Le juge et son jardin secret
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Dans un état
de droit qui est encore le notre malgré l’instabilité politique et les soubresauts
violents de la société et des contestations contradictoires permanentes, la Justice
est au centre des institutions et tout ce qui l’affaiblit doit être combattu.
Notre Constitution n’évoque qu’une autorité judiciaire. Le général De
Gaulle voulait faire savoir qu’il n’y avait que deux pouvoirs : le
législatif et surtout l’exécutif avec l’élection du chef de l’Etat au suffrage
universel. M. Macron flotte mais ne coule pas, pour l’instant. Et ne se
passionne pas pour la Justice qui est un monument régalien en péril.
La société a
beaucoup évolué. Les français n’ont plus confiance dans la classe politique qui
offre un spectacle lamentable avec des arrangements divers et se défient de la
Justice avec ses délais très longs, ses moyens matériels défaillants, son
langage abscons, et des magistrats que l’on accuse d’être partiaux. Notamment
en matière pénale. Une grosse minorité agissante comme les membres du syndicat
de la magistrature qui penche à gauche, veut changer la société sans aucun
mandat des citoyens et a choisi de s’intéresser plutôt aux délinquants qu’aux
victimes et pas à la nation qui a le droit de se défendre. Les justiciables ne
supportent pas de subir des juges qui font connaitre leurs croyances et états
d’âme et qui par leurs jurisprudences veulent éduquer le peuple selon leurs principes.
Ou redresser les injustices sociales.
Et ils s’indignent
contre les magistrats qui commettent exceptionnellement des manquements parfois
graves de procédure qui entraînent des conséquences dramatiques. Sans sanction
véritable pour eux. L’erreur est humaine et les juges croient bien faire en
toutes circonstances. La loi complexe peut être un couperet.
Ou en
considérant des juges comme étant laxistes pour les affaires de sang qui
défraient la chronique et sont en lien avec l’insécurité et la violence
exponentielles. A ces sujets je ne partage pas l’analyse de mon excellent
confrère Dupond-Moretti et je ne crois pas que certains médias soient irresponsables
en parlant de faits qui entrainent la peur des Français. Ils ne sont pas
comptables des agissements de meurtriers endoctrinés ou non. La plupart se disant déséquilibrés ou possédés,
ce qui est une excuse fumeuse. L’homme est responsable de ses actes, sauf
exception très rare.
Je n’aborde
pas le contentieux civil qui concerne la plus grande partie des justiciables où
l’on met rarement en cause les mêmes magistrats. En y ajoutant bientôt
l’intelligence artificielle et la justice prédictive. Je ne sais pas si l’introduction de la machine
et des algorithmes sera un progrès ? Le progressisme n’apporte pas que des
bienfaits.
Heureusement la grande majorité des juges remplit
ses fonctions avec dévouement et conscience en appliquant la loi bonne ou
mauvaise que les parlementaires votent. Et qu’ils n’assument pas ou rejettent
si elle ne vient pas de leur camp. L’électoralisme est la priorité. Notre
législation est instrumentalisée. On peut mourir de nos libertés infinies.
M. Gérald
Darmanin Garde des Sceaux le 5 septembre 2025 a fait modifier à juste titre dans
le sens de la laïcité le règlement interne de l’école de la magistrature, celle
qui forme les juges qui vont officier dans les décennies qui viennent. Toute
une nouvelle génération qui constate tous les jours les problèmes à résoudre. Il
n’y aura pas de voile possible pour une magistrate ni d’abaya pour un magistrat
ni d’ailleurs de signes ostensibles de religion pour tous ou d’appartenance à
telle ou telle obédience. Ou courant de pensées. La filière prépa-talent
qui permet à des étudiants défavorisés ou de quartiers dits sensibles d’être
admis dans les grandes écoles ne doit pas conduire à des débordements ou de
l’entrisme cultuel sinon culturel particulier. La France est laïque qu’on le
veuille ou non. La sphère privée doit rester à l’entrée des tribunaux.
C’est évident
sinon le justiciable va se renseigner sur les opinions de son futur juge,
pourra le choisir ou le récuser et les jugements et arrêts ne seront plus
rendus au nom du peuple français tout entier. Outre l’impartialité qui est
demandée aux juges au -delà de leurs convictions personnelles, il y a la
nécessité de la neutralité absolue du service public. Et de sa dignité attachée
à l’autorité. Aucun affichage qui
heurte. Seule la robe noire est autorisée.
Je ne suis
pas certain que la décision de M. Darmanin soit définitive. Je ne serai pas
étonné que des futurs magistrats contestent l’interdiction et qu’une
juridiction annule l’arrêté du ministre courageux. Par exemple au nom de
la liberté de croire, d’une discrimination, de l’atteinte à la vie privée ou
autre grand principe des droits de l’homme /de la femme ou de la jurisprudence
européenne qu’on ne maitrise pas.
Tout le
monde est d’accord pour dire que la Justice est indépendante et doit le rester.
On a besoin d’arbitres insoupçonnables qui participent à l’union de la société
et qui la rassurent. Depuis de très nombreuses années on débat d’une réforme. Mais
on ne dit pas comment on fait en pratique et selon quelle légitimité pour
rendre des comptes et à qui, puisque la Justice n’est pas un pouvoir. Les
politiques dans le viseur des juges n’osent pas trancher. De même pour le statut
des procureurs qui sont sous la hiérarchie du ministre de la Justice. Ce qui
fait douter même si les instructions individuelles n’existent plus.
Les hauts magistrats
intègres et compétents aux commandes ne sont pas responsables de l’élaboration
de la loi et de l’impéritie des politiques incapables de décider. Il appartient
aux promotions de jeunes magistrats qui vivent dans la société actuelle avec
des problèmes existentiels nouveaux ou qui ne s’imposaient pas avec une telle
intensité il y a quelques années, de bâtir une Justice moderne adaptée aux
besoins des Français, sans déni, sans idéologie et dans l’intérêt général.
Voltaire
écrit dans Candide : «il faut cultiver son jardin ». Que les
magistrats fassent pousser des jugements mais ne montrent pas leurs jardins
secrets et qu’ils réussissent à apaiser la société. Leur devoir est de prendre
de la hauteur. Sans soumission. Que leurs tenues ne soient ni voilées ni ornées
de fioritures. Sauf les décorations qu’ils mériteront.
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