La justice internationale un simple
coup de com. ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Le désir de
justice est irrépressible et la lutte contre l’injustice sous toutes ses formes
est impérative. Sinon pourquoi l’honnête homme qui s’empêche comme l’a écrit A.
Camus et qui respecte les règles et son prochain, se décarcasserait -il ? Le
devoir nous grandit car il nous force à nous élever au -dessus de nos certitudes
et à douter ce qui conduit à la tolérance qui n’est pas incompatible avec la fermeté.
Ou à une autorité républicaine réfléchie qui rétablit l’ordre des choses.
La justice est
une vertu cardinale immatérielle et en même temps une organisation pratique
dirigée par des hommes et des femmes avec leurs qualités et défauts, avec leurs
convictions subjectives. Ils ont l’obligation de se dépasser dans un intérêt supérieur,
celui de la collectivité à travers la loi débattue publiquement, fixant les
principes et ayant pour vocation de réguler la vie en société. Ceux et celles
qui s’en exonèrent ou désobéissent au prétexte qu’ils ont la vérité ou que la
cause qu’ils défendent est juste, prennent le risque de disloquer l’ensemble. En
démocratie seul le débat est acceptable, pas le coup de force. Les minorités
ne doivent rien imposer, et la majorité ne doit pas abuser de son pouvoir,
comme Alexis de Tocqueville l’avait fait remarquer.
En temps de
guerre les grands principes prennent du plomb dans l’aile. On discute pour
savoir qui est l’agresseur qui est l’agressé, même si les faits sont
aveuglants. Chaque camp invoque la légitime défense. On comptabilise
macabrement les victimes qui n’y sont pour rien. Alors que leurs dirigeants ont
pris la décision d’utiliser les armes pour une raison qu’ils estiment légitime,
mais que l’on discutera à vie. Le terrorisme frappe à l’aveugle ou sur des
cibles choisies : il n’a ni adresse ni numéro de téléphone ni de visage et
ce n’est pas une nation égale à une autre. En effet les démocraties ont des
responsables identifiés qui doivent rendre des comptes en priorité à leurs
peuples. Nous sommes dans des guerres souvent asymétriques et la justice doit y
retrouver ses ouailles et ses justiciables. Mais elle doit faire du droit.
La communauté
internationale s’est dotée de deux cours de justice principales qu’il ne faut pas
confondre. Les médias parfois s’emmêlent.
La cour
internationale de justice [C.I.J.] a été créée en 1945.Elle siège à La Haye et est
composée de 15 juges. Sa compétence concerne essentiellement les conflits entre
Etats par exemple pour des problèmes d’espaces terrestres ou maritimes et de frontières.
Au début de la guerre Russie-Ukraine, celle- ci avait demandé à la cour d’ordonner
à la Russie de cesser de continuer ses actions et de revenir aux frontières existantes.
La cour a pris une décision en ce sens que M. Poutine a ignorée. La C.I.J. ne
dispose d’aucun moyen coercitif pour faire respecter ses jugements, c’est le
problème.
L’Afrique du
Sud qui a vaincu l’apartheid vient de saisir la C.I.J. à propos du conflit Israël-Hamas.
Elle considère que l’Etat hébreu a pour objectif le génocide des palestiniens et
qu’il poursuit une politique d’apartheid. L’Afrique du Sud qui n’est pas partie
prenante directement aux combats s’appuie sur la convention pour la répression
du crime génocidaire qui est prévue à l’article 30 du statut de la cour et à l’article
IX de la convention. Elle souhaite qu’un cessez- le -feu soit ordonné. Israël a
comparu pour donner des explications. Mais le Hamas est naturellement aux
abonnés absents. Toute décision de cette cour ne peut donc qu’avoir une portée
médiatique, symbolique. On ne va pas juger qui est le bon et qui est le truand.
Sans compter qu’on ne sait pas qui est la brute, chacun accusant l’autre.
Par ailleurs
a été créée par le traité de Rome de 1998 la Cour Pénale Internationale [C.P.I.]
qui siège aussi à La Haye. L’Etat intéressé doit signer le traité puis le faire
ratifier par ses instances parlementaires. Ni Israël, ni les USA ni la Russie n’ont
fait ratifier le traité. Sans commentaires sur ce qui se passe actuellement.
On se rappelle
le procès de Nuremberg en 1946 qui a condamné des dignitaires nazis. L’évolution
du monde a été telle qu’il a fallu envisager de faire des procès publics aux
dirigeants politiques, militaires, administratifs ou autres pour qu’ils ne se
retranchent plus derrière des ordres reçus ou des idéologies mortifères et ne
seraient ainsi pas responsables personnellement de leurs actes. La C.P.I a pour
compétences l’examen des crimes d’agression
et de guerre ; les crimes contre l’humanité ; les génocides. Elle
juge l’individu pas son Etat ou son groupement qui est impersonnel. A condition
de pouvoir l’arrêter s’il ne comparait pas volontairement. On n’est pas près d’avoir
l’extradition d’un chef terroriste ! Reconnu coupable l’individu est soumis à une
peine de prison. Puis libéré il peut retourner dans son pays. La justice
internationale comme les justices internes, n’est pas parfaite. Mais elle existe.
Continuons le combat pour lui donner de la force et de la reconnaissance. L’impunité
ne peut passer. On a créé aussi des tribunaux internationaux ad hoc pour des
conflits internes comme au Cambodge ou au Rwanda. Les massacres ne peuvent être
impunis.
Le droit international
celui de la guerre ou humanitaire reflète un rapport de forces. Les pays dits
du sud global remettent en cause les valeurs des droits de l’homme ou des républiques
réelles et la domination occidentale sur le monde qui selon eux n’aurait que
trop duré. Cela se discute mais surtout se négocie. La justice internationale est
une caisse de résonance, une justice médiatique avec tous ses défauts. On veut mobiliser
les consciences des opinions publiques pour qu’on n’oublie pas les victimes quelles
qu’elles soient, que parfois des dirigeants sont enclins à sacrifier jusqu’au
dernier pour avoir raison, pour être un héros quand ils se regardent dans le
miroir. Mais elle ne peut arrêter une guerre ni contraindre à un cessez-le feu.
C’est sa limite en droit puisqu’elle ne fait pas de morale et ne donne pas de
leçons. Elle est la préparation de la diplomatie et/ou son complément qui doit
aboutir à une paix durable si personne ne perd la face. L’Histoire nous l’a appris.
Respecter le
droit public international est la caractéristique d’une démocratie. L’ignorer
est le signe des dictatures ou des régimes pour le moins autoritaires. La
justice internationale ne peut être simplement de la communication.
L’être
humain dans sa diversité qui subit l’idéologie des uns et des autres mérite une
meilleure considération car il est le seul combat qui vaille. La justice
doit l’aider.