lundi 21 décembre 2020

un procès singulier: des juges contre thémis

 

                

                   Un procès singulier : des juges contre Themis.

                              Par Christian Fremaux avocat honoraire.

                                                   Un dïner de c.

 Je pourrai choisir un exemple inédit : parmi les 10 qui ont diné à l’Elysée mercredi 16 décembre avec le président et le premier ministre je lis que certains d’entre eux et des associations auraient déposé plainte pour mise en danger de la vie d’autrui si ce n’est pas une fake- news, puisque on a appris par la presse que le président était atteint du covid. C’est un manque de reconnaissance du ventre, et un défaut de responsabilité personnelle. On peut accepter d’aller diner à 10 dans l’antre du pouvoir en passant par la cheminée sans respecter les gestes barrières pour profiter de la parole et de la table du président. Mais on ne se plaint pas après ! On pouvait décliner l’invitation. Comme dirait Francis Veber ce fut un dîner de c.

                                      Des juges vigilants qui s’autosaisissent quasiment.

Par ces temps énervés et d’esprits égarés, j’ai choisi un exemple singulier pour montrer jusqu’où peuvent aller des juges, ces juges dont on a besoin et qui arbitrent la vie ou l’avenir des hommes et des femmes.  On a envie de croire qu’ils sont sur les hauteurs et qu’ils ne s’attaquent pas à des détails, même si des détails posent problèmes. On a besoin de sérénité et de repères solides mais tout explose.  Des juges surtout syndicalistes ont craqué et attaquent en justice leur propre ministre qui incarne Thémis pour conflit d’intérêts et peut être d’autres infractions en l’accusant de profiter de ses fonctions ministérielles pour arranger ses dossiers d’ancien avocat. Ils ne lui adressent plus la parole ? : on n’ose y croire.   Essayons d’être clair d’après ce que l’on sait ou cru apprendre de cette affaire obscure des écoutes de Paul Bismuth alias N.Sarkozy ou l’inverse qui vient de se terminer dans l’indignation du barreau vent debout  et les larmes de l’infâmie  : si j’ai bien compris car les poursuites sont confuses  et non documentées l’avocat  Dupond-Moretti qui a été écouté pendant des années comme un criminel potentiel est soupçonné comme d’autres avocats - qui ont été plutôt victimes des procédures secrètes et curieuses du parquet national financier- d’avoir été ou d’avoir profité d’une  taupe (sic)  au sein de la cour de cassation à son profit personnel ? ou  pour informer son confrère avocat de M. Sarkozy.  On attend la décision au fond du tribunal pour l’ancien président et ses éventuels « comparses » pour le 1er mars 2021. Et si M. Sarkozy était relaxé, on ne peut l’exclure ! La justice rend des arrêts et non des services disait au 19ème siècle le 1er président de la cour d’appel M. Séguier. Mais concernant Me Dupond -Moretti des juges le soupçonnent d’autres vilénies dans des dossiers qu’il a gérés pendant qu’il était avocat, que l’on ne connait pas et heureusement secret professionnel oblige pour le moins. Les juges pensent que Me Dupond-Moretti n’est pas blanc-bleu dans d’autres dossiers qu’il a eu à défendre. C’est l’ère du soupçon qui monte jusqu’à un ministre. Alors pour la valetaille attention ! 

                                                 Partira partira pas ?

En attendant d’éventuels jugements publics ou plus de précisions puisque tout est confiné et couvert par le secret -sauf les fuites organisées- des juges poussent les feux, car ils n’ont pas aimé être critiqués même quand c’était légitime, et estiment avoir été maltraités pendant des années par celui qui est devenu leur ministre. On dit que la vengeance est un plat qui se mange froid. « Vengeance ? » répondent-ils pas le moins du monde simplement application du droit puisque le ministre n’est ni au-dessus ni au-dessous des lois surtout quand il était avocat. A chacun de choisir sa version ! Comme si un avocat même de talent pouvait à lui seul mettre à bas la magistrature qui s’exprime aussi.  La roue tourne pour tout le monde. Des juges se mordent la queue et on ne sait pas bien ce qu’ils veulent : le départ honteux de Me Dupond-Moretti et son remplacement par un ministre que les juges adouberaient partageant leurs visions de la justice. Ou que le ministre se rende à Canossa c’est-à-dire à la rentrée judiciaire de début 2021 à paris c’est moins loin et avoue son crime sinon ses turpitudes de sa vie passée ce qui permettrait ainsi d’avoir un aveu pour le faire démissionner ou pouvoir dire que le grand avocat avait tort et a cédé devant ses juges comme un vulgaire délinquant. Quelle victoire à la Pyrrhus quoiqu’il arrive. Sauf si le ministre persiste et signe, fait la preuve de son innocence alors que les procureurs devraient démontrer sa culpabilité, et que les juges soient renvoyés au fin fond des palais de justice pour qu’ils se contentent de faire leur métier, travaillent vite et bien, ce qui après tout n’est pas une sanction dégradante.

                                                La plainte contre le ministre

  Mieux vaut en rire qu’en pleurer mais je dois dire que cette nouvelle m’a démontré s’il le fallait encore que nous vivions dans une époque étrange où l’on fait n’importe quoi et où l’exemplarité n’a plus de sens. Et l’on s’étonne de vivre en Absurdistan quand nos élites technocratiques- pour notre bien cela va de soi - nous imposent des décisions a priori incohérentes en matière de santé même si je ne sais pas s’il y a des solutions qui n’ont pas d’effets secondaires néfastes pour certains et leurs professions, et que les juges qui doivent être exemplaires et tourner 7 fois leurs codes dans leurs mains s’y mettent aussi.  Ainsi deux syndicats de magistrats ont- ils déposé plainte devant la cour de justice de la république qui est déjà débordée par les plaintes liées à la crise sanitaire, contre leur ministre pour conflit d’intérêts entre autres, M. Dupond-Moretti aurait parait- il mélangé les genres. Quand il était avocat le ministre gérait dans son cabinet dans l’intérêt de ses clients ce qui est la base du métier, des dossiers dits sensibles soit par les problèmes de droit à régler soit en raison de la personnalité de ceux qu’il défendait et des causes qui avaient électrisé le pays. On le sait l’avocat Dupond-Moretti n’a jamais ménagé les juges en général. Le premier syndicat qui a déposé plainte est celui de la magistrature SM qui tire à boulets rouges et conduit à gauche. Le second majoritaire dans la profession est l’USM Union syndicale des magistrats, apolitique, de l’extrême centre technique et corporatiste. Pour que les deux se plaignent il faut un évènement très grave, au moins un crime, et pour un ministre de la haute trahison ou de la forfaiture sinon une question de principe supérieur. Il semble cependant qu’on soit dans une catégorie plus secondaire : de profiter d’être ministre pour régler des difficultés d’avocat ! Mais avant de dénoncer l’autre et de donner des leçons il faut montrer patte blanche, ou main désinfectée au gel hydro alcoolique.

                                            Sur la responsabilité personnelle des juges

 Rappelons que les magistrats sauf cas exceptionnel et faute lourde ne peuvent pas être poursuivis individuellement pour faute professionnelle comme un vulgaire avocat ou membre de n’importe quel métier, encore moins pour les décisions qu’ils prennent car on ne commente pas les jugements sauf techniquement sur le fond du droit, et que ces avantages font partie de leur indépendance et de leur statut bien qu’ils ne soient qu’une autorité et pas un pouvoir depuis la Constitution de 1958. S’ils se trompent - et cela arrive avec des détenus relâchés à raison d’un oubli ou d’un jugement contestable ou d’une appréciation erronée sans compter des jurisprudences dans tous domaines (social, civil …) qui prêtent à polémiques, ou des retards très importants dans le rendu des jugements pour des raisons diverses dont matérielles- l’Etat est poursuivi à leur place, et ils continuent leur carrière. Ce quasi régime d’exonération que les méchants qualifient d’impunité en titille plus d’un, car qui peut se vanter de ne rien craindre judiciairement à l’heure actuelle : personne. Un ancien premier ministre poursuivi pendant la campagne présidentielle de 2017 plus vite que l’éclair par le parquet financier national qui venait d’être créé pour lutter contre la grande délinquance a été condamné à 5 ans dont 2 ans de prison ferme. Il attend l’appel. Un ancien président de la république s’est entendu réclamer par les procureurs qui requièrent au nom du peuple français donc de tout citoyen d’accord ou non, une condamnation de 4 ans deux 2 ans de prison ferme, à égalité avec son avocat à qui on a ajouté 5 ans d’interdiction professionnelle ce qui met fin à sa carrière, et un présumé complice un ancien magistrat avocat général auprès de la cour de cassation pas moins.

                                      Réviser la Constitution : est-ce le moment ?

 Mais il faudrait au moins réviser la constitution si l’on veut modifier le régime de responsabilité des magistrats, sachant que la cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg considère que les procureurs ne sont pas des magistrats comme les autres puisqu’ils sont soumis au pouvoir exécutif. On vit donc une époque « formidable » puisque chacun vit selon ses droits et son statut protecteur ou sa vérité, ou sa vision des obligations de l’autre, voit midi à sa porte, et ne se soucie pas de l’ensemble et de l’image qu’il renvoie. Les syndicats de magistrats qui ont déposé plainte contre M. Dupond-Moretti Garde des Sceaux sont les gardiens de la justice : ils se veulent les gardes du corps de Thémis déesse de la justice, qui on le sait est souvent représentée avec un bandeau sur les yeux et le glaive à la main.

 La justice ne se grandira pas à instruire le ou les faits dénoncés contre le ministre pour savoir s’ils sont ou des délits. Comme avocat je préfèrerai que la justice aille ultra rapidement pour instruire les dossiers de toutes natures des justiciables et pour prendre des décisions exprèsses. Et comme citoyen je souhaiterai que la justice se concentre sur l’Etat de droit, sur les libertés, mais aussi sur la protection du collectif, n’invente pas des interprétations du droit qui ne font pas l’union, ne voit pas racisme et discriminations partout pour complaire aux minorités, et réponde des errements de certains rares magistrats voire fautes quand il y en a puisque personne n’est parfait et ne peut se vanter d’être irréprochable. Les leçons de vivre ensemble ou morale ne sont pas de mon goût. On gausse beaucoup sur les tendances sociétales ou politiques d’une très petite minorité de juges. Redonnons confiance aux justiciables en responsabilisant encore plus les magistrats : ils ne retrouveront leur lustre qu’avec leurs devoirs. Ils ne doivent pas être soupçonnés mais ils ne sont pas propriétaires de la justice, pas plus que les avocats ou l’opinion publique des groupes de pression. Seul le peuple est souverain et la justice est rendue en son nom.  Que les magistrats ne veuillent plus parler avec leur ministre est honteux : les citoyens ont le droit d’avoir une justice qui fonctionne, qui est reformée dans le consensus avec des débats constructifs en interrogeant les praticiens et les utilisateurs, sans qu’il y ait des dissensions au plus haut niveau. La responsabilité c’est de ne pas bouder mais de passer au-dessus de ses propres convictions et d’engager un dialogue même viril.

                                        Le match magistrats-ministre  

Revenons à nos moutons le match magistrats syndicalistes contre leur ministre. Belle affiche.  Depuis sa nomination pour ses qualités selon le président de la république et malgré ses défauts selon les magistrats, le ministre de la justice est conspué par les juges. Dans ce milieu fermé - il dit entre-soi ce qui n’est pas apprécié ! -on ne l’aime pas, et il le sait. On le somme de choisir entre prévention et répression alors que les deux sont nécessaires comme sécurité et libertés vont de pair.  Chez les citoyens il est un ténor du barreau et on compte sur lui pour mettre de l’ordre dans la maison place Vendôme, faire collaborer efficacement les uns et les autres en leur donnant des moyens matériels et humains, et en valorisant les juges essentiels dans un Etat de droit. Il ne s’agit pas de transformer la belle endormie en une pin- up moderne dont on se gargarise de sa beauté et des grands principes qu’elle porte fièrement. Mais elle doit être respectée, performante, protectrice des libertés et du collectif. Elle doit permettre de restaurer l’autorité tout en restant humaine avec ceux qui ont fauté. Tout ceci est possible mais il faut y croire et ne pas entraver l’action du ministre, même s’il doit répondre de ses responsabilités comme tout un chacun. Le risque potentiel voire structurel de ne pas répondre à la justice appartient au passé. Nul n’en est exempt.    

On est dans le paradoxe. A peine élu M. Macron avait voulu supprimer la Cour de justice de la république à la composition atypique de juristes et de politiques. Le congrès que l’on a réuni à Versailles avait refusé. Et cette cour n’a jamais eu autant de travail en 2020 et pour 2021.  

                                      La Cour de justice de la République

Des juges professionnels toute affaire cessante également parties selon la plainte, comme des parlementaires qui sont le pouvoir législatif aussi juges et parties puisqu’un ministre c’est un justiciable comme un autre qui doit répondre de ses actes mais c’est en même temps le pouvoir exécutif, vont dire si les faits sont avérés ou non après examen de la recevabilité de la requête. Déjà l’association anti-cor qui lutte contre la corruption avait saisi la justice ainsi qu’un militant écologiste. Le ministre avait cédé son cabinet d’avocat en hâte, avait répondu aux questions de la haute autorité sur la transparence de la vie publique notamment sur d’éventuels conflits d’intérêt, avait transféré lentement- c’est un des reproches constitutifs du présumé délit- au 1er ministre son pouvoir légal de connaitre comme ministre les remontées d’information de ses parquets sur ses dossiers, rien n’y a fait. Les réformes qu’il a initiées que l’on approuve ou non et qui sont en cours de discussion avec un budget très augmenté pour le ministère ne sont pas des circonstances atténuantes. Des syndicalistes magistrats veulent la peau du ministre. C’est grave et je dénonce la méthode, pas le ministre qui n’a pas besoin d’être assisté, il sait se défendre très bien.  Le droit est fait par les parlementaires élus, légitimes, et les magistrats doivent l’appliquer. Ils n’ont pas à choisir leur ministre. Personne ne détient la vérité.  Elle est la propriété du peuple souverain au nom de qui elle est rendue. 

                                          Pour quel profit ? 

Cette plainte contre le ministre ne va pas améliorer l’opinion du quidam sur la justice. Si les élites se battent entre elles, gare au justiciable de base. Au secours Thémis et Montesquieu réunis, ils sont devenus fous. Notre Etat de droit est fondamental par ces temps troublés et dangereux. Accrocher un ministre sur leurs robes noires ou d’hermines ne sera pas pour nos juges une décoration flatteuse. Qu’ils ne se perdent pas dans des querelles d’allemand s’ils veulent retrouver la confiance des citoyens. Qu’ils soient assidus dans les prétoires ce sera déjà une victoire et qu’ils s’interrogent sur eux- mêmes : n’ont-ils pas aussi des progrès à faire ? 

 

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