jeudi 2 octobre 2025

Nuance et modération

 

                                                     Nuance et modération

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire

On est fatigué du climat conflictuel et délétère qui règne. Je n’écris pas haineux car se serait tomber dans le superlatif qui excite. Les concernés se reconnaitront. Des indignés se sentent visés ou dénient la cause qui -selon eux - ne peut être attribuée à des personnes forcément de bonne foi ou inattaquables par définition. Et ceux qui dénoncent les abus mettent en danger l’état de droit sinon la république. Pas moins ! Toute critique ne peut s’adresser à des catégories innocentes par nature. Ou intouchables par statut. Etrange débat public ! Tout ce qui est excessif est insignifiant disait Talleyrand. On ne progresse ni dans l’anathème ni dans la flatterie. Et surtout en tordant les principes. On se dispute pour tout. On n’admet aucun tort : on veut avoir raison quelles que soient les conséquences. Mais si elles sont négatives on n’endosse pas la responsabilité.   

Il n’y a plus d’adversaires mais des ennemis à abattre. Avec du chantage en politique car si on n’accepte pas les propositions d’une opposition très minoritaire par parti elle censure. Elle exige sa victoire, ses scalps ! C’est pathétique et inquiétant. Et irresponsable pour qui veut gouverner la nation. Outre des insultes contre celui qui n’est pas progressiste donc du camp dit du bien. Certains voient des millions électeurs fachos qui l’ignorent et d’autres aperçoivent des illuminés idéologues donc dangereux qui vont casser le pays. Chacun a des opinions tranchées et les exprime. Violemment. Au nom de la liberté on veut empêcher les autres d’argumenter. On craint les idées.  Dans le pays de Voltaire qui se pique de tolérance et donne des leçons de bonne conduite et de réflexion au monde entier avec le succès que l’on connait, on devrait être plus mesuré. Mais on rejette toute contradiction.  Où sont l’union minimum et le respect ? Une des difficultés de l’époque actuelle est que beaucoup prennent leurs désirs pour la réalité et cherchent à les imposer. Prenons des exemples qui divisent.  

Dans l’audiovisuel public en déficit bien qu’alimenté par les impôts de tous, Mme Ernotte sa dirigeante indique qu’elle fait des programmes comme elle pense que la France devrait être. La nation traditionnelle telle qu’elle est selon les citoyens devient du conservatisme « nauséabond ». On apprend que la dame souhaite la suppression de médias privés au nom du pluralisme bien sûr pour que la doxa dominante règne. ORTF sort de son corps ! Deux de ses journalistes font tout pour qu’un candidat d’un parti politique arrive au pouvoir en éliminant un membre du mouvement concurrent. On attend encore les sanctions ou des excuses car sauf erreur le service public doit être neutre. Comment avoir confiance dans l’information publique officielle ?

Avec l’actualité judicaire on est monté sur les grands chevaux. On se méfie de la Justice ? Horreur et injustice ! La magistrature est vent debout contre les propos de M. Sarkozy prononcés à chaud en étant sonné par le verdict qui le conduit en prison. Aurait-il dû dire merci et prononcer son mea culpa avec des menottes ?  L’accusation n ‘avait pas demandé d’incarcération immédiate même un peu différée. Le tribunal est allé au- delà des réquisitions.  La magistrature a l’épiderme sensible quand on lui demande personnellement des comptes et une poigne de fer quand on souhaite de la répression pour les prétendus forts. Elle conteste l’accusation de laxisme sauf pour les personnes vulnérables dans leurs diversités. Qu’elle choisit.  On a entendu les grands mots : indépendance ; état de droit ; interdiction de mettre en cause un magistrat ad hominem et de critiquer la décision ; des années d’enquête et un jugement de 400 pages qui prouveraient que la motivation est « en béton » avec des faits avérés. Malgré les relaxes qui démolissent le fondement des poursuites ? Et justification du mandat de dépôt qui est prononcé chaque jour sans protestations contre des centaines de délinquants ...Ces explications curieuses des juges ne change pas le vide reconnu des preuves.  

Un ancien président de la République vaut donc un criminel patenté ou un trafiquant de drogue ou un OQTF qui récidive. Il est inadmissible d’appuyer sur la tête d’un homme qui a donné pour l’intérêt général et qu’on noie, serait-il coupable. La justice n’est pas une vengeance. Elle protège la collectivité et rappelle la frontière entre le bien et le mal dans la vie courante. L’humanisme ne se divise pas.

 MM. Mmes les bâtisseurs du mur des cons membres du syndicat de la magistrature admirateurs de Mediapart et de son probable faux selon les juges, en ont rajouté une couche. Ils auraient mieux fait de se taire. On est tous d’accord pour condamner fermement ceux qui ont menacé la présidente du tribunal. Ils devront être sévèrement punis. On peut faire confiance dans les magistrats pour ce dossier. Car ils appliquent la loi votée par le législateur. Si celui-ci s’est trompé qu’il rectifie. Le juge pour M. Sarkozy a usé de son pouvoir d’appréciation base de la législation pénale et de l’individualisation des peines sauf pour la liberté pour principe et la détention comme exception, valables pour tous ? L’état de droit est plus large que la Justice qui est déléguée par le peuple souverain qui décide, seul vrai pouvoir. Il faut l’entendre sinon le suivre. L’interprétation subjective des textes sans appel possible, devient problématique. On doute.    

 La polémique n’a pas porté sur l’essentiel à savoir sur la présomption d’innocence, le double degré de juridiction menacé par l’exécution provisoire, les garanties de représentation du devenu coupable, l’absence de risque de récidive ou de danger pour l’ordre public dont le contenu est à géométrie variable. Ce sont des sujets majeurs qui n’intéressent pas les médias. Ni ceux qui veulent un exemple dans l’absolu quitte à être déjugés. Ce qui compte c’est qu’un puissant qu’on déteste humainement et politiquement dorme en prison.  Aux motifs que l’on estime que des faits très anciens non commis par celui qui a incarné la France donc circonstance aggravante pour les magistrats, seraient d’une exceptionnelle gravité. N’y aurait-il eu qu’une intention ou le fait présumé d’avoir su. On n’a pas fait dans la nuance. En dépit du poids des pages.   

Malgré la tripartition au parlement on est revenu au binaire. Tout est blanc ou noir. Essayons le ternaire : thèse, antithèse et synthèse qui conduit à l’ouverture d’esprit sinon aux compromis positifs et gagnants. On pense faussement détenir la vérité qui est multiple. Que chacun se regarde dans la glace : il y reconnaitra son meilleur ennemi qui comme Janus a une face sombre. Personne n’est l’avant -garde éclairée de la morale et de la vertu. On ne doit user de ses pouvoirs que d’une main tremblante et avec modération.       

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