Nuance et modération
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
On est fatigué
du climat conflictuel et délétère qui règne. Je n’écris pas haineux car se
serait tomber dans le superlatif qui excite. Les concernés se reconnaitront.
Des indignés se sentent visés ou dénient la cause qui -selon eux - ne peut
être attribuée à des personnes forcément de bonne foi ou inattaquables par définition.
Et ceux qui dénoncent les abus mettent en danger l’état de droit sinon la
république. Pas moins ! Toute critique ne peut s’adresser à des catégories
innocentes par nature. Ou intouchables par statut. Etrange débat public ! Tout
ce qui est excessif est insignifiant disait Talleyrand. On ne progresse ni dans
l’anathème ni dans la flatterie. Et surtout en tordant les principes. On se
dispute pour tout. On n’admet aucun tort : on veut avoir raison quelles
que soient les conséquences. Mais si elles sont négatives on n’endosse pas
la responsabilité.
Il n’y a
plus d’adversaires mais des ennemis à abattre. Avec du chantage en politique
car si on n’accepte pas les propositions d’une opposition très minoritaire par
parti elle censure. Elle exige sa victoire, ses scalps ! C’est pathétique
et inquiétant. Et irresponsable pour qui veut gouverner la nation. Outre des
insultes contre celui qui n’est pas progressiste donc du camp dit du bien. Certains
voient des millions électeurs fachos qui l’ignorent et d’autres aperçoivent des
illuminés idéologues donc dangereux qui vont casser le pays. Chacun a des opinions
tranchées et les exprime. Violemment. Au nom de la liberté on veut empêcher les
autres d’argumenter. On craint les idées. Dans le pays de Voltaire qui se pique de tolérance
et donne des leçons de bonne conduite et de réflexion au monde entier avec le
succès que l’on connait, on devrait être plus mesuré. Mais on rejette toute
contradiction. Où sont l’union minimum
et le respect ? Une des difficultés de l’époque actuelle est que
beaucoup prennent leurs désirs pour la réalité et cherchent à les imposer.
Prenons des exemples qui divisent.
Dans
l’audiovisuel public en déficit bien qu’alimenté par les impôts de tous,
Mme Ernotte sa dirigeante indique qu’elle fait des programmes comme elle pense que
la France devrait être. La nation traditionnelle telle qu’elle est selon les citoyens
devient du conservatisme « nauséabond ». On apprend que la dame souhaite
la suppression de médias privés au nom du pluralisme bien sûr pour que la doxa
dominante règne. ORTF sort de son corps ! Deux de ses journalistes font
tout pour qu’un candidat d’un parti politique arrive au pouvoir en éliminant un
membre du mouvement concurrent. On attend encore les sanctions ou des excuses car
sauf erreur le service public doit être neutre. Comment avoir confiance dans
l’information publique officielle ?
Avec
l’actualité judicaire on est monté sur les grands chevaux. On se méfie de la
Justice ? Horreur et injustice ! La magistrature est vent debout
contre les propos de M. Sarkozy prononcés à chaud en étant sonné par le verdict
qui le conduit en prison. Aurait-il dû dire merci et prononcer son mea
culpa avec des menottes ? L’accusation
n ‘avait pas demandé d’incarcération immédiate même un peu différée. Le
tribunal est allé au- delà des réquisitions. La magistrature a l’épiderme sensible quand on
lui demande personnellement des comptes et une poigne de fer quand on souhaite
de la répression pour les prétendus forts. Elle conteste l’accusation de
laxisme sauf pour les personnes vulnérables dans leurs diversités. Qu’elle
choisit. On a entendu les grands
mots : indépendance ; état de droit ; interdiction de mettre en cause
un magistrat ad hominem et de critiquer la décision ; des années d’enquête
et un jugement de 400 pages qui prouveraient que la motivation est « en
béton » avec des faits avérés. Malgré les relaxes qui démolissent le
fondement des poursuites ? Et justification du mandat de dépôt qui est prononcé
chaque jour sans protestations contre des centaines de délinquants ...Ces explications
curieuses des juges ne change pas le vide reconnu des preuves.
Un ancien président
de la République vaut donc un criminel patenté ou un trafiquant de drogue
ou un OQTF qui récidive. Il est inadmissible d’appuyer sur la tête d’un homme
qui a donné pour l’intérêt général et qu’on noie, serait-il coupable. La
justice n’est pas une vengeance. Elle protège la collectivité et rappelle la
frontière entre le bien et le mal dans la vie courante. L’humanisme ne se
divise pas.
MM. Mmes les bâtisseurs du mur des cons
membres du syndicat de la magistrature admirateurs de Mediapart et de son
probable faux selon les juges, en ont rajouté une couche. Ils auraient mieux
fait de se taire. On est tous d’accord pour condamner fermement ceux qui ont
menacé la présidente du tribunal. Ils devront être sévèrement punis. On peut faire
confiance dans les magistrats pour ce dossier. Car ils appliquent la loi votée
par le législateur. Si celui-ci s’est trompé qu’il rectifie. Le juge pour
M. Sarkozy a usé de son pouvoir d’appréciation base de la législation pénale et
de l’individualisation des peines sauf pour la liberté pour principe et la
détention comme exception, valables pour tous ? L’état de droit est plus
large que la Justice qui est déléguée par le peuple souverain qui décide, seul
vrai pouvoir. Il faut l’entendre sinon le suivre. L’interprétation
subjective des textes sans appel possible, devient problématique. On
doute.
La polémique n’a pas porté sur l’essentiel à
savoir sur la présomption d’innocence, le double degré de juridiction menacé
par l’exécution provisoire, les garanties de représentation du devenu coupable,
l’absence de risque de récidive ou de danger pour l’ordre public dont le
contenu est à géométrie variable. Ce sont des sujets majeurs qui n’intéressent
pas les médias. Ni ceux qui veulent un exemple dans l’absolu quitte à être déjugés.
Ce qui compte c’est qu’un puissant qu’on déteste humainement et politiquement dorme
en prison. Aux motifs que l’on estime
que des faits très anciens non commis par celui qui a incarné la France donc
circonstance aggravante pour les magistrats, seraient d’une exceptionnelle
gravité. N’y aurait-il eu qu’une intention ou le fait présumé d’avoir su. On
n’a pas fait dans la nuance. En dépit du poids des pages.
Malgré la
tripartition au parlement on est revenu au binaire. Tout est blanc ou noir. Essayons
le ternaire : thèse, antithèse et synthèse qui conduit à l’ouverture
d’esprit sinon aux compromis positifs et gagnants. On pense faussement détenir
la vérité qui est multiple. Que chacun se regarde dans la glace : il y
reconnaitra son meilleur ennemi qui comme Janus a une face sombre. Personne
n’est l’avant -garde éclairée de la morale et de la vertu. On ne doit user de
ses pouvoirs que d’une main tremblante et avec modération.
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