De quoi l’état de
droit est-il le nom ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire
Avec de
l’autorité on peut dire non, si je l’affirme et c’est un devoir parfois.
Il ne faut pas la confondre avec l’autoritarisme qui peut conduire à des
extrémités que l’on regrette. C’est l’excès égoïste et individuel de liberté et
l’absence de règles collectives qui suscitent le malaise et permettent toute
dérive. On ne peut vivre en déplorant les faits odieux en attendant le suivant
toujours plus barbare en courbant le dos et en polémiquant sans fin.
En premier
lieu l’homme est responsable de ses actes. L’état psychique ou social ou
religieux ne justifie pas le geste volontaire et n’efface pas l’agression car
la victime est définitivement supprimée ou marquée dans sa chair. En second
lieu la société n’est pas coupable systématiquement sauf à avoir commis
des erreurs professionnelles ou avoir pêché par naïveté ou
idéologie. Enfin il ne faut pas débiter toujours le même
refrain : c’est complexe et on ne peut rien faire car les juges vont
s’opposer à des mesures qu’ils considéreront comme liberticides et la
jurisprudence européenne est contre les décisions drastiques que l’on pourrait
prendre. Autrement dit c’est la faute à l’état de droit. « Fatalitas »
comme le disait Chéri-Bibi.
Et si on essayait de changer et cessait de se
culpabiliser ? La seule certitude est que le mal existe puisque le
bien n’est pas partout. Le vivre ensemble radieux est utopique. Je connais
l’opinion des justiciables en puissance sur l’état de droit qu’ils confondent
avec les juges qu’ils estiment laxistes et partiaux. Mais si les procureurs dépendent
de leur ministre, les juges qui rendent les jugements et arrêts sont
indépendants. C’est le terme indépendant qui pose problème : par
rapport à qui et à quoi puisque toutes les décisions judiciaires sont
rendues au nom du peuple français ? Des magistrats peuvent
perturber une élection présidentielle on l’a vu, ou choisir comme priorités les
cols blancs et le monde politique. Mais il appartient aux pouvoirs publics
de fixer les objectifs dont la sécurité principalement qui n’est pas un
sentiment subjectif et de rappeler au corps judiciaire que par la Constitution
ils sont une autorité et non un pouvoir.
Les juges
appliquent la loi telle qu’elle résulte du vote de nos parlementaires. S’il y a
un vide juridique ils essaient de trouver une formule conforme à nos grands
principes que l’on peut discuter, mais avant tout ce sont nos politiques qui
doivent agir en prenant leurs responsabilités au-delà de leurs motivations
personnelles ou de conscience et profits électoraux. L’intérêt général n’est
pas la somme des intérêts particuliers.
On ne
demande pas à nos élus de changer la vie et la civilisation des lumières selon
leur propre vision mais de permettre au pays de vivre en harmonie, de
progresser par des réformes en conservant ce qui a fait notre nation. Et de
donner des armes légales à ceux qui sont chargés de nous protéger en faisant en
sorte que pour des centaines voire milliers d’ennemis aveuglés qui ont choisi
le terrorisme ou la violence extrême une législation en béton soit prise. Avec
les dispositions matérielles qui vont avec pour qu’on évite les failles
prétendues ou les manquements avérés. Et que l’on agisse de façon préventive. J’ai
choisi le camp des innocents et que l’on torde le bras des tueurs de toute
nature – y compris à cause de la drogue ou de croyances - peu me chaut. Je
n’accepte pas les leçons de morale. Je suis aussi sensible que les belles âmes
mais je préfère la collectivité à un individu déviant. Et je ne crois pas
qu’une liberté absolue pour un quidam soit profitable à la société. Ni que
l’émotion domine la raison.
L’état de droit
a une définition un peu éthérée sachant que l’Etat c’est nous. C’est un concept
juridique, philosophique et politique qui assure la prééminence du droit sur
le pouvoir politique avec des élections libres et des institutions
séparées. Aristote l’a évoqué. John Locke aussi et Montesquieu. L’individu
peut faire valoir ses droits contre l’Etat s’il le faut grâce aux
tribunaux. Aux lois nationales s’est ajoutée la jurisprudence de la Cour de
Justice de l’Union Européenne de Luxembourg et celle de la Cour Européenne des Droits
de l’Homme à Strasbourg. Mais si la France doit respecter sa signature dans les
traités internationaux il ne lui est pas interdit de les renégocier compte
tenu de l’évolution négative de certaines populations mues par des rancœurs
diverses. Et de parfois y déroger ce qui est prévu et possible en droit. D’éminents
juristes le démontrent. Notre souveraineté est à ce prix. Le droit n’est pas un
pistolet braqué sur notre tempe. On n’est pas lié ad vitam aeternam
à la résignation et à l’immobilisme quelles que soient les circonstances
et surtout si on est attaqué.
Bien sûr que
c’est complexe mais si tel n’était pas le cas pourquoi élire des candidats
qui se disent compétents et vouloir aller jusqu’au bout pour notre
bonheur ? Qu’ils élaborent des lois non bavardes, pragmatiques et
applicables sans faiblir. Les querelles politiciennes lassent. Ce n’est pas
faire le jeu des extrêmes que de montrer de la détermination.
L’état de
droit ne peut être le cache- sexe de l’impuissance des pouvoirs publics et un
prétexte pour ne pas bouger. C’est au contraire la garantie que l’on peut définir
des lois qui fixeront la nouvelle règle du jeu. Ceux et celles qui veulent s’en
affranchir seront avertis et ils pourront tenter de faire valoir leurs arguments
devant les juges qui connaitront la solution voulue par le peuple. C’est cela
la démocratie qui n’a pas vocation à être forcément permissive. La tolérance
n’est pas l’abandon. La République doit se défendre.
Il faut
que le risque change de camp. Le citoyen ne doit plus avoir peur en permanence
où qu’il soit et quoiqu’il fasse. On sait que le risque zéro n’existe
pas surtout dans ce monde en guerre et menaçant. Mais le particulier doit savoir
que l’Etat a construit des barrières de protection. Et en même temps selon la
formule consacrée et inadaptée aux problèmes de sécurité, le délinquant potentiel y
compris mineur pour des infractions graves doit être sûr que la main de l’Etat
ne tremblera pas et qu’il prend son risque en toute connaissance de cause.
Les excuses à l’infini ne satisfont personne.
L’état de droit est le nom du peuple et de la
paix. Aucun pays démocratique au monde n’a trouvé le remède idéal pour juguler
la violence meurtrière. Que la France donne l’exemple en conjuguant fermeté et
humanisme. Elle n’est pas qu’un territoire et une distributrice de droits et
avantages. Il en va de notre avenir.
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