Ordonnances sur canapé
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Quand je
suis sur mon canapé en regardant les nouvelles qui sont peut-être des fake news
ou des images issues de l’intelligence artificielle je m’interroge ou je m’endors.
En ce moment j’ai l’impression de n’être pas en bonne santé car on ne parle que
d’ordonnances. Comme je suis retraité et probable futur très malade
je me sens concerné par l’imagination féconde pour trouver des ponctions de nos
parlementaires dont la plupart sont des militants professionnels très
jeunes qui n’ont jamais vraiment travaillé comme tout le monde. Mais qui donnent
des leçons de comportement sinon de morale. Pour pallier la mauvaise
gestion tous partis confondus depuis des décennies, il n’y a pas de responsable
et encore moins de coupable. Sauf moi puisque je vote à toutes les élections
depuis que j’ai l’âge légal. J’ai avalisé au moins implicitement.
Désormais il
faut prendre l’argent de ceux qui ont travaillé et qui ne se sont pas délocalisés
pour redistribuer à la masse immense de ceux qui en ont besoin. Et ne paient pas
un centime tout en touchant des aides. A tort ou raison. Mon canapé
devient un toboggan. Je glisse vers le néant qui caractérise certains esprits
bruyants. Et j’écoute, ébahi, nos excellences expliquer qu’elles ont la
vérité. J’ai choisi volontairement des exemples disparates qui font polémiques.
Le
premier ministre M. Lecornu pour éviter la censure s’est engagé à ne pas
utiliser l’article 49.3 qui avait permis après de nombreuses manifestations et débats
violents à la chaleureuse Mme Borne de faire passer la réforme des retraites
jusqu’à 63 ans et non pas 64 ou 65 voire plus comme dans tous les autres pays
qui nous entourent. Des « brutaux » qui n’ont pas la fibre
sociale et égalitaire comme nous ! Avec l’argent qu’on n'a pas. La démographie
est le juge de paix en la matière. Sans actifs point de suisse je veux
dire de bons cotisants. C’était le point
de crispation et M. Lecornu a ajouté qu’il suspendait la réforme. M. Macron
a aussitôt précisé ni suspension ni abrogation mais décalage. C’est la solitude
de fond du premier ministre comme le goal au foot qui est le
dernier rempart quand l’attaque -sur les dépenses - est nulle et la défense- impôts,
taxes, justice fiscale-une passoire. La Constitution devient un texte à option.
Le PS a crié
« on a gagné » pour faire oublier qu’il avait obtenu moins de 2
% à la présidentielle. Mais c’est une victoire à la Pyrrhus car chacun sait que
la réforme est indispensable : on va peut- être en profiter pour examiner
une retraite à points ou par capitalisation – elle existe dans la fonction
publique - en renforçant la retraite par répartition. Le même régime pour tout le
monde n’a plus de sens. Et il faut aligner le privé et le
public. M. Lecornu a oublié de préciser que si le parlement ne se mettait pas
d’accord sur un budget, l’article 47 de la Constitution lui permettait de faire
valider son projet initial : « si le parlement ne s’est pas prononcé
dans un délai de 70 jours les dispositions du projet [le budget] peuvent être mises
en vigueur par ordonnances ». Mais cela ne s’est jamais fait et on ne connait
pas le contenu formel des ordonnances. Et si le Conseil Constitutionnel n’approuvait pas
? On n’est pas sorti de l’hôpital. Ordonnances
fait songer à maladie grave qui peut conduire à une incapacité totale. Et 2027
c’est loin il faut ramer. En prenant des vitamines sinon des calmants.
M. Sarkozy est
en prison. J’ai mal qu’un ancien chef de l’Etat dans notre démocratie subisse
cette infâmie. Qu’on l’aime ou le déteste n’est pas le sujet. Certains s’en réjouissent.
La petitesse n’a pas de limites et est contre- productive. M. Sarkozy
ressortira plus grand qu’il n’était en arrivant. Car il sera libre un jour
ou l’autre. Et je crains que la Justice indépendante-
jusqu’où et avec quelles contreparties (sa responsabilité ?)- n’ait pas
amélioré son image auprès du peuple français au nom duquel elle juge. Et qui ne
partage pas forcément les mêmes valeurs. M. Sarkozy est présumé innocent jusqu’à ce
qu’il soit jugé coupable éventuellement de façon définitive. Je ne me prononce
pas sur le fond du dossier bien que j’aie lu les 400 pages du jugement. Le
faisceau d’indices apprécié subjectivement par les magistrats n’est pas une
preuve. La motivation de l’exécution
provisoire pour le mandat de dépôt est confondante. Il y avait d’autres moyens
techniques que l’incarcération qui est toujours l’exception même pour le pire
des malfaiteurs voire terroristes ou OQTF aussi selon les bien- pensants, sauf
pour leurs adversaires devenus ennemis, pour s’assurer que M. Sarkozy était
bien puni et rendrait des comptes, ne s’enfuirait pas en Libye ou à Gaza pour
récidiver ! ou n’achetait pas des témoins sachant que son dénonciateur M.Takkedine
est décédé et que le document produit par Mediapart est un faux. Je
partage l’opinion de Me Dupond-Moretti. La décision des trois juges me
turlupine.
En réalité
les juges ont rendu une ordonnance. M. Sarkozy a fréquenté des collaborateurs
qui ont commis des faits graves. Il ne pouvait l’ignorer et il a été
contaminé à l’insu de son plein gré. Il fallait donc l’écarter, le mettre
en quarantaine, à l’isolement c’était un devoir d’intérêt général. De santé publique.
A la maison d’arrêt de la Santé à Paris ce n’est pas un désert médical ! On y « soigne » des vraies racailles
qui insultent un autre détenu : comme si M. Sarkozy était un prisonnier
comme un autre ! C’est grotesque de le soutenir. Les juges qui ont estimé
que M. Sarkozy avait troublé avant 2007 « l’ordre public » l’ont
aggravé par leur décision. La prison de la santé n’est pas le château d’If mais
M. Sarkozy relit le comte de Monte Cristo. Et attention à l’effet boomerang.
Ce que l’on fait pour les puissants peut rejaillir sur les plus faibles. Ou sur
ceux et celles qui hurlent au parlement. Ou dans les médias. La Justice ne
se découpe pas en tranches. Et personne n’est à l’abri de l’interprétation de
faits et de textes légaux parfois obscurs. L’arbitraire est pavé de bons
sentiments.
Le mieux
va être de n’être jamais malade, de n’être pas retraité après avoir
beaucoup travaillé et payé ; de n’avoir pas trop de revenus ou de vouloir
transmettre un héritage fruit de votre labeur et de vos sacrifices. Et de
ne prendre aucune responsabilité en s’engageant pour éviter d’avoir à répondre
à des juges. Que de belles perspectives, que d’encouragements à construire une
société meilleure ! Ou plutôt de déconstruire
ce qui faisait la France dans ses valeurs républicaines, ses traditions des
territoires, son art de vivre, son humanisme et son universalisme. L’ordonnance
que je me prescris est de ne participer qu’à partir de mon canapé. Bonjour
tristesse.