mardi 15 décembre 2020

justice impitoyable pour certains

 

                       Justice impitoyable pour certains ?

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire.

 

Tout le monde a un avis sur tout même celui qui n’y connait rien surtout en matière de justice où la nuance devrait être la règle. On subit les commentaires et parfois on n’en croit pas ses oreilles. Chacun se met à la place de celui qui doit prendre ses responsabilités et donne un avis péremptoire sans avoir accès au dossier. On prend pour argent comptant le compte rendu que l’on lit dans la presse ou ce que l’on entend dans les médias alors que souvent le journaliste croit faire son travail mais n’était pas sur place, ou est partisan, ou n’a pas vraiment compris le débat de fond. Il est resté à la superficie des faits, au people, au spectaculaire, au scoop qu’il recherche, à l’émotion, éléments qu’il confond avec la recherche de la vérité judiciaire en particulier. Et quand un puissant comparait devant ses juges comme s’il allait à Canossa, c’est pain bénit. Tous ceux qui n’osaient hausser la voix sonnent l’hallali.

                                        Une société exigeante et énervée.

 Je vais donc être un peu excessif, partial et corporatiste cela me fait un bien fou par ces temps post coloniaux orientés et lacrymaux voire exonératoires selon ce que tu es et d’où tu viens. Je résiste comme le vieux nostalgique presque geek par force que je suis dans cette magnifique période où l’on nous parle des droits de l’homme pour tout et rien, des minorités agissantes qu’il faut saluer même si leurs combats sont antinomiques avec les intérêts de la société globale, des discriminations et du racisme qui seraient institutionnels et devant lesquels il faut se mettre à genoux pour s’excuser.  On devrait se réjouir de ces années dites humanistes où les policiers et gendarmes sont mis en cause et accablés de tous les maux, poursuivis et sanctionnés durement  quand ils ont commis une faute déontologique ou un  délit,  alors que leur agresseur  a un  simple rappel à la loi le plus souvent ; où l’on n’incarcère plus personne puisque les prisons sont pleines et que la détention conduit à de la radicalisation ; où la victime s’est trouvée de sa faute à un mauvais endroit à un mauvais moment ; où le droit sert à réparer les injustices de la vie sociale ou de la couleur de peau ; où l’autorité dans la rue, à l’école ou ailleurs est forcément le début de la dictature ; où la moindre remarque est considérée comme une odieuse  attaque et où l’on est prié d’accueillir qui décide à l’insu de son plein gré sous des justifications fantaisistes sauf les vrais réfugiés politiques de venir en France et bénéficier de nos aides sans contrepartie et sans dire merci, sous peine d’être traité comme un égoïste, donc un moins que rien qui ne connait pas la fraternité. Chacun aura son exemple qu’il vit ou connait de près.

                                            On est contre tout.

 Le discours dominant est anti fa. , anti -capitaliste, anti- démocratie libérale, anti- ordre public, décroissant si possible car la nature et les animaux seraient plus précieux que les hommes-femmes,  et il  faut privilégier  les libertés individuelles de ceux  qui n’ont pas à se soucier des autres dont la majorité qui respecte les lois et paie ou cotise. Dont acte mais on n’est pas obligé de partager ce discours peu citoyen et contraire aux valeurs universelles républicaines qui ne fait pas l’union. L’air du temps est d’être cool. Gramsci avait raison : la révolution et la mise à bas des démocraties et de leurs institutions commencent par gagner la guerre des esprits pour créer les conditions du changement en dénigrant tout et en relativisant ce qui est sombre. Nos beaux esprits participent à cette désagrégation, a priori sans le vouloir on l’espère. Mais il ne s’agit que d’une bataille et il appartient aux républicains et aux gens de bonne volonté de reconquérir le terrain car rien n’est inéluctable et à force de tirer sur la corde elle casse. J’avais prévenu que je serai peu dans la nuance alors que moi aussi je m’estime humaniste et n’aie aucune leçon à recevoir.  C’est fait !

                                                   Sur la justice

 Heureusement la justice est sévère envers certains. Le tribunal judiciaire de paris nouvellement installé après des débats qui remontent à M.Sarkozy quand il était président de la république et qui siège aux Batignolles dans le 17ème arrondissement est un magnifique bâtiment de verre, transparent , élancé vers le ciel comme une cathédrale si le rapprochement spirituel- profane ( juridique) est recevable ? Mais les juridictions statuant au nom du peuple français qui incarne la souveraineté pourquoi pas ? M.Giscard d’Estaing a eu le centre Pompidou-Beaubourg ; M.Mitterrand la pyramide du louvre ; et  M.Sarkozy a le tribunal ce qu’il regrette  peut être  compte tenu  des procès qu’il doit affronter ? Mais je m’égare. Le tribunal judiciaire s’est- t- il transformé en règlements de comptes à OK.Corral où l’on flingue  à coup de réquisitoires et de jugements  et où il faut un cadavre virtuel ou au moins des grands blessés pour que la justice passe ? Je suis scié comme on dit chez les menuisiers ou scotché selon les jeunes à la suite du procès de M.Sarkozy, de son avocat et d’un présumé complice un haut magistrat de la cour de cassation pas moins,  à la suite des réquisitions du parquet national financier PNF  existant depuis 2013 pour lutter contre la grande délinquance, prononcées à leur encontre : 4 ans dont 2 de prison  ferme pour chacun  en y ajoutant 5 ans d’interdiction professionnelle pour l’avocat ce qui signifie sa mort professionnelle. Je vous prie de croire en ma modeste expérience d’avocat plaidant depuis des décennies. Pour condamner quelqu’un à 4 ans dont 2 de prison ferme il faut quasi un crime voire un délit aggravé constitué avec une ou des victimes, des préjudices établis, des preuves irréfutables, et un délinquant qui a un passé déjà très chargé. Pour comparaison les premiers terroristes avérés jugés avec une législation moins répressive à l’époque -qui seront libérés prochainement – ont eu des peines de quelques années fermes.  Avec le passage au ministère de la justice de Mme Taubira les juges ont été enclins à la modération.  On se rappelle que M.Fillon  – avec l’enquête la plus rapide de France  pendant la campagne présidentielle de 2017 déjà du parquet financier national- a été condamné à 5 ans de prison  dont 2 de prison ferme outre de considérables dommages-intérêts sur constitution de partie civile de l’assemblée nationale.  Il prépare son appel car il s’estime innocent et veut que les juges correctionnels prennent une veste - si j’ose persifler - devant la cour d’appel.

                                                       Un rapport ?

Quel est le rapport entre M.Fillon et M.Sarkozy en leur qualité de justiciables naturellement , même si le jugement  que l’on ne peut prédire  car les juges  peuvent surprendre, sera rendu en mars 2021 pour l’ancien chef de l’Etat - garant à l’époque des institutions dont celle de la justice ? Ce sont les 2 ans fermes et pourquoi ? Parce que les procureurs appliquent le « en même temps » prévu par le code pénal qui consiste pour faire plaisir à l’opinion publique à réclamer de la prison ferme contre des puissants contemporains ou anciens ou supposés tels, et de savoir qu’en réalité la loi applicable aux faits reprochés aux prévenus qui datent de quelques années, n’entraine pas à 2 ans et au-dessous une incarcération. La loi obligeait à une mesure alternative comme un travail d’intérêt général, le port d’un bracelet électronique, les jours amende, un stage de citoyenneté, la surveillance électronique… Imagine-t-on le général de Gaulle porter à sa retraite politique un bracelet électronique ou travailler pour une association d’anciens dealers ou repentis de toute nature ou ramasser des feuilles mortes au fin fond d’une commune obscure ?

 La loi du 23 mars 2019 a revu ces dispositions pour les durcir notamment pour abaisser le seuil des 2 ans à 1 an. A partir de cette peine l’incarcération est effective. Attention donc pour les futurs politiques qui risquent la prison depuis le 24 mars 2020. Encore faut -il que l’intendance suive c’est à dire qu’il y ait des places de prison. Et sachant que les juges sont encouragés à aménager les peines par des mesures alternatives.

           « Selon que vous serez puissant ou misérable » (Jean de la Fontaine).   

Je ne me prononce pas sur le fond des dossiers que je n’ai évidemment pas lu comme les journalistes sauf s’ils bénéficient de la violation du secret de l’instruction ou professionnel, mais qui sont couverts par le principe de droit de la protection de leurs sources. Et chaque partie divulgue ce qui peut lui servir tant pour l’accusation que pour la défense, ne soyons pas naïfs. M.Fillon a des avocats de talent et j’espère qu’il sera relaxé. Mais j’admets que l’on peut être indigné par ce qui est reproché aux politiques et que l’on souhaite au nom de l’égalité devant la loi qu’ils soient jugés comme n’importe quel justiciable,et que les peines soient plus sévères car ayant eu tout ils doivent donner l’exemple.

                       Ne pas être impartial ça fait du bien !

 Je vais désormais être partial car le dossier de M.Paul Bismuth alias N.Sarkozy  ou  le contraire m’a choqué. Il repose sur une enquête préliminaire « secrète »   du parquet financier national pendant des années où les plus célèbres avocats pénalistes- dont Me Dupond-Moretti actuel garde des sceaux- gravitant autour de l’avocat de M.Sarkozy ont été écoutés pour savoir qui était une taupe auprès de la cour de cassation ! (Sic). Personne n’a été identifié, des hauts magistrats ont été interrogés pour un résultat nul en violant de mon point de vue tout ce qui est la base de la justice pénale : des enquêtes contradictoires, le respect absolu du secret professionnel de l’avocat ; des écoutes réglementées et contrôlées ; la preuve par l’accusation que les faits sont établis et constituent des infractions ; la présomption d’innocence… Je connais bien l’avocat historique de M.Sarkozy : nous avons débuté presque ensemble et nous nous sommes croisés dans des affaires. Il était au cabinet du très grand pénaliste Me J.L. Pelletier et j’étais collaborateur auprès de l’illustre Me J.L. Tixier-Vignancour. Il a un grand talent outre une expérience professionnelle exemplaire. Il s’est contenté de défendre un client qui était son ami ce n’est pas interdit et qui a eu la malchance- pour des juges- d’être un président de la république qui a quelque peu bousculé les magistrats. Je crois comme l’a dit aussi M.Sarkozy à l’audience en la justice de mon pays qui est le symbole de l’Etat de droit et qui remplit une fonction  indispensable pour trancher les litiges et pour punir ceux qui le méritent. La sanction n’est pas pour moi un gros mot. L’indulgence non plus quand elle est justifiée. Relaxer ou acquitter n’est pas un désaveu : c’est la simple prise d’acte que les infractions ne sont pas constituées ou qu’il y a un doute qui doit toujours profiter à celui qui est accusé. Le légal doit être juste et la qualité d’ancien chef de l’Etat n’est pas une circonstance aggravante. La justice qui ne se confond pas avec la morale ou l’analyse du comportement des autres que l’on n’aime pas -moi je n’aurai pas fait cela- doit être impitoyable mais seulement avec ceux qui sont des délinquants avérés, des menaces pour l’ordre public, des dangers pour la population. Elle doit aussi être exemplaire et ne pas dresser des murs qui lui ont fait honte.

                                       Ce que les juges ne font pas.

 Les procureurs ont dit à l’audience que la justice n’est pas la vengeance. Bravo on y croit mais parfois on s’interroge. Elle n’est pas là non plus pour couvrir les erreurs ou les initiatives curieuses de collègues.  On l’espère et on sait surtout que la responsabilité individuelle des magistrats ne peut être engagée sauf faute lourde, et c’est l’Etat qui assume. Pourtant le pendant de l’indépendance revendiquée à juste titre et à haute voix en demandant l’intervention du président de la république quand il y a un fait divers qui pose problèmes (par exemple un détenu libéré qui récidive) devrait être la responsabilité personnelle.  Qui ne répond pas de ses actes à notre période : qui bénéficie de l’impunité ? Personne. Pour ma part au lieu de la discussion sans fin sur l’indépendance non discutée pour les magistrats du siège mais contestée pour ceux du parquet avec la Cour Européenne des droits de l’homme à Strasbourg, et un homme ou une femme ayant leurs qualités et leurs défauts, je préfère les termes d’impartialité et d’objectivité. Et je fais confiance dans le lien juges-avocats qui reste à conforter. 

 Au-delà de la ligne téléphonique ouverte par au plus usurpation d’identité, mais il n’y a pas de plainte et tout ceci est petit, je ne me prononce pas sur ce qui est principalement reproché au fond à M.Sarkozy et ses co-prévenus à savoir un pacte de corruption. Je retiens des commentaires extérieurs au tribunal qu’il n’est pas prouvé, que le magistrat n’a pas été nommé à Monaco, que l’avocat est resté avocat, et que M.Sarkozy n’a bénéficié de rien judiciairement parlant ?   Le tribunal se prononcera et il sera d’autant plus indépendant qu’il ne suivra pas les réquisitions.

Mais je demande aux procureurs de la république en général qui me représentent puisqu’ils portent l’accusation au nom du peuple français donc de moi simple citoyen, de ne pas vouloir satisfaire l’opinion publique ou une minorité agissante en frappant fort, très ou trop fort pour marquer les esprits et montrer qu’ils n’ont peur de personne.  Ils se discréditent et vont obtenir l’effet inverse de ce qu’ils recherchent.  

La justice ne peut être à géométrie variable. C’est sa grandeur.  

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