Justice impitoyable pour certains
?
Par Christian Fremaux
avocat honoraire.
Tout le monde
a un avis sur tout même celui qui n’y connait rien surtout en matière de
justice où la nuance devrait être la règle. On subit les commentaires et
parfois on n’en croit pas ses oreilles. Chacun se met à la place de celui
qui doit prendre ses responsabilités et donne un avis péremptoire sans avoir
accès au dossier. On prend pour argent comptant le compte rendu que l’on lit
dans la presse ou ce que l’on entend dans les médias alors que souvent le
journaliste croit faire son travail mais n’était pas sur place, ou est
partisan, ou n’a pas vraiment compris le débat de fond. Il est resté à la
superficie des faits, au people, au spectaculaire, au scoop
qu’il recherche, à l’émotion, éléments qu’il confond avec la recherche de
la vérité judiciaire en particulier. Et quand un puissant comparait devant ses
juges comme s’il allait à Canossa, c’est pain bénit. Tous ceux qui
n’osaient hausser la voix sonnent l’hallali.
Une
société exigeante et énervée.
Je vais donc être un peu excessif, partial et
corporatiste cela me fait un bien fou par ces temps post coloniaux orientés et lacrymaux
voire exonératoires selon ce que tu es et d’où tu viens. Je résiste comme le
vieux nostalgique presque geek par force que je suis dans cette magnifique
période où l’on nous parle des droits de l’homme pour tout et rien, des
minorités agissantes qu’il faut saluer même si leurs combats sont antinomiques
avec les intérêts de la société globale, des discriminations et du racisme qui seraient
institutionnels et devant lesquels il faut se mettre à genoux pour
s’excuser. On devrait se réjouir de ces
années dites humanistes où les policiers et gendarmes sont mis en cause et accablés
de tous les maux, poursuivis et sanctionnés durement quand ils ont commis une faute déontologique
ou un délit, alors que leur agresseur a un simple rappel à la loi le plus souvent ;
où l’on n’incarcère plus personne puisque les prisons sont pleines et que
la détention conduit à de la radicalisation ; où la victime s’est
trouvée de sa faute à un mauvais endroit à un mauvais moment ; où le droit
sert à réparer les injustices de la vie sociale ou de la couleur de peau ;
où l’autorité dans la rue, à l’école ou ailleurs est forcément le début de la
dictature ; où la moindre remarque est considérée comme une odieuse attaque et où l’on est prié d’accueillir qui
décide à l’insu de son plein gré sous des justifications fantaisistes sauf les
vrais réfugiés politiques de venir en France et bénéficier de nos aides sans
contrepartie et sans dire merci, sous peine d’être traité comme un égoïste,
donc un moins que rien qui ne connait pas la fraternité. Chacun aura son
exemple qu’il vit ou connait de près.
On
est contre tout.
Le discours dominant est anti fa. , anti
-capitaliste, anti- démocratie libérale, anti- ordre public, décroissant si
possible car la nature et les animaux seraient plus précieux que les
hommes-femmes, et il faut
privilégier les libertés individuelles
de ceux qui n’ont pas à se soucier des
autres dont la majorité qui respecte les lois et paie ou cotise. Dont acte mais
on n’est pas obligé de partager ce discours peu citoyen et contraire aux
valeurs universelles républicaines qui ne fait pas l’union. L’air du temps est
d’être cool. Gramsci avait raison : la révolution et la mise à bas des
démocraties et de leurs institutions commencent par gagner la guerre des
esprits pour créer les conditions du changement en dénigrant tout et en
relativisant ce qui est sombre. Nos beaux esprits participent à cette désagrégation,
a priori sans le vouloir on l’espère. Mais il ne s’agit que d’une bataille
et il appartient aux républicains et aux gens de bonne volonté de
reconquérir le terrain car rien n’est inéluctable et à force de tirer sur la
corde elle casse. J’avais prévenu que je serai peu dans la nuance alors que moi
aussi je m’estime humaniste et n’aie aucune leçon à recevoir. C’est fait !
Sur la justice
Heureusement la justice est sévère envers
certains. Le tribunal judiciaire de paris nouvellement installé après des
débats qui remontent à M.Sarkozy quand il était président de la république
et qui siège aux Batignolles dans le 17ème arrondissement est un magnifique
bâtiment de verre, transparent , élancé vers le ciel comme une cathédrale
si le rapprochement spirituel- profane ( juridique) est recevable ? Mais
les juridictions statuant au nom du peuple français qui incarne la souveraineté
pourquoi pas ? M.Giscard d’Estaing a eu le centre Pompidou-Beaubourg ;
M.Mitterrand la pyramide du louvre ; et M.Sarkozy a le tribunal ce
qu’il regrette peut être compte tenu
des procès qu’il doit affronter ? Mais je m’égare. Le
tribunal judiciaire s’est- t- il transformé en règlements de comptes
à OK.Corral où l’on flingue à coup de
réquisitoires et de jugements et où
il faut un cadavre virtuel ou au moins des grands blessés pour que la
justice passe ? Je suis scié comme on dit chez les menuisiers ou scotché
selon les jeunes à la suite du procès de M.Sarkozy, de son avocat et d’un présumé
complice un haut magistrat de la cour de cassation pas moins, à la suite des réquisitions du parquet
national financier PNF existant depuis 2013
pour lutter contre la grande délinquance, prononcées à leur encontre : 4
ans dont 2 de prison ferme pour
chacun en y ajoutant 5 ans
d’interdiction professionnelle pour l’avocat ce qui signifie sa mort professionnelle.
Je vous prie de croire en ma modeste expérience d’avocat plaidant depuis des
décennies. Pour condamner quelqu’un à 4 ans dont 2 de prison ferme il faut
quasi un crime voire un délit aggravé constitué avec une ou des victimes, des
préjudices établis, des preuves irréfutables, et un délinquant qui a un passé
déjà très chargé. Pour comparaison les premiers terroristes avérés jugés avec
une législation moins répressive à l’époque -qui seront libérés prochainement –
ont eu des peines de quelques années fermes.
Avec le passage au ministère de la justice de Mme Taubira les juges ont
été enclins à la modération. On se
rappelle que M.Fillon – avec l’enquête
la plus rapide de France pendant la
campagne présidentielle de 2017 déjà du parquet financier national- a été
condamné à 5 ans de prison dont 2 de
prison ferme outre de considérables dommages-intérêts sur constitution de
partie civile de l’assemblée nationale.
Il prépare son appel car il s’estime innocent et veut que les juges
correctionnels prennent une veste - si j’ose persifler - devant la cour
d’appel.
Un rapport ?
Quel est le
rapport entre M.Fillon et M.Sarkozy en leur qualité de justiciables naturellement
, même si le jugement que l’on ne peut
prédire car les juges peuvent surprendre, sera rendu en mars 2021
pour l’ancien chef de l’Etat - garant à l’époque des institutions dont celle de
la justice ? Ce sont les 2 ans fermes et pourquoi ? Parce que les
procureurs appliquent le « en même temps » prévu par le code pénal qui
consiste pour faire plaisir à l’opinion publique à réclamer de la prison ferme
contre des puissants contemporains ou anciens ou supposés tels, et de savoir
qu’en réalité la loi applicable aux faits reprochés aux prévenus qui datent de
quelques années, n’entraine pas à 2 ans et au-dessous une incarcération. La loi
obligeait à une mesure alternative comme un travail d’intérêt général, le port d’un
bracelet électronique, les jours amende, un stage de citoyenneté, la
surveillance électronique… Imagine-t-on le général de Gaulle porter à sa
retraite politique un bracelet électronique ou travailler pour une association
d’anciens dealers ou repentis de toute nature ou ramasser des feuilles mortes
au fin fond d’une commune obscure ?
La loi du 23 mars 2019 a revu ces dispositions
pour les durcir notamment pour abaisser le seuil des 2 ans à 1 an. A partir de
cette peine l’incarcération est effective. Attention donc pour les futurs
politiques qui risquent la prison depuis le 24 mars 2020. Encore faut -il
que l’intendance suive c’est à dire qu’il y ait des places de prison. Et
sachant que les juges sont encouragés à aménager les peines par des mesures
alternatives.
« Selon que vous serez
puissant ou misérable » (Jean de la Fontaine).
Je ne me
prononce pas sur le fond des dossiers que je n’ai évidemment pas lu comme les
journalistes sauf s’ils bénéficient de la violation du secret de l’instruction
ou professionnel, mais qui sont couverts par le principe de droit de
la protection de leurs sources. Et chaque partie divulgue ce qui peut lui
servir tant pour l’accusation que pour la défense, ne soyons pas naïfs. M.Fillon
a des avocats de talent et j’espère qu’il sera relaxé. Mais j’admets que
l’on peut être indigné par ce qui est reproché aux politiques et que l’on
souhaite au nom de l’égalité devant la loi qu’ils soient jugés comme
n’importe quel justiciable,et que les peines soient plus sévères car ayant eu
tout ils doivent donner l’exemple.
Ne pas être
impartial ça fait du bien !
Je vais désormais être partial car le dossier
de M.Paul Bismuth alias N.Sarkozy
ou le contraire m’a choqué.
Il repose sur une enquête préliminaire « secrète » du
parquet financier national pendant des années où les plus célèbres avocats
pénalistes- dont Me Dupond-Moretti actuel garde des sceaux- gravitant autour de
l’avocat de M.Sarkozy ont été écoutés pour savoir qui était une taupe auprès de
la cour de cassation ! (Sic). Personne n’a été identifié, des hauts
magistrats ont été interrogés pour un résultat nul en violant de mon point de
vue tout ce qui est la base de la justice pénale : des enquêtes
contradictoires, le respect absolu du secret professionnel de l’avocat ;
des écoutes réglementées et contrôlées ; la preuve par l’accusation que
les faits sont établis et constituent des infractions ; la présomption
d’innocence… Je connais bien l’avocat historique de M.Sarkozy : nous avons
débuté presque ensemble et nous nous sommes croisés dans des affaires. Il était
au cabinet du très grand pénaliste Me J.L. Pelletier et j’étais collaborateur
auprès de l’illustre Me J.L. Tixier-Vignancour. Il a un grand talent outre une
expérience professionnelle exemplaire. Il s’est contenté de défendre un client
qui était son ami ce n’est pas interdit et qui a eu la malchance- pour des
juges- d’être un président de la république qui a quelque peu bousculé les magistrats.
Je crois comme l’a dit aussi M.Sarkozy à l’audience en la justice de mon pays
qui est le symbole de l’Etat de droit et qui remplit une fonction indispensable pour trancher les litiges et
pour punir ceux qui le méritent. La sanction n’est pas pour moi un gros mot.
L’indulgence non plus quand elle est justifiée. Relaxer ou acquitter n’est pas
un désaveu : c’est la simple prise d’acte que les infractions ne sont pas
constituées ou qu’il y a un doute qui doit toujours profiter à celui qui est
accusé. Le légal doit être juste et la qualité d’ancien chef de l’Etat n’est
pas une circonstance aggravante. La justice qui ne se confond pas avec la
morale ou l’analyse du comportement des autres que l’on n’aime pas -moi je
n’aurai pas fait cela- doit être impitoyable mais seulement avec ceux qui sont
des délinquants avérés, des menaces pour l’ordre public, des dangers pour la
population. Elle doit aussi être exemplaire et ne pas dresser des murs qui lui
ont fait honte.
Ce
que les juges ne font pas.
Les procureurs ont dit à l’audience que la
justice n’est pas la vengeance. Bravo on y croit mais parfois on s’interroge.
Elle n’est pas là non plus pour couvrir les erreurs ou les initiatives
curieuses de collègues. On l’espère et
on sait surtout que la responsabilité individuelle des magistrats ne peut être
engagée sauf faute lourde, et c’est l’Etat qui assume. Pourtant le pendant de
l’indépendance revendiquée à juste titre et à haute voix en demandant
l’intervention du président de la république quand il y a un fait divers qui
pose problèmes (par exemple un détenu libéré qui récidive) devrait être la
responsabilité personnelle. Qui ne
répond pas de ses actes à notre période : qui bénéficie de
l’impunité ? Personne. Pour ma part au lieu de la discussion sans fin
sur l’indépendance non discutée pour les magistrats du siège mais contestée
pour ceux du parquet avec la Cour Européenne des droits de l’homme à Strasbourg,
et un homme ou une femme ayant leurs qualités et leurs défauts, je préfère les
termes d’impartialité et d’objectivité. Et je fais confiance dans le lien
juges-avocats qui reste à conforter.
Au-delà de la ligne téléphonique ouverte
par au plus usurpation d’identité, mais il n’y a pas de plainte et tout
ceci est petit, je ne me prononce pas sur ce qui est principalement reproché
au fond à M.Sarkozy et ses co-prévenus à savoir un pacte de corruption. Je retiens
des commentaires extérieurs au tribunal qu’il n’est pas prouvé, que le
magistrat n’a pas été nommé à Monaco, que l’avocat est resté avocat, et que
M.Sarkozy n’a bénéficié de rien judiciairement parlant ? Le
tribunal se prononcera et il sera d’autant plus indépendant qu’il ne suivra pas
les réquisitions.
Mais je
demande aux procureurs de la république en général qui me représentent
puisqu’ils portent l’accusation au nom du peuple français donc de moi simple
citoyen, de ne pas vouloir satisfaire l’opinion publique ou une minorité
agissante en frappant fort, très ou trop fort pour marquer les esprits et
montrer qu’ils n’ont peur de personne.
Ils se discréditent et vont obtenir l’effet inverse de ce qu’ils
recherchent.
La justice
ne peut être à géométrie variable. C’est sa grandeur.
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