lundi 27 octobre 2025

Les armes de la Justice

 

                                       Les armes de la Justice

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

Après l’entrée récente à juste titre au Panthéon de Me Robert Badinter qui avait fait voter dans une polémique sévère le 9 octobre 1981 l’abolition de la peine de mort, s’est déroulé le procès de Dahbia Benkired qui a sauvagement violé, torturé et tué la petite Lola. Les Français ont été effrayés par les comptes rendus du procès où tous ceux qui y assistaient ont été glacés par ce qu’ils entendaient et la personnalité très morbide et insaisissable de l’accusée. Sous OQTF !

C’était un procès devant la cour d’assises où il y a trois magistrats professionnels et des jurés tirés au sort. Le peuple participe et peut- être guide la main qui pourrait être tremblante ou plus juridique des juges de métier que l’on accuse d’être laxistes sinon partiaux. Les fléaux de la justice semblent osciller avec la subjectivité.  

Mme Benkired a été condamnée à la prison à perpétuité incompressible, sanction introduite par la loi du premier février 1994. Texte qui a complété la loi de Me Badinter car si la société ne doit pas donner la mort ou se venger, elle a le devoir de secourir les citoyens et de punir les malfaisants.  C’est une légitime défense collective. Perpétuité incompressible ne veut pas dire perpétuité réelle donc jusqu’à ce que mort s’ensuive. Comme aux USA par exemple pays démocratique sauf erreur, quoiqu’on pense de son président actuel.

La loi de 1994 permet après 30 ans de réclusion au prisonnier-ère de solliciter sa mise en liberté. Après avis d’experts psychiatres sur sa dangerosité, la possibilité de réinsertion, la décision d’un juge ...En France on ne meurt pas en prison : le record de détention a été de 41 ans avec l’assassin libéré en 2005 du petit Luc Taron âgé de 11 ans et tué en 1964. En revanche les victimes portent leur calvaire immédiatement et pour leur famille à vie jusqu’au bout. Quand les bruits de l’horreur ont disparu et que la mémoire s’est estompée eux n’oublient pas. Qui osera contester la décision contre Mme Benkired première femme à avoir subi cette peine ?   

La société a le devoir de se protéger et de prendre des sanctions exemplaires qui réparent -le verbe est faible- les drames qui éclatent et brisent des destins d’innocents.  

L’humanisme n’est pas de s’apitoyer ou vouloir comprendre l’autre au nom des grands principes philosophiques et de l’être humain dans sa globalité avec son côté sombre sinon pervers. C’est -à -dire celui ou celle qui a franchi la barrière de la civilisation. Avec des excuses ou des explications plus ou moins pitoyables et inacceptables. Ou en soutenant qu’il ne faut pas être « normal » pour accomplir des actes d’une cruauté qui défie l’entendement ou tout simplement la conscience.  « Dérangé ou « en confusion » ce qui peut s’appliquer parfois à soi, on le vit. Mais tous ceux et celles qui le sont à des degrés divers ne commettent pas l’irréparable, heureusement. Pour Mme Benkired les experts ont noté son côté psychopathe mais l’ont déclaré entièrement responsable. Ce qui donne à réfléchir en matière de banalité du mal. Hannah Arendt a formulé des pistes dont l’impossibilité de penser.

Pour oser les actes les plus odieux il y a chez l’humain quelque chose qui ne marche pas bien, c’est du bon sens de le dire. Mais on est obligé d’admettre que le mal peut -être absolu chez un individu, que rien ne l’empêche y compris la punition, que ses besoins sont les plus forts sinon irrésistibles, que son intellect ne lui interdit rien même une injustice et que, quelles que soient une éventuelle sanction ou de la prévention, rien ne l’arrête. Ou le dissuade. Quitte à faire payer ceux qui croisent sa route et n’y peuvent mais. Il est dans la société mais évolue dans son monde.  Quand il demande pardon pendant son procès, en réalité il se lamente sur son propre sort. 

C’est évidemment une infime minorité qui est coupable. Et le constater n’est pas désespérer de l’homme ou de la femme ou être un affreux sceptique ou réactionnaire.   L’humanisme n’est pas que la réponse à une émotion ou à une interrogation dans la théorie. Ou par croyance ou par partisanisme. On ne peut mettre l’individu au -dessus de tout quelles que soient les circonstances. D’autres valeurs sont légitimes. L’histoire nous l’a appris et bégaie actuellement. Le procès de Nuremberg a jugé des petits et médiocres hommes devenus bourreaux sans états d’âme, parce qu’ils avaient reçu des ordres. L’actualité nous apprend que certains obéissent à dieu ?

Malgré les grands discours et les leçons de morale parfois contre- productives, il faut déplorer que certains continuent leurs tristes parcours, soient sourds et aveugles volontaires et réalisent des actes qui donnent à méditer sur la nature humaine. L’humanisme n’est pas d’être dans le déni mais de persister avec ses propres moyens à améliorer l’homme donc soi -même et l’humanité qui n’est pas un bloc uniforme. Il faut se regarder dans le miroir puisque le principal ennemi de l’homme, c’est lui.  Rien n’est jamais acquis. C’est Sisyphe qui remonte son rocher chaque jour.  L’humanisme c’est la persévérance, d’essayer de transformer l’utopie en réalité et de croire que l’homme/la femme malgré ses défauts progressera non pas vers la vérité que personne ne connait, mais vers l’harmonie avec les autres. Et la tolérance. Sans être dupe. Ou tendre l’autre joue.   

Ce qui n’est pas incompatible avec de la fermeté et de l’autorité dans la vie quotidienne et la nécessité de dire non pour unir et de réprimer s’il le faut. L’enfer est pavé de crédulité et de bonne foi. L’humanisme n’a pas le monopole des sentiments ou du bon cœur ou du pardon quoiqu’il arrive. « Vous n’aurez pas ma haine » certes, mais d’aucuns ne supportent pas le malheur. C’est aussi humain. Je ne juge personne. Quand on n’est pas confronté au problème, on peut donner de sa petite chaire des conseils décalés ou un avis pas forcément éclairé.  

La justice est un des maillons de l’état de droit. A priori nous avons tous été Lola et satisfaits de la décision de la cour d’assises. Le débat reste ouvert : comment mettre à l’écart les plus dangereux criminels. Par la prison à vie ou autrement ? Et en même temps être solidaire des victimes. Il faudra y penser à froid surtout dans notre époque de plus en plus violente et barbare.  L’humanisme a de beaux travaux à mener devant lui.  

 La Justice dispose de deux armes symboliques et puissantes à égalité dont elle doit se servir : le glaive et la balance.  Le peuple souverain devrait s’en féliciter.       

2 commentaires:

  1. Tout est dit avec une véritable interrogation : comment prendre en compte le fait qu’un être humain est et sera toujours plus que la somme de ses actes passés, fussent ils les plus abominables…
    Comment concilier glaive et balance ?

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  2. Excellent comme toujours Maître.

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