagination grandit et on se réjouit que les prétendus puissants n’échappent pas à la règle commune.
Les médias alors se déchainent et chacun donne son verdict, au mépris
d’ailleurs de la présomption d’innocence. ..La Justice ou son ministère doivent
répondre des mécontentements et servent souvent de bouc-émissaire. Ce n’est pas
le moyen de la faire progresser et de redorer
son blason même s’il faut s’adresser à
celui qui a le pouvoir donc les responsabilités
quand telle ou telle profession est concernée.
Courant octobre les défilés n’ont pas
eu lieu de la République à la Nation et ce n’étaient pas des défilés de
mode ! On était place Vendôme non pas chez les grands bijoutiers – car on sait que le budget de la justice est très insuffisant
voire maigre- et on a pu y voir les
policiers dont on comprend la colère ,eux qui prennent continuellement des
risques et qui ne rechignent pas à faire des heures sans fin, mais aussi les agents de la pénitentiaire
qui exercent un métier très difficile et dangereux .Les avocats, qui sont des auxiliaires de justice
, n’étaient pas les derniers pour protester contre la réforme de l’aide
juridictionnelle et le fait qu’on aurait voulu leur « piquer »
leur cassette ( les intérêts des fonds CARPA ) .Notons qu’un accord a été
trouvé après trois semaines de grève des avocats. Les discussions par ailleurs continuent chacun ayant des
exigences légitimes face à l’ETAT qui lui aussi compte ses sous qui se font
rares ! Le ministère de la justice est à la fois une organisation du
service public ( le fonctionnement des tribunaux) de la justice et aussi le porteur de valeurs fondamentales :
dire le droit , appliquer la loi votée par les parlementaires qui représentent
les citoyens, sanctionner ceux qui la violent , et redonner ou donner
un sens à la vie en société puisque désormais le juge est saisi de questions qui divisent les individus ou que le législateur n’avait
pas prévu. La justice est une VALEUR et elle doit conforter et sublimer les
autres. On a le droit de maudire ses juges lorsque leur décision ne nous
satisfait pas. On peut vouloir la suppression
du juge d’instruction symbole du système inquisitoire, cet homme ou cette femme,
ce « petit juge », magistrat indépendant qui fait une enquête à charge et à décharge, qui
décide seul par exemple et au hasard, de
géolocaliser l’ancien chef de l’Etat à l’occasion d’une affaire qui sent la poudre
de cocaïne comme si l’intéressé , qui va finir par être bénéficiaire du titre peu envié de
l’homme le plus suspecté de
France ? , pouvait être en plus
trafiquant de drogue !, ce qui est une démarche judiciaire pour le moins
innovante ; qui ose poser des
questions et attend des réponses
crédibles ; qui peut ruiner
une carrière et qui dans son domaine est
aussi « puissant »que ceux qu’il ou elle interroge. On peut préférer
le système accusatoire où la justice est orale, publique et contradictoire avec un juge arbitre et le jury qui est le
peuple,à l’anglo-saxonne et plus particulièrement à l’américaine que l’on voit
à la télévision où les avocats libèrent leur client sur parole ou caution, et qui oblige le procureur à faire la preuve
absolue de la culpabilité de la personne poursuivie (on a vu les effets pervers
de ce système dans le dossier D.S.K., mais on a le droit de le vouloir).On peut
donc être très critique envers les magistrats qui ne peuvent être les seuls à
ne pas rendre compte de leurs actes.
Mais on ne peut les suspecter, et on doit d’abord régler le problème
récurrent qui existe entre les
politiques -de tous bords -qui revendiquent l’onction du suffrage universel,
qui pourrait être supérieur aux intérêts de la justice. C’est un faux débat qui
ne peut conduire qu’à l’affaiblissement de la justice et à des confrontations où
deux logiques s’affrontent. Il appartient au pouvoir politique d’instaurer un vrai débat public, en y
passant du temps, sur le rôle de la justice dans un état de droit ; sur
les pouvoirs ou les compétences dévolues aux magistrats ; sur leurs places
dans les institutions, sur l’exemplarité des décisions rendues. C’est le
premier président de la cour d’appel SEGUIER qui disait que « la cour rend
des arrêts pas des services ». A défaut d’un réel débat objectif,
contradictoire, mesuré, le conflit justice-politique perdurera, ne sera à l’honneur de personne et il n’y
aura pas de vainqueur. On ne devrait pas non plus avoir à s’interroger sur la volonté avérée et concrète
,ou la capacité de l’Etat à assurer la fonction de justice c’est-à-dire de
sanctionner ceux qui dévient et sont des délinquants au sens ordinaire du
terme.[ lire M. Jean -Claude MAGENDIE 1er
président honoraire de la Cour d’appel de Paris : « les évènements de
MOIRANS, la loi pénale et la soft
law (droit mou) » qui invite l’Etat à exercer sa première fonction
régalienne, la justice ,au risque à défaut, de favoriser l’anarchie [Le FIGARO
du 29/10/2015 page 16).« La justice est la liberté en action » disait
JOUBERT. Elle s’inscrit dans l’état de droit ce qui ne signifie pas que l’Etat
a des droits propres (sauf dans des cas exceptionnels et quand la patrie est en
danger).L’Etat doit permettre l’exercice réel des droits individuels et
libertés publiques et veiller à la protection des personnes et des biens en assurant la sûreté contre toutes les
menaces, de quelque nature qu’elles soient,
sous le contrôle des tribunaux. Il est donc CONTRE-PRODUCTIF de relancer
à toute occasion le débat sur prévention ou répression car il nous faut
les deux ; d’opposer forces de sécurité et magistrats qui sont
complémentaires ; et de crier au laxisme et à l’irresponsabilité au-delà
des fautes de quelques uns qui existent dans toutes les professions. Certes
certaines sont dramatiques et entrainent des conséquences irréparables qui
peuvent indigner toute personne. Je propose
que l’on hisse le drapeau blanc et que l’on fume le calumet de la paix
(sans herbe hallucinogène) pour qu’un
dialogue constructif commence entre les
magistrats et les forces de l’ordre. L’INHESJ est l’endroit idéal pour se
rencontrer. Il ne s’agit pas de jeter l’eau du bain de la société, à cause de quelques uns qui barbotent dans
l’illégalité et sont sans scrupules et morale, pour croire que le bien est
naturel et que la loi sera l’horizon indépassable. Quelques soient les
désaccords, même justifiés, que l’on ait avec la Justice et les juges qui
exercent un métier difficile, et qui ont de l’expérience, des convictions et
aussi le droit d’avoir des choix personnels partisans qui évidemment n’apparaissent
pas dans leurs jugements. Même si, parait-il , une très petite minorité confond
justice et politique, on ne doit jamais
discréditer l’institution et mettre les juges en accusation. La Constitution de
la 5ème république a décidé qu’il y aurait une autorité judiciaire. Il nous
appartient de savoir ce que nous voulons, et créer éventuellement
officiellement un pouvoir judiciaire, avec des garanties d’indépendance et de
responsabilité (comme d’ailleurs la cour européenne des droits de l’homme de STRASBOURG
semble nous le suggérer, ce qui reviendra à la théorie de MONTESQUIEU et sera
peut être un progrès ?) Il appartient aux politiques de tous partis de se
prononcer à ce sujet. [ lire Me Patrick MAISONNEUVE, avocat ; « justice
et politique : le couple infernal » Actualité PLON fin 2015]. Début
novembre 2015 des débats très importants
conditionnant l’avenir ont été lancés [LE MONDE du 3 novembre 2015 page 9 ];
Mme TAUBIRA Garde des Sceaux, a présenté devant le sénat un projet de loi
organique sur l’indépendance des magistrats , qui crée un statut pour le juge
des libertés et de la détention , celui qui a le pouvoir de placer en détention
provisoire une personne mise en cause et qui statue sur les demandes de liberté.
Ce juge ne doit pas être confondu avec le juge de l’application des
peines .Et Mme TAUBIRA a lancé son grand projet de « Justice pour le XXIè siècle »
qui est la création du service d’accès unique du justiciable. La loi va essayer
aussi de favoriser la médiation et la résolution amiable des litiges ; va
créer au sein du TGI un grand pôle social ; on va ouvrir l’action de groupe exercée par
les syndicats et les associations, dont les avocats sont toujours exclus (merci
pour la confiance !). Mais le cordon entre les magistrats du parquet et le pouvoir exécutif n’est pas franchement coupé alors que la cour
de Strasbourg le suggère fortement: indépendance oui, mais avec prudence et on
se préoccupe plus de conflit
d’intérêts des magistrats et du
patrimoine … des hauts magistrats. On verra ce qui sortira du débat et du texte
final devant l’Assemblée Nationale. Les
républicains ne sont pas restés inertes en matière de sécurité et de
justice ; ils ont des idées que l’on ne peut taxer de façon simpliste de
propension sécuritaire celle –ci n’étant d’ailleurs pas un gros mot : celle de
fusionner le ministère de la justice et de l’intérieur ne semble pas avoir été retenue, à juste
titre selon moi, si l’on veut des magistrats indépendants et une justice forte
ne recevant aucun ordre . Ils proposent la création d’un super ministère de la
Sécurité Intérieure (ce qui devrait réjouir tous les auditeurs de l’INHESJ) regroupant police, gendarmerie, et
administration pénitentiaire ainsi que les douanes. Cela me parait une piste
très intéressante à creuser-sous réserve de la constitutionnalité de certaines
propositions comme le rattachement de
la pénitentiaire ou de l’exécution des peines au ministère de
l’intérieur ? Surtout si l’on construit des milliers de place de prison
pour en finir avec « l’inexécution des peines » [Le FIGARO du 3
novembre 2015 page 2 , 3 et 4 ]. Par ailleurs on peut aussi réfléchir aux
conditions de la légitime défense pour permettre aux forces de l’ordre d’être à
« armes égales » au moins en droit face aux forcenés munis d’armes de
guerre, ou en matière de terrorisme ; et en harmonisant les critères
d’utilisation des armes en cas d’intervention
entre police et gendarmerie...Les magistrats
ne peuvent être des machines à débiter des sanctions automatiques, sauf à renoncer au grand principe de la
personnalisation des peines et réduire leur rôle à des petits « télégraphistes
» de l’exécutif qui a fixé la politique pénale. Enfin les entreprises de
sécurité privée-dont les missions sont reconnues désormais par leurs efforts
d’efficacité et de déontologie- ne
seront pas oubliées, même si elles ne peuvent que compléter l’action de l’Etat
sans se substituer à lui. Comme on s’en rend compte, Justice et Sécurité sont
au centre de la vie publique et peuvent conditionner la reprise de la croissance en redonnant
confiance à tous, et il serait utile qu’un certain consensus se dessine. Il ne
s’agit pas de prôner un tout répressif qui n’a pas de sens, même si la
tolérance zéro ferait plaisir aux citoyens de « base » qui ne
philosophent pas sur le crime ou la délinquance qui les concerne directement et
pensent aussi à eux, ce qui est naturel. Ou prétendre qu’un mineur de 16 ans
est encore ..un enfant ? Il y a longtemps que JJ ROUSSEAU qui avait
abandonné ses propres enfants, est dépassé en matière de délinquance .Il ne
faut pas être binaire en ces matières difficiles qui font appel à l’émotion et
à la raison. En attendant les lois « définitives »jusqu’en … 2017
car après l’alternance éventuelle peut changer la donne , ce qui est toujours
source d’insécurité en général quand on passe d’une politique pénale à une
autre, il doit y avoir des rapports apaisés entre tous les acteurs du processus
pénal. Police et gendarmerie sont dignes d’éloges car ils enquêtent,
arrêtent, et montent les dossiers que
les avocats défendent avec ardeur et talent, pour les juges qui appliquent la
loi et sont garants des libertés individuelles ; puis l’exécution des
peines qui doit être renforcée par des moyens matériels et humains ; enfin
les agents de l’administration pénitentiaire à qui on demande de la sévérité et
aussi de faciliter la réinsertion des détenus. Chacun doit résoudre la
quadrature du cercle. Je demande donc l’indulgence du jury pour tous ces
professionnels qui croient en ce qu’ils font. Il ne faut pas les démobiliser,
ou les décourager. Les auditeurs de l’ANA se rappellent d’ailleurs la citation
de Blaise Pascal : « La Justice sans la force est impuissante. La
force sans la justice est tyrannique ». Et rendons à CESAR ce qui lui
appartient en partageant ce qui ne va
pas. Par nos exigences et convictions personnelles nous avons tous une part de
responsabilité dans les décisions de la justice saisie de tout et rien.
Les juges sont devenus les arbitres de toutes les
polémiques sur les mœurs ; sur
l’histoire ; sur les querelles internes aux partis politiques ; sur les revendications sociales où la
violence remplace le dialogue ; sur l’anti-racisme, la
discrimination ; l’atteinte prétendue parfois à la dignité humaine ;
l’humour quelque fois déplacé ; les injures, la diffamation... l’honneur
exacerbé. N’en demandez pas plus, la cour (de justice) est pleine . Vouloir
réduire le prétendu
« pouvoir » des juges est
inopportun car la démocratie a besoin
d’une justice insoupçonnable et sans peur ,qui renforce l’action de ceux
qui sont sur le terrain .L’instrumentaliser est toujours dangereux et la justice n’a pas à
pallier le désir de sanction pour le quidam outragé ou l’absence de courage du
législateur ou le manque d’autorité de l’ETAT, ce qui est un vrai souci si
cette carence était réelle, ou ressentie comme telle. Même si le gouvernement
de M.VALLS n’a pas failli en matière de délinquance selon les statistiques qui
certes peuvent toujours être interprétées, et que l’on peut faire encore mieux du
moins le croit-on. Laissons les juges juger, peut être en délimitant leur domaine d’intervention par une
concertation sereine et loyale, ce qui n’interdit pas de définir une autre
politique pénale qui corresponde à une majorité politique nouvelle .Il n’est
pas interdit de répondre aux inquiétudes des français.Le pouvoir exécutif est
rarement aveugle ( sauf s’il ne veut pas
voir pour faire plaisir à telle
catégorie sociale ) et sourd ( sauf s’il
préfère ne pas entendre pour des raisons diverses) et est souvent prompt à répondre aux demandes. Le Premier ministre M .Manuel VALLS
a annoncé le 14 octobre 2015 diverses
mesures pour renforcer, ou renouer le lien police- gendarmerie-justice. Il faut
s’en féliciter. [Le Figaro du 15/10/2015 page 9]. Mme Christiane
TAUBIRA ministre de la justice et M .Bernard CAZENEUVE ministre de l’intérieur
encadraient le 1 er ministre. C’est tout un symbole qui, on l’espère, se
traduira sur le terrain.
Ajoutons que la justice française est comme celle des autres 27 Etats de l’Union Européenne
« alimentée » par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union Européenne de LUXEMBOURG,
et de celle de la Cour européenne des droits de l’homme de STRASBOURG (CEDH)
qui n’a pas la même vision que la France en matière de libertés fondamentales,
jurisprudences que les juges nationaux doivent suivre, et qui s’imposent en
droit interne.
La France est souveraine mais elle doit respecter ses
engagements internationaux (exemple en matière de garde à vue, ce qui a été une
garantie pour les cinq salariés d’AIR France qui ont confondu négociations avec
violences volontaires).LE MONDE du 17 juin 2015 titrait : « A
Luxembourg des juges de plus en plus puissants » et rappelait que cette juridiction
était régulièrement confrontée aux grands sujets de société : le statut de
l’embryon ; les droits des internautes (arrêt GOOGLE SPAIN sur le droit à
l’oubli) ; facebook…outre les violations du droit de la concurrence, et
les renvois préjudiciels des juges français
qui interrogent la cour sur un point de droit européen, ou par exemple
le rachat de dettes de la BCE (arrêt du 16 juin 2015). La CEDH a jugé la
législation française sur la fin de vie (5 juin 2015) en confortant la loi
LEONETTI (cas Vincent Lambert).
Le 6 octobre 2015 la cour de justice de Luxembourg dans
l’arrêt SCHREMS, a signé la mort du « SAFE HARBOR » l’accord entre
l’UE et les USA autorisant les multinationales
américaines qui y adhérent à exploiter sur le sol américain les données
privées des européens [lire LE MONDE du 8/10/2015 et 22/10/2015 page 16].
La Justice au sens large joue un rôle essentiel, central,
dans le fonctionnement des institutions et les rapports entre les citoyens. Elle
ne doit pas être «jugée » comme un ministère lambda. Elle conforte les
valeurs républicaines quand elles sont attaquées, et fixe le cadre dans lequel
chacun doit s’insérer pour que la Nation – qui est une communauté d’individus
avec des opinions dissemblables, aux croyances multiples qui regardent dans le
même sens et dépassent leur moi au profit
d’un avenir collectif - puisse prospérer et permettre de vivre en commun .Il
convient donc de ne pas la mettre en question
sur des sujets polémiques, même s’il est légitime de s’indigner de
fautes personnelles qui entraînent de
graves préjudices et qui doivent être sanctionnées, nul n’étant exonéré de
responsabilité, ce qui n’est pas
« attaquer » l’indépendance de ceux qui constituent
l’institution.
LE TERRORISME est-il en voie de « banalisation » ? Et de
l’autorité.
L ‘autorité de l’Etat
en général est plutôt mise en cause par
ces temps chahutés, car on l’estime insuffisante ou pas assez expressive.Il ne s’agit cependant
pas d’user des tribunaux pour que dans
l’urgence des condamnations soient prononcées, un peu à l’aveuglette et en
interprétant la loi dans le sens que souhaitent voir les gens excédés. (ex .à
CALAIS). La justice ne peut servir de fermeté à l’exécutif s’il en manque, et la loi n’est pas un texte qui permet de régler les
problèmes à chaud. Mais la réaction à tout manquement à la loi doit être
effective. L’autorité qui n’est pas
l’autoritarisme ou le caporalisme et qui ne remet pas en cause les décisions des
juges, nécessite de la fermeté sur les grands principes et de ne pas céder à la
culture de l’excuse ou le « pas de vague » pour éviter de contrarier
tel groupe d’individus ou telle catégorie sociale. L’autorité c’est de définir
des objectifs et exercer le pouvoir sans
le déléguer ou le diluer, ou demander l’avis des uns et des autres à tout moment
même si le dialogue est fondamental, pour expliquer l’action .On s’interroge
pour savoir où est le pouvoir dans notre démocratie et certains pensent qu’il est devenu introuvable ou entre les mains des
citoyens voire des « collectifs » auto proclamés ?. Pour s’exercer vraiment le pouvoir ne peut être
détenu par personne ou par aucun groupe. Il est donc partagé et dispersé :[michael FOESSEL l’utopie du
pouvoir]. En revanche il a besoin de s’incarner dans ceux qui ont été élus
démocratiquement et qui ont reçu la mission de préserver l’ordre public pour
que la cohésion de l’ensemble se perpétue. L’autorité c’est de savoir dire
non et ne pas céder aux arguments
compassionnels-même s’il faut en tenir compte- qui remplacent le bon sens et la
raison. L’autorité c’est de commander et imposer l’obéissance à l’intérêt général .L’autorité ne devrait pas
à avoir se décréter : elle est naturelle ou pas, et chacun la ressent
quand elle est réelle et s’applique erga
omnes. Elle concerne désormais parmi les
priorités le terrorisme, préoccupation majeure des français depuis les
attentats de janvier 2015.
Notre éminent ami Alain BAUER professeur de criminologie au
CNAM à Paris, et à New York et Pékin,
explique que « les nouveaux
opérateurs nés sur le sol des pays
occidentaux ont remplacé ceux importés de
l’extérieur ».[lire : »vers une « ubérisation » du
terrorisme .Le Figaro du 1er juillet 2015 page 16].Il explique que
« longtemps le terrorisme fut une
affaire d’Etat mais l’hyper terrorisme
s’est fait dépasser par le califat de l’Etat islamique .. et sont apparues en
complément deux « nouveautés » : les hybrides, gang terroristes,
et le lumpen- terroriste agissant par impulsivité avec les moyens du bord .Le
tout porté par un processus d’accélération de la radicalisation grâce à
l’incubateur internet. Ces nouveaux opérateurs ne sont du coup plus importés de
l’extérieur, mais sont nés sur le sol des pays
occidentaux cibles ».Alain BAUER conseille que le « processus de révolution dans
la gestion plurielle des terrorismes, engagé par Rémy PAUTRAT alors conseiller
de Michel ROCARD, réenclenché par Nicolas SARKOZY puis Manuel VALLS, tous deux
ministres de l’intérieur à l’époque de ces mouvements (les « loups
solitaires »,les micro-attaques..) », soit accéléré.IL conclut
que le temps n’est plus l’allié de
l’anti terrorisme .Dans le FIGARO du 26 août 2015 page 19 « terroristes
honteux et analystes du renseignement » , Alain BAUER rappelait que
« ce sont désormais les acteurs du terrorisme qui diffèrent et plutôt que d’enfermer les citoyens et la
société dans un coffre-fort inviolable de préférence, c’est la formation des
analystes qui doit devenir une priorité ».
La commission d’enquête
sur la surveillance des filières et des individus djihadistes créée en
décembre 2014 par M. Eric CIOTTI député
(LR) des Alpes maritimes avec comme
rapporteur M.MENNUCCI député (PS) des Bouches du Rhône, a déposé son rapport
début juin et appelé les autorités à renforcer les moyens administratifs et
judiciaires notamment les services
d’enquêtes en contrôlant mieux les
entrées et les sorties du territoire ,en gérant les « retours ».Le
rapport insiste aussi sur la nécessité
de faciliter l’accès aux fichiers ; de mieux surveiller le secteur aérien
et le numérique ; de protéger les mineurs ; de revoir les
aménagements de peine ; d’étudier le rôle des imams ; de toiletter la
justice antiterroriste...Le gouvernement a immédiatement réagi , a pris des
mesures concrètes et il réfléchit à
compléter les dispositifs de toute nature .Le ministre de l’intérieur, M.
Bernard CAZENEUVE a créé un état major opérationnel de prévention du terrorisme
directement rattaché à son cabinet pour éviter la « concurrence »
entre services et faciliter la circulation de l’information. C’est le préfet
Olivier de MAZIERES qui dirige la structure .L’affaire de Yassin SALHI qui a
décapité son ancien patron, qui avait fait l’objet d’une fiche S puis n’avait plus été suivi, a révélé l’obligation de suivre en permanence
tous les profils à risque.
En ce qui concerne la sécurité dans les transports le
ministre de l’intérieur a dévoilé la nouvelle stratégie à la suite de la
proposition de loi du député (PS) Gilles SAVARY qui veut lutter contre les
fraudeurs. Le gouvernement veut durcir le texte en le complétant par la
possibilité de fouille des bagages ; le droit pour les agents de
patrouiller en civil et armés ;
plus de pouvoir de vérification des identités (qui ne sera pas un délit
de faciès)…Le gouvernement agit et tente de résoudre les contradictions de la
société civile qui oscille en une demande accrue de sûreté et le maintien de
ses libertés individuelles ,en revendiquant les valeurs républicaines parfois à
contenu variable selon le camp qui les met
en avant .Il faut trouver un bon équilibre, savoir placer le curseur au
bon endroit et faire confiance à ceux que nous avons élus qui ne doivent pas
prendre systématiquement le contrepied de leurs prédécesseurs, ou qui
souhaitent arriver ou revenir au pouvoir avec des propositions concrètes,
applicables, « radicales » ou fermes par leurs
nouveautés ce qui ne veut pas dire dangereuses pour les libertés , non
idéologiques et mesurées pour aboutir, dans ce domaine sensible, à un minimum
de consensus. Il faut viser ce qui rassemble .C ‘est Alain PEYREFFITE
ministre du général DE GAULLE qui avait décrit la Société de confiance.
Morale et République
Chacun se « gargarise » des mots qui claquent comme
générosité, fraternité, liberté, égalité, justice sociale, et évidemment
république ( les marches républicaines, l’esprit
républicain, et surtout le front
républicain qui n’est qu’une
alliance électorale pour empêcher l’adversaire le plus dangereux
pour les valeurs républicaines de gagner les élections) mais ils ne parlent pas
à tous de la même façon, et parfois ils n’évoquent plus rien pour avoir été trop utilisés. Une grande interrogation porte sur le temps présent et plus personne
ne se risque à des pronostics ni géo politiques sur plusieurs endroits du
monde, même proches de nous, où le chaos règne et nous touche, ni sur le plan
intérieur où nous gérons l’existant et
le délai court , sans réfléchir sur ce que l’on veut , d’où l’on vient, nos
valeurs fondatrices , et comment on va évoluer, avec qui et pourquoi .On ne se
pose plus, on pédale de plus en plus vite pour ne pas tomber. Le mot République
est cependant structurant comme le dit Jean RASPAIL et il faut ne pas sortir de
ce cadre en l’amoindrissant et ou en le réduisant à travers des débats publics
qui tournent à l’affrontement ou au rejet
de l’autre , accusé des pires adjectifs pour dénoncer sa pensée, alors que nous
sommes les héritiers de Voltaire et des lumières et qu’il y a peu de pays
équivalents au nôtre dans le monde. Par exemple alors que le gouvernement prône
le retour de la morale à l’école –ce qui
me parait une très bonne idée- certains
se demandent si ladite morale en sera vraiment une ? [Bertrand
VERGELY « une morale, quelle morale » ? Le Figaro magazine
du 4/9/2015.Dernier livre paru : la tentation de l’homme dieu : le passeur
éditions ».Il est possible que l’humanisme dont nous nous parons et que
nous mettons en pratique qu’il soit athée ou laïc et créé par l’homme dans son
intérêt, ait atteint ses limites faute d’une certaine transcendance à définir.
Faut- il une spiritualité pour construire une société qui convienne à
tous ? Que se passe-t-il quand tous les désirs matériels de l’homme sont
assouvis ou presque ? Comment faire toujours mieux qui est l’aspiration
première des progressistes, qui ne sont pas d’un seul côté. On peut ainsi être
libéral sur le plan économique et social –avec nos traditions à la française
qui demandent beaucoup à l’Etat- et aussi « conservateur » pour les
libertés, les mœurs, l’éducation …Ce n’est pas incompatible .On peut avoir l’ « autre »
en soi et se déterminer par son origine,
son passé, ses échecs, ses réussites et son présent et ne pas accepter tout ce
que les minorités souhaitent même si le principe d’égalité en droit n’est pas
discutable. Certes il y a encore du chemin à parcourir pour atteindre l’idéal
de justice et de libertés, mais il faut toujours y croire…
M. Vincent LE BIEZ secrétaire général de « droit au
cœur » met en garde contre la tentation d’abstraire l’individu de tout
déterminisme social, culturel, familial. On ne peut renoncer à l’égalité des
chances qui comprend la mobilité sociale, et la récompense des efforts et des
mérites.
Sur le sujet sensible
des réfugiés, le philosophe Michel ONFRAY au centre de nombreuses polémiques,
affirme que l’on « criminalise la moindre interrogation sur les migrants
« [Le FIGARO 11/9/2015 page 14].Il semble que l’émotion se substitue à la
raison et la domine ce qui n’est jamais bon signe .Il est légitime de poser les
(bonnes) questions, d’où qu’elles viennent. C’est le politiquement correct ou
la quasi censure de fait qui sont dangereux. Il faut nommer les choses, disait
Albert CAMUS, et « la république n’a pas à faire la sourde oreille à la
souffrance des siens » (M.ONFRAY).
Le débat sur la sécurité qui est l’affaire de tous comme ne
cesse de l’enseigner l’INHESJ, et la Justice rendue au nom du peuple français
qui est un et indivisible, doit donc se poursuivre de façon apaisée et
positive. Personne ne détient la vérité. Mais certains l’approchent plus que
d’autres. Chacun des citoyens doit trouver sa place dans le cadre de la
République, doit pouvoir s’y exprimer librement, vivre comme il le souhaite,
sans oublier bien sûr la nécessité du plein emploi retrouvé avec une croissance
pérenne , car les conditions matérielles influent sur les comportements, même
si elles n’expliquent pas tout, et ne justifient pas les débordements. En
réalité ce qui nous est demandé à titre personnel, c’est peu mais beaucoup
à la fois : de savoir prendre nos responsabilités dans l’intérêt collectif
et de la France. J’ose écrire France car
ceux qui ont le sens de l’ETAT la défendent
d’abord, et elle ne se confond pas avec la république.
Notre excellent ami Pierre MONZANI, préfet et ancien directeur de l’INHESJ a rendu hommage à
l’ancien Ministre d’Etat, Ministre de l’intérieur, M. Charles PASQUA décédé fin
juin en soulignant son sens de l’ETAT.
Il a écrit : « il incarnait cette réalité de notre civilisation
européenne , être ouvert au monde et
serein face à lui parce que l’on est sûr de ses racines et de son identité » [LE
FIGARO 1er juillet 2015 page 16].Que Pierre MONZANI soit entendu, et
que ceux qui nous dirigent ou nous dirigeront
car nous sommes dans une démocratie et personne n’est propriétaire du
pouvoir, le fassent avec des mains qui ne tremblent pas , avec l’autorité qui
s’impose et l’ouverture d’esprit liée à l’absence de dogmatisme. Le Premier
ministre M.Manuel VALLS a déclaré qu’il dirait la vérité dans tous les domaines
, même si cela « défrise » des militantes illustres du parti
socialiste. On ne peut que le féliciter car les français - du moins ceux avec
qui je discute dans ma petite commune rurale de l’OISE où je suis élu – sont las
des petitesses et veulent des solutions
pour des problèmes identifiés par tant de rapports, et du courage de notre personnel politique, toutes
tendances confondues. Chaque citoyen a besoin de l’exemple qui doit venir de
haut et pouvoir partager des ambitions collectives qui le dépassent pour
réussir et participer pleinement à la vie civique.
ADDENDUM : je venais de mettre le point final à cet
article, quand j’ai entendu vendredi 13 Novembre, M.B.CAZENEUVE ministre de
l’intérieur annoncer un grand plan
d’action contre le trafic d’armes. Je m’en étais réjoui car nous sommes en
guerre par la menace intérieure et celle
de DAESCH contre qui nous combattons. Certains en doutaient c’est désormais une
réalité aveuglante.
Le chef de l’ETAT a déployé avec raison notre porte-avions CHARLES DE GAULLE en méditerranée à l’issue
d’un conseil de défense .La coalition
internationale doit frapper fort, car notre sécurité passe aussi par la
destruction des bases de l’Etat islamique .Ma joie s’est ternie très vite car
le soir même on apprenait les attentats dans PARIS et qu’il y avait eu des
centaines de morts et de blessés .On est resté interloqués. Nous devons nous
rassembler et reprendre le cri des républicains espagnols :NO PASARAN .
Nous ne devons pas céder et nous devons continuer à vivre. L’union de tous les
citoyens qui forment le peuple français,
de toutes origines, obédiences et
croyances ou non, est essentielle, autour du gouvernement qui agit .Il y avait
eu l’esprit du 11-janvier qui a été discuté, une fraction de notre
population n’ayant pas désavoué les
attentats de l’époque. Il faudra créer l’esprit du 13-novembre qui est un
vendredi noir, qui doit être partagé par tous les citoyens et consensuel en matière de sécurité et justice notamment, ce qui n’interdit pas la critique
positive, et la lutte pour le pouvoir
car nous sommes presque toujours en période d’élections. La responsabilité de
ceux qui sollicitent nos suffrages est d’autant plus importante .Il faut louer
l’efficacité de la BRI et du RAID pour la neutralisation des sept terroristes. L’état d’urgence qui va limiter 12 jours pour commencer nos libertés a aussitôt été
décrété. Rappelons nous nos débats sur la loi sur le renseignement sur nos
libertés et les besoins de sécurité. Il ne s’agit pas d’armer quiconque, mais
de donner des moyens juridiques aux professionnels pour agir, et de contrôler
nos frontières. Le Président de la République a déclaré que la France qui a été agressée serait impitoyable, dans le
respect du droit. Il a raison. C’est ce qui fait notre faiblesse (les
terroristes n’ont que faire du droit et de l’individu) mais aussi notre force : la fin ne
justifie pas les moyens et notre
démocratie s’appuie sur des valeurs
universelles et des règles légales qu’il
faut respecter .C’est parce que nous savons qui l’on est, que nous nous sommes
construits dans les épreuves tout le long de l’histoire, que nous relèverons la
tête et comme l’écrirait BORIS CYRULNIK, nous dépasserons nos traumatismes pour
rebondir , et nous reconstruire. Nos ennemis ont eu tort de porter le fer dans
PARIS : ils ont obtenu l’effet inverse à la terreur qu’ils ont
suscitée : ils ont provoqué une vague d’indignation et de résistance. Les
autorités en place font leur devoir avec vigueur et l’opposition qui est responsable, propose
ses solutions. Les forces de sécurité ne peuvent être partout et on ne peut accroître leur nombre à l’infini, même si des efforts ont lieu. Les magistrats
joueront aussi un rôle central ; pourquoi se priver de l’expérience du
juge TREVIDIC par exemple (il a reçu le
prix AKROPOLIS de l’ANA) qui a quitté la section anti-terroriste, car on sait
que l’humain est essentiel et que la technique n’est pas suffisante. L’union fait
la force : ce proverbe est de circonstance .J’exprime ma tristesse et ma
compassion pour toutes les
victimes ; je félicite les forces de l’ordre pour leur réactivité et
efficacité ; et comme tous les français, je renouvelle ma confiance envers
les professionnels qui ont la lourde charge de nous protéger, des répliques
d’actes criminels n’étant pas à écarter, malheureusement. La France est en
deuil ; pleurons mais réagissons.