Voltaire est -il
devenu ringard ?
Par Christian Fremaux avocat honoraire
La pré-
campagne présidentielle est pathétique pour certains clans qui ne sont pas sûrs
d’être dans la course ou qui n’arrivent pas à régler leurs affaires internes et
plutôt insipide pour tous. Les arguments que l’on entend ne sont pas à la
hauteur des enjeux. On en reste à l’indignation et à l’émotion sans rien
expliquer de façon rationnelle sans fournir la moindre solution et on se perd
dans des détails qui n’ont pas d’importance au lieu de hausser le niveau et
aborder ce qui intéresse l’avenir des français et du pays. Personnellement j’ai
des convictions, j’ai déjà éliminé tous ceux qui sont des extrêmes de tout bord
rouge, brun ou vert et tout radicalisé dans le discours ou les croyances, car
comme le prince de Talleyrand-Périgord je pense que tout ce qui est excessif
est insignifiant. Je m’applique le principe de précaution. Je me déterminerai
au 1er tour pour un(e) candidat(e) quand les programmes seront connus, les
possibilités concrètes d’amélioration ou de réformes développées, en tenant
compte du contexte européen que l’on ne peut écarter d’un revers de main tout
en voulant être souverain dans notre droit et par notre constitution avec nos
valeurs républicaines et notre art de vivre humaniste. Vaste programme qui
dépend aussi de la conjoncture internationale, et n’oublie pas la fin du
mois dans une planète plus préservée sans l’idéologie punitive et dé-
constructrice d’exaltés. Un libéralisme politique avec des contrepouvoirs
puissants mâtiné d’Etat indispensable me ferait plaisir. Je crains que mon
profil idéal soit une utopie et je voterai pour celui ou celle qui s’en
rapprochera le plus. L’écume des
vantardises ne me touche pas.
Un
candidat et la tolérance.
Bien
qu’avocat je ne défends aucun candidat. D’ailleurs personne ne me demande rien
c’est vexant ! D’habitude en matière d’élections grâce aux procédures spéciales
d’urgence la justice intervient pour départager des candidats à propos de ce
qu’ils disent, ce qu’ils ont affiché ou diffusé, sur leurs critiques
réciproques, leurs vies privées…voire des illégalités. Attendons donc pour voir
en se souvenant du parquet national financier et de M. Fillon.
Puisque M. Zemmour
candidat officiel et non plus journaliste -polémiste semble pour l’instant
attirer la lumière et qu’on veut le renvoyer dans l’ombre sinon à l’ombre,
parlons de sa déclaration de candidature que je n’ai pas vue : cela me donne la
légitimité pour en parler comme le font plusieurs intéressés à en rajouter ou
désintéressés au point de mettre de l’huile sur le feu. Je ne suis ni pour ni
contre lui, au contraire aurait dit Pierre Dac.
Paul Claudel
disait que pour la tolérance il y avait des maisons. Mais ceux qui sont
hargneux sur les réseaux sociaux ne savent plus où ils habitent et se vantent
de leur impunité donc de leur absence de responsabilités. Leur bile est
contreproductive et donnera un mal de foi[e] d’ici peu.
Deux
poids deux mesures ?
A la fin de
son beau discours pour la panthéonisation de Mme Joséphine Baker le président
Macron a terminé par un vibrant Vive la République, Vive la France avant que la
Marseillaise ne retentisse. On était ému. M. Zemmour dans un décor
crépusculaire qui n’annonce rien de bon au micro de sa radio -vidéo. isée a
achevé sa candidature par les mots : Vive La République et surtout Vive la
France. C’est l’adverbe surtout qui veut dire avant tout ou plus
particulièrement qui a déclenché la polémique.
Des exégètes zélés et naturellement neutres se sont aussitôt écriés que
M. Zemmour voulait mettre à bas « la gueuse » comme les monarchistes
l’appelaient, pour établir une sorte de régime de Vichy Pétainisé contre tous
les étrangers dont les juifs et évidemment les migrants avec le privilège blanc
et je passe d’autres considérations. Je ne me risque pas à interpréter la
pensée de M. Zemmour. Il est assez grand pour le faire lui-même ;
La France est-
elle la République et réciproquement ?
Mais ce qui ne m’a pas plu c’est de considérer
que la France était simplement et uniquement la République et qu’il ne fallait
pas distinguer. Sauf à avoir fait régulièrement l’école buissonnière ou d’être
un décrocheur précoce, personne y compris les cancres que ne sont pas les
candidats au poste suprême ou les commentateurs professionnels du moins je
l’espère, ne peut ignorer l’histoire de France, sa construction avec la
monarchie, puis la 1ère république qui conduit à l’empire, enfin la République
définitivement au moins depuis 1875 quelles que soient les crises, guerres et
menaces diverses. Sur ce sujet on fait une querelle d’allemands à M. Zemmour
qui a d’autres croyances ou obsessions que l’on peut combattre. N’est -ce pas
Voltaire qui disait « je ne partage pas vos idées mais je me ferai tuer pour
que vous puissiez les exprimer ». Puis il allait se réfugier à Ferney ou
partait en un exil proche quand ses propres idées chagrinaient des puissants.
On ne peut quand même pas demander à nos courageux moralistes de salon
auto-satisfaits de leur générosité sans conséquences pour eux de s’installer à
la Bastille ou de se réfugier en Andorre ou à Monaco.
Sur
la République.
Le seul à
vouloir une autre République la VI -ème est M. Mélenchon qu’on ne soupçonne pas de
noirs desseins et qu’on ne critique pas vivement même si on ne connait rien du
contenu de sa République que l’on devine forcément plus démocratique, plus
participative, plus ouverte et plus distributive. La République est un mode
d’organisation des pouvoirs publics qui n’est pourtant pas adoptée par tous les
pays réellement démocratiques, comme notre pratique à la Française avec notre
système semi-présidentiel : le chef de l’Etat élu au suffrage universel direct
décide ; le gouvernement met en forme, détermine et conduit la politique de la
nation et le parlement vote ou non. Comme la démocratie, la République est le
pire des régimes juridiques à l’exception de tous les autres pour paraphraser
W. Churchill. Des élections à tout
niveau ; un état de droit avec des contre- pouvoirs ; des valeurs
dont les droits de l’homme largement interprétés d’ailleurs ; et des
grands principes. Ainsi l’article 1 de la constitution indique que la
république est indivisible, laïque, démocratique et sociale, avec la devise
liberté, égalité fraternité.
Sur la France.
La France
est une nation qui s’est constituée au fil des siècles, qui rassemble les
citoyens de toute origine qui acceptent sans oublier qui ils sont de suivre et
d’appliquer les principes et valeurs républicains pour intégrer une
civilisation à laquelle ils croient. La France ne répond pas à une définition
figée, elle est unique, s’adapte à la modernité mais demeure immuable dans ses
fondements universels. On s’y réfère dans le monde. Elle dépasse les individus
ou les communautés elle n’est pas la somme de particularismes. Elle est faite
de chair et de sang et d’âme qui transcende. Elle a du mépris pour des intérêts
matériels personnels qui ne sont pas de son royaume, tout en faisant assurer le
bien- être dans la paix de tous. Elle ne dépend pas d’un régime politique mais
a besoin d’institutions fortes, de stabilité pour affirmer sa puissance et sa
souveraineté. Elle a des intérêts
vitaux, protège tous ses enfants où qu’ils soient, défend une identité qui peut
évoluer dans un cadre plutôt hédonique à faire progresser pour tous qui a fait
ses preuves. Elle est d’essence
naturelle supérieure à son organisation constitutionnelle. Tous les candidats
devraient faire connaitre leur vision de la France au lieu de s’en tenir à des
propositions techniques. Ils se reconnaissent tous dans le général de Gaulle
qui pensait qu’il y avait dans l’ordre : la France, l’Etat, le droit.
Je n’ai jamais si bien compris la plaine que du haut des montagnes
(Ibsen).
Au secours
Voltaire, à l’aide les humanistes, les démocrates et les raisonnables ils sont
devenus fous. Parler de la France au lieu de la planète et de la fin du mois va
être un handicap. Où est la tolérance des idées, le débat qui grandit ? Je
n’aime pas les leçons de morale. Quand le sage montre la lune l’idiot regarde
le doigt qu’il soit celui controversé de M. Zemmour ou le sien et pourquoi pas
le mien pour éviter de se regarder le nombril.