On ira jusqu’au bout
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Chacun de nous pour tout sujet d’ordre interne ou international qu’il soit majeur ou secondaire entend cette apostrophe virile : « nous irons jusqu’au bout », proclamée d’un ton martial, l’œil fixé sur la ligne bleue des Vosges ou d’autres Himalaya voire frontières à définir. Souvent avec le dos au mur pour montrer qu’on ne peut ou veut reculer, et en étant sûr de détenir la vérité. Mais sans savoir où est le bout, dans quel état on y arrive, et quelles sont les conséquences d’une obstination irrationnelle. Pourtant céder parfois c’est la raison. Ce n’est pas approuver ou trahir. C’est épargner des souffrances inutiles ce qui grandit le responsable.
Je n’aborde pas les conflits gravissimes en cours en Ukraine, à Gaza et ailleurs en Afrique par exemple dont on ne parle pas. Nos grandes consciences sont sélectives. Et ont la vue biaisée. Je ne crois pas à la victoire d’un Etat sur un autre. La colonisation et le servage ont disparu. La liberté est la règle. Chaque peuple a le droit de vivre comme il l’entend. Les humains sont de partout et il convient de mettre fin à la barbarie. La force ne résout rien à terme. On peut discuter à l’infini des responsabilités. Avec les propagandes qui se croisent on finit par ne plus savoir qui est l’agresseur et qui est l’agressé. Il ne faut jamais humilier l’adversaire ou l’ennemi l’histoire nous l ’a appris. On doit savoir terminer un conflit (une grève) disait Maurice Thorez ex- secrétaire général du parti communiste français au faîte de sa gloire.
Cela vaut aussi dans les relations internationales. L’ère de la diplomatie en direct à la télévision doit remplacer le fracas des armes et les insultes de toute nature. On n’aime pas untel qui est un dictateur : c’est vrai, mais on ne peut l’effacer. Les egos doivent être mis de côté et les leçons de morale sont insuffisantes. On doit jouer un donnant-donnant même si ce n’est pas juste, car il faut en finir. Jusqu’où ira – t- on dans l’aveuglement et le désir d’avoir raison et de punir ? Aller jusqu’à la paix même fragile et imparfaite me parait une solution raisonnable.
Je me contente donc de l’aspect interne de nos problèmes. Soyons mesurés et ne demandons pas l’impossible pour être réaliste, disait-on en mai 68. Les partenaires sociaux qui clamaient qu’eux feraient mieux que l’exécutif actuel ont échoué lamentablement mais crient à la victoire du non. Cela rappelle le mot de Coluche : « la droite a gagné les élections. La gauche a gagné les élections. Quand est -ce que ce sera la France qui gagnera les élections » ? C’est tout le problème. Des affamés se battent pour le pouvoir sans fournir des solutions concrètes et mesurées viables alors que les citoyens attendent des améliorations visibles même minimes et surtout des réformes structurelles. On sait où doivent avoir lieu les coupes drastiques en commençant par la réforme de l’Etat. Et en faisant travailler tous ceux qui n’ont pas de travail volontairement ou non, jeunes comme seniors. Transiger n’est pas renoncer. Ou être vaincu.
Avec la tripartition actuelle au parlement on y est. Personne ne veut lâcher sur rien, campe sur les refus et désigne les autres comme responsables du naufrage annoncé. On n’est plus à un nouveau premier ministre près ! On a oublié les tergiversations paralysantes de la 4-ème république et on veut une 6-ème élue à la proportionnelle, en faisant payer les riches en général y compris les retraités qui toucheraient des pensions éhontées au détriment des jeunes actifs qui travaillent 35 heures par semaine et refusent de céder un seul jour férié ce qui représente quelques minutes de plus par jour ouvré sur l’année. C’est une rupture de contrat car quand j’ai commencé à travailler dans les années 1973 j’ai payé sans rechigner pour mes prédécesseurs, et on ne m’a pas prévenu que ma retraite dépendrait de la volonté de ceux qui plus tard produiraient, même moins avec l’évolution du droit du travail. Ou d’une population qui augmente sans participer aux charges collectives, avec des droits mais pas de devoirs. Jusqu’où ira- t- on ? L’émotion ne remplace pas les besoins. L’Etat providence a les poches percées et l’Etat régalien a disparu. Si on va jusqu’au bout ce sera le Titanic : l’orchestre jouera de l’Offenbach pendant que le navire sombrera. Les femmes et les enfants d’abord.
On ne m’a pas dit non plus que l’Etat deviendrait obèse en disant oui à tout, sans se remettre en question et en dépensant l’argent qu’il n’avait pas gagné. On évoque l’injustice et l’inégalité avec de prétendus auto- proclamés lanceurs d’alerte qui bêlent sans s’apercevoir que dans le monde et près de chez nous il y a de vrais malheurs et des individus qui voudraient travailler seulement pour survivre. La France n’est pas une perspective d’île dirait M. Houellebecq et il y a des périls majeurs qui menacent, dont des violences protéiformes parfois créées par des idéologies en réalité totalitaires puisque sectaires, les militants pensant que ce sont les autres que leurs amis et corps électoral qui sont à éliminer. Y compris physiquement dans le pays des droits de l’Homme, de la tolérance et de la république pour tous. Sans oublier la solidarité et l’ouverture des esprits. Pour tout cela on pourrait aller au bout si nos élites médiatiques s’y investissaient.
Au moins un déséquilibré comme d’habitude, a coupé l’arbre qui symbolisait le calvaire d’Ilan Halimi planté il y a ...20 ans à la suite de son assassinat antisémite barbare, près de Paris ! N’a-t-on rien appris sur le respect, le vivre ensemble et la fraternité pendant ces années, alors que les guerres font rage, que la survie de certains dépend au moins de la nuance des autres et de l’acceptation de la différence ainsi que du partage du fardeau ? On est au bord du précipice existentiel que l’on nie, et on coupe les cheveux en quatre, disant non par avance à tout alors même que les projets de réformes ne sont pas encore définitivement élaborés et proposés au vote de nos députés notamment dont on admire les compétences pointues et la modération en oubliant les intérêts vitaux de la France et tous les Français quels qu’ils soient. En quoi des solutions drastiques- y compris non matérielles -qui s’imposent seraient- elles un coup de force ? Le président Mitterrand avant d’arriver au pouvoir dénonçait le coup d’Etat permanent. Il s’est servi aussi des institutions de la 5-ème république au moins pour mettre en place le tournant de la rigueur en 1983.Et combattre le racisme ou toute forme d’intolérance. On a participé. Mais une « austérité » dite sociale par définition pour les plus radicaux, n’a pas la même signification et impact qu’une réalité de droite ou du bloc central. Avec le camp du bien il parait que la misère est plus supportable au soleil et à gauche. Et lui seul a le monopole de la vertu. Prenons quand même garde à la canicule. A tout brûler on vit dans des cendres. Le phénix politique est à trouver.
Le parlement discutera, amendera et votera ou non les propositions du gouvernement. Cela s’appelle la démocratie. Peut-être interrogera -t- on directement les citoyens par référendum : c’est de la participation. M. Macron par monts et par vaux aura- t -il le temps d’en décider ? Ira -t -il au bout de ce qu’il a dit ?
Les électeurs ont les élus qu’ils ont choisi mais ne sont pas contents puisque le 10 septembre prochain un mot d’ordre d’arrêt général de toutes activités émanant des réseaux sociaux va peut -être avoir lieu, sans leader ni slogan sauf « à bas tout ! ». Quid ? Jusqu’où ira -t- il ?
Pierre Dac répondait à la question philosophique de base « qui suis-je, d’où viens-je, ou vais-je ? » qui concerne tout individu : « je suis moi ; je viens de chez moi et j’y retourne. » On ira jusqu’au bout.
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