Le droit et les
barbelés
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Que les
vrais spécialistes des conflits armés et des relations internationales ainsi
que les professeurs de droit mes maitres me pardonnent. Je ne suis qu’un
civil et surtout un avocat honoraire qui s’est battu devant les tribunaux ce
qui est un front peu risqué pour les droits de la Défense. Et ceux des victimes
ainsi que pour l’Etat dans les dossiers anti-terroristes ; ou pour des
militaires quand le tribunal aux forces armées existait. Sans oublier les
policiers et les gendarmes quand je me préoccupais de sécurité intérieure
dont la dégradation m’inquiète. A l’ère du néant intellectuel on donne son avis
et chacun, surtout s’il n’a ni responsabilité ni mandat, se croit
important. J’en fais partie. Le philosophe Coluche disait : « de
tous ceux qui n’ont rien à dire les plus agréables sont ceux qui se
taisent ». On ne l’a pas écouté car la désinformation tous azimuts fait
rage.
Dans ma
campagne picarde où j’ai été élu on me pose des questions qui franchissent les
bornes. On discute de la pluie et du beau temps qui déterminent le cours
mondial du blé, du sucre, des produits venant de contrées lointaines difficiles
à fixer sur un globe. Ou de régions sous le feu ennemi ou interne. Ce qui fait
parler de guerres en cours. Je suis le modeste correspondant défense de la
commune. A ma surprise on m’a demandé de m’exprimer sur le sujet suivant :
qui ment ? Qui a le droit de faire
ou le devoir de s’abstenir ? Qui est l’arbitre ? c’est quoi le droit international public
dont on parle partout ? Est-il efficient et utile?
Je n’ai pas
osé répondre que pour être pertinent ce sont des années très longues d’études,
des conférences, des séjours à l’ONU à New York notamment, avec des ONG ou dans
des juridictions ou institutions internationales. Des voyages et comparaisons.
La reconnaissance de ses pairs. Des discussions sans fin pour une virgule.
Ou un m2. Ou l’épaisseur de la ligne d’une séparation. Donc des compromis.
Des définitions à trancher : qui est l’agresseur et qui est
l’agressé ? C’est quoi un Etat et un groupuscule terroriste ? Enfin d’avoir la maitrise des diplomates ou
de combattre sur le terrain. Le droit public international concerne la vie ou
la mort de groupes d’êtres humains ou de peuples entiers. La paix surtout. Le
monde rural conduit parfois loin. Et il s’intéresse aux individus dans
leurs essences. J’ai restitué le peu que j’avais appris.
—On sait que
le droit international public entendu comme celui de la guerre ou
humanitaire est malmené. Les Etats font- ils ce qu’ils veulent ? Les frontières et les murs sont transpercés. Il y
a des camps avec des barbelés, des tunnels et des planques cachés dans les
déserts et les villes sous les hôpitaux ; des massacres y compris dans le
même peuple, des génocides pour les uns, des résistances pour les autres. Des
crimes contre l’humanité de tous les côtés. Les atrocités des guerres,
sales par nature. Les innocents sacrifiés
comme des bébés otages notamment. Et tout ce qu’on devine confusément avec les
réfugiés. S’il suffisait de siffler la
fin du match pour que tout s’arrête on le saurait. Chaque jour des éminentes personnalités
en bombant le torse et au nom de leurs vérités exigent un cessez -le -feu
immédiat. Et comme rien n’intervient on continue. Comme les résolutions
enflammées aux Nations Unies avec les 5 membres permanents les puissances nucléaires
dont la France avec leur droit de veto ou les appels à la paix des plus hautes
autorités politiques comme morales et religieuses.
Le droit
international public régit les relations entre Etats. Sa fonction première
est d’établir un ordre. Ce qui implique que les Etats valident sa légitimité et
respectent les règles contraignantes qu’il établit. Il n’y a pas une
police ou une armée qui fait la loi de force et impose la paix. La Cour
Internationale de Justice qui dépend de l’ONU siège à La Haye et poursuit des
Etats ou juge des contentieux interétatiques. Elle ne condamne pas le chef de
l’Etat ou de gouvernement pour sa politique y compris militaire.
Et
s’il s’agit non pas d’un Etat mais d’une organisation terroriste, la
difficulté s’aggrave. Comment appréhender une nébuleuse fantôme mais
barbare ?
La Cour Pénale
Internationale créée à Rome en 1998 et siégeant aussi à La Haye peut poursuivre
des dirigeants politiques, des militaires et chefs de guerre, des génocidaires
présumés ou avérés et d’autres catégories de criminels du même acabit à titre
individuel, émettre des mandats d’arrêt et envoyer les coupables en prison.
Les domaines
du droit international public sont multiples : droits de
l’homme ; désarmement ; criminalité transnationale ; conduite de
la guerre ; mer et espace...Les sources applicables du droit sont la coutume
; les principes généraux du droit, les Chartes et Conventions ; les Traités
que chaque partie doit faire ratifier sur le plan interne et qui sont
supérieurs à notre Constitution pour notre cas ; les accords bilatéraux ou
plus larges qui engagent les Etats. Il n’y a pas un code écrit pénal ou
civil mondial avec une jurisprudence générale exploitable en pratique.
Le droit
international humanitaire a pour but de limiter les conflits armés dans leurs
conséquences matérielles et physiques. Les principes d’humanité, neutralité
impartialité et indépendance dominent. Le droit de la guerre vise la
proportionnalité, les souffrances inutiles (blessés et prisonniers de guerre)
et l’honneur. Il faut protéger les faibles et limiter les moyens de la
guerre. Comme LA bombe.
Les
conventions de Genève qui sont dans l’actualité fixent aussi les limites à la
barbarie et le respect des populations civiles. Israël et la Palestine sont
signataires. La Russie est membre du conseil de sécurité. Chacun peut
apprécier l’efficacité !
—on m’a
objecté : « s’il n’y a aucun vainqueur sur le terrain y -a-
t-il des tirs au but [ou obus] pour savoir qui a gagné ? ». J’ai
botté en touche car il y a de la triche au plus haut niveau. Et des
retournements d’alliances inattendus. Le devoir fondamental d’un Etat est
de protéger ses ressortissants et prendre ses responsabilités quitte à
déplaire. Un Etat n’a pas d’amis mais des intérêts. Le droit international
public est fait pour des objectifs universels.
—Le droit et
la raison humaine peuvent-ils l’emporter sur l’idéologie et l’émotion ?
Mes
interlocuteurs ont rejoint leurs foyers un peu dubitatifs. La paix est un long
combat.