jeudi 23 octobre 2025

Ordonnances sur canapé

 

                                           Ordonnances sur canapé

                Par Christian Fremaux avocat honoraire

Quand je suis sur mon canapé en regardant les nouvelles qui sont peut-être des fake news ou des images issues de l’intelligence artificielle je m’interroge ou je m’endors. En ce moment j’ai l’impression de n’être pas en bonne santé car on ne parle que d’ordonnances. Comme je suis retraité et probable futur très malade je me sens concerné par l’imagination féconde pour trouver des ponctions de nos parlementaires dont la plupart sont des militants professionnels très jeunes qui n’ont jamais vraiment travaillé comme tout le monde. Mais qui donnent des leçons de comportement sinon de morale. Pour pallier la mauvaise gestion tous partis confondus depuis des décennies, il n’y a pas de responsable et encore moins de coupable. Sauf moi puisque je vote à toutes les élections depuis que j’ai l’âge légal. J’ai avalisé au moins implicitement.  

Désormais il faut prendre l’argent de ceux qui ont travaillé et qui ne se sont pas délocalisés pour redistribuer à la masse immense de ceux qui en ont besoin. Et ne paient pas un centime tout en touchant des aides. A tort ou raison. Mon canapé devient un toboggan. Je glisse vers le néant qui caractérise certains esprits bruyants.  Et j’écoute, ébahi, nos excellences expliquer qu’elles ont la vérité. J’ai choisi volontairement des exemples disparates qui font polémiques.

Le premier ministre M. Lecornu   pour éviter la censure s’est engagé à ne pas utiliser l’article 49.3 qui avait permis après de nombreuses manifestations et débats violents à la chaleureuse Mme Borne de faire passer la réforme des retraites jusqu’à 63 ans et non pas 64 ou 65 voire plus comme dans tous les autres pays qui nous entourent. Des « brutaux » qui n’ont pas la fibre sociale et égalitaire comme nous ! Avec l’argent qu’on n'a pas. La démographie est le juge de paix en la matière. Sans actifs point de suisse je veux dire de bons cotisants.  C’était le point de crispation et M. Lecornu a ajouté qu’il suspendait la réforme. M. Macron a aussitôt précisé ni suspension ni abrogation mais décalage. C’est la solitude de fond du premier ministre comme le goal au foot qui est le dernier rempart quand l’attaque -sur les dépenses - est nulle et la défense- impôts, taxes, justice fiscale-une passoire. La Constitution devient un texte à option.  

Le PS a crié « on a gagné » pour faire oublier qu’il avait obtenu moins de 2 % à la présidentielle. Mais c’est une victoire à la Pyrrhus car chacun sait que la réforme est indispensable : on va peut- être en profiter pour examiner une retraite à points ou par capitalisation – elle existe dans la fonction publique - en renforçant la retraite par répartition. Le même régime pour tout le monde n’a plus de sens. Et il faut aligner le privé et le public. M. Lecornu a oublié de préciser que si le parlement ne se mettait pas d’accord sur un budget, l’article 47 de la Constitution lui permettait de faire valider son projet initial : « si le parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de 70 jours les dispositions du projet [le budget] peuvent être mises en vigueur par ordonnances ». Mais cela ne s’est jamais fait et on ne connait pas le contenu formel des ordonnances. Et si le Conseil Constitutionnel n’approuvait pas ?  On n’est pas sorti de l’hôpital. Ordonnances fait songer à maladie grave qui peut conduire à une incapacité totale. Et 2027 c’est loin il faut ramer. En prenant des vitamines sinon des calmants.

M. Sarkozy est en prison. J’ai mal qu’un ancien chef de l’Etat dans notre démocratie subisse cette infâmie. Qu’on l’aime ou le déteste n’est pas le sujet. Certains s’en réjouissent. La petitesse n’a pas de limites et est contre- productive. M. Sarkozy ressortira plus grand qu’il n’était en arrivant. Car il sera libre un jour ou l’autre.  Et je crains que la Justice indépendante- jusqu’où et avec quelles contreparties (sa responsabilité ?)- n’ait pas amélioré son image auprès du peuple français au nom duquel elle juge. Et qui ne partage pas forcément les mêmes valeurs.  M. Sarkozy est présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit jugé coupable éventuellement de façon définitive. Je ne me prononce pas sur le fond du dossier bien que j’aie lu les 400 pages du jugement. Le faisceau d’indices apprécié subjectivement par les magistrats n’est pas une preuve.  La motivation de l’exécution provisoire pour le mandat de dépôt est confondante. Il y avait d’autres moyens techniques que l’incarcération qui est toujours l’exception même pour le pire des malfaiteurs voire terroristes ou OQTF aussi selon les bien- pensants, sauf pour leurs adversaires devenus ennemis, pour s’assurer que M. Sarkozy était bien puni et rendrait des comptes, ne s’enfuirait pas en Libye ou à Gaza pour récidiver ! ou n’achetait pas des témoins sachant que son dénonciateur M.Takkedine est décédé et que le document produit par Mediapart est un faux. Je partage l’opinion de Me Dupond-Moretti. La décision des trois juges me turlupine.

En réalité les juges ont rendu une ordonnance. M. Sarkozy a fréquenté des collaborateurs qui ont commis des faits graves. Il ne pouvait l’ignorer et il a été contaminé à l’insu de son plein gré. Il fallait donc l’écarter, le mettre en quarantaine, à l’isolement c’était un devoir d’intérêt général. De santé publique. A la maison d’arrêt de la Santé à Paris ce n’est pas un désert médical !  On y « soigne » des vraies racailles qui insultent un autre détenu : comme si M. Sarkozy était un prisonnier comme un autre ! C’est grotesque de le soutenir. Les juges qui ont estimé que M. Sarkozy avait troublé avant 2007 « l’ordre public » l’ont aggravé par leur décision. La prison de la santé n’est pas le château d’If mais M. Sarkozy relit le comte de Monte Cristo. Et attention à l’effet boomerang. Ce que l’on fait pour les puissants peut rejaillir sur les plus faibles. Ou sur ceux et celles qui hurlent au parlement. Ou dans les médias. La Justice ne se découpe pas en tranches. Et personne n’est à l’abri de l’interprétation de faits et de textes légaux parfois obscurs. L’arbitraire est pavé de bons sentiments.

Le mieux va être de n’être jamais malade, de n’être pas retraité après avoir beaucoup travaillé et payé ; de n’avoir pas trop de revenus ou de vouloir transmettre un héritage fruit de votre labeur et de vos sacrifices.  Et de ne prendre aucune responsabilité en s’engageant pour éviter d’avoir à répondre à des juges. Que de belles perspectives, que d’encouragements à construire une société meilleure !  Ou plutôt de déconstruire ce qui faisait la France dans ses valeurs républicaines, ses traditions des territoires, son art de vivre, son humanisme et son universalisme. L’ordonnance que je me prescris est de ne participer qu’à partir de mon canapé. Bonjour tristesse.      

 

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