mardi 2 septembre 2025

Boum cela peut faire mal

 

Boum cela peut faire mal

           Par Christian Fremaux avocat honoraire

Vu le déficit abyssal avec les perspectives de faillite et la désignation de boucs émissaires chacun défend ses acquis et pas l’intérêt général, c’est humain bien que regrettable pour le collectif. C’est une partie du blocage, outre le fait que les citoyens veulent être entendus et qu’on respecte leurs votes. On a le sentiment que nos parlementaires actuels qui veulent conserver leurs avantages et tous arriver au pouvoir, savent tout avec la science infuse. Mais sont déconnectés de leurs électorats plus raisonnables qu’eux et qui n’ont pas envie de payer une facture alourdie en supportant le désordre pour régler des problèmes d’ego et d’ambitions. Car personne n’a la vérité unique et des mesures miracles pour résoudre le problème de la dette-entre autres problèmes régaliens- ou certains bénéficiaires parmi les Français ! Il va falloir choisir entre les solutions les moins pires. Quel que soit le 1er ministre. Et être plus cool.

On ne dit pas merci aux jeux politiciens de nos élus qui prennent les citoyens pour des ignares naïfs. Les chantages des uns et des autres sont pathétiques et scandaleux. Attention au dégagisme qui balaiera les partis dits républicains car à force de tirer sur la corde elle casse.  Et en demandant toujours plus de sacrifices aux mêmes et à ceux qui ont été des fourmis, en criant au loup sans rien proposer de faisable concrètement, on est viré. Les fronts républicains mariant ceux qui se détestent sont des leurres. Pour les conséquences on appréciera. En attendant on démolit les mouvements spontanés repris en main par de vrais pros.  Il est certain que les citoyens trouveront des solutions que la masse parlementaire rejette. La république est en danger et ce sera une responsabilité partagée de nos excellences.  Ce sera trop tard pour dire « on n’y a pas cru ».

 Je suis un boomer mais pas au sens de fêtard comme ceux des raves- party qui se moquent de la loi et des gens, en malheur ou non. Ce sont des égoïstes délinquants de première catégorie : leur plaisir d’abord. D’autres pays ont choisi d’être judiciairement sévères à leur encontre. On peut y ajouter les désobéisseurs professionnels et les casseurs pour tout sujet. Être ferme et faire respecter les règles en général est un devoir personnel outre une obligation de l’Etat. Et des prétendus puissants.

Je suis un boomer classique et je connais les coupables : mes parents. Ils avaient choisi de repeupler la France, et de travailler à la reconstruire, avec un système de retraite qu’ils ont assumé. Je ne vais pas leur faire un procès post mortem en leur reprochant de m’avoir fait naitre après- guerre et de devoir assumer les conséquences de mon statut actuel. J’ai fait mon devoir : un service militaire, puis des études pas faciles et pas payées, et travailler beaucoup, casquer de trop, assurer les retraites de mes ainés, terminer les guerres de décolonisation dont on nous reproche encore aujourd’hui les effets, subir des crises graves, préparer le pays pour les actifs actuels. Eux qui se plaignent des 35 heures et de petits salaires, de ne pas avoir suffisamment de jours fériés ponts et viaducs et de vacances pour concilier ce qui est devenu un dogme : vie professionnelle et vie privée avec une préférence pour celle- ci. En pensant qu’ils n’auront pas de retraite. Et les jeunes qui viennent ? Et la solidarité ?

 La société et les états d’esprit ont évolué ce qui explique les dialogues de sourds actuels. Personne ne veut être convaincu par l’autre qui doit supporter ce qui ne va pas.  Le séparatisme culturel sous toutes ses formes est le début de la désunion. Et quand ça fait boom tout le monde regrette et est ébahi. Il faut commencer par parler la même langue, avoir les mêmes valeurs républicaines et se mettre d’accord sur un socle commun, un cap et des objectifs au moins dans les grandes largeurs. Ce qui n’est pas accepter un diagnostic unique qui entraine des prises de mesures décidées dans une tour d’ivoire. Le mieux serait d’interroger officiellement les Français par un mécanisme démocratique prévu par la constitution. Ceci souderait et les vieux papys qui paient aussi pour leurs enfants et petits- enfants et les actifs actuels. Il y aurait égalité dans le constat. Et la responsabilité.

Des boomers sont réapparus eux qui ont participé activement ou par partis interposés depuis des lustres à des découverts chroniques du budget et à l’augmentation de la dette, pour de bonnes raisons disent- ils : cela se discute. Ainsi M. Barnier, puis M. Bayrou qui ainsi s’auto- accuse et joue Saint Sébastien en recevant les flèches. Avec M. Mélenchon qui persiste en faisant simple : on renverse tout, les riches paieront, les méchants disparaitront et on verra ensuite. Ils ont tous LA solution mais personne n’en veut. Il y a même M. Cohn-Bendit chantre du désordre en Mai 68 qui dans les médias nous apprend comment se calmer et être modéré. On croit au film « retour vers le futur ». M. De Villepin entre au club. Compter sur le passé n’est pas bon signe.

 Ces papy-boomers sont talonnés par des presque sexagénaires ou un peu plus, que les médias citent pour prendre la main, tels MM. Philippe en avance et Retailleau, avec Olivier Faure et Bernard Cazeneuve voire M. Hollande et Mme Royal sinon Mme Le Pen. Mme Sandrine Rousseau voulait participer mais son camp lui a demandé de ne pas insister : dommage pour le fun ! La jeunesse éternelle veut le pouvoir ! On a écarté M. Sarkozy qui ne demande rien et n’accable personne et M. Giscard d’Estaing ou M. Barre voire M. Chirac sont décédés. S’il ne l’était pas M. Mitterrand nous aurait rappelé son tournant de la rigueur en 1983 et la retraite à 60 ans.  On l’a échappé bel comme boomers !  

Boom est le bruit de l’explosion qui pulvérise, éparpille et laisse des dégâts et des victimes. Je crains que nos parlementaires actuels jouent avec le feu : eux ou rien. Juridiquement et constitutionnellement parlant il y aura un budget qui ne plaira à personne s’il n’y a pas des compromis. Il creusera encore la dette et fragilisera le pays. En fracturant la nation. On le sait mais on ne peut faire avancer les ânes qui se bloquent sur leurs pattes. Notre démocratie se déshonore. Charles Trenet chantait « quand votre cœur fait boum...c’est l’amour qui s’éveille... ». Il donnait l’espoir. Avant que mon palpitant ne cède je ne veux pas partir avec l’étiquette de celui qui a failli, qui a profité et qui laisse une situation ingérable. Je ne suis pas plus coupable qu’un autre. Je voudrai être acquitté. Dans le cadre d’une réconciliation nationale. Il est temps.              

mercredi 27 août 2025

On débloque

 

                                                    On débloque

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire

Ce qu’il y a de positif avec toutes les péripéties institutionnelles depuis des années c’est que les citoyens sont devenus des spécialistes du droit constitutionnel, ce qui ne met pas du beurre dans les épinards mais permet de ne pas mourir idiot. Mais de faim pour les plus démunis. 

Nos étudiants qui se plaignent n’ont plus besoin d’aller trainer leur spleen sur les bancs de la faculté des sciences juridiques. Il leur suffit d’écouter les débats publics, d’ailleurs affligeants. Nos élites se surpassent dans l’indigence intellectuelle et la démagogie.

On sait tout et son contraire selon le parti pris des intervenants rarement objectifs et pédagogues sur la dissolution, le fonctionnement du parlement avec ses abus pour ne pas débattre, l’article vedette à savoir le 49.3, et les pouvoirs du chef de l’Etat que M. Mélenchon en jubilant voudrait destituer, pas moins. Ou que M. Macron démissionne en reconnaissant ses fautes. Et si on attendait le résultat des municipales proches ?  

S’y ajoute désormais l’article 49 mais alinéa premier puisque le premier ministre actuel va poser le 8 septembre la question de confiance. Mais uniquement sur le principe : sommes-nous d’accord ou non sur le diagnostic à savoir le grave surendettement de la France ? Ce qui ne peut durer sans agir fortement mais justement.  Pour les mesures à prendre, on verra ensuite. A entendre les réactions je crains que M. Bayrou ait pris un billet de sortie et que les réformes qu’il propose d’améliorer, amender, substituer par d’autres ce qui est démocratique, passent à la trappe. Alors que certaines sont intéressantes. Le débat focalisé sur les jours fériés est surréaliste. Des jeunes veulent travailler et être payés double. D’autres salariés veulent être rémunérés et ne rien perdre. C’est juste. On veut jeter l’eau du bain avec le maitre-nageur.  Mais on n’est pas à l’abri d’une bonne surprise, après discussions en coulisse et compromis divers. Député, c’est avoir un job. Payé pendant les jours fériés et les vacances.  

Pour le budget tout le monde partage plus ou moins la nécessité d’innover, vite.  Mais si les économies sont nécessaires elles doivent toucher les autres, pas soi. C’est humain. Sans oublier les symboles : faire payer les riches ; éradiquer le paupérisme en combattant le libéralisme ; accueillir sans conditions ceux qui sont persécutés ou dans le besoin ; ne pas avoir de relations avec les Etats agresseurs ou ne correspondant pas à la doxa morale ...Chacun a ses croyances. Est- ce possible de bâtir un budget idéal qui satisfait tout le monde ?  Certains ne veulent pas et préfèrent le chaos. Tout « bordéliser » devient une politique publique pour prétendre aboutir à une démocratie exemplaire, égalitaire, aimante, sans insécurité, dans un vivre ensemble absolu. Avec la justice fiscale et sociale, concept creux. Sans commentaire. Chacun appréciera.

 Il est inutile de se demander si tout ceci est bien raisonnable et si les Français approuvent, eux qu’on n’interroge pas notamment par référendum, disposition participative prévue par la constitution. Les conventions citoyennes sont comme le canada- dry.  Et nos parlementaires de tous bords n’ont pas la science infuse. Ils sont responsables des lois qu’ils ont votées et de leurs choix, même si l’Etat a assuré la protection des citoyens. Ce qui est simplement son rôle. Comme celui de tenir les cordons de la bourse et ne pas dire oui à tout, en ayant peur des réactions de groupes de pression sinon de communautés. La nation n’est pas l’addition des intérêts particuliers.  

  Les jeux politiciens fatiguent. Attention au coup de balai général et imprévu, le fameux « dégage ». On sait ce qu’on a, mais pas ce qui pourrait advenir. Ce qui ne veut pas dire que des réformes drastiques ne sont pas urgentes. L’immobilisme étouffe et crée des injustices et des frustations mais renverser la table n’apporte rien de concret. N’est pas Schumpeter et sa destruction créatrice, qui veut.

Le 10 septembre certains ont décidé de bloquer le pays. Des syndicats qui aiment bien la grève générale - principe constitutionnel bien connu - suivront mais on ne sait pas quel agrégat existe, qui est responsable, les objectifs, les moyens, les coupables...Il n’y aura peut-être plus de premier ministre et on repartira pour un tour d’incertitudes, de discours fleuves, de menaces, de conflits, donc d’arrêt. La gauche fracturée soutient à tort qu’elle a gagné les dernières élections : elle veut le poste de premier ministre, mais pour quelle personnalité en particulier ? Avec quel programme de redressement ? La rhétorique ne remplace pas le bon sens et le partage réfléchi en conservant non pas les droits acquis qui sont mortels, mais les efforts accomplis pendant des années.  

  M. Macron a dit qu’il ne prononcerait pas une nouvelle dissolution au vu de l’absence de clarification de celle de l’année précédente. Mais il peut changer d’avis et une nouvelle élection législative rendre le même résultat, voire pire.

La France est en train de se noyer et des âmes désintéressées lui appuient sur la tête.Je me demande si collectivement on ne débloque pas en perdant le sens des réalités.  Aucune commune, aucune entreprise ne peuvent se permettre de gouverner ainsi. Chaque famille a un budget pensé, rationalisé, contrôlé, demandant des efforts. Parfois des sacrifices et des décisions douloureuses.  

On ne bâtit pas un budget national avec des boucs émissaires, des plus privilégiés que d’autres, ou des responsables dénoncés pour leurs incompétences sinon leurs injustices. Il faut proposer de l’alternatif concret aux mesures critiquées, un remède qui n’est pas plus grave que le mal. Et en n’imposant pas les mêmes règles pour tous. C’est du masochisme de tout rejeter sans solutions faisables, ni souplesse de statut.

Il faut travailler plus, notamment les jeunes et les seniors. C’est du domaine des partenaires sociaux qui ne doivent pas faire de l’idéologie. On doit protéger les plus fragiles notamment en matière de santé. Ce qui est de la solidarité. Et ne pas punir ceux qui ont cotisé leurs vies entières et n’ont rien volé aux actifs. On doit dépenser moins. L’Etat doit commencer par lui-même et dégraisser le mammouth en fixant le cap et les objectifs à atteindre. Et veiller sans faiblesse aux fonctions régaliennes. C’est de la politique.

Le contraire de bloquer c’est desserrer, ouvrir. Les esprits en particulier. Ordo ab chao.              

mercredi 20 août 2025

On ira jusqu’au bout

 

                                               On ira jusqu’au bout

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Chacun de nous pour tout sujet d’ordre interne ou international qu’il soit majeur ou secondaire entend cette apostrophe virile : « nous irons jusqu’au bout », proclamée d’un ton martial, l’œil fixé sur la ligne bleue des Vosges ou d’autres Himalaya voire frontières à définir. Souvent avec le dos au mur pour montrer qu’on ne peut ou veut reculer, et en étant sûr de détenir la vérité. Mais sans savoir où est le bout, dans quel état on y arrive, et quelles sont les conséquences d’une obstination irrationnelle. Pourtant céder parfois c’est la raison. Ce n’est pas approuver ou trahir. C’est épargner des souffrances inutiles ce qui grandit le responsable.

 Je n’aborde pas les conflits gravissimes en cours en Ukraine, à Gaza et ailleurs en Afrique par exemple dont on ne parle pas. Nos grandes consciences sont sélectives. Et ont la vue biaisée. Je ne crois pas à la victoire d’un Etat sur un autre. La colonisation et le servage ont disparu. La liberté est la règle.  Chaque peuple a le droit de vivre comme il l’entend. Les humains sont de partout et il convient de mettre fin à la barbarie. La force ne résout rien à terme. On peut discuter à l’infini des responsabilités. Avec les propagandes qui se croisent on finit par ne plus savoir qui est l’agresseur et qui est l’agressé. Il ne faut jamais humilier l’adversaire ou l’ennemi l’histoire nous l ’a appris. On doit savoir terminer un conflit (une grève) disait Maurice Thorez ex- secrétaire général du parti communiste français au faîte de sa gloire.

Cela vaut aussi dans les relations internationales. L’ère de la diplomatie en direct à la télévision doit remplacer le fracas des armes et les insultes de toute nature. On n’aime pas untel qui est un dictateur : c’est vrai, mais on ne peut l’effacer. Les egos doivent être mis de côté et les leçons de morale sont insuffisantes. On doit jouer un donnant-donnant même si ce n’est pas juste, car il faut en finir. Jusqu’où ira – t- on dans l’aveuglement et le désir d’avoir raison et de punir ? Aller jusqu’à la paix même fragile et imparfaite me parait une solution raisonnable.  

Je me contente donc de l’aspect interne de nos problèmes. Soyons mesurés et ne demandons pas l’impossible pour être réaliste, disait-on en mai 68. Les partenaires sociaux qui clamaient qu’eux feraient mieux que l’exécutif actuel ont échoué lamentablement mais crient à la victoire du non. Cela rappelle le mot de Coluche : « la droite a gagné les élections. La gauche a gagné les élections. Quand est -ce que ce sera la France qui gagnera les élections » ? C’est tout le problème. Des affamés se battent pour le pouvoir sans fournir des solutions concrètes et mesurées viables alors que les citoyens attendent des améliorations visibles même minimes et surtout des réformes structurelles. On sait où doivent avoir lieu les coupes drastiques en commençant par la réforme de l’Etat. Et en faisant travailler tous ceux qui n’ont pas de travail volontairement ou non, jeunes comme seniors. Transiger n’est pas renoncer. Ou être vaincu.     

Avec la tripartition actuelle au parlement on y est. Personne ne veut lâcher sur rien, campe sur les refus et désigne les autres comme responsables du naufrage annoncé. On n’est plus à un nouveau premier ministre près ! On a oublié les tergiversations paralysantes de la 4-ème république et on veut une 6-ème élue à la proportionnelle, en faisant payer les riches en général y compris les retraités qui toucheraient des pensions éhontées au détriment des jeunes actifs qui travaillent 35 heures par semaine et refusent de céder un seul jour férié ce qui représente quelques minutes de plus par jour ouvré sur l’année. C’est une rupture de contrat car quand j’ai commencé à travailler dans les années 1973 j’ai payé sans rechigner pour mes prédécesseurs, et on ne m’a pas prévenu que ma retraite dépendrait de la volonté de ceux qui plus tard produiraient, même moins avec l’évolution du droit du travail. Ou d’une population qui augmente sans participer aux charges collectives, avec des droits mais pas de devoirs. Jusqu’où ira- t- on ?  L’émotion ne remplace pas les besoins. L’Etat providence a les poches percées et l’Etat régalien a disparu. Si on va jusqu’au bout ce sera le Titanic : l’orchestre jouera de l’Offenbach pendant que le navire sombrera. Les femmes et les enfants d’abord.

 On ne m’a pas dit non plus que l’Etat deviendrait obèse en disant oui à tout, sans se remettre en question et en dépensant l’argent qu’il n’avait pas gagné. On évoque l’injustice et l’inégalité avec de prétendus auto- proclamés lanceurs d’alerte qui bêlent sans s’apercevoir que dans le monde et près de chez nous il y a de vrais malheurs et des individus qui voudraient travailler seulement pour survivre. La France n’est pas une perspective d’île dirait M. Houellebecq et il y a des périls majeurs qui menacent, dont des violences protéiformes parfois créées par des idéologies en réalité totalitaires puisque sectaires, les militants pensant que ce sont les autres que leurs amis et corps électoral qui sont à éliminer. Y compris physiquement dans le pays des droits de l’Homme, de la tolérance et de la république pour tous. Sans oublier la solidarité et l’ouverture des esprits. Pour tout cela on pourrait aller au bout si nos élites médiatiques s’y investissaient.

Au moins un déséquilibré comme d’habitude, a coupé l’arbre qui symbolisait le calvaire d’Ilan Halimi planté il y a ...20 ans à la suite de son assassinat antisémite barbare, près de Paris !  N’a-t-on rien appris sur le respect, le vivre ensemble et la fraternité pendant ces années, alors que les guerres font rage, que la survie de certains dépend au moins de la nuance des autres et de l’acceptation de la différence ainsi que du partage du fardeau ? On est au bord du précipice existentiel que l’on nie, et on coupe les cheveux en quatre, disant non par avance à tout alors même que les projets de réformes ne sont pas encore définitivement élaborés et proposés au vote de nos députés notamment dont on admire les compétences pointues et la modération en oubliant les intérêts vitaux de la France et tous les Français quels qu’ils soient.  En quoi des solutions drastiques- y compris non matérielles -qui s’imposent seraient- elles un coup de force ? Le président Mitterrand avant d’arriver au pouvoir dénonçait le coup d’Etat permanent. Il s’est servi aussi des institutions de la 5-ème république au moins pour mettre en place le tournant de la rigueur en 1983.Et combattre le racisme ou toute forme d’intolérance. On a participé. Mais une « austérité » dite sociale par définition pour les plus radicaux, n’a pas la même signification et impact qu’une réalité de droite ou du bloc central. Avec le camp du bien il parait que la misère est plus supportable au soleil et à gauche. Et lui seul a le monopole de la vertu. Prenons quand même garde à la canicule. A tout brûler on vit dans des cendres.  Le phénix politique est à trouver.  

Le parlement discutera, amendera et votera ou non les propositions du gouvernement. Cela s’appelle la démocratie. Peut-être interrogera -t- on directement les citoyens par référendum : c’est de la participation. M. Macron par monts et par vaux aura- t -il le temps d’en décider ? Ira -t -il au bout de ce qu’il a dit ?

 Les électeurs ont les élus qu’ils ont choisi mais ne sont pas contents puisque le 10 septembre prochain un mot d’ordre d’arrêt général de toutes activités émanant des réseaux sociaux va peut -être avoir lieu, sans leader ni slogan  sauf « à bas tout ! ». Quid ? Jusqu’où ira -t- il ?   

Pierre Dac répondait à la question philosophique de base « qui suis-je, d’où viens-je, ou vais-je ? » qui concerne tout individu : « je suis moi ; je viens de chez moi et j’y retourne. » On ira jusqu’au bout.  

mercredi 25 juin 2025

Les arroseurs arrosés

 

                                               Les arroseurs arrosés

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

Je n’ai plus le mode d’emploi qui me permettait de comprendre les dilemmes, les enjeux et les paroles qui vont avec pour choisir le bon camp. Je suis ringard. Donc un ennemi du progressisme qui serait une vertu quoiqu’il arrive.

Tout le monde a remarqué que les mots n’avaient plus de sens voire étaient à compréhension variable selon d’où ils venaient et à qui ils s’adressaient. On ne sait plus qui est la victime et qui est le coupable présumé innocent même si on a vu son geste en direct. L’état de droit est devenu un cache- sexe. Quand il y a un acte odieux avec victimes sanglantes commis par un adulte ou un mineur de plus en plus jeune, il ne faut pas hurler d’effroi ou avec les loups extrémistes. Il ne faut pas donner un nom ou un prénom qui peut stigmatiser. Il n’y a que des faits divers pas des tendances de société. Il faut s’indigner en silence et si possible faire preuve de compassion en ne donnant pas sa haine. Bien vu l’aveugle comme disait mon sergent pendant mon service militaire ! Mais à force de nier la réalité, le boomerang revient à la face des plus crédules ou militants sectaires (pléonasme) qui croient arriver au pouvoir en reculant sur tout. Et en diluant les responsabilités.

Chacun choisit son qualificatif dont la gravité et l’indignation sont répétitives : inacceptable, intolérable, inadmissible, barbare, plus jamais cela... et tout continue comme avant puisque nos courageux parlementaires visent 2027 et ne votent aucune des mesures drastiques qui s’imposent , sous des prétextes divers .Dont le rôle néfaste de l ’Etat et des institutions ; celui  des privilégiés ; l’injustice et le racisme à tous les étages ; la misère sociale et le déracinement puisqu’on accueille mal ... et j’en passe. Paroles, paroles chantait Dalida. Sans incriminer le responsable qui ne l’est plus ou moins car c’est un frustré ayant besoin d’argent ou un déséquilibré à la santé mentale déficiente. Pour la victime du hasard c’est définitivement terminé, bien qu’elle fût en pleine santé, respectait la loi et toutes les contraintes collectives, ne détestait personne et avait de la famille. Mais pas de chance.

Les minutes de silence qui deviennent la norme ou les marches blanches systématiques sont normales pour les victimes innocentes. Mais sont parfois assourdissantes sinon incongrues pour les individus qui ont participé à leur propre malheur. Même si une vie en vaut une autre. Certains devraient réfléchir avant de pouvoir résister à leurs pulsions. Et des slogans entendus sont hallucinants de bêtise et de mauvaise foi.

On ne sait plus ce qu’est le bien et le mal et les grands principes républicains avec notre devise française sont contestés. Y compris l’usage de notre langue qui n’est pas notre monopole pour M. Mélenchon qui veut créoliser. Là les bras m’en tombent ! Notre langue porte nos valeurs et notre culture. Elle n’est pas un « gloubi-boulga ».  

Ce n’est pas en donnant des cours d’empathie en maternelle ou de vivre ensemble plus tard malgré ce qui se passe dans les collèges, qu’on arrivera à éradiquer la violence qui trouve des sources extérieures et avoir un minimum d’union sur les valeurs. Beaucoup qui vivent en France ne l’aiment pas et tirent des balles dans le pied. On exige toujours plus et de la repentance ce que je n’approuve pas. Je ne sais pas jusqu’où ira l’escalade, personne ne maitrise plus rien. On accuse pour tous les sujets. On devrait se regarder dans le miroir et se demander si on n’a pas une part personnelle et égoïste même involontaire de responsabilité dans l’effondrement. Sans introspection profonde il n’y aura pas de solutions viables. Nous sommes des arroseurs-arrosés.

En matière internationale aussi, on ne sait plus où on en est. Barbey d’Aurevilly disait que « le bien et le mal sont une question de latitude ».

C’est un sac de nœud généralisé partout sur la planète. Tous les belligérants accusent leurs adversaires d’avoir violé le droit public international sans citer un texte. Seuls les professeurs de droit spécialisés, des diplomates et des experts militaires notamment connaissent la matière avec les règles de la guerre ou du commerce, ou la protection des frontières et des territoires et des civils. Les chefs d’Etat avant tout politiques se font conseiller pour savoir qui peut faire quoi, comment et dans quelles conditions sans risque pour eux.  

On parle sur tous les médias pour déplorer et faire des hypothèses mais ne rien dire au fond.  Les journalistes ne peuvent se mettre dans le cerveau et à la place de ceux qui sont aux manettes. Ils informent de ce qu’ils savent et commentent. Qui s’y connait vraiment concernant la non-prolifération des armes nucléaires et leur éventuelle utilisation ?  On fait peur. Et tout s’embrouille.

Comment reconnaitre l’agresseur et l’agressé ? Celui qui attaque car il protège ses intérêts ou a subi de graves préjudices et drames, et celui qui se défend alors qu’il dénonçait en provoquant et considère qu’il a le droit légitime de répondre, donc d’attaquer. C’est l’éternelle question de l’œuf et de la poule. Qui a commencé ?  Il y a aussi ceux qui s’invitent dans la guerre par un soutien idéologique ou religieux sinon intéressé ou pour défendre la démocratie en général avec ses valeurs universelles. Ou pour écarter un danger de façon préventive. Dont un envahissement brutal.

Il faut bien que les guerres cessent sans faire perdre la face à personne et que les diplomates trouvent des compromis. La cour internationale de Justice qui juge les Etats se prononcera et la Cour pénale internationale née à Rome en 1998 qui est compétente pour les personnes de tout niveau hiérarchique soupçonnées d’être coupables de crimes de guerre et contre l’humanité, de génocides, de guerres de conquête, enquêtera et incarcérera s’il le faut. Le combat contre Dieu est asymétrique mais il doit vouloir la paix c’est sa mission. Quand la guerre est existentielle pour un Etat que l’on veut rayer de la carte, on sait qu’il ira jusqu’au bout et que la communauté internationale devra prendre des décisions fortes pour l’arrêter. On apprend que la guerre Israël versus USA contre l’Iran serait quasi achevée ? Avec uniquement des vainqueurs et aucun perdant ?

 L’ordre public international d’après 1945 n’est plus. L’ONU est en coma dépassé. Les pays émergents ne veulent plus de la domination occidentale. Les arrosés sont peut- être les futurs arroseurs.

 

mercredi 11 juin 2025

Est-ce bien démocratique ?

 

                                         Est-ce bien démocratique ?

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

On vit une époque curieuse quel que soit le sujet ou le domaine. Ça ne va jamais. Après l’annonce de la décision prise ou envisagée, on proteste, on polémique, on s’indigne, on crie à l ’atteinte aux libertés, à la démocratie, à la faiblesse pas à la hauteur des enjeux ou à une dureté contre-productive. On voit ou imagine des intentions perverses sur tout, on veut immédiatement saisir la justice comme si les juges étaient des magicien(ne)s et trouvaient des solutions là où les responsables se sont défilés.

 Chacun détient la vérité. L’autre est soit un barbare soit un inconscient. A force de tirer sur la corde ne va -t-on pas aboutir à un vrai régime autoritaire ou illibéral que tout le monde dénoncera après en avoir fait le lit ! Les juges ont essayé de redresser les votes en Roumanie, en Géorgie, peut être en Hongrie et demain en Pologne ? Attention à la dérive judiciaire. En France on fait confiance à notre magistrature qui ne peut être soupçonnée. Et on écarte les algorithmes délinquants.  

Je suis pour l’état de droit dont on se gargarise pour tout et son contraire tel que la Constitution de 1958 l’a établi. Avec des élections libres dont on doit respecter l’expression qu’elle plaise ou non, sans manœuvre ; la hiérarchie des normes qui signifie que l’avis de quelques individus ou groupe d’activistes ne peut être à égalité avec la loi ou les décisions de justice. On a le droit de manifester son opposition mais on n’ouvre pas les hostilités qui cassent le bien des autres quand on n’est pas d’accord.

Est- ce bien démocratique que la violence se substitue au dialogue et à ce qui a été voté ?

Avec deux pouvoirs : l’exécutif qui est nommé par le président de la République élu au suffrage universel. Et le législatif avec les députés de l’Assemblée nationale que le peuple a choisis quitte à ce qu’aucune réforme ne puisse être votée faute de majorité ; et le Sénat Grand Conseil des communes de France dont les sénateurs sont élus par les représentants des collectivités territoriales. C’est bien démocratique.

Il faut y ajouter l’autorité judiciaire dont les procureurs qui ont un lien avec le ministre de la Justice et les juges du siège totalement indépendants. Ce qui devient malheureusement une question : en quoi sont-ils légitimes alors qu’ils se prononcent au nom du peuple français donc de l’intérêt général et à qui rendent -ils des comptes ? On ne leur demande pas de changer la société selon leurs critères ou d’être l’avant- garde du progressisme. Ou d’être conservateurs et de suivre l’opinion publique. Ou de rendre des services à je ne sais pas qui. Mission délicate il faut l’admettre.

La Bruyère a écrit : « le devoir des juges est de rendre la justice. Leur métier est de la différer. Quelques-uns savent leur devoir et font leur métier ».

Les Français ont choisi trois blocs avec l’arc républicain et ont le résultat de leurs votes.  Le Président a voulu les punir par la dissolution.

 Est-ce bien démocratique ? Comme le référendum annoncé devenu l’Arlésienne.  

Les parlementaires qui ont entendu le cri des gueux viennent de supprimer les Z.F.E. M. Lombard ministre des Finances qui a du mal à trouver 40 milliards d’économies sans s’attaquer au mammouth de l’Etat a dit que c’était une erreur écologique et qu’il faudrait les rétablir, Paris et la santé le valant bien. 

Est-ce bien démocratique que le ministre issu de la caisse des dépôts, avec chauffeur, s’oppose à la volonté du peuple ?

M. Darmanin quand il était ministre de l’Intérieur ne croyait pas à juste titre au sentiment d’insécurité. Comme Garde des sceaux il a proposé des mesures plutôt drastiques comme des courtes peines vraiment exécutées, la suppression du sursis, des peines planchers ou minimales et de revoir l’ordonnance de 1945 réformée encore récemment sur les mineurs et d’emprisonner. C’est un tollé.

 Les magistrats qui ont le droit de s’exprimer au-delà de leur devoir de réserve sont montés à la barre. Ils sont aussi citoyens et défendent leurs fonctions. Le 1er président de la Cour de cassation a dénoncé du populisme anti-judiciaire. Mais c’est quoi le contraire de populisme ? De l’élitisme par un petit milieu se sentant éclairé qui prétendrait avoir les solutions s’il avait des moyens ?  Le procureur général de la Cour de cassation a contesté l’accusation de laxisme judiciaire au prétexte que les juges appliquent la loi fabriquée par les parlementaires ou l’Europe.  C’est vrai, mais rien n’interdit aux magistrats de faire des revirements de jurisprudence puisque la loi s’interprète et d’aller au quasi maximum des textes existants, dans certains cas.  

Est- ce bien démocratique de ne choisir que ce qui déplait aux victimes et au peuple ?

Le terme prison est le repoussoir pour les bonnes âmes qui rejettent les difficultés sur la société qui serait structurellement raciste, discriminatoire et socialement inégalitaire.  C’est globalement faux même si rien n’est parfait et qu’il peut y avoir des bavures et des injustices. La société idéale n’existe pas. Eurêka, en ne bâtissant pas des prisons on ferait des économies !   

Il ne s’agit pas de rejeter la prévention au profit du tout répressif. Les deux se complètent. Les politiques pénales de Mesdames Taubira et Belloubet basées bien avant elles sur une idéologie Rousseauiste erronée en la croyance d’un homme né bon ou d’une femme née bonne ne sont plus adaptées à l’époque et ont échoué. L’ordre puis la punition génèreraient de la délinquance ? Le président méprise les problèmes régaliens dont la sûreté première des libertés. Est -ce bien démocratique ?

Pourquoi ne pas essayer d’autres méthodes en conservant nos grands principes et nos valeurs républicaines. Désormais la vie ne tient qu’à un fil, l’exaspération, le ressentiment ou la haine d’un autre. L’autorité est un gros mot. Obéir est déshonorant. La règle nuirait.

Est-ce bien démocratique de ne pas s’adapter au monde devenu plus menaçant et à l’individu qui ne tolère plus de limites à ses frustrations et à sa violence ?

vendredi 16 mai 2025

Revenons aux fondamentaux de la justice

 

                          Revenons aux fondamentaux de la justice

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

En ce moment je suis un peu désespéré par la justice sous toutes ses formes. Je m’inquiète car je sens une dérive dangereuse. J’ai entendu des personnalités politiques dire qu’un non- lieu ou une relaxe ne changeaient rien aux faits qui étaient reprochés et que ce n’était pas la preuve d’une innocence ! Mao Tse Toung ou Trotski sortez de ces esprits. Je cite en vrac quelques interrogations.  

 L’émotion est la base de tout. Les faits deviennent secondaires. L’honneur des uns et des autres est bouleversé sur une simple affirmation. Tout le monde s’en mêle et l’indignation vaut réalité. Attention ce qui arrive à des personnalités peut un jour concerner le quidam puisqu’on ne veut plus de prescription. On pourrait accuser à vie. Naturellement les coupables avérés doivent payer. Les victimes ont droit à réparation ou d’avoir l’esprit libre. Avec des souvenirs qui se révèlent tardivement. Elles n’y sont pour rien. Mais ne cherchons pas des coupables quoiqu’il arrive avec des raisonnements contemporains. La justice n’est ni la vengeance ni la condamnation d’une faute globale ou par inaction. Ni la volonté de créer une société pure et sans tâche. Sinon on ne cessera de sortir du placard les cadavres coupables ou non de l’histoire et on installera la désunion. Ou la repentance perpétuelle.

Quand le parlementaire enquête et enlève son écharpe pour revêtir le costume du juge on est dans la confusion. Si ce n’est dans l’arbitraire puisqu’on veut une Justice indépendante de toute pression. Qu’il s’occupe de contrôler nos finances et de bâtir un budget en équilibre ; qu’il vérifie le fonctionnement des institutions ; qu’il fasse tout pour participer à des débats dignes qui renforcent la nation... Mais qu’il laisse de côté son aspect justicier surtout quand le présumé suspect est un adversaire politique. Et je n’évoque même pas les qualités nécessaires juridiques et judiciaires, le sens du débat contradictoire, des droits de la défense, de la présomption d’innocence et sans juridiction d’appel.  Outre la neutralité et l’impartialité c’est à dire les qualités que l’on exige des magistrats professionnels. Diffamez, insinuez, il en restera toujours quelque chose. On n’est pas dans une instruction judiciaire à charge et à décharge d’où rien ne doit filtrer sous peine de délit !  L’élection ne confère ni compétences ni hauteur. S’il y a eu jadis des manquements collectifs ou des insuffisances voire des « protections » pour ne pas faire savoir, qui sera condamné ?

J’ai écouté M. Bayrou1er ministre mais surtout parent d’élève donc intimement concerné pour le scandale de Betharram interrogé par M. Vannier de LFI plus proche de Fouquier-Tinville que d’un simple procureur membre du syndicat de la magistrature.  M. Vannier a décrété que M. Bayrou avait menti sous serment quelles que soient ses explications et preuves. Il ne cherchait pas la vérité des faits. Il a instruit à charge politique exclusivement.  La commission d’enquête n’en sort pas grandie. Il va falloir revoir ses compétences et sa procédure.

C’est le président Mitterrand qui avait parlé de la force injuste de la loi. Le juge doit naturellement appliquer la légalité, quand il ne l’interprète pas.Il doit mesurer les effets pratiques de sa décision sur les citoyens, sur la démocratie ou sur une future élection. Il ne peut se substituer au peuple. Ou vouloir privilégier telle ou telle victime même si on est d’accord avec lui que le délit ou le crime est odieux. Sinon l’unité de la nation est ébranlée. Le doute s’installe.

On n’ose pas critiquer les juges sauf à être taxé de populiste voire d’extrême. Mais ils n’ont pas toujours raison. Au procès Depardieu ils ont condamné plus sévèrement sous le curieux concept de victimisation secondaire à l’audience parce que l’avocat du prévenu que je ne défends pas particulièrement, aurait eu un comportement outrancier et méprisant pour les parties civiles. Mais on peut tout dire à condition d’avoir du talent. Y compris contester des accusations. Outre que le président du tribunal a la police de l’audience et peut demander à un avocat de se modérer, sous l’autorité du bâtonnier. L’avocat peut et doit être libre de choisir sa stratégie et son expression de défense qu’il pense utiles à son client. Quitte à être contre -productif.

Après 1981 j’ai eu modestement l’occasion de plaider notamment avec ou contre Mes Jacques Vergès ou Thierry Levy pénalistes ténors qui s’attaquaient aux puissants et à l’Etat et prononçaient des plaidoiries de rupture. Féroces et parfois très blessantes pour leurs adversaires, avocats compris. Personne ne les a condamnés pour leurs propos parfois insupportables. Leurs victimes ont encaissé. A l’époque le combat judiciaire n’était pas uniquement émotionnel.   

Les parties civiles ne subissent pas une deuxième victimisation à l’audience car un tribunal juge des faits qui doivent être prouvés, les personnalités et en droit. S’il faut demander pardon et aller à Canossa en ménageant les parties civiles ou les opposants en croyant aveuglement à leurs paroles, la défense ne sera plus ce qu’elle devrait être. Elle doit être ferme et incisive et sans haine. Et subtile envers le malheur réel ou exagéré ou non démontré des plaignants. Les avocats des parties civiles peuvent redresser la barre au lieu de se plaindre de la méchanceté du confrère et remettre en place l’insolent ou l’insultant. On juge le prévenu pas son conseil. Le tribunal n’est pas l’arbitre des élégances et du bon goût ou de la compassion. La défense ne peut être censurée sinon c’est l’Etat de droit qui vacille. La vérité n’est pas univoque.

Dans les affaires sensibles l’avocat est souvent seul contre tous, contre la société, contre la doxa. Faisons en sorte que la défense puisse toujours être présente et s’exprimer. Tout le reste est polémiques stériles.   

Revenons aux fondamentaux. Aux parlementaires la loi et la politique. A la justice neutre et impartiale l’examen de la culpabilité ou de l’innocence. Et le devoir de trancher les litiges qui lui sont soumis. Pas de bâtir une société idéale socialement ou par les mœurs qui d’ailleurs évoluent. Ou politiquement.  Aux avocats la lourde responsabilité de défendre tous ceux qui font appel à eux. Et de choisir leurs arguments.

 C’est ainsi que la confiance reviendra.    

vendredi 18 avril 2025

La quadrature du cercle

 

                                   La quadrature du cercle

          Par Christian Fremaux avocat honoraire

Gavroche chantait « je suis tombé par terre c’est la faute à Voltaire, le nez dans le ruisseau c’est la faute à Rousseau ».  On ne sort pas des raisonnements binaires. L’actualité judiciaire le prouve.  Une candidate à la présidence de la République va-t-elle faire défaut en 2027 ? S’en remettrait- on ? Un seul être vous manque et le monde est dépeuplé.

Comment concilier la Justice c’est -à- dire le droit sans privilégiés et la politique c’est- à- dire le bien pour tous ? Arriverons nous à dépasser nos préjugés pour sortir d’accusations sans fin. Peut-on aboutir à un gagnant -gagnant et ainsi avoir une société qui ne s’émeut pas quand la justice se mêle de politique ? Doutons-nous de nos principes suprêmes, ceux qui sont les piliers de la République ?  Peut- on débattre avec la raison sans émotion ?

Une société moderne qui fonctionne harmonieusement c’est comme un triangle qui devrait être isocèle : en pointe en haut la démocratie, à une base le peuple et à l’autre la justice. Mais des géomètres ne l’observent pas ainsi.

M. Pierre Rosanvallon a déclaré au journal Le Monde « que les juges incarnent, autant que les élus, le principe démocratique de la souveraineté du peuple ». Quand il était président du conseil constitutionnel M. Fabius avait fait savoir par avance sauf erreur, que tel référendum sur tel sujet ne serait pas conforme au texte suprême. Sauf à réformer la constitution.

 Si une autorité qui n’est pas dans le camp du bien s’était ainsi prononcée comme ces deux intellectuels, ça hurlerait dans le landerneau médiatique. On crierait au coup d’Etat juridique et au gouvernement des juges outre le déni démocratique ! Et que le peuple est secondaire face à une élite éclairée ! L’Histoire bégaie.   

 Je ne peux me comparer avec ces sommités philosophique et sociologue ou juridique mais comme j’ai une voix/un bulletin de vote comme eux je m’exprime comme électeur de base, membre du peuple d’en bas. Je m’autorise à parler de démocratie et des juges. Je ne suis pas d’accord avec ces personnalités qui réfléchissent subtilement. Le peuple n’a pas besoin qu’on lui tienne la main dans l’isoloir. Ou que des juges agitent leur couperet légal. Il est sur le terrain et y a appris la vie. Il subit depuis des années les politiques publiques versatiles qui ont mené dans le mur sinon à la faillite, sans oublier les menaces de toute nature. Et on lui dit que c’est sa faute ! Si désormais les juges sont à égalité avec lui voire ses supérieurs, il désespère. Alors que les décisions sont prises au nom du peuple français qui est donc le souverain unique. La souveraineté ne se partage pas, comme la bombe atomique.  

Les citoyens croient trouver en la justice des arbitres impartiaux malgré tout ce qui se colporte et des bavures conduisant au mur des cons. Et ce seraient les 9000 magistrats de France qui après avoir réussi jeunes un concours difficile, sont nommés à vie, en gardant leurs convictions et croyances, en ne rendant quasiment pas de comptes puisqu’ils sont indépendants -les procureurs étant un peu à part- qui montreraient la voie à suivre à des millions d’électeurs ? Ou qui par leurs jugements parfaitement légaux en appliquant les lois que les parlementaires votent, pèseraient même indirectement sur un scrutin public et ainsi orienteraient ou contrarieraient le vote des citoyens. Ou empêcheraient telle volonté. La citoyenneté démocratique serait avant tout ou aussi judiciaire ? J’ai dû comprendre de travers MM. Rosanvallon et Fabius en croyant qu’il y aurait deux légitimités égales avec un penchant favorable pour la Justice. Exit les manants.

Il ne s’agit pas de remettre en cause l’état de droit qui se caractérise par la séparation des pouvoirs, la hiérarchie des normes donc la constitution et la loi d’abord, et une justice indépendante. Qui veille sur les libertés fondamentales et les déclarations des droits. Et des devoirs qui protègent la collectivité. Souvenons-nous qu’en 1958 la constitution a qualifié la justice d’autorité judiciaire et non de pouvoir. Mais rien n‘interdit de muscler le droit pour faire face à ce qu’on n’avait pas prévu dans les années passées et à la conjoncture mondiale qui change. Au lieu de lois parfois fumeuses et qui clivent à portée sociétale attaquons nous aux vrais problèmes quotidiens qui engagent aussi l’avenir. Et ne voulons pas tout règlementer. Faisons confiance à la conscience des citoyens et des professionnels en fixant seulement des limites. Ne remettons pas toute question à la sagesse des juges. En revanche respectons le vote des citoyens qu’il faut convaincre, pas exclure. L’arc républicain tire des flèches empoisonnées. C’est cela la démocratie élémentaire. Il appartient ensuite aux élus de faire taire leurs inimitiés voire plus et certitudes dogmatiques et de trouver des solutions consensuelles. Les donneurs de leçons n’ont pas la science infuse.   

 Pour résoudre la quadrature du cercle Il est peut- être temps de revoir le rôle de la justice qui est essentielle dans un état de droit. A la condition qu’elle ne se substitue pas au peuple au nom de qui elle se prononce. Il y a un équilibre difficile à trouver mais on peut le faire. Pour sortir de nos querelles et que le soupçon n’existe plus. Quand on touche aux juges, quand on les attaque, quand on les contourne, la démocratie vacille. Et le peuple en subit les conséquences. Mais il faut aussi que les magistrats y mettent du leur, qu’ils ne se drapent pas dans leurs robes immaculées et qu’ils acceptent d’être critiqués. Que leurs responsabilités puissent être engagées comme pour tout citoyen d’une démocratie. Il n’y a pas de plus égaux que d’autres.

Les réformes sont connues et sont dans les tiroirs. Que nos parlementaires -forcément courageux comme l’aurait écrit Marguerite Duras - aient la hardiesse de voter une grande réforme urgente. Une fois n’est pas coutume !  On ne peut continuer de s’étriper à chaque fois qu’un politique est jugé. Et ce n’est pas fini puisqu’on veut laver plus blanc que blanc. A qui le tour M. propre ? La justice a les yeux bandés mais porte la balance et le glaive.   

Il ne peut y avoir des juges contre la démocratie ou la démocratie contre les juges. Les légitimités se complètent et ne se combattent pas. Ce que veut le peuple il doit l’obtenir. Que cela plaise ou non à des minorités ou à ceux qui pensent avoir la vérité. 

vendredi 11 avril 2025

Erreur d’aiguillage

 

                                                Erreur d’aiguillage  

                         Par Christian Fremaux avocat honoraire

J’ai lu le jugement qui indigne Mme Le Pen et ses amis. Décision hâtivement et beaucoup commentée surtout par ceux qui ne l’ont pas lue ou par des militants outrés que l’on touche à leur idole devenue un espoir pour 2027. Il est très motivé et bien écrit de façon claire et didactique en listant toutes les hypothèses y compris les conséquences politiques de l’inéligibilité. Mais il peut y avoir erreur en droit. D’où le double degré de juridiction comme la deuxième chance ou plus si affinités pour les délinquants récidivistes ordinaires ! Se contenter d’appliquer la loi n’est pas automatiquement une excuse et un solde de tous comptes surtout quand la sanction n’est pas obligatoire.

Je ne suis pas d’accord avec toutes les considérations générales des juges notamment pour l’exécution provisoire ou sur l’affirmation que les citoyens exigeraient pour l’avenir de plus en plus de fermeté pour les élus qui ne respecteraient pas la loi. C’est le souhait d’une société idéale pas une réclamation globale. Les citoyens veulent aussi juger avec leurs bulletins de vote. Mais ces analyses relèvent du pouvoir d’appréciation des magistrats, liberté qui doit être approuvée. Voudrait-on des décisions rendues par la seule intelligence artificielle ? J’attends l’appel car il est possible que sur le fond il y ait culpabilité ? Je crois en la présomption d’innocence jusque le point final. Je m’abstiens de toute observation car ma voix n’est pas autorisée et pour ne pas en rajouter dans l’approximation et le doute envers les juges.

Quand le sage montre l’infraction, l’idiot utile ou le partisan regarde le doigt qui désigne son chef pour lui forcément innocent.

 Il ne faut pas se tromper de débat. Ce n’est pas le procès d’une personnalité qui compte. C’est le rôle fondamental de la Justice dans la démocratie. Puisque la Justice est rendue au nom du peuple français il est normal que les citoyens la critiquent et s’étonnent de certains jugements, à tort ou à raison. Les juges avec leurs subjectivités interprètent la loi votée par les parlementaires qui parfois font n’importe quoi sous l’émotion, sans mesurer la portée de leurs textes.  Ils estiment incarner le bien et ce que veut le citoyen. C’est- à -dire l’intérêt général. Mais il peut y avoir des effets boomerangs. Et des conséquences secondaires discutables. Outre le fait que le citoyen peut changer d’avis.

On voudrait que la Justice reste à l’écart sauf pour ses adversaires ou concurrents. Qu’elle ne se mêle pas à son insu de son plein gré à la vie politique. Mais la justice ne s’auto-saisit pas et les juges du siège répondent à une plainte ou à une accusation du parquet et aux arguments des parties.

Depuis des décennies on discute surtout sur le statut des procureurs placés sous le magistère du ministre de la Justice. Mais on ne touche à rien. L’indépendance des magistrats est un serpent de mer car on n’ose pas mettre sur la table les difficultés et réformer. Qu’entend-on par indépendance, comment et par rapport à qui, avec quelle légitimité et quels contrôles ?   Il ne s’agit pas de contraindre les juges ou de les enfermer dans un cadre rigide. Il faut leur donner les moyens de juger vite et mieux, car sans arbitres neutres une société ne peut progresser dans la sérénité. Il y aura toujours des cas qui émeuvent, révulsent notamment pour les crimes et délits ou qui sont considérés comme une injustice. Mais le domaine pénal est une partie du contentieux avec le civil, le social, ou le commercial qui comptent dans la vie quotidienne. 

 Les juges sont des hommes et des femmes qui peuvent se tromper, de bonne foi. Il ne leur est pas interdit de faire leur auto-critique et de suggérer des mesures pour évacuer la méfiance ? Ils ne reçoivent pas d’instructions individuelles mais ils peuvent vouloir être conformes à la doxa ? Ils ne sont pas tous partiaux comme les membres du syndicat de la magistrature qui n’ont jamais leurs responsabilités engagées, ce qui pose un problème pour l’institution. Ou qui sont décidés à se substituer au vote populaire pour imposer une société selon leurs convictions personnelles. Ce serait la nation construite par une minorité prétendument visionnaire et utopique en droit. Le devoir de réserve devrait être accentué. Les justiciers n’ont rien à y faire.

On doit avoir confiance dans la Justice donc envers les juges. L’état de droit que l’on met à toutes les sauces soit pour dénoncer des menaces extrêmes sur la société et les libertés soit pour justifier ou combattre telle décision judiciaire, est dévoyé de son contenu. L’état de droit c’est la séparation des pouvoirs, la hiérarchie des normes et l’égalité de l’accès au juge, avec des élections libres (sans exclusion d’électeurs). La justice en fait partie mais elle n’incarne pas en exclusivité l’état de droit. D’autant plus que notre Constitution de 1958 parle d’une autorité judiciaire.  Il est donc possible d’apprécier les jugements et arrêts mais sans s’attaquer à la personne des juges.

On peut aussi sans changer notre organisation réformer le droit pour s’adapter aux circonstances et menaces nouvelles. Ce n’est pas détruire l’état de droit. Tout n’est pas liberticide. Depuis des décennies on a choisi les droits individuels. Mais la société a le devoir de se défendre et de répondre par des mesures fermes à ce qui la menace. Ou à la violation de la loi qui concerne par nature tous les citoyens. Les valeurs républicaines dont on s’enorgueillit à juste titre deviennent des incantations quand elles sont régulièrement bafouées, en retournant leurs contenus contre elles- mêmes. Autorité et humanisme sont compatibles. Mais tolérance et libertés ne veulent pas dire impunité et laxisme.

 La Justice doit participer à ce combat avec les armes légales dont elle dispose. Au lieu de s’invectiver au parlement les députés surtout feraient mieux de légiférer après étude d’impact dans un consensus minimum puisque le but est de conserver une société apaisée et d’envisager l’avenir dans une harmonie acceptée. Aucun parti ne détient la vérité. Il appartient aussi aux électeurs de faire des bons choix car le grand soir n’est pas souhaitable et de constituer des majorités qui permettent d’agir. Les politiques ne sont pas seuls responsables du chaos. Le citoyen a le résultat de son vote. 

Les juges ne peuvent être cloués au pilori car à chaque décision les soutiens changent de camp. Habituons-nous à la modération et à l’objectivité sachant que dans un procès il y a deux mécontents. Celui qui a gagné et ce n’est pas trop tôt et pas assez. Et celui qui a perdu, les juges n’ayant rien compris ou étant iniques. En plus de dizaines d’années d’exercice comme avocat je n’ai jamais entendu qu’un jugement pour une affaire sensible faisait l’unanimité des opinions. Les juges n’y peuvent rien. Ne tirons pas sur les magistrats ils sont désarmés et muets. 

Il ne faut pas faire d’erreur d’aiguillage. L’étape ultime de destination est le bon fonctionnement de la justice dans toutes ses composantes ; des moyens accrus ; des délais les plus courts possibles avec appel ; des magistrats indépendants de toute influence mais rendant aussi des comptes au moins à un organe institutionnel avec des élus, des experts, des représentants de l’Etat et des citoyens potentiellement justiciables.  Donc devant le peuple français dans sa diversité. Il n’est pas question de mettre des bracelets démocratiques aux juges. On a besoin de professionnels insoupçonnables incarnant l’intégrité Intellectuelle sinon morale.  

La vie n’est pas binaire. La justice est une et indivisible. 

mardi 1 avril 2025

Deux pour le prix d’une

 

                                            Deux pour le prix d’une

               Par Christian Fremaux avocat honoraire

Au secours la justice viendrait de mettre à bas la vie démocratique de notre vieux pays. C’est un scandale historique ! dans une semaine judiciaire agitée (pour M. Sarkozy par exemple).  La justice partiale empêche une femme politique représentant des millions d’électeurs de se présenter en 2027. L’émotion est à son comble et même des adversaires politiques s’interrogent sur l’opportunité qu’il y avait à prononcer une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire contre Mme Le Pen. Qu’elle soit coupable est secondaire.

 D’autres approuvent les juges et sont extrêmement sévères jusqu’au moment où eux -mêmes auront des soucis. Avec l’effet boomerang de la loi en cause forcément injuste. Ou mal pensée. Me Maisonneuve avocat partie civile pour le parlement européen avec courage et une grande honnêteté intellectuelle a considéré que la culpabilité sur le fond était établie mais qu’il était réservé sur l’exécution provisoire. J’approuve cette analyse et ouverture d’esprit qui respecte en plus les règles légales. Car personne n’est à l’abri d’une mauvaise surprise surtout avec un droit malléable.

Relativisons car les guerres en Ukraine et à Gaza restent ainsi que tous les problèmes que nous devons affronter quotidiennement. Mais l’heure est grave. Le destin d’une femme politique n’est plus entre ses mains. Mais dans celles des juges ce qui est plus inquiétant. Il faut savoir ce que l’on veut. Soit on laisse les magistrats juger à partir des lois existantes en se désolant qu’ils interviennent indirectement dans l’échéance électorale. Soit on réduit leurs pouvoirs juridictionnels. Et on les empêche de prononcer des peines d’inéligibilité ou pouvant entraver une candidature.  La confiance des citoyens envers les dirigeants a besoin de certitudes et pas de géométrie variable.        

Si on cède au partisanisme, il faut alors se poser la question de l’étendue et de la garantie de l’état de droit. M. Trump ne s’embarrasse pas de scrupules à ce sujet : il s’attaque frontalement aux juges. Comme dans des démocraties illibérales sinon dans les régimes totalitaires. En Turquie M. Erdogan incarcère les avocats et ses opposants. Avec exécution provisoire et peut être exécution tout court et disparition ?

 Voulons- nous faire de même ou confirmons-nous la théorie de Montesquieu sur la séparation des pouvoirs et la nécessaire indépendance des juges. Avec la mise en cause de leurs responsabilités en cas d’erreurs avérées. Ils jugent au nom du peuple français qui est le souverain et qui leur a délégué son pouvoir régalien. Ils doivent donc être aussi insoupçonnables comme la femme de César. Justice et politique ne font pas bon ménage. Douter des juges est hasardeux. Même si parfois ils se donnent des verges pour se faire battre. Rappelons-nous le mur des cons et la réaction supersonique du parquet national financier à l’encontre de M. Fillon. La petite musique sur le gouvernement des juges s’amplifie. Allons-nous vers une crise de régime avec l’élimination judiciaire d’une opposante ? Sans recours réel.     

Dans le cas de Mme Le Pen les procureurs avaient tapé très fort, trop pour mon goût. Car en droit les délits poursuivis pour la période 2004 à 2016 se discutent. En raison de l’obscurité des textes. Y a -t- il - eu système pour détourner de l’argent public ?  Seul le tribunal peut trancher comme pour les autres affaires de nature similaire. M. Bayrou a été relaxé au bénéfice du doute. Il doit attendre l’appel avec inquiétude ? M. Mélenchon a ri jaune. Car il ne croit qu’au bon sens du peuple. Donc des juges ?   

 Les trois juges qui ont condamné sont indépendants. Ils ont entendu le débat dans l’opinion publique. Ils connaissaient la portée de leur jugement. Ils ont quand même baissé le pouce comme à Rome.   

Une décision de justice aussi importante soit -elle ne peut bouleverser l’ordre de la nation. Que la sidération retombe car nous ne sommes qu’à une des mi-temps du match. L’élection n’est pas un brevet de blancheur et ne confère pas une immunité pour tout mais les élus nationaux ont tendance à penser que le seul verdict qui compte c’est celui des électeurs. Oui et non car s’ils commettent des délits ils doivent en répondre. Pas plus mais pas moins que le modeste justiciable.

Je n’ai pas lu le jugement comme la plupart des commentateurs devenus experts judiciaires. J’ai entendu les indignés. Je vais faire quelques observations secondaires.

- Si l’inéligibilité est de droit, les juges pouvaient écarter sinon limiter l’exécution provisoire par une motivation appropriée.  La loi Sapin de 2016 l’autorise.

-l’exécution provisoire est fondée sur la possibilité de récidive : c’est un argument osé purement hypothétique. Et elle serait justifiée par le fait que Mme Le Pen et ses amis ont été dans le déni et n’ont pas accepté de reconnaitre leurs fautes à l’audience. C’est stupéfiant : faut-il avouer être coupable et ne pas se défendre pour bénéficier de circonstances atténuantes voire d’une relaxe pour coopération ? Les procureurs sont- ils infaillibles au nom de l’intérêt général ? Détiennent-ils la vérité et la morale quoiqu’il arrive ? L’ordre public est menacé par une décision outrancière, pas par celui ou celle qui use des droits de la défense piliers de la justice. Dont la possibilité d’une deuxième chance.

-il y aura appel. Le parquet général qui est l’accusation peut fixer l’audience très rapidement. On le voit fréquemment pour les affaires sensibles ou de principe. Par exemple en septembre avec une décision pour fin 2025.Soit le jugement avec l’inéligibilité est confirmé soit il est infirmé. Le droit et l’élection sont tous deux gagnants. Et la justice ne pourra être accusée de manœuvrer pour écarter une candidate. Qui va faire de la résistance.  

Enfin si M. Bardella remplace Mme Le Pen toujours députée bien qu’inéligible désormais, qu’il soit élu président de la République et qu’il nomme celle -ci premier ministre ou conseiller spécial on aura ainsi deux exclus de l’arc républicain pour le prix d’une. Et si le RN n’était cyniquement pas mécontent de ce coup de théâtre prévisible ?

 Mal joué les malins. De tous les camps.   

jeudi 27 mars 2025

La justice spectacle

 

                                            La justice spectacle

                  Par Christian Fremaux avocat honoraire

La loi est formelle : l’instruction judiciaire est secrète. Rien ne doit être divulgué des investigations en cours et seul le procureur de la République peut s’exprimer. Les avocats sont soumis au secret professionnel d’ailleurs malmené actuellement pour des impératifs sécuritaires. On leur concède chichement le droit de s’exprimer publiquement dans l’intérêt de leurs clients soupçonnés ou poursuivis ne serait- ce pour qu’il y ait un équilibre avec l’accusation. Les droits de la défense sont cependant les piliers de l’état de droit. Mais entre les dispositions légales qu’il faut respecter sous peine de sanctions et la pratique échevelée, intervient l’opinion publique, cette intruse à chasser, prostituée qui ne doit jamais entrer dans le prétoire car elle tire le juge par la manche, comme le disait l’illustre avocat d’assises Me Moro-Giafferi.

Chaque citoyen honnête est un justiciable qui s’ignore même pour des futilités. On peut être accusé par n’importe qui et de n’importe quoi. Ce qui peut prendre de l’ampleur. Surtout sur des sujets de la vie privée ou les croyances. C ’est la tendance. Je ne parle pas évidemment des délinquants d’habitude ou des criminels y compris mineurs pour qui la justice doit passer et vite et forte. Sans s’affranchir des règles car la société n’applique pas la vengeance.

Les exigences de la société obligent. On doit communiquer même sur rien. On est dans un collectif sincère ou orienté qui veut laver plus blanc que blanc. Pas pour soi car l’individu est innocent pour tout, mais pour les autres. Les mots transparence ou vérité sont dans toutes les bouches. On exige le droit de tout savoir même sur ce qui ne nous concerne pas. Peu importe les lois et les codes notamment celui de procédure pénale qui protège celui qui est accusé présumé innocent et donne des droits aux victimes qui intéressent moins le chaland. Le public est avide de savoir qui a fait le coup et pourquoi. Et de se prononcer.  Les journalistes se prennent pour Rouletabille et font leurs propres enquêtes avec révélations parallèlement à celles des gendarmes ou des policiers. Le voyeurisme judiciaire est la norme. Il y a autant de juges que de citoyens intéressés qui ont un avis !  Les donneurs de leçons de morale pullulent, sans légitimité et peuvent se tromper en toute impunité. Ils projettent leurs inimitiés et sectarismes. 

En ce moment on assiste à un spectacle vivant dans les palais de justice assimilés à des théâtres. Je ne parle pas de Me Dupond-Moretti passé du rôle d’avocat talentueux avec ses propres textes à celui de ministre plus controversé avec éléments de langage. Il nous explique les coulisses de son oui à M. Macron alors qu’il disait non depuis des années à tous les honneurs. Mais seuls les sots (garde des sceaux ?) ne changent pas d’avis.

Dans une histoire dramatique qui n’est pas une comédie, M. Depardieu s’explique devant les juges et semble de pas savoir définir en droit une agression sexuelle. On lui fait confiance pour la pratique. Il a de l’expérience. Il y a la présence d’une plaignante victime de l’acteur mais qui ne se rappelle plus vraiment dans quelles circonstances. En demandant d’être crue sur parole. Les avocats s’affrontent devant les caméras.  Je ne connais pas ce que dit le scénario pour la fin judiciaire. Et j’ai fini de manger mon sachet de pop-corn.

 M. Sarkozy est un habitué du palais comme avocat bien sûr mais surtout dans son rôle de politique. Un ancien président de la République qui comparait pour répondre d’éventuelles infractions de droit commun, avec des seconds rôles anciens ministres tous prétendus complices, l’affiche est belle. Mais comme citoyen elle me désole car à travers l’ex- chef de l’Etat c’est le citoyen qu’on atteint. Surtout si le prévenu est reconnu coupable.   

Et on attend le jugement pour Mme Le Pen.

 Ce qui se joue au palais de justice est une fête en pleurs. Les puissants sont rabaissés. Ce qui rassure les misérables ou les simples quidams. Personne ne peut échapper au respect de la loi. La justice devra être exemplaire. Mais je ne sais pas si la société se portera mieux ou si telle ou telle décision ne fracturera pas plus la nation ?  

On connait l’affaire du petit Gregory depuis des décennies qui s’est perdue en justice. J’espère qu’on fera mieux avec celle du petit Emile qui éclipse tous les autres sujets de l’Ukraine à Gaza, de la dette publique à la censure. Jusqu’à l’âge de la retraite. Le pays s’est arrêté de vivre. Son cœur bat avec les péripéties de la famille Soleil nom du garçonnet. On s’interroge sur le grand-père qui serait bizarre dans son comportement et sa foi. Ce qui n’a rien à voir a priori directement avec le crime. Les journalistes dénoncent presque le fait de n’avoir pas été autorisés à mettre un micro et filmer dans les locaux de la garde à vue. Et que les quatre personnes entendues ont été libérées sans charges, intrigue.  Ce qui n’est que l’application de la loi.

L’émotion et le parti pris n’aident pas la justice qui ne défend pas une cause. Elle doit caractériser des faits qui sont prouvés et en tirer les conséquences. Prévues par la loi. Elle n’est pas là pour bâtir une société telle que certains voudraient qu’elle soit. Elle juge au nom du peuple français qui est divers. Elle doit mesurer les conséquences de ses jugements dans le cadre du pouvoir d’appréciation qu’elle détient. Les juges sont des hommes et des femmes avec leurs convictions personnelles, sinon leurs engagements. Ils doivent les surpasser ce qui est très difficile.

Dans un procès il y a souvent deux mécontents : celui qui a gagné mais pas assez et celui qui a perdu et pense que le tribunal n’a rien compris. Dans le procès pénal il y a la satisfaction ou non des victimes .Et l’innocence ou la culpabilité du prévenu.  L’accusation représente la société mais ne peut jamais être gagnante puisqu’elle est la voix de l’intérêt général donc des citoyens et ne demande rien pour elle. 

Ne transformons pas la justice en jeu du cirque.     

vendredi 14 mars 2025

Le droit malléable

 

                                                        Le droit malléable

                          Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le droit doit apaiser les esprits et résoudre les conflits. Est -ce le cas ?

Le droit interne comme international réserve des surprises. Rien n’est jamais sûr et définitif puisque soit la loi ne prévoit rien d’affirmatif, soit elle est interprétée par des juges outre les diplomates, soit elle dépend de rapport de forces ou de circonstances, sans oublier les arrière -pensées. Tout le monde est de bonne foi et s’estime juste.  L’insécurité juridique et judiciaire ne sera pas corrigée par l’intelligence artificielle car ce sont des hommes et des femmes avec leurs subjectivités, leurs vérités et leurs défauts qui auront le mot final surtout dans la société globalisée où de vieilles rancœurs ressurgissent.   

Le citoyen qui est perdu dans un monde qu’il ne maitrise pas et qui va trop vite pour lui essaie de savoir si telle information est vraie ou non, et si ce qu’il a entendu comme vérité le matin est confirmé ou démenti le soir. Est- ce que la décision prise est légale ? Le droit est devenu malléable car l’émotion submerge la raison.

 M. Bayrou quand il était haut-commissaire au plan n’avait rien vu venir et surtout pas une économie de guerre. Sans penser qu’il serait premier ministre. Il faut désormais se mobiliser. J’ai ressorti du grenier mes galons de caporal -chef quand je faisais mon service militaire à Balard Paris 15ème, dans les bureaux. Et il va falloir produire plus d’armement.  Donc recréer des industries. Le concours Lépine va commencer pour trouver de multiples milliards d’euros. Des magiciens vont nous expliquer comment les fabriquer sans les rendre et sans aucun préjudice pour personne. Il y aura de l’impôt virtuel devenu patriote. Et de l’épargne militarisée. Sans toucher à l’Etat providence ?  

 Il faut ajouter des moyens au combat fondamental déjà existant sur le plan intérieur (terrorisme et islamisme radical avec violences individuelles) et financer sur le plan extérieur puisque la menace est réelle. La crainte est peut -être exagérée ? Mais le principe de précaution s’impose :  on doit combattre les deux en même temps. Va- t -on voter des lois dites d’exception qui seront immédiatement taxées de liberticides et de va -t -en guerre. Et si on ne faisait rien et que la prophétie se concrétise ? « Père gardez -vous à droite père gardez- vous à gauche » a dit Philippe le hardi futur duc de Bourgogne lorsque son père le roi de France Jean Le Bon a été défait lors de la 3ème bataille de Poitiers en 1356.

Prenons un exemple chaud de question juridique à résoudre entre Etats.  

Pour accélérer une paix forcée qu’on espère durable, on entend des éminents juristes affirmer qu’il est possible de s’approprier de fait les intérêts sinon la propriété des sommes et des biens qui ont été confisqués aux autorités Russes qui sont l’agresseur. Et donc des hors- la -loi. Ce serait aussi moral ? Et de les mettre à la disposition des Ukrainiens, sinon indirectement de l’Union Européenne qui va les utiliser. D’autres aussi savants jurisconsultes crient au scandale et expliquent que le droit international interdit une telle spoliation en raison de l’immunité des Etats. L’illégalité justifie-elle le non-respect du principe ? Une nation doit- elle être malhonnête comme les voyous ?  Cette sanction serait en outre contre- productive : qu’aurions-nous à  proposer aux russes pour les victimes comme deal sonnant et trébuchant si on a dilapidé leurs sous ?  

 Notre assemblée nationale a adopté une résolution sur la confiscation, comme pour les biens mal acquis, avec les pour et les contre ! Le droit est flexible en politique.

 Le droit international est à géométrie variable et dépend de la puissance des Etats. D’autant plus que l’ordre d’après -guerre vole en éclat, qu’il n’y a pas eu la fin de l’histoire en 1989, et que des puissances émergent ou renouvellent des ambitions anciennes. Le territoire européen n’a pas apporté une paix irréversible. Et la solidarité ?

 Les juridictions internationales et la communauté des Etats démocratiques surtout vont devoir revoir leurs corpus juridiques et ce qui était considéré comme du droit acquis. Et d’autant plus que des Etats ne jouent plus le jeu de leurs obligations comme avec les OQTF. Ou le respect des souverainetés. En entamant des guerres en toute conscience plus ou moins éclairée et en écartant les prohibitions publiques.     

Observons un autre exemple de droit mouvant tiré d’un récent contentieux français.

Après large concertation pendant des années il avait été décidé de construire l’autoroute A.69. Cela engageait des millions d’euros. Les autorisations administratives ont été données et le chantier a commencé. Un peu hâtivement a priori ? Mais le tribunal administratif saisi plusieurs fois en référé a validé les travaux qui ont été exécutés à près de 70 %. Et brutalement sur le fond des mois plus tard à la requête d’associations défendant l’environnement et estimant que ce projet n’avait aucune utilité, le tribunal administratif a annulé les arrêtés des préfets du Tarn et de Haute Garonne faute" d'intérêt public majeur". Et de risque sur la bio- diversité. L’aspect positif économique est rejeté. Chacun appréciera le vague du motif principal qui au -delà du droit et de son respect dépend de l’appréciation de chacun...On aurait pu s’en rendre compte plus tôt. Il y a appel avec demande de reprise des travaux ! Une cour administrative d’appel peut déjuger un tribunal administratif. C’est la beauté de la justice. Et l’insécurité judiciaire dans toute sa splendeur. C’est du droit chewing- gum.

Compte tenu des contraintes et menaces actuelles, il n’est pas question de remettre en cause l’état de droit avec la hiérarchie des normes, des élections libres, une séparation des pouvoirs avec une justice indépendante. C’est la démocratie. Mais il n’est pas interdit de revoir le droit, de voter des lois plus soucieuses du collectif, de redéfinir ce qu’est l’intérêt général qui n’est pas la volonté de bâtir une société telle qu’on voudrait qu’elle soit. En considérant que la collectivité a le droit de se protéger et de prendre des mesures qui profitent au plus grand nombre.  La sécurité juridique fait partie de la protection des citoyens.

 Salvador Dali a peint les montres molles. On voudrait que les juges nous donnent l’heure exacte et ferme.