Cauchemar ou
réalité : la loi pour quoi faire ?
Par Christian Fremaux avocat
honoraire et citoyen
On aime quand
Guignol rosse le gendarme. C’est bon enfant dit-on. Moins quand les
manifestations dégénèrent, que des excités cassent tout et s’affrontent aux
forces de l’ordre. Là on rit jaune. C’est François Mitterrand qui avait parlé
de la force injuste de la loi. M. Mélenchon le surpasse dans ses déclarations
qui n’hésite pas à considérer que la légalité est secondaire et que la loi ne
vaut que si elle l’arrange. Quand c’est lui ou ses amis qui bien que présumés
innocents sont accusés de quelques turpitudes c’est un complot raciste de
préférence, ou inventé ou monté en épingles même si les intéressés sont pris la
main dans le pot de confiture et avouent en se justifiant. Quand ce sont
des adversaires la loi doit s’appliquer dans toute sa rigueur. En urgence. C’est
un républicain aux convictions légales zigzagantes. La morale des autres
ne l’encombre pas.
J’ai ouï
pendant ce week- end de l’ascension vers le ciel qui est surtout un pont de 4
jours pour les non croyants, des propos qui n’ont pas été lancés en l’air pour rien
et qui reflètent notre situation du désordre selon une minorité que l’on entend
bien. Le teknival avec des milliers d’adorateurs des dieux matériels et
planants n’ont pas été une casserolade géante contre les 64 ans et pour la
semaine de 4 jours, mais plutôt un hymne à la liberté sans limites, ce qui
dans la société policée et responsable que l’on essaie de préserver peut prêter
à confusion dans les esprits. Mes interrogations sont simplistes sinon ridicules : faut-il encore
faire des lois, des décrets, des règlements, des arrêtés et je mets de côté la
jurisprudence y compris européenne enfin toute la panoplie légale quand des
individus les ignorent volontairement ou les contournent ou les récusent ou
s’en dispensent, ou considèrent que toute loi est liberticide. Peut-on vivre
dans la paix et la sérénité sans contraintes ? La démocratie peut-
elle vivre sans valeurs, sans références, sans que le citoyen s’empêche comme
l’a écrit A. Camus ? La république est- elle un terrain vague sans
fins ? Qui pose les interdictions, par quels moyens et qui arbitre ?
Le préfet de
l’Indre a été baladé par les organisateurs du teknival du 20 mai 2023 sur un
champ dont le propriétaire a salué la courtoisie et la gentillesse des
teufeurs. Bravo à cet admirateur de la propriété privée qui sait partager. Le
préfet n’a eu ni à autoriser ni à interdire puisque le festival n’a pas été
annoncé. Pas de règles bonne règle. Les voisins ou ceux qui ont subi ont été
ignorés voire moqués s’ils émettaient une petite objection. Après tout ils
n’avaient qu’à construire et vivre ailleurs. Et c’est quoi dans une vie 3 ou 4
jours de beuveries et de bruits : on s’en remet. La tolérance c’est fait
pour cela. La fraternité s’impose. La loi ne peut juguler le plaisir, la joie. La
liberté de quelques danseurs vaut bien une messe. Sinon c’est la dictature, la répression, les
fascistes. On l’a échappé belle on n’a eu à envoyer ni les chars et les canons Caesar
- destinés à l’Ukraine - ni les rafales en réserve si un conflit de haute
intensité démarrait sur notre sol ou chez un allié. Les blessés l’ont été par
eux -mêmes. Il n’y avait même pas d’adversaires. J’exagère bien sûr et
tout ce qui est excessif est insignifiant. Mais les jeunes sont innocents par
nature. Aux adultes d’y veiller. C’est d’ailleurs le sens de notre société
actuelle.
Personnellement
je n’aimerai pas que l’on vienne camper sur le gazon que je viens de tondre,
boire mon vin qui est au frais alors que je n’ai invité personne, et mettre de
la musique à fond alors que je suis en train de me reposer. Mais je suis égoïste,
fermé d’esprit, ringard et sûrement anti -jeunes car je ne prends pas de drogue
avec mon whisky : je préfère les glaçons. Ce doit être le signe manifeste
d’un discriminateur et conservateur qui choisit le travail à la fête sauvage,
qui veut conserver ses points de permis de conduire, et qui ne demande pas à la
collectivité de le soigner s’il absorbe n’importe quoi. J’ai conscience d’être
un citoyen qui n’est plus dans le coup, un méchant qui nie la solidarité car en
plus je respecte la loi mais pour quoi faire ? Pourquoi brimer des jeunes
qui veulent s’amuser ? Pourquoi ne pas leur mettre à disposition
gratuite un terrain adéquat, l’Etat étant un propriétaire foncier avec eau et
plus si affinités ou besoins divers, drogues quasi licites qui sont inoffensives,
avec ravitaillements contrôlés, médecins, secouristes, gendarmes et policiers
pour éviter les débordements et les incidents ? Et des chauffeurs pour les
raccompagner car il faut prévenir tout accident. L’Etat providence est
devenu nounou. Le préfet est l’éducateur en chef et distribue les doudous.
L’Etat donc les contribuables paieront les factures de nettoyage et de sécurité
car les G.O. ont disparu.
Il faut
être sans cœur et au moins extrémiste pour ne pas approuver les pacifiques
rassemblements. Les maires et les autorités en général n’ont qu’à accueillir
avec fierté les communautés qui s’installent avec des exigences ou non et usent
des biens communaux. Ou ceux qui utilisent les routes pour faire du rodéo
sauvage puisqu’on a le culot de ne pas construire des circuits dédiés. Les
simples intermédiaires mineurs qui rentrent chez papa et maman le soir sont
contraints de s’exercer à la mitraillette dans la rue faute de stands de tirs municipaux
pour eux, et les petits commerçants qui vendent leurs produits à ciel ouvert
n’ont même pas un marché couvert avec des lumières publiques pour s’abriter de
la pluie, du soleil ou du gel. C’est insupportable. Mais que font les élus, la maréchaussée et
l’Etat pour que tout le monde soit heureux ? Faut-il une loi pour les
minorités illégales ?
Je ne
reviens pas sur la désobéissance civile qui touche jusque des parlementaires dont
certains pensent que l’assemblée est une ZAD. Je n’insiste pas sur le déni démocratique
soulevé par des jusqu’aux boutistes alors même que le conseil constitutionnel a
considéré que pour le projet de réforme des retraites tout avait été légal
y compris l’article 49. 3. Je ne commente pas l’arrêt rendu concernant un
ancien président de la république, son avocat et un éminent magistrat. Ne connaissant
pas le dossier sauf à travers la presse qui est insoupçonnable et objective
absolument pas partisane on le sait, je déplore simplement que l’on puisse
écouter un avocat et son client et en tirer des conclusions coupables de ce qui
fut peut-être une idée sans effet. La justice indépendante (de qui c’est
l’éternelle question ?) c’est- à -dire la cour de cassation appréciera en
droit bien sûr, pas pour faire un exemple ou donner une leçon de vertu.
Et puis je
me suis réveillé car je m’étais endormi devant les nouvelles. Je ne sais plus
qui faisait un discours forcément essentiel pour l’avenir et si j’ai fait
un cauchemar ou non. Je crois qu’une démocratie c’est le respect des
institutions fussent- elles à rénover et de la loi. La justice c’est aussi le
glaive au nom du peuple français. On a besoin de confiance et de vigueur. A
chacun d’entre nous de jouer son rôle. La République nous attend.