mardi 5 mai 2020

courage fuyons les responsabilités


                Courage fuyons les responsabilités !
   Par Christian Fremaux avocat honoraire du barreau des confinés.
Le confinement soudain a donné lieu à des difficultés imprévues mais on s’y est conformé car on avait peur de la maladie soyons francs. Les plus opportuns ou prudents des habitants des grandes villes ont pris la fuite en province là où ils pensaient que le virus ne passerait pas et que le confinement serait un moment le moins désagréable possible à passer.  Ce fut un choix révélateur en conscience et responsabilités, il n’y a pas à le critiquer. Chacun voit son devoir où il le situe. 
Mais pour le déconfinement cela va être la foire d’empoigne, chaque profession demandant à l’Etat -par ailleurs accablé de tous les maux pour ses insuffisances, manquements divers, hésitations, mensonges parfois- de prendre des mesures spécifiques car toute profession est un cas particulier. Même ceux qui avaient choisi de vivre dans le secteur privé, sans aide de l’Etat, crient au secours à juste titre car on leur a imposé de ne plus travailler, et ils ne veulent pas mourir économiquement après avoir échappé au virus.  A défaut ils attaqueront en justice, je ne sais pas précisément qui mais ils le feront.
N’ayant aucun talent pour la divination je ne peux dessiner avec précisions ce que sera le monde d’après qu’on nous annonce avec de grands principes généraux et humanistes ce dont je me réjouis, mais je crains qu’ils soient en partie illusoires face à l’urgence de la réalité car chacun va vouloir tirer parti de ce qui est arrivé. Qui pour voir ses salaires progresser (on a applaudi chaque soir des héros  du quotidien) ;qui pour travailler autrement (le télétravail chez soi) ; qui pour d’autres façons de vivre et de se déplacer ou  voyager ;  qui pour rénover les gouvernances  et les pratiques dans l’entreprise (on va réentendre les leaders syndicaux) ;qui pour relocaliser des industries à condition que les coûts de fabrication n’explosent pas ; qui pour mettre en avant les territoires et la ruralité avec les agriculteurs qui ont assuré notre alimentation et ce qui est constant pendant la période ; qui pour une nouvelle répartition vraiment décentralisée des pouvoirs ; qui pour revoir le rôle de l’Etat qui devra être réduit à ses fonctions essentielles avec une chaine de commandement plus réactive ;et qui pour son bon plaisir, pour la culture et le droit  de ne pas être matérialiste … La liste des réformes à faire est longue pour revenir au passé où nous étions heureux sans le savoir que l’on critiquait avec le luxe et l’impudence des enfants gâtés, mais en mieux bien sûr, en plus moderne et tendance en préservant l’avenir des générations futures et en n’excluant ni la transition énergétique, ni un autre mode de croissance ni d’autres valeurs qui se sont révélées avec la crise. Bon courage à ceux qui vont s’y coller pour trouver les solutions avec de beaux débats que je pressens parfois surréalistes car je n’imagine pas le contraire avec tous ceux qui savent toujours tout, après.
  D’autant plus que les problèmes courants demeurent : la sécurité et le terrorisme, les menaces, l’Europe et les autres pays avec qui il faut coopérer et composer, les catastrophes naturelles, le chômage, la création de richesses pour la solidarité et la redistribution, le séparatisme ou plutôt le bouillon de certaines banlieues avec la religion et les trafics sans oublier l’aspect social et économique et le respect de la loi, les violences  graves pour tous les prétextes, l’insatisfaction générale  parfois sans vraie raison et la polémique pour tout sujet, et chacun y ajoutera ses priorités. Il faudra affronter en même temps tous les problèmes sans recourir à une prétendue union nationale car comment concilier les extrêmes, et les opinions différentes doivent subsister pour que les électeurs tranchent et choisissent un cap une politique présumée gagnante et juste.  Il sera mieux d’obtenir néanmoins un minimum de consensus sur les décisions publiques à prendre pour redresser la barre du bateau devenu ivre, son capitaine n’ayant pas été atteint par le virus mais son équipage si, commandant naviguant à vue au nord vers l’inaccessible étoile.   
Je me demande quelle réforme emblématique de fond le gouvernement va pouvoir annoncer et introduire pour créer un choc positif qui enthousiasme et entraine des perspectives pour tous, celle des retraites (que je n’aimais pas au moins pour les avocats je vois midi à la porte de mon bureau) me paraissant impensable car il faut d’abord qu’un maximum d’individus retravaillent. Et celle de la réforme des allocations- chômage ou des économies sur les dépenses publiques pouvant conduire à des émeutes pour inopportunité. Comme aussi la réforme constitutionnelle prévoyant la limitation des mandats et la suppression du nombre de parlementaires, outre celle de la cour de justice de la république qui vient d’être saisie par des plaignants et autres dispositions qui nous paraissaient raisonnables, jadis c’est-à-dire il y a encore quelques semaines.  M.Macron doit se mordre les doigts de n’avoir pas trouvé l’année dernière une majorité des 3/5 ème au congrès !
Tout est évidemment possible même l’improbable. Les promesses électorales n’engageant que ceux qui y croient, je ne m’inquiète pas. Le pouvoir saura phosphorer pour montrer qu’il contrôle la situation et nous vendre ce qu’il appelle le progrès qui pourrait d’ailleurs être partiellement un retour en arrière sur ce qui a fait ses preuves, est connu, admis et  proche des individus, avec une mondialisation qui est, qu’on ne peut faire disparaitre d’un coup de plume ou ignorer, mais qu’il faut limiter, et une nation à recomposer en trouvant  les valeurs qui font  consentement et des sous, encore des sous sans augmenter les impôts.  Vaste programme.   Nous allons devoir nous réinventer a dit le président : oui chef, mais lui et les élites administratives ou scientifiques ou auto-proclamées qui ont pris un coup sur leurs prétentions, aussi et d’abord. J’ai changé disent souvent les politiques qui reviennent ou veulent revenir au pouvoir et modifient en réalité leur stratégie. N’est- pas qui veut Julio Iglesias qui chantait « non je n’ai pas changé »!.   
 Mais je subodore un peu ce que va être la vie proche, quand nous aurons maîtrisé les conséquences du virus si tel est le cas puisque on ne sait rien sur sa disparition ou non, et qu’il faudra que la machine reparte après les vacances sur les plages car on l’a « bien mérité » et c’est une question existentielle à la JP Sartre. Outre les désastres avérés il y aura des victimes collatérales, celles déjà justes à l’équilibre avant la crise, ou qui vivaient sur quelques mois, ou qui avaient besoin d’une croissance constante et des institutions fortes qui fonctionnaient. Il va falloir injecter un «  pognon de dingue » selon une des formules de notre président, mais cette perspective de milliards d’euros de dettes ne semble pas le plus important : je m’incline devant ceux qui devinent avec certitudes bien que chacun, moi comme les autres a un budget contraint et  constate que lorsqu’on emprunte on doit rembourser,  et que quand la caisse est vide on ne peut fabriquer de fausse monnaie : on réduit le train de vie, mais comment faire pour ceux qui n’avaient déjà pas l’essentiel  ? Les choix décidés avant d’être votés vont faire l’objet de débats intenses, de protestations, de pinaillages, de prétextes. L’opposition doit-elle être systématiquement contre tout ce qui est pour et  pour tout ce qui est contre comme le disait Pierre Dac ? Prenons des exemples : s’abstenir de voter est -ce être responsable ? Refuser d’approuver une mesure car elle ne va pas assez loin est-ce responsable ? Faire de la politique politicienne en s’opposant pour ne pas mêler sa voix à celle de l’adversaire est-ce être responsable ? Ne rien proposer en critiquant ce qui est prévu est-ce responsable ?  Peut-on se laver les mains -en dehors des gestes barrières- et soutenir ensuite qu’on est responsables ? Ponce Pilate n’est pas le héros préféré dans le monde. 
 Tout ceci va être un problème de responsabilités pour tous, majorité politique comme opposition, corps représentatifs multiples, contre-pouvoirs avec les médias, patrons comme salariés, fonctionnaires ou membres du secteur privé et professions libérales, comme élus locaux, départementaux, régionaux, et les décideurs publics déconcentrés sous l’autorité des préfets. J’ajoute de responsabilité pas seulement morale, mais en droit.  La justice va avoir un travail considérable pour juger de ce qui s’est passé pendant cette période exceptionnelle pour revenir à l’état de droit classique et aux grands principes, pour conforter notre démocratie et nos valeurs républicaines.  On annonce des enquêtes parlementaires et administratives de tous côtés et de multiples actions judiciaires civiles et administratives et plaintes pénales. Cela fera au moins la joie des avocats – ceux qui auront survécu à la fermeture des tribunaux, à leur propre grève et celle préalable des transports, aux gilets jaunes…-  et qui n’ont pas plaidé depuis des mois.
Mais moi je me défile, pas pour tout mais pour le plus visible et ce que recherchent les puissants.  On ne peut pas toujours être courageux. Je suis content de n’être responsable qu’a minima et de presque de rien sauf de moi et de mes proches ce qui est déjà beaucoup.  Je ne me suis pas représenté aux élections municipales de mars dernier après 37 ans de mandat municipal. Je n’aurai pas à gérer la reprise des écoles, véritable prise de risques dans les communes et pour les parents qui n’ont pas confiance. Je ne suis pas haut fonctionnaire qui pense se réfugier derrière la hiérarchie et qui a respecté les ordres et les process, ou membre du corps médical qui exerce un art et pas une science exacte et dont les sommités donnent des conseils au gouvernement sans en avoir à subir politiquement ou judiciairement les conséquences.  Je ne bénéficie d’aucune immunité pénale comme celle de droit qui découle du statut constitutionnel du chef de l’Etat.  A mon grand regret- mais aujourd’hui je m’en félicite- je n’ai jamais été ministre voire un parlementaire de ceux qui votent les lois qui entrainent diverses conséquences juridiques notamment comme un état d’urgence même sanitaire.  Il n’y a pas d’auto- protection collective et on ne peut se retrancher derrière le groupe pour s’exonérer de tout.
Je n’aurai pas comme les magistrats, les juges professionnels qui ont été aussi confinés, à arbitrer au plus vite car il y a du retard  à juger le stock déjà plaidé outre les cas nouveaux des multiples contentieux -qui parfois mettent en jeu des intérêts personnels y compris la liberté ou la survie individuelles ou économique ou la tranquillité de vivre dans la paix tout simplement - liés à la fermeture de tout, à la cohabitation d’une législation temporaire et exceptionnelle avec nos règles habituelles, nos normes, nos bases  constitutionnelles, nos libertés fondamentales, bref ce qui touche à l’état de droit et peut être par une jurisprudence nouvelle coronavirienne bouleverser nos grands principes et nous faire changer de société. Et qui doivent aussi veiller aux victimes et ne pas dispenser ceux qui dirigent de rendre des comptes. Mission essentielle pour la cohésion de la société, sachant que pour un individu lambda son cas est aussi précieux, quelques soient sa nature et son importance pour les autres. L’égalité en droit et en chances n’a pas de limites.
Certes j’exerce de façon bénévole les fonctions de conseiller prud’homme, et je devrai me prononcer sur les litiges du droit du travail  en cours et ceux qui ne vont pas manquer de surgir .Mais ce droit devenu vital qui régit les règles dans l’entreprise  entre salariés et employeurs entre autres, qui fixe les conditions de sécurité et de travail, qui détermine des aspects financiers importants,  est souvent  bousculé par les majorités politiques qui se succèdent (par exemple en 1981 avec M.Mitterrand ou les ordonnances dites Macron de 2017) et il est le reflet d’une époque, au -delà de grands principes de justice sociale et des droits acquis. Je ne me déroberai pas avec mes collègues car je ne néglige pas mon devoir modeste et l’équité m’est connue. Et la cour d’appel peut ensuite modifier nos appréciations. Ma responsabilité est relative mais réelle même si elle peut provoquer des mécontentements selon les décisions rendues.
N’étant plus un petit chef d’entreprise puisque mon cabinet d’avocats est désormais géré par des jeunes, je n’aurai pas à y venir mètre en main pour recomposer les bureaux, le secrétariat et les couloirs. J’avais l’habitude d’acheter des codes mais pas du gel ou des protections. L’avocat qui porte sa robe noire mettra t- il un masque noir pour l’harmonie des couleurs, comme zorro ?  Dans l’entreprise la jurisprudence la plus récente parlait d’obligation de sécurité de moyens renforcée surtout en matière de prévention : à l’impossible nul n’est tenu !
Je n’aurai pas à évoquer en cas de poursuites contre des élus les maires en particulier, la loi dite Fauchon du 10 juillet 2000 qui s’est prononcée sur les délits intentionnels en stipulant :  le délit ne sera constitué que « s’il y a eu une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité ». Il faut prouver une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité que [le poursuivi] ne pouvait ignorer. Ce texte protège déjà les élus, et je ne doute pas que des parlementaires vont faire voter une loi spécifique pour la période liée à l’état d’urgence sanitaire.
Je n’arrive pas à imaginer tous les cas possibles pour que la responsabilité d’un décideur soit engagée qui est un des problèmes à résoudre vite pour que les initiatives se développent. Etre mis en cause ne veut pas dire être condamné, mais l’épreuve est cruelle, injuste et décourage certains. On est dans le cadre juridique non pas d’une obligation de résultats, mais dans celle d’une obligation de moyens : on fait ce que l’on peut en respectant les consignes officielles avec ce dont on dispose en matériel comme en personnel. Cela rassure.  
Le plus raisonnable est donc de fuir les responsabilités et attendre une époque plus favorable. Je plaisante bien sûr mais j’en appelle par avance à la modération, à la tolérance, aux circonstances atténuantes si tout n’a pas été parfait, à l’excuse d’imprévisibilité et absolutoire en raison de l’absence de réponses sûres et définitives par ceux qui sont au pouvoir voire à la force majeure liée à l’ennemi invisible.  Le risque 0 n’existe pas, et en ne faisant rien on n’est pas certain non plus de n’être pas critiqué voire poursuivi. Le principe de précaution peut aboutir à des drames.  L’inaction est parfois un délit. La société donne toujours une deuxième chance à ceux qui ont fauté souvent volontairement, ou on les libère de prison par anticipation pour de bonnes raisons.  Cela se discute.
Ce qui ne se discute pas c’est de chipoter la confiance à ceux qui sont sur le terrain qui trouvent des solutions même bancales voire hasardeuses avec les moyens dont ils disposent, et qui font tout pour le bien des autres parfois en s’exposant eux-mêmes. Alors soutenons- les.
La responsabilité est l’apanage de tous et un devoir collectif. Regardons-nous dans la glace sans indulgence et interrogeons-nous sur ce que nous faisons en nous prenant en mains, et ce que nous pouvons apporter à la collectivité, ne serait -ce qu’en ne dénigrant pas ceux qui cherchent et font.  Ce n’est pas toujours l’autre qui a tort. On n’a pas que des droits, on doit participer à son niveau à l’effort collectif. Cela ne veut pas dire que l’on pardonne toute faute et que l’on ne sanctionne personne.  Assumer ses responsabilités signifie être un homme/une femme dans le plein exercice de sa conscience et de sa liberté de citoyen.    


mardi 21 avril 2020

ordre illégal et désobéissance civile


                 Ordre illégal et désobéissance civile.
                   Par Christian Fremaux avocat honoraire.
Dans cette période de pandémie beaucoup plus confuse que par le passé où ne planaient pas de risques pour la santé mais des menaces identifiées, s’y sont ajoutées l’anxiété et la peur car il y a des inconnues de toutes natures importantes à court et moyen terme. Même si les réactions ou revendications parfois brutales de diverses catégories sociales comme celles des individus durent depuis très longtemps on l’a vécu ces derniers mois, l’on a pris la mauvaise habitude par manque de courage pour ne pas faire de vagues donc à tort, de constater que certains ne respectent rien dans le courant ordinaire de la vie. Ce n’est donc pas faire un procès d’intention à quiconque de déplorer que pour toute décision publique il y a un refus de l’autorité, une répugnance à appliquer la loi, à considérer que toute disposition impérative voire toute simple recommandation, toute instruction générale sont inacceptables et abusives, à ne tolérer aucune contrainte quelconque et à croire qu’en désobéissant on est dans le camp du bien.  
Cette rébellion ou pour ne pas exagérer cette propension à discuter, protester, pinailler, douter, dire tout et son contraire, se retrouvent dans tous les domaines et chacun d’entre nous doit l’affronter : par exemple  dans la famille avec les enfants ; à l’école où les parents viennent agresser les enseignants ;  dans l’entreprise où la moindre remarque est considérée comme du harcèlement moral et de la discrimination ; en justice où les jugements rendus font polémiques ; et bien sûr dans la sphère publique quand les politiques votent des lois à la suite d’un processus démocratique. A peine élu, le responsable n’est plus légitime et il est soupçonné de prendre des mesures dangereuses voire régressives pour les droits acquis, de limiter les libertés individuelles et publiques au nom d’un objectif non avoué, et de prendre des décisions que l’on ne peut accepter.  Car seule l’opinion publique a raison, c’est -à- dire une infime partie de la minorité qui prétend savoir de source sûre et avec certitudes pour tout, ce qu’il faut faire.  Avec la crise sanitaire des sommets sont atteints avec les prétendus experts et les spécialistes du bavardage qui conduit au néant, qui réinventent le passé et avaient tout prévu.
Je ne sais pas si le « nouveau monde » voulu au moment de l’élection présidentielle mais désormais différent que l’on nous promet pour après la crise changera cet état d’esprit ou si les habitudes de l’ancien monde ressusciteront. J’espère que les vieux démons ne resurgiront pas.  Notre monde actuel est devenu un mode d’empêcher de gouverner en rond, sans avoir la moindre responsabilité et je pense à des médias en particulier, sans répondre de ses actes si on se trompe, au prétexte que la démocratie est une vérification permanente par le peuple ou ceux qui prétendent l’incarner, et qu’il est normal de s’opposer ou de dire non y compris par la violence. C’est de la vigilance active voire activiste dans le cadre d’un régime représentatif. Ce n’est pas ma conception de la gouvernance qui doit être évidemment contrôlée par les instances institutionnelles et l’application de la constitution, au nom du peuple qui n’appartient à personne même pas aux beaux esprits se disant plus éclairés que d’autres, mais comme je suis un senior qui a failli être confiné à vie, je dois être un has been. Je l’assume.
On voit bien cette tendance avec les violations des mesures concernant le confinement, les millions de contrôles, les centaines de milliers d’infractions, les PV dressés et les renvois devant les tribunaux. Avec le déconfinement il faut s’attendre à encore plus de protestations et d’indignations sur les mesures du plan global de redressement comme on dit au tribunal de commerce pour faire repartir les activités et donc la croissance, pour déterminer qui fera les efforts, qui paiera la note finale, malgré l’explosion de la dette publique qu’il faudra un jour rembourser nous ou les générations futures que l’on veut préserver ? Chacun aura sa bonne idée. Celle qui vise surtout les autres. 
 Va-t-on demander la solution facile de l’ancien monde d’un impôt dit du coronavirus, plutôt que d’innover et d’imaginer d’autres solutions qui toutes, soyons réalistes, demanderont des efforts.  Surtout que le processus à inventer du déconfinement sera progressif et que des commerces risquent de rouvrir plus tard que d’autres ce que je déplore pour les entreprises les plus fragiles mais bonnes pour le moral comme les bistrots restaurants et hôtels, marchés et spectacles. Mais peut -être d’ici le 11 mai va-t-on trouver des solutions pratiques qui permettront la reprise d’une vie normale pour tous.  Le rétropédalage est aussi un moyen d’avancer si je peux dire, et de n’être pas contre -productif. Revenons à mon approche un brin partiale je l’avoue sur l’autorité mot qui fait geindre, et son non- respect. 
 Je voudrai me tromper et croire qu’il va y avoir un consensus, un défi commun, et un enthousiasme à tous relever les manches. Mais je crains que dans un avenir proche il y ait une vague de refus, plus ou moins motivés, plus ou moins dans l’intérêt général, qui va renforcer l’esprit de désobéissance qui nous anime. Et la détestation de recevoir des ordres même élaborés démocratiquement. Guignol rosse le gendarme sous les applaudissements.  C’est le sujet de ces lignes.  
N’en faire que selon ses désirs est devenu un sport national, une manière de vivre et d’être, de se croire rebelles -sans risques d’ailleurs- de s’en prendre aux pouvoirs publics tout en profitant des avantages et en négligeant que l’Etat ce n’est pas « moi » comme le disait Louis XIV mais nous, tous les citoyens. Refuser d’obéir, de se soumettre à la loi, c’est considérer que la liberté individuelle est un principe supérieur à toute autre considération, en particulier si elle nous concerne. L’intérêt général devient secondaire.
On doit se rappeler ce que prêchait le père Henri Lacordaire (1802-1861), membre de l’Académie française et homme politique : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Examinons cependant deux concepts : l’ordre illégal et la désobéissance civile.
La 1ère catégorie de désobéissance consiste pour un militaire surtout (un fonctionnaire aussi) à ne pas exécuter un ordre qui lui parait illégal. C’est la théorie des « baïonnettes intelligentes ». L’article 122-4 du code pénal précise que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime sauf si cet acte est manifestement illégal ». La difficulté en justice est de savoir comment on interprète le « manifestement illégal » : un ordre exagéré, mal conçu, ambigu, mal formulé… ne correspondent pas forcément à la définition, ni celui qui est contraire à sa conscience. J’ai plaidé jadis quelques dossiers de ce genre quand le tribunal aux forces armées existait encore. Ce fut toujours difficile en faits, en sémantique, en morale, donc en droit. Je donne l’exemple atypique et ancien des gendarmes qui sur ordre du préfet ont mis le feu à des paillottes sur une plage corse. Ils ont été condamnés. Mais cette théorie veut dire aussi que désobéir à l’autorité est admis par la loi dans des conditions très strictes cela va de soi.
Dans le cadre de la crise du coronavirus, des mesures qui restreignent les libertés individuelles pour un temps déterminé ont été votées dans le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, et le confinement a été ordonné. L’ordre est légal. Les pseudos résistants à son application qui inventent des prétextes aussi farfelus que dérisoires pour circuler librement, sont dangereux pour eux -mêmes, leurs proches, et tous ceux qu’ils croisent. Cela me permet d’aborder un autre aspect de la désobéissance.
La 2ème catégorie de désobéissance concerne ceux qui sont persuadés de détenir la vérité, par exemple sur le réchauffement climatique ou l’environnement en général, avec la décroissance nécessaire, et qui dénoncent la main nocive de l’homme partout notamment avec les méfaits de la finance. Ils occupent des terres, ils se battent pour que tel projet soit abandonné.  Ils n’ont pas tout faux, mais ils n’apportent aucune vraie solution. Avoir des intuitions ou des certitudes non vérifiées et validées (voir la polémique actuelle sur les médicaments ou le vaccin) ne garantissent pas des résultats heureux. Et le pouvoir ne peut prévoir des politiques publiques sur des hypothèses. Tout chef d’entreprise le sait. On ne joue pas à la roulette russe avec la santé, ou l’économie. Comme on a les modèles et les penseurs que l’on mérite, je cite mon maître du bon sens Coluche qui définissait le capitalisme « comme l’exploitation de l’homme par l’homme, et le syndicalisme par le contraire ».
Les militants qui désobéissent en se disant pacifiques mais en n’hésitant pas à faire le coup de poing avec les forces de l’ordre, utilisent le concept de désobéissance civile pour se justifier. Elle a été décrite en 1849 par le philosophe, naturaliste et poète né en 1817 à Concord (usa) Henry David Thoreau.  En juillet 1846 il avait refusé de payer un impôt à l’Etat américain pour protester contre l’esclavage dans le sud du pays et la guerre au Mexique. Il ne va passer qu’une nuit en prison car sa tante va payer sa caution. Furieux il décide de théoriser son action sans oublier « le discours de la servitude volontaire ou le contr’un » d’Estienne de la Boétie (1530-1563) qui est une remise en cause de la légitimité des gouvernants à propos d’une révolte antifiscale - déjà - en Guyenne en 1548. Ce texte de La Boétie traduit le désarroi d’une partie de la population souvent cultivée devant la réalité de l’absolutisme. La question est : « pourquoi obéit-on ? ».
Avec la désobéissance civile on refuse de se soumettre à une loi ou une mesure qui nous paraissent injustes. On s’interroge : « le légal est-il juste ? » alors que l’on est en république et que l’absolutisme n’existe plus et sauf à penser que l’Etat est totalitaire.  On en appelle à la conscience personnelle, aux valeurs qui nous motivent, à la définition du bien et du mal, à l’intérêt collectif outre à l’impuissance des Etats face à des firmes mondialisées.
On connait les désobéisseurs collectifs (les anti-zadistes) qui défendent une cause et les quasi- professionnels proches des mouvements anarchistes, nihilistes ou anticapitalistes. On a pu vérifier que la violence était un moyen d’action fréquent. Dans une démocratie c’est intolérable.
  Il y a aussi des désobéisseurs individuels qui font passer l’humain avant tout comme récemment M.Cédric Herrou agriculteur installé près de la frontière franco-italienne qui aidait les migrants illégaux.  Son cas a fait progresser le droit. La cour de cassation par le biais d’une QPC a interrogé le conseil constitutionnel qui a jugé que le principe de la fraternité à but humanitaire bien sûr, faisait désormais partie de notre bloc constitutionnel comme la liberté et l’égalité de notre devise [décision du 6 juillet 2018].
Une société moderne complexe par définition, qui ne sait pas répondre immédiatement à ce qui n’est jamais arrivé et est imprévisible, ou qui envisage les meilleures décisions pour l’avenir par des réformes, ne peut bien fonctionner qu’avec l’acceptation par le plus grand nombre des lois et règles votées démocratiquement. C’est de la responsabilité de chacun. Certes il n’est pas interdit d’avoir une confiance raisonnée envers nos décideurs et de conserver l’esprit critique, car nul n’est parfait et on peut se tromper. Mais la désobéissance pour avoir raison ou par principe ne peut mener qu’au désordre civique, à l’incapacité d’agir, à la chienlit aurait dit le général de gaulle. La vérité est protéiforme et seule la légitimité démocratique par l’élection permet de progresser. La désobéissance conduit à l’impasse exceptés quelques exemples historiques. 

dimanche 19 avril 2020

du civisme selon notre bon vouloir


                Du civisme selon notre bon vouloir.
                 Par Christian FREMAUX avocat honoraire
« Confinée, confinée, est-ce que j’ai une gueule de confinée » aurait peut- être dit Arletty si elle était encore en activité en se promenant sur la passerelle au- dessus du canal saint martin à paris allant vers l’hôtel du nord, alors qu’elle serait contrôlée par un agent de police à vélo dans le cadre des mesures sanitaires actuelles ? Le cinéma permet tous les rapprochements même les plus improbables. 
Tout le monde a une bonne raison pour sortir de son domicile et s’exposer au coronavirus qui ne distingue pas ceux qui sont de bonne foi et les autres. Dans un sketch célèbre, Coluche accompagné de sa femme et de son chien est dans sa voiture et peste coincé dans les embouteillages. Il dit avec son langage direct : « mais où ils vont tous ces cons-là ? Nous on se le demande avec ma femme, car nous on va chez sa mère ! ». Le confinement me donne l’occasion de parler de civisme et de déplorer de façon  générale que nous manquions du sens de la responsabilité, c’est -à -dire de ce que l’on doit aux autres.  J’espère que l’épreuve que nous subissons nous conduira à être dans tous les domaines et notamment celui de la démocratie et de la solidarité, moins désabusé, moins cynique, moins égoïste : on peut rêver. Il faut y croire. 
Selon les dernières statistiques, il y aurait eu 11 millions de contrôles pour vérifier les attestations de déplacement dérogatoire qui auraient entrainé près de 800.000 infractions constatées pour l’instant à 3 semaines du 11 mai ce qui est beaucoup dans un pays d’environ 47 millions de majeurs électeurs, et des centaines de gardes à vue (on parle de 1700 !) pour ceux ou celles qui ont franchi la ligne rouge ou que le comportement a été outrageant voire violent. Les tribunaux ont été saisis et déjà des peines de prison ferme ont été prononcées. C’est un début, mais ne continuons pas le combat pour paraphraser mai 68.
Il faudra dresser quand on aura envie de rire, le bêtisier des excuses proférées avec impudence pour prétendre que l’on est en règle : c’est à pleurer et par moment surréaliste. Il faut aussi préciser pour être juste que parfois l’agent verbalisateur a eu une interprétation très personnelle voire ridicule des consignes. Les juges trancheront.
Je n’accuse pas ce n’est pas ma tendance et je suis avocat, mais comme citoyen je constate que des habitants de certains quartiers mettent moins de bonne volonté que d’autres pour respecter la règle du confinement  sous des prétextes vaguement sociaux, de manque d’espace chez eux, ou culturels au sens large pour ne stigmatiser aucune croyance voire tout simplement parce qu’ils n’acceptent par principe aucune autorité serait- elle sanitaire pour les préserver eux ou leur famille et que tout contrôle est considéré comme une agression et une discrimination qui méritent des représailles. C’est un débat récurrent sur la sécurité qui se poursuit et qu’il faudra bien régler un jour, sauf à baisser les bras définitivement, laisser faire, donner toujours plus, et prier pour ceux qui croient que rien n’arrivera, ni émeutes, ni revendications ni désordres, avec la disparition des trafics ! Puisque on dit que rien ne sera comme avant, faisons- en sorte que cela ne soit pas qu’une parole verbale.   
Tout ceci est un problème de civisme, ce vieux mot qui n’a pas encore pénétré le nouveau monde - qui est mal en point ce jour - promis par notre jeune président qui se bat dans la tourmente comme il peut soyons honnêtes, surtout que l’Etat a montré des carences et que les médecins et divers experts ne sont pas unanimes sur les solutions à choisir. 
Selon ceux que je critique, la loi est faite  seulement pour les autres « puisque elle a été élaborée et votée par des élites que je déteste, les parlementaires que je ne reconnais pas et pour qui je ne me suis pas déplacé pour mettre mon bulletin de vote dans l’urne  et que je soupçonne de n’en faire qu’à leur profit, en nous méprisant sans nous donner nos chances » (sic selon moi). Pour ceux qui ne veulent faire aucun acte civique l’Etat est en faute :il n’a fourni ni masques, ni gel, et il n’y a aucune raison individuelle de respecter un confinement arbitraire dont l’efficacité n’est pas prouvée. D’autant plus que les médicaments seraient pour des privilégiés les riches ou les proches du docteur Raoult… On n’est donc pas civique pour des raisons que l’on estime justes et vraies bien que théoriques et non prouvées bien sûr.  Le soupçon fait office de certitudes et de prétexte pour être rebelles. On a les exploits que l’on peut !  
Pour les  délinquants occasionnels (parfois avec casier judiciaire quand même) se croyant  légalistes et dans leur bon droit  , ils ajoutent que les avocats quand ils reprendront le chemin de leurs cabinets et des palais de justice, plaideront avec des arguments de droit que je ne développe pas, la nullité des poursuites, l’illégalité du confinement, l’absence de bases légales pour limiter des libertés individuelles, la violation des libertés publiques constitutionnelles fondamentales, et que les ministres comme le premier d’entre eux seront poursuivis. D’autant plus que l’on a relâché des prisons par anticipation 10.000 condamnés…
Ce qu’on retient de cette absence de civisme-qui est une tendance lourde de notre société- c’est que beaucoup de gens doutent de la parole publique et ce n’est pas nouveau. Ces citoyens qui ne savent pas bien ce que cette conquête sociale veut dire, considèrent que le civisme est une notion à option au choix, qui n’est valable que si elle leur rapporte personnellement un avantage. C’est donc un droit individuel et pas un devoir au bénéfice de l’intérêt collectif.
Or la loi et les mesures contraignantes qui en découlent souvent sont l’émanation de la volonté générale, ont des motifs sérieux et servent à tout le monde. Je ne prétends que tout est parfait, que nos parlementaires ont la science infuse, que le pouvoir exécutif ne commet ni erreurs ni fautes, ou qu’il fait des choix merveilleux où il n’y a que des gagnants, y compris pour ceux qui attendent tout sans faire le moindre effort ne serait-ce que moral, ou qui ont des stratégies particulières. Je ne suis pas naïf et je connais un peu les jeux du pouvoir et de la politique sans oublier l’appétit de la finance mondialisée.   
Mais la société ce qu’on appelle la communauté nationale va au-delà des obligations structurelles et à court terme. La nation ne se résume pas à faire confronter ou cohabiter les individus et les groupes ; à créer volontairement des inégalités ; à poursuivre tel ou tel par principe ; à écarter tel autre ; à favoriser certains ; à faire exploiter le plus grand nombre au profit d’une minorité ; à comploter pour tout et rien ; à provoquer la division … Je crois au contraire en l’union des différences au service d’un destin commun, dans notre démocratie, notre état de droit, nos institutions, nos élections libres, notre parlement, notre justice, sous l’œil attentif et critique des médias donc de l’opinion publique qui est prompte à s’enflammer puis de passer aussi vite à autre chose. Les idoles sont déboulonnées à peine écloses.  Certes il y des manques et des insuffisances car nous ne sommes que des hommes et des femmes avec nos qualités et nos défauts. Dieu s’il existe a été remplacé par ceux qu’il a créés.
 Mais comparons-nous avec les autres peuples sur la planète, voyons comment nous 5ème puissance du monde nous réagissons : les USA pays le plus riche du globe est celui qui est le plus atteint par le coronavirus. La Chine d’où vient la maladie, a mis les genoux à terre. Les autres pays européens et la Russie essaient de limiter les dégâts. Je ne veux pas évoquer le sort dramatique de nos frères africains, et celui de ceux très nombreux qui en plus sont en guerre ou soumis à des violences internes et qui ajoutent de la souffrance à leurs malheurs. 
Et on se plaint du confinement certes désagréable mais il y a pire comme punition.  On fait le scandalisé, on tord du nez alors qu’on évoque le tracking un repérage électronique permanent à l’étude dont il va falloir bien baliser l’utilisation si c’est décidé et que on (mais qui est « on » ?) sait tout de nous par les informations confidentielles voire intimes que nous diffusons volontairement sur les réseaux sociaux, avec le suivi par les g.p.s , nos cartes bancaires, la sécurité sociale, les impôts… On crie au flicage et à un manque de liberté parce qu’il faut remplir une malheureuse feuille de papier, un papelard où il suffit de cocher une case et d’être sincère voire vraisemblable ! Mais être civique c’est aussi faciliter l’action de l’Etat qui est une entité abstraite, mais qui est chacun de nous tout simplement, et c’est naturel et simple comme de dire bonjour sans s’approcher pour se toucher la main ou s’embrasser. On n’en meurt pas, on n’est pas marqué à vie.
Le civisme c’est le respect du citoyen pour la collectivité dans laquelle il vit et de ses conventions dont la loi, qu’elle satisfasse ou pas. Ce n’est pas du simple savoir- vivre ou de la civilité qui relèvent du respect d’autrui dans le cadre de rapports privés. Le civisme c’est de la citoyenneté. Expliquons par un contre- exemple d’actualité classique (au-delà de la polémique sur le 1er tour récent en France des municipales) : ne pas aller voter, s’abstenir alors que dans le monde les citoyens se battent physiquement pour avoir le droit concret de voter c’est de l’incivisme, qui est d’ailleurs sanctionné dans des pays démocratiques !  Et après on hurle que c’est un scandale si le 2è tour des municipales ne peut avoir lieu ! Sic transit gloria mundi.
Dans sa réflexion sur le rapport critique à l’Etat le philosophe américain John Rawls (1921-2002) dans ses ouvrages sur « la théorie de la justice » et « la justice comme équité » rappelle l’histoire de la désobéissance civile (que certains en France appliquent comme les zadistes de notre- dame- des landes). Il croit en un système de coopération : « ceux qui s’engagent dans la coopération sociale choisissent ensemble par un acte collectif, les principes qui doivent fixer les droits et les devoirs de base, ce qui détermine la répartition des avantages sociaux ». On ignore contingences et inégalités.  C’est une situation idéale. Un égale un.
Le civisme est une valeur fondamentale de la république, comme la fraternité que le conseil constitutionnel vient de porter au panthéon des principes fondamentaux. 
Alors soyons civique cela ne coûte rien. Confinons-nous, protégeons les autres, et attendons le déconfinement avec les seniors dont je suis car j’ai le droit d’exister librement même avec un contrat de vie à durée relativement déterminée.
Le civisme ne peut être selon notre bon vouloir. Comme il y a des intermittents du spectacle qui voudraient bien travailler tous les jours pour nous cultiver et nous distraire, il ne peut y avoir des intermittents de la citoyenneté, qui n’usent du civisme que lorsque cela les arrange.

jeudi 16 avril 2020

je ne suis pas un héros

                                  Je ne suis pas un héros
                                     Par Christian FREMAUX avocat honoraire.
« Je ne suis pas un héros, il ne faut pas croire ce que disent les journaux » chantait Daniel Balavoine un petit jeune en blouson : il n’était qu’un chanteur populaire qui faisait rêver certains et surtout certaines. Il est mort dans un banal accident d’hélicoptère, certes en Afrique sur le rallye paris-dakar mais sans exploit particulier. On l’aimait surtout quand il a piqué sa colère face à F.Mitterrand lors d’une émission de télévision. Mais c’est le passé.
Les héros se font rares ou ils sont fugaces sur le moment de l’émotion.  On n’a pas reconnu le titre de mort au champ d’honneur au colonel Beltrame lors de l’attentat de Trèbes en mars 2018, et on salue les soldats qui tombent au combat au Sahel quelques minutes le temps de leur rendre un hommage, les décorer, leur dire merci, rappeler qu’ils se battent pour nos libertés et la démocratie puis on passe à autre chose. L’actualité comme l’opinion change très vite en oubliant.
En ce moment on applaudit -à juste titre-tous les soirs à 20 heures tous ceux et toutes celles qui combattent le coronavirus, sans qui il y aurait encore plus de morts et de drames. Pourvu que ça dure comme disait Laetitia la mère de Napoléon pas le virus mais les applaudissements, qui avait tendance comme moi à croire que le bien n’est pas naturel et que l’homme doit être guidé pour son amélioration.  J’espère qu’en outre ils seront récompensés pécuniairement et dans leurs carrières professionnelles. Il serait décevant qu’ils n’aient été que des héros intermittents.
 Personnellement je serai un « quasi héros » - que l’on évoque parfois pour ceux qui sont dans le même cas que moi - puisque le président m’a remercié dans son discours car je reste confiné à mon domicile, et ainsi je sauve des vies en n’encombrant pas l’hôpital, ce dont je me réjouis. Je plaisante bien sûr et la notion d’héros à tendance à se galvauder.   
Mais c’est quoi être un héros et pourquoi certains n’en sont pas ? Les mots ont un sens et l’exagération ne sied pas en l’occurrence.
Un héros c’est une personne qui se distingue par sa bravoure ses mérites exceptionnels, qui a accompli des faits extraordinaires, qui s’est distingué face au danger, par un courage qui sort de l’ordinaire. Le héros peut être mythique ou légendaire. Il a des qualités physiques et morales. Il se bat pour des valeurs. L’héroïne est de la même trempe. Racine les a versifiées. Antigone résiste à Créon.   C’est Ulysse qui rejoint tardivement pénélope (pas celle de M.Fillon) ou selon Homère Achille, malgré son talon fragile.
Dans la vie de tous les jours qu’en est-il ?  Chacun a son idée sur ce qu’est et qui est un héros ou une héroïne. Pour un individu le fait d’accomplir son métier où il y a des risques certains, dans des conditions non prévues, inimaginables, stressantes est-il suffisant pour devenir un héros, alors que le légitime droit de retrait existe dans la loi ? Mais il est pour le moins téméraire et sait se sacrifier faire preuve d’abnégation.  C’est remarquable.
Je pose néanmoins une question politiquement incorrecte : accomplir son devoir doit- il être récompensé et est-on moins ou pas courageux quand on se protège pour ne pas faire prendre de risques aux autres ?  Chacun juge son propre comportement à l’aune de ses valeurs profondes et relatives.
Qui peut critiquer et décider ou décréter qui est ou non un héros, en tous les cas pas celui qui est au chaud chez lui ? Dans les circonstances actuelles soutenons et admirons ceux qui font plus que leur devoir et qui méritent une considération pérenne.
Il y a aussi des anti-héros, des méchants, qui sont sympathiques ou qui suscitent une certaine admiration. On ne donnera pas de nom ou d’exemple pour ne vexer personne, car il ne s’agit pas de faire l’apologie de celui qui vit pour lui, est égoïste, et s’en tire toujours au mieux. Il peut être héros malgré lui comme Gaston Lagaffe. 
A-t-on besoin de héros qualifiés comme tels et correspondants à des critères objectifs dans la vie quotidienne ? oui car il faut des exemples, des miroirs, des modèles pour se comparer et donc progresser individuellement et pour la société. Je vais nommer des catégories professionnelles mais aussi en oublier, comme le sont les pompiers, les forces de l’ordre, les soldats, les soignants de toutes natures et tous ceux et celles qui font fonctionner le pays dans leurs domaines respectifs. Voire ceux qui voudraient bien participer mais à qui on a interdit d’agir.  S’ils n’existaient pas on croirait que tout est un dû, on ne s’interrogerait sur rien puisque cela serait normal, on n’imaginerait même pas que le mal existe puisque on ne l’aurait jamais rencontré, et la vie des autres, de ceux qui l’exposent n’aurait ni sens ni prix. Une société est donc la somme de ce que chacun à son niveau fait, représente, incarne et crée. Il ne peut y avoir de plus importants que d’autres, des moins égaux ou des sur- estimés. Tout ceci vaudrait et encore quand il y a péril, quand les difficultés graves existent, quand il faut les affronter voire sauver sa peau.
 Mais que se passe- t -il quand tout est revenu à un rythme de croisière, sans danger imminent et réel, où on se bat pour les problèmes quotidiens de l’existence, où chacun défend ses intérêts matériels et trouve que l’autre exagère dans ses revendications et qu’il ne vaut pas ce qu’il réclame ou qu’il profite ?  Que vont devenir nos principes humanistes face à la réalité et les héros que nous avons qualifiés ainsi dans l’enthousiasme, et la nécessité surtout soyons francs ?
Il n’y aura pas de miracles. La personnalité qui est exceptionnelle par sa dimension personnelle, le restera. D’autres émergeront en raison des circonstances, mais tout ceci ne sera pas suffisant. Certes des poursuites seront déclenchées, car il faut sinon des coupables au moins des responsables qui ne peuvent pas être moi, ou nous les petits, les sans grades. On ne peut faire passer en jugement le virus, et la justice des hommes sait condamner ceux qui ont fauté surtout les élites prétendues et les soi- disant sachants.
La nature nous dépasse. Il faut être humbles et ne pas faire croire que l’on peut la dominer pour tout et en permanence. Il faudra en priorité que chacun d’entre nous fasse un ou des efforts pour ne pas exiger plus ou qu’il n’y ait plus aucun risque.
On vient de comprendre que la vie est fragile, et que collectivement nous sommes faibles quelques soient nos institutions ( très solides) , notre niveau technologique (de pointe) ou de la connaissance de l’homme (toujours à améliorer) ,notre argent (qui ne peut pas tout), notre prétendue puissance (relative selon les menaces). Et notre propension à déléguer l’essentiel à d’autres pays dans le cadre d’une coopération économique que l’on a cru heureuse. On vient d’en voir les limites.
 Il va falloir abandonner un peu de nos prétentions ,ne plus vivre avec l’égo pour horizon et ses libertés individuelles comme  objectifs, ne plus tirer sur la corde qui se casse facilement, et développer une solidarité réelle, participative c’est -à -dire non confiée à des experts ou à des communicants ; croire en la démocratie représentative au plus près des particuliers et entreprises  dans les territoires, demander à l’Etat  de ne pas se mêler de tout et de se contenter de ce qu’il doit savoir faire : préserver l’essentiel à savoir  la protection globale et la cohésion nationale ; prévoir le pire ; assurer les fonctions régaliennes, et faire confiance aux citoyens.
On n’attend pas un héros ou un père la victoire. On n’a pas besoin de mea culpa mais d’un chef pour organiser et bâtir les fortifications, même en temps de paix. Car on sait que la ligne Maginot se contourne, que l’ennemi joue de l’effet de surprise, et qu’un territoire a encore une signification. Nous sommes des adultes qui ont une conscience et de l’expérience.   On est assez lucide pour savoir qu’une guerre se gagne sur tous les fronts les plus exposés comme ceux qui sont à l’arrière, avec des citoyens qui ont besoin de croire en la parole publique et gardent l’espoir en participant modestement à leur manière. Et qu’une société ne vit que dans l’union et la tolérance de tous

mardi 7 avril 2020

Billet d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?


Billet d’humeur d’un confiné : que nous arrive-t-il ?
Par Christian Fremaux, dépourvu de tout titre utile.
J’écris dépourvu de tout titre utile, car être avocat honoraire, ancien élu local, diplômé de prestigieux instituts, ou décoré de ci et de ça n’a aucune portée dans les difficultés actuelles, sauf pour les soignants au sens large et les médecins à la condition qu’ils soient d’accord entre eux sinon leurs commentaires sont plus anxiogènes que rassurants .Et pardonnez- moi d’être futile et long par ces moments dramatiques, car si tous n’en mouraient pas tous étaient atteints je veux dire du n’importe quoi . C’est dû à l’air ambiant. Soyez indulgents on atténue son angoisse comme on peut. Et on écrit pour passer du temps.   
 Dès la fin de la pandémie chacun va vouloir faire croire qu’il le savait, qu’il aurait fallu prendre telle ou telle mesure et que les décideurs ont été en dessous de tout, qu’ils méritent d’être condamnés pour leur nullité qui a fait des morts. L’impudence n’a pas de scrupules. Il va y avoir aussi des remises en ordre, des égos qui vont s’effondrer, des prétendus experts qui vont être démasqués, des donneurs de leçons qui vont s’effacer toute honte bue, des certitudes qui vont voler en éclat et des exigences ou des comportements qui s’estimaient fondamentaux redevenir ce qu’ils sont :  de l’écume, du secondaire pour beau temps, du bidon.
 En revanche cette séquence qui dure oblige à réfléchir à ce que nous sommes individuellement et collectivement et à quoi nous servons, si nos valeurs de toujours plus, de libertés sans limite, de droits individuels sans fin, ont un sens et nous permettent de créer une société meilleure, plus sûre, plus ouverte, plus reconnaissante .Il va falloir changer de paradigme et remettre à leur vraie place c’est- à -dire le néant  tous ceux qui ne servent à rien mais qui croient être indispensables,  et valoriser  tous  ceux  qui construisent et font tourner la société les obscurs, les sans grades,  ou ceux qui réfléchissent et organisent  à partir de leurs compétences. Attention chaud devant comme on dit dans les restaurants quand ils réouvriront, il va y avoir du dégât. Du moins je l’espère, car si on fait comme avant pour rattraper ce qui n’a pas été produit comme richesses et qu’il faut à juste titre reconstruire mais pas seulement à l’identique, on n’aura rien compris. On fait une pause imposée ce qui est inespéré dans la course folle que nous menions, et il nous est donné d’expirer fort et de penser. Profitons- en . Ne marchons plus faisons du surplace.
 Nous nous essoufflons globalement derrière une société qui a pris comme credo la mondialisation le nouveau Leviathan-celui de thomas Hobbes qui voyait l’homme ennemi de l’homme- celle qui facilite voire encourage les échanges entre les personnes et les biens pour ceux qui savent bouger et en profiter, qui n’a plus de frontières, donc d’espace ni de temps puisque internet et les réseaux sociaux n’informent plus mais aboutissent à ce que chacun donne un avis, critique, démolit l’autre sans aucune responsabilité ni regret ni remord. Qui accepte n’importe quelle thèse y compris la plus dangereuse, qui a pour nouvelle idole comme veau d’or les finances alors que la bourse vacille au premier coup d’escopette, et l’économie qui flanche immédiatement puisque les industries y compris les vitales pour notre souveraineté ont été délocalisées, ce qui a vidé nos territoires et mis à l’arrêt forcé ceux qui veulent travailler tout simplement pour vivre sans exiger de faire fortune !  Ces prétendues avancées selon les élites qui en bénéficient sont -elles un bien, comme le serait le progrès technologique ou biologique dans tous les domaines qui conduit à modifier l’homme/la femme, pour l’augmenter ou lui permettre d’obtenir ce que la nature lui refuse ?
  L’inégalité des chances ne se résorbe pas forcément en jouant à l’apprenti sorcier et en démolissant ce qui existait ou ce qui avait fait ses preuves.  Une nation n’est pas une start-up qui n’a pas d’archives, qui invente des applications sans savoir si elle va satisfaire le plus grand nombre, et à quels prix tant matériellement que moralement.  Il y a des valeurs immatérielles qui ne supportent pas d’être passées à la moulinette du prétendu progrès. Il faut donc profiter de l’obligation d’être immobile, de rester chez soi, pour profiter du temps d’arrêt contraint et réfléchir pour après car il y en aura un à plus ou moins long terme.  De s’interroger soi -même, car nous sommes tous responsables d’avoir laissé la société divaguer comme cela, sur ce qui est fondamental, puis essentiel, puis important et ce qui relève de l’accessoire et de nos désirs. Et de quel genre de société nous voulons, de nos valeurs collectives qui doivent être coulées dans le marbre et non négociables, de notre socle commun qui permet à chacun de bâtir un avenir commun d’où qu’il vienne avec sa personnalité et sa culture, de nos libertés publiques et individuelles, de notre solidarité, de nos ambitions, de notre puissance, de notre exemple humaniste. Et j’ose le mot engagement spirituel -je ne veux pas dire drôle, mais de l’ordre de l’esprit, de l’âme pour certains sans croire en quiconque- surtout que la laïcité chez nous est une digue que dis- je après Edmond Rostand, un roc, un cap, une péninsule … je me réserve le pic quand celui de l’épidémie sera atteint !  
Le confinement doit nous permettre de faire  une sorte d’introspection individuelle et collective, pour pouvoir ensuite discuter démocratiquement de notre avenir, et de prévoir ce qui pourrait arriver de pire, le pire n’étant jamais certain , et surtout de vivre en bonne harmonie -je n’aime pas le terme vivre-ensemble qui pour moi n’a pas grande signification réelle dans une société individualiste où chacun a sa vérité et ses rejets on le voit avec l’interprétation personnelle du confinement-- sans exagération ou indignation  pour tout et rien .
 Sans crier au racisme, à la discrimination, au scandale pour tout sujet.  Notre classe politique et intellectuelle sans oublier le milieu artistique qui bien qu’intermittent du spectacle avec le régime social avantageux qui va avec est prompt à s’enflammer en robe de soirée surtout chez de prétendues stars,  devraient  apprendre à être plus mesurés, et que l’opposition soit constructive, car personne n’a LA solution efficace et indiscutable sur aucun dossier y compris et surtout médical, et on entend parfois des  déclarations saugrenues pour ne pas écrire irresponsables ou  carrément idiotes. La démocratie n’est pas le concours Lépine d’arguments éculés ou démagogiques ou de propositions belles sur le papier ou morales à géométrie variable qui éclatent en morceaux à l’épreuve de la réalité. Ceci vaut pour tous nos éminents élus ou représentants du peuple, peuple qui n’en demande pas tant.   
Quand on est confiné comme moi, et que l’on participe à la résolution du problème sanitaire en ne faisant rien et en me calfeutrant à domicile ce qui calme sur notre importance, on s’interroge pour savoir si en temps « ordinaire » on sert à quelque chose ?   On relativise car on sait que l’on ne sait rien comme l’a déjà dit le vieux Socrate mort d’avoir bu volontairement la cigüe et non pas d’un virus quelconque, mais qu’en plus personne n’est indispensable.
Revenons à l’actualité sécuritaire ou judicaire qui est mon domaine habituel. Car rien n’arrête ceux qui ont choisi de n’obéir à rien pas à la loi surtout, qui n’ont aucune conscience morale, et qui pensent jusqu’au bout de leur nez pour faire une «  ligne » et pas plus loin, même pas à la protection de leur voisin. Le temps s’est figé mais les coups de pied aux fesses sont en réserve, je veux dire la sanction par les tribunaux. Voyons le comportement de l’homme en temps de crise ce qui permettra de dessiller les yeux et de ne pas croire que tout le monde peut être bon, et que la société le pervertit comme l’a écrit Rousseau en se promenant dans les bois enchanteurs d’Ermenonville (Oise mon département de famille).Certes il faut donner sa chance à celui qui a fauté, mais certains ont moins besoin de chances que d’autres et la société a le droit de se protéger, dans le respect des droits de la défense , des droits de l’homme et des grands principes humanistes qui sont notre marque mondiale d’existence et de reconnaissance, qui peuvent néanmoins  être adaptés à des circonstances exceptionnelles. Comme le disait Clémenceau : « le gouvernement a pour mission de faire que les bons citoyens soient tranquilles, que les mauvais ne le soient pas » (discours de Verdun 14 juillet 1919) et il ajoutait : « il faut savoir ce que l’on veut ».   
Il fallait bien que cela arrive car la crise sanitaire qui concentre nos attentions n’a pas éliminé les autres sources de tracas.  Il y a eu à Romans-sur-Isère un attentat au couteau qui a fait deux morts et des blessés, commis par un soudanais. Je ne sais pas s’il s’agit d’un migrant illégal, ou d’un réfugié politique qui à l’issue d’un processus judiciaire a reçu la protection de la France, sa confiance et qui reçoit des subsides et des droits. J’ai peu lu sur son cas dans la presse qui est publiée au compte- goutte, mais il semblait vivre en foyer, et n’aurait pas supporté le confinement, aurait ainsi été « aigri » (sic) mais se serait quand même référé au classique Allahou Akbar qui doit être un cri de détresse ou de joie puisque nous sommes en période des rameaux, même si le pape abandonné provisoirement  par les fidèles au Vatican prononce la messe seul , ce qui montre son humilité . Le parquet antiterroriste s’est saisi du cas de l’assassin déconfiné mais pas décomplexé ou déradicalisé. Il a été arrêté vivant, et on va essayer de connaitre ses motivations (même si on se doute de celles-ci) et je souhaite que son enfermement en prison n’aille pas le perturber encore plus, pauvre victime indirecte du covid-19 !  
La sécurité est d’autant plus importante que certains profitent de la situation pour escroquer, voler, détruire, être violent. Les forces de l’ordre équipées comme elles le peuvent tentent de maintenir l’ordre public et dans les familles où les violences conjugales se multiplient. Seront-ils considérés aussi comme des héros comme après les attentats contre Charlie Hebdo, l’avenir le dira.
Il parait que des habitants dans certains quartiers ne peuvent observer le confinement car ils vivent serrés dans de petits appartements ( ce fut mon cas jusque 20 ans y compris pendant mai 68 dans un  minuscule deux pièces à Asnières avec ma mère, mon frère, et mon père d’1,88 m et 110 kg, policier de surcroît) et n’ont que des portables et de grandes télévisions mais pas d’ordinateurs ou d’imprimantes, et qu’ainsi ils sont discriminés, que les inégalités entre les territoires se dévoilent et s’il y a de la haine, c’est par inadvertance, à leur insu de leur plein gré ! Bien sûr les forces de l ’ordre ou les pompiers et médecins continuent d’être caillassés ce qui doit faire partie de l’activité sportive autorisée pendant le confinement, quand ils osent se montrer. Une fillette a été blessée le 4 avril lors d’un affrontement entre les dealers qui continuent leurs trafics en renouvelant les modes de paiement et en livrant à domicile, et les policiers.  Malgré les efforts des exécutifs qui se succèdent, va-t-on un jour réussir à éradiquer cette économie souterraine et permettre aux habitants honnêtes de ces quartiers perdus, avec leur aide de vivre comme tous les citoyens dans le calme et la légalité ?  
 Mais c’est faire preuve de racisme que de vouloir critiquer. Alors cachons les faits sous le tapis (je ne veux pas écrire qui vient d’orient) et je serai ainsi politiquement correct. 
Je change de cible car il en faut pour tout le monde y compris dans de beaux quartiers où vivent des habitants belles âmes, cultivés et humanistes proclamés souvent à condition que l’on mette ceux qui dérangent chez les autres, ne manquant de rien, pas même d’espace ou d’affirmations je veux dire de culot, de certitudes car eux ne doutent jamais. C’est à cela qu’on les reconnait disait Michel Audiard, avec une autre catégorie très répandue.  Certains sont partis se confiner au vert : au moins ils ne manqueront pas d’air ce qui est leur qualité première pour dénoncer l’injustice, l’inaction de l’Etat en matière de climat et de santé publique ; et exiger la transition énergétique sur le champ, celui qu’ils viennent de quitter. Sans oublier les méfaits du libéralisme débridé voire le retour de l’Etat qui n’en peut mais.      
J’aborde un autre sujet sans aucun rapport avec ce qui précède.  Ceux qui dénoncent de façon anonyme leurs voisins qui prennent leurs aises avec les consignes officielles n’ont pas raison. Ce n’est évidemment pas civique de prendre un risque -sauf s’il l’est pour le bien commun - et ainsi d’en faire supporter un aux autres, mais la dénonciation rappelle de mauvais souvenirs et n’est pas à la hauteur des principes qu’il faut respecter. Ces deux attitudes nous obligeront à réfléchir sur le sens de la loi, notre rapport moral au prochain, ce que l’on peut tolérer et ce que l’on rejette, le respect de la règle, le droit des minorités, celui de la majorité même silencieuse, des devoirs collectifs et à revoir notre adhésion personnelle à ce qui a été décidé dans l’intérêt de tous.
On ne peut approuver ceux qui demandent à des soignants d’aller habiter ailleurs pour ne pas les mettre en danger, par le simple fait qu’ils sont au contact de malades. Ces angoissés n’honorent pas la république et je les plains d’avoir peur qui est toujours mauvaise conseillère.  Ils sont ou seront contents comme les habitants des quartiers que j’ai cités ci- dessus, de trouver du personnel soignant pour les accueillir si besoin dans les hôpitaux et seront les premiers à exiger tout ce que la thérapeutique moderne permet, qu’ils soient assurés sociaux ou non, qu’ils paient des impôts ou non, qu’ils aient des ressources ou non.  
Comme d’habitude en période de crise, les individus se révèlent et si on applaudit les héros à 20 heures, il y a des zéros pointés plus nombreux qu’on ne le pense.  On le vit depuis des années avec les donneurs de leçons, les spécialistes du bon et du bien, de leur morale, les détenteurs de la vérité scientifique ou humaine voire de la nature, du ciel et de la terre, les dénonciateurs de ce qui ne leur apparait pas comme moderne ou tendance…  
Tout cela au-delà du règlement de la crise sanitaire, va nous obliger à repenser les priorités de notre société, à revitaliser les valeurs de la république, à déboulonner les fausses idoles et les grands prêtres autoproclamés du progrès , à reconsidérer ce que sont nos intérêts vitaux, à reconstruire  une industrie essentielle relocalisée dans nos territoires, irrigués par les commerces, les artisans, les services publics de proximité,  avec des citoyens  qui veulent être vivants sur place et protégés,  produire , participer et être considérés en ayant voté pour choisir leurs dirigeants locaux, ceux qui partagent avec eux  les bons moments comme les mauvais. L’heure de la vraie décentralisation est arrivée.
  Il faudra aussi revoir nos systèmes de solidarité et de redistribution, ne pas calmer des exigences particulières sous le chantage d’émeutes ou du droit à la différence par du saupoudrage financier, ou au prétexte de discrimination structurelle. L’Etat providence vient de jouer son rôle, mais il ne doit pas être gérant. Il doit permettre à chacun de se prendre en mains et d’avoir les mêmes chances.  L’Etat doit être garant, et l’état de droit sert à sanctionner toute fraude, toute inégalité causée volontairement, et le non -respect de la loi votée démocratiquement au parlement, qu’elle nous convienne ou non.
 N’ayant aucune responsabilité, je viens de beaucoup critiquer l’Etat et le pouvoir exécutif sur sa gestion de la crise, son impréparation, ses doctrines contradictoires qui masquent des carences et des hésitations même s’il s’agit d’une pandémie qu’aucun dirigeant le plus avisé n’avait anticipé.  C’est vrai mais la priorité ne me semble pas de trainer en justice tous ceux qui sont responsables et/ou qui ont fauté. On pourra s’en occuper à loisir quand tout sera rentré dans l’ordre car personne n’échappe à sa responsabilité politique, morale, judiciaire, y compris ceux qui n’ayant aucun pouvoir jugent décontractés, ou ceux qui ayant quelque influence ont préféré se mettre aux abonnés absents voire se confiner là où ils pensent que le virus ne les trouvera pas, ou font supporter leurs décisions sur les autres.
Nous sommes tous un peu responsables non pas du virus, mais des institutions que nous avons voulu par nos votes , de la lourdeur de nos administrations qui sont cependant notre colonne vertébrale, de notre recherche des économies dans tous les secteurs, d’avoir cru que plus rien de grave n’arriverait puisqu’il n’y avait plus de guerre en Europe depuis 1945 avec une sorte d’entente cordiale et que nous gérions au mieux les conséquences des trente glorieuses, avec le danger de crises financières qui avec le réchauffement climatique étaient l’ennemi. C’est tout. On s’est leurré et on ne s’est pas méfié. Nos dirigeants nous ont suivi puisque ce sont les chefs. Et nos polémiques ont porté sur des sujets subalternes souvent minables. La violence endémique y compris dans les débats publics et les réclamations de tout ordre nous ont caché l’essentiel. Il faut donc payer la facture après avoir pansé les plaies et aider à rebondir.  Ce n’est pas la faute de quelqu’un, ou d’une catégorie sociale ou d’un monstre froid et caché en particulier. Il ne faut pas voir des comploteurs partout.  Il va falloir se rassembler de nouveau et rebâtir de façon différente en profitant d’avoir compris ce qui n’allait pas, comment aider et protéger, qui étaient essentiels à la vie de la société et qui n’étaient pas vitaux, qui sont des fausses gloires.   
 C’est une bonne nouvelle. C’est un projet de société exaltant. Ordo ab chao disent les philosophes. Ce qui permet de construire une nouvelle organisation plus efficace, plus soucieuse d’égalité, plus protectrice, plus rassembleuse, porteuse d’un projet commun, et qui fonctionne démocratiquement chacun y ayant sa place à son niveau.  On dit que des périodes de crise majeure peuvent engendrer des bénéfices nouveaux et donc un progrès général. Certains se dépassent, se révèlent dans le mieux et l’abnégation le plus grand nombre heureusement. D’autres sont petits, intolérants, égoïstes et ne participent à rien. C’est désolant mais c’est la nature humaine qu’il faut essayer d’améliorer comme Sisyphe remontait inlassablement son rocher. 
 J’accepte l’augure que du mal sortira le bien.
Mais je ne me berce pas d’illusions ce n’est pas le moindre de mes défauts. Dès la sortie de la crise, ceux que l’on ne voient plus -car ils n’ont aucune légitimité pour agir- ou qui se taisent à l’abri puisqu’ ils sont confinés et respectent les consignes, en dispensant ici et là des critiques voilées ou sévères car eux savaient ce qu’il aurait fallu faire, vont réapparaitre sur les écrans et devant les micros. Ils vont dénoncer avec des mots forts  ce scandale qui vient d’avoir lieu, cette atteinte inouïe  aux libertés qu’on leur a fait voter voire avaler  de façon abusive,  ces mesures liberticides, ces restrictions ou extensions pour le patronat  jamais vues au droit du travail, les inégalités qui ont surgi entre ceux qui pouvaient aller se réfugier en province et ceux qui restaient confinés dans leur cellule familiale… et  ils demanderont  sérieusement que des têtes tombent comme du temps de Robespierre pour les ennemis du peuple,  et  si on n’a pas glissé vers un régime autoritaire que l’on voudrait poursuivre, l’état d’urgence permettant au pouvoir exécutif de gouverner par ordonnances, donc sans  un vrai contrôle du parlement. La tentation totalitaire résultant du covid-19 me parait être un fantasme et le virus peut être dans les têtes même de porteurs sains. Le président Macron n’a pas tenté de gouverner avec l’article 16 de la constitution et les ordonnances suite aux lois votées sont limitées dans le temps et l’espace.
J’espère avoir tout faux et imaginer des déclarations d’intentions. Attendons pour voir.
 Comme la démocratie doit vivre, on parlera des élections municipales car  il y a eu plus de 30.000 maires élus au premier tour le 15 mars et autant de communes qui ont un conseil municipal qui va pourvoir s’activer aussitôt .Mais les plus grandes ou les moyennes villes  celles qui permettent aux exégètes politiques de dire si tel parti a gagné ou non le scrutin et de tirer des plans sur la comète pour l’avenir, n’ont eu qu’un tour non décisif  pour  la plupart, et il faudra soit organiser seulement  le 2ème tour, soit tout recommencer les professeurs de droit constitutionnel ayant chacun une théorie.   Puis on discutera d’un plan de relance pour l’économie comme celui du plan Marshall après la 2ème guerre mondiale comment sauver commerces et entreprises, sans oublier les professions libérales. Sauf qu’il faudra que ledit plan soit de préférence européen, voire mondial pour éviter qu’un pays fasse main basse sur les autres. Suivez mon regard vers l’ouest s’il le peut, ou l’orient qui a donné le signal de départ de la pandémie. Et le mieux serait que l’on trouve en nous les ressources morales et financières nécessaires ce qui serait le renforcement de notre souveraineté. Mais cela veut dire des efforts et de savoir qui paiera ?  Les syndicats voudront avoir la récompense du travail de ceux qui ont préservé l’essentiel. Et peut- être évoqueront- ils la grève, symbole de l’ancien monde et de l’avant crise ?  Je ne sais pas quelle autre question sera posée la première, si les réformes qui ont tant plombé le 1er trimestre 2020 comme celle des retraites auront encore un sens, et si les gilets jaunes reprendront leur combat. La vraie bonne nouvelle quand il y aura reprise c’est que le virus aura disparu et que nous reprendrons le cours ordinaire de notre vie. 
Albert Camus que l’on a beaucoup relu ces temps- ci et il faut s’en féliciter déclarait à Stockholm en 1957 au moment de la remise du prix Nobel de littérature dont il était le lauréat : « chaque génération sans doute se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ». Je crois que c’est aussi le défi qui nous attend désormais. Bien que nous soyons dans un village global et que la planète est à feu et à sang.
 Nous voulions protéger les générations futures lors de la discussion sur la réforme des retraites. Si ces générations futures ne constatent pas que nous avons réfréné nos envies, si nous avons maintenu nos acquis, si on n’a voulu rien changer alors nous les aurons sacrifiées. La crise sanitaire n’aura pas eu de sens : nous serons restés sur nos positions irréductibles ce qui est consternant et nous aurons préféré couler debout plutôt que d’écoper ou de céder en lançant des chaloupes à la mer pour sauver ce qui peut l’être. Il ne doit y avoir que des gagnants.
 L’utopie est belle et nécessaire mais elle ne peut prospérer que s’il y a des fondements solides à la société, et s’il y a des projets communs, un destin d’hommes et de femmes qui poursuivent le même but tout en pouvant emprunter des chemins de traverse, au service d’une ambition globale.  
Je pense que cette crise nous a permis de nous immobiliser pour faire le point. Il faut en profiter pour inventer un nouvel art de vivre, de rénover nos principes de gouvernance, avec plus de transparence, de participation et d’écouter les gens plutôt que de suivre pour toute chose  les experts ou prétendus sachants  qui ont un rôle naturellement à jouer mais ne sont pas les décideurs ;  de consolider nos valeurs en les explicitant pour qu’elles soient bien comprises ; de renforcer la république qui rassemble  et de concentrer l’Etat sur ses fonctions régaliennes ; de libérer les initiatives  et les énergies avec une administration plus agile comme on le dit actuellement ; de faire confiance aux élus de proximité ; et de ne voter que des lois utiles, générales et non destinées à une infime minorité,  non bavardes, claires que la justice fondamentale dans un état de droit doit protéger et interpréter si nécessaire.   On ne doit plus tout attendre de l’Etat sauf crise majeure et qu’il soutienne les plus faibles en réduisant les inégalités ou les discriminations et en favorisant l’émergence d’une société plus juste, sans qu’il y ait de boucs-émissaires car chacun est un anneau de la chaine. Et en entretenant des relations diplomatiques, commerciales, économiques et sociales, linguistiques et culturelles, donnant l’espoir à ceux qui en ont besoin, ouvertes et fraternelles car tout n’a pas un coût, avec les autres pays et leurs peuples surtout ceux qui sont très mal au point et souffrent, car il y a toujours plus mal loti que soi.  La vocation universelle de la France ne se marchande pas et le repli sur soi n’est jamais positif.
Que nous arrive-t-il ? D’être lucides sire car c’est une révolution pacifique des esprits qui se prépare et elle débouchera sur une société française pacifiée et active. A ceux qui demandaient au duc de Talleyrand -Périgord ce qu’il avait fait pendant la révolution où les têtes tombaient comme les corps à Gravelotte (bataille de 1870), Maurice répondait : « j’ai vécu » et pour justifier son rôle à Vienne pour préserver après l’échec de Napoléon la place de la France dans le concert des grandes puissances il disait « j’ai boité ».
L’espérance c’est la vie.  

lundi 30 mars 2020

souviens-toi de l'avenir


                      Souviens- toi de l’avenir.
                      par Christian FREMAUX Avocat honoraire
J’ai eu une très vieille voisine charmante, érudite, dynamique, madame Anne-Dominique Kapferer professeure émérite, écrivaine, qui avait la mémoire du XXème siècle où elle avait connu les guerres et ses conséquences humaines, et tout le milieu intellectuel et artistique. J’emprunte le titre d’un de ses ouvrages paru aux éditions l’Harmattan en 2008.  
Toute crise oblige à se regarder dans le miroir qui nous renvoie l’image de ce que nous sommes : il nous appartient de devenir ce que l’on veut être, ou ce qu’on est sans le savoir, de créer ce que l’on prétend vouloir faire et de ne pas se raconter d’histoires à nous -même. Chacun peut devenir son propre héros s’il s’y oblige à son niveau.
Avec la crise du coronavirus, Il y a les courageux ceux qui sont sur le terrain qui assument leur travail quoiqu’il leur en coûtera et qui n’attendent rien à peine un merci voire une prime si les promesses sont tenues. On se rappelle que les policiers et les gendarmes étaient acclamés  comme des héros  après les attentats  contre Charlie hebdo. Rapidement ils furent les ennemis accusés de violences par ceux là mêmes qui les avaient portés aux nues. Et puis il y a les confinés dont moi, qui restent chez eux, qui ne participent à rien et qui attendent des jours meilleurs en faisant confiance aux pouvoirs publics et aux soignants.  Sont-ils moins citoyens que les autres ? Un héros peut-il rester confiné ?
 Les devoirs sont une notion qui est devenue abstraite. Faudra -t -il la revitaliser, l’enseigner encore plus comme le civisme dans nos écoles pour que l’on retrouve le sens du dévouement -je n’évoque pas le sacrifice ce serait beaucoup y compris pour ma personne- et de la nation qui rassemble et donne de l’espoir car nous ne sommes plus seuls, c’est -à- dire de l’intérêt général ? S’y ajoute la prise en compte de son prochain que l’on peut toucher et fréquenter car il partage des valeurs et des malheurs communs, et qui se distingue selon le philosophe Robert Redeker de l’autre qui est plus évanescent et théorique « une abstraction pour belles âmes des beaux quartiers » écrit- il.  La crise du coronavirus qui frappe les jeunes comme les moins jeunes, les ministres et puissants ou des personnalités comme les inconnus, nous oblige à réfléchir sur l’avenir pour re- bâtir une autre société démocratique, plus solidaire, plus respectueuse, moins capricieuse et exigeante, plus de proximité ancrée sur des territoires là où vivent les gens dont on s’aperçoit que les villes ont besoin. Les grands principes du conseil national de la résistance  sont ignorés  dans la société hédoniste qui n’admet aucune entrave et qui parle business : les vols de masques, la vente de protections, le refus pour certains d’exécuter les mesures de confinement  indignent le citoyen moyen , mais ils sont révélateurs de tempéraments matérialistes que nous n’avons pas assez pris au sérieux, comme les trafics de drogue qui s’épanouissent par livraison directe et paiement sans contact que les forces de l’ordre ne peuvent arrêter car obliger au confinement n’est pas «  une priorité » (sic) a déclaré le ministre, et  il ne faut pas provoquer les banlieues. Il parait aussi que le cannabis réduit les angoisses :  tout est dit. Les obligations de la loi sont à option pour certains et depuis le temps que l’on attend pour tenter de reprendre pied dans certains territoires comme le gouvernement s’y efforce, les paroles verbales ne suffiront pas. Il faudra y mettre en concertation avec les maires et élus locaux, les moyens juridiques, matériels et financiers ajustés et non saupoudrés dans le vide pour calmer telle ou telle catégorie, humains, politiques, et permanents. Si on sait se battre contre une guerre sanitaire, il n’est pas pensable que l’on ne vienne pas à bout de quartiers insurrectionnels et séparatistes qui font du chantage à l’émeute, et qui pourrissent en plus la santé des habitants. Mais c’est pour après et il ne faudra pas oublier.  
 Comme on peut faire n’importe quoi en cette époque baroque, Je vais faire un parallèle osé avec le passé en nous reliant avec ceux qui ont donné leur vie pour que nous restions des citoyens libres. Pardonnez -moi si je choque mais selon moi l’être humain reste le même quelles que soient les technologies modernes, le prétendu progrès en toute matière, et l’extension infinie des droits. Seules les circonstances imprévues et graves changent les gens et révèlent l’homme tel qu’il est.  Dans le bon surtout, dans le moins bien aussi. 
 L’association nationale du souvenir français à laquelle j’appartiens a pour vocation de maintenir la mémoire de ceux qui se sont battus moralement et physiquement dans des conditions atroces face à un ennemi armé et puissant. Cela a duré. Ils ont désormais l’immortalité et nous les vivants, le souvenir. Les années et les générations se sont succédé, l’histoire aussi avec ses affrontements et horreurs, et nous sommes passés d’une mémoire de guerre à une mémoire civile et victimaire comme l’écrit Madame Sophie Hasquenoth maître de conférences en histoire à l’université de Lille [lire « les passeurs de mémoire. Le cimetière des Batignolles » sous la direction de Michel Terrioux président du Souvenir français du 17ème arrondissement de paris].    
La mémoire des grands évènements tragiques est un devoir envers ceux qui se sont sacrifiés pour que les autres vivent, et permet aux générations qui suivent de prendre les bonnes décisions soit  pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets soit parce que on peut anticiper et prendre des mesures préventives  pour atténuer autant que faire se peut les conséquences d’une crise inédite et grave, qu’elle soit militaire, économique, sociale, ou sanitaire, voire climatique  ou qui réunit tous les inconvénients en même temps, personne ne pouvant faire des prévisions à  ce sujet. L’avenir est donc écrit au présent et il appartient aux responsables dans tout domaine car les politiques n’ont pas la science infuse et l’Etat ne peut tout prévoir, de ne pas baisser les bras et de mettre en place ce qui pourra être utile plus tard quand les circonstances l’exigeront.
 L’union sacrée des citoyens fait la force chacun agissant à son niveau avec ses moyens. Les générations nées après la 2 ème guerre mondiale qui au mieux ont entendu leurs grands- parents parler de la 1ère et des crises militaires, financières ou sociales entre 1919 et 1940 avec la grippe espagnole de 1919-1920, n’ont pas été habituées à des bouleversements majeurs et c’est tant mieux. Ceux qui ont connu les horreurs de 1940-45, les déportations et la souffrance se taisent et sont de moins en moins nombreux : on les honore mais leurs malheurs sont loins pour les plus jeunes. Sauf exception pour leurs parents qui ont participé aux guerres des indépendances et qui n’en racontent pas grand-chose par pudeur et parce qu’il faut tourner la page sans l’effacer.  
Les papy boomers sont désormais à la retraite et ils ont vécu les trente glorieuses, avec la société de consommation qu’ils croyaient installée pour toujours et aseptisée de toute maladie dangereuse collectivement. Mai 68 a libéré les esprits et les mœurs en interdisant d’interdire y compris en mettant en danger sa propre santé, et a conféré plus de droits individuels que de devoirs collectifs. Notre société est devenue égoïste chacun se repliant sur ses intérêts, voire sur sa communauté. La nation s’est vidée de sa substance et n’a plus de réel sens pour certains. La liberté individuelle prime toute autre considération.  On croyait la paix installée ad vitam aeternam dans notre démocratie malgré les exigences sociales ou environnementales ou participatives, et les soubresauts guerriers partout dans le monde. Et on croyait normal d’obtenir toujours plus, de se croire misérables, de pinailler pour tout et rien, de n’accepter aucune limitation à nos désirs et réclamations.  
Et puis arrive « La » crise qui devient rapidement mondiale, qui est une guerre sanitaire comme l’a qualifiée le président de la république avec un ennemi invisible mais qui fait des morts, et agresse notre modèle républicain, nos structures, nos habitudes de réagir, et interroge notre civisme. On est sidéré et perdu, avec des polémiques confondantes, des pouvoirs publics qui  ont peur d’être trainés devant les tribunaux ce qui est déjà le cas, qui s’en remettent aux sachants pas d’accord entre eux, et qui organisent ce qui est possible de l’être en commandant des protections …en chine d’où viendrait  le mal,  pays qui va rattraper économiquement ses mois de confinement en faisant tourner ses usines jour et nuit, car le droit social dans l’empire du milieu n’a pas la même vigueur et ancienneté que le nôtre avec les droits acquis. Et même malgré des objections syndicales ici et là si nous avons adapté notre législation par ordonnances compte tenu des circonstances exceptionnelles, jusqu’au 31 décembre 2020 pour permettre à ceux qui produisent de travailler avec des volontaires de surcroît, car il ne faut pas ajouter un désastre économique aux malheurs humains.    
L’Etat providence mâtiné de mondialisation se bat, résiste mais il a du mal : on voit nos insuffisances et l’ennemi se propage. Chacun doit s’engager comme il le peut.  Les plus anciens qui en ont vu d’autres savent ce qu’est se confiner, ne pas parler pour rien, ne rien gâcher, d’obéir aux recommandations et à la loi, de patienter, et de ne jamais cesser d’espérer car il y a toujours une fin et une victoire. Nos contraintes doivent être appliquées volontairement avec le sourire, en applaudissant ceux qui sont au front en première ligne. Au lieu d’armes nous avons comme moyens une conduite civique exemplaire et la solidarité, avec la confiance dans les autres. 
Comme nos ainés nous n’aurons pas l’occasion d’être distingués au champ d’honneur, heureusement. Mais sur le champ de paix civile bien que bouleversé nous devons être à la hauteur. C’est notre devoir qui donne de l’espoir sans qui la vie n’existe pas. Mais quand tout sera terminé, il ne faudra pas occulter ce qui s’est passé, pour en tirer les leçons.   Comme l’a écrit Jean de la Fontaine : « le corbeau honteux et confus, jura mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus ».


jeudi 26 mars 2020

Pour que l’avenir tienne compte du passé.


Pour que l’avenir tienne compte du passé.
 par Christian FREMAUX.
La mémoire des grands évènements tragiques est un devoir envers ceux qui se sont sacrifiés pour que les autres vivent, et permet aux générations qui suivent de prendre les bonnes décisions soit  pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets soit parce que on peut anticiper et prendre des mesures préventives  pour atténuer autant que faire se peut les conséquences d’une crise inédite et grave, qu’elle soit militaire, économique, sociale, ou sanitaire, voire climatique  ou qui réunit tous les inconvénients en même temps, personne ne pouvant faire des prévisions à  ce sujet. L’avenir est donc écrit au présent et il appartient aux responsables dans tout domaine car les politiques n’ont pas la science infuse et l’Etat ne peut tout prévoir, de ne pas baisser les bras et de mettre en place ce qui pourra être utile plus tard quand les circonstances l’exigeront.
 L’union sacrée des citoyens fait la force chacun agissant à son niveau avec ses moyens. Les générations nées après la 2 ème guerre mondiale qui au mieux ont entendu leurs grands- parents parler de la 1ère et des crises militaires, financières ou sociales entre 1919 et 1940, n’ont pas été habituées à des bouleversements majeurs et c’est tant mieux. Ceux qui ont connu les horreurs de 1940-45, les déportations et la souffrance se taisent et sont de moins en moins nombreux : on les honore mais leurs malheurs sont loins pour les plus jeunes. Sauf exception pour leurs parents qui ont participé aux guerres d’indépendance et qui n’en racontent pas grand-chose par pudeur et parce qu’il faut tourner la page sans l’effacer.  
Les papy boomers sont désormais à la retraite et ils ont vécu les trente glorieuses, avec la société de consommation qu’ils croyaient installée pour toujours. Mai 68 a libéré les esprits et les mœurs en interdisant d’interdire, et a conféré plus de droits individuels que de devoirs collectifs. Notre société est devenue égoïste chacun se repliant sur ses intérêts, voire sur sa communauté. La nation s’est vidée de sa substance et n’a plus de réel sens pour certains. La liberté individuelle prime toute autre considération.  On croyait la paix installée ad vitam aeternam dans notre démocratie malgré les exigences sociales ou environnementales ou participatives, et les soubresauts guerriers partout dans le monde.
Et puis arrive une crise qui devient rapidement mondiale, qui est une guerre sanitaire comme l’a qualifiée le président de la république avec un ennemi invisible mais qui fait des morts, et agresse notre modèle républicain, nos structures, nos comportements, et interroge notre civisme. On est sidéré et perdu, avec des polémiques confondantes.
L’Etat providence matiné de mondialisation se bat, résiste mais il a du mal : on voit nos insuffisances et l’ennemi se propage. Chacun doit s’engager comme il le peut.  Les plus anciens qui en ont vu d’autres savent ce que c’est que se confiner, ne pas parler pour rien, ne rien gâcher, d’obéir aux recommandations et à la loi, de patienter, et de ne jamais cesser d’espérer car il y a toujours une fin et une victoire. Nos contraintes doivent être appliquées volontairement avec le sourire, en applaudissant ceux qui sont au front en première ligne. Au lieu d’armes nous avons comme moyens un comportement civique exemplaire et la solidarité, avec la confiance dans les autres. 
Comme nos ainés nous n’aurons pas l’occasion d’être distingués au champ d’honneur, heureusement. Mais sur le champ de paix civile bien que bouleversé nous devons être à la hauteur. Cela ne peut s’oublier.  
P.S : Ce texte est destiné à la publication de l’association Le Souvenir Français -qui conserve la mémoire de tous les combattants morts pour la France- du 17 ème arrondissement de paris présidée par Michel Terrioux 11 rue Guersant paris 17ème, adhésion annuelle de 10 euros minimum. La devise de l’association nationale est : « à nous le souvenir à eux l’immortalité ». Tout est dit.