Loi et
constitution pour quoi faire ?
Par Christian Fremaux avocat honoraire
Avec près de
50 ans au service de la Justice tant sur le plan juridictionnel que juridique
je m’interroge : à quoi servent les textes légaux de toute nature, les
lois et la Constitution ? Il y a
autant d’interprétations de la loi que d’avocats. Je plaide coupable. On oppose
le pays légal et ce qui serait le pays réel issu des manifestations et des
sondages. Ce serait ce dernier qui doit avoir la priorité. Et on devrait
s’incliner quand il s’exprime à travers les syndicats ? Pourtant très
minoritaires dans le monde salarié.
Ce n’est même plus l’affrontement de deux légitimités
puisque la seule qui compte est celle du peuple. J’en fais partie mais on ne me
demande jamais mon avis. Ni pour ni contre, au contraire. Mais dans une démocratie
représentative si l’avis d’un seul ou de quelques- uns seraient- ils très
nombreux l’emporte pour tout et à tout moment, il n’est plus possible de gouverner,
l’Etat de droit n’est qu’une fiction.
On le
constate chaque jour : les arrêtés d’un maire pour la circulation ou
la gestion des déchets ne sont pas respectés.
Police et gendarmerie doivent user avec modération de
contraventions ou poursuites pour ne pas heurter la sensibilité des uns et des
autres. Des juges prononcent des décisions qui ne plaisent pas car l’opinion
publique a déjà jugé : la présomption d’innocence est un concept désuet !
L’ordre et la loi sont faits pour les autres. Chacun s’estimant victime et de
bonne foi a une circonstance particulière qui l’exonère de la règle commune. Le
président F. Mitterrand parlait parfois de la force injuste de la loi. C’est
vrai. J’ai subi et encore maintenant de nombreuses lois que je n’approuve pas.
Mais la démocratie est de vivre tous ensemble malgré nos divergences.
Au parlement
le débraillé vestimentaire et intellectuel a pris le dessus. Une députée a même décrété que c’était une ZAD.
Si des parlementaires qui fabriquent la loi considèrent qu’elle est inique
voire usurpatoire les bornes sont franchies. Il est arrivé que des
magistrats refusent d’appliquer une loi qui leur paraissait liberticide selon
leur conscience puisque toute autorité l’est devenue comme toute contrainte
dans l’intérêt collectif. Comme les désobéisseurs professionnels et rebelles de
toute nature le soutiennent. Et qui s’auto- affublent du terme de pacifistes
qu’ils fassent le coup de poing pour se défendre contre l’ordre établi ou
qu’ils se couchent sur le périphérique ce qui empêche les gens d’aller
travailler. Avant d’autres actions de sabotages ou de discriminations au détriment
de certains qu’ils n’aiment pas, leurs ennemis de la république selon leur
tolérance. En prétendant qu’ils le font pour les autres, pour moi. Mais je n’ai
pas besoin d’avocats les très bons sont très chers et ils n’obtiennent
pas toujours satisfaction !
La loi est
la volonté de la majorité issue des élections. Et qui émane du parlement après
débats publics. Encore faut-il que les citoyens se bougent et aillent faire
leurs devoirs avant d’hurler qu’ils ne sont d’accord sur rien. La démocratie
participative c’est le vote dans les urnes et pas dans les AG à main levée. Ni la
révolte à retardement avec des idées venant de bidules sui generis et de citoyens
tirés au sort, ou des comités Théodule qui n’ont aucun sens, donnent de faux
espoirs et qui me rappellent les exactions de la révolution française. Ou des
croyances orientées des organisations payées sur fonds publics qui font la
morale et savent ce qu’il faut décider. En toute impartialité cela va de soi. Pourtant
la vérité est rarement univoque. Et elle ressort souvent d’un compromis entre
exigences contradictoires. Experts prétendus sans avoir de responsabilités
car s’ils se trompent ils ne sont ni poursuivis ni vilipendés. Ils partent à la
retraite. Ou sont promus.
La loi peut venir
aussi d’un pouvoir exécutif qui se croit omniscient et qui pense avoir la science
infuse tirée de ses élites bureaucratiques sans expérience électorale et de la
comptabilité tyrannique qui plait à la commission de Bruxelles. Les
finances n’ont jamais remplacé les êtres humains avec leurs emportements et leurs
bons sens. Mais des réformes sont évidemment nécessaires sinon on régresse. Le
conservatisme de privilégiés mène à la ruine. Le monde change. Les conditions
matérielles aussi. Le puits n’est pas sans fond. Il faut agir. Si un
projet qui demande des efforts est fondamental, expliquons le bien, avec toutes
les données. La loi n’est acceptée que si elle est comprise et réduit les
inégalités. Sans perdant. Ou fixe les limites du bien et du mal. Ou punit celui
qui a fauté contre la collectivité.
La loi est
indispensable et doit être respectée dans le cadre des institutions.
Il faut être constitutionnaliste chevronné pour suivre le débat sur les
retraites. J’ai regretté de n’avoir pas été assez attentif quand un peu après
mai 68 je suis entré en faculté de droit.
Les articles
de la Constitution sont faits pour être appliqués y compris le fameux 49.3 dont
tous les gouvernements au pouvoir se sont servis sans vergogne. On ne peut
soutenir « faites ce que je dis pas ce que j’ai fait ou ce que je
m’apprête à faire ». Il y a d’autres articles avec la censure, le droit d’amendement , le vote bloqué ou le règlement
des assemblées qui limite le temps des débats. Ce qui permet des manœuvres. A
ce jeu de dupes on n’est pas toujours vainqueur. Ni le gouvernement, ni
l’opposition, ni la rue. On le sait. Tout ceci est légal. On ne va pas discuter
pendant des mois il y a d’autres priorités à envisager. Oppositions comme
exécutifs ne se sont jamais gênés. Sous le regard attentif du Conseil
Constitutionnel. Les cris de biche effarouchée des uns et des autres sont puérils.
La Constitution ne s’use que si on s’en sert.
Si la
Constitution du général De Gaulle validée par les 14 ans de fonctions de M. Mitterrand
qui depuis 65 ans montre sa solidité, est devenue dictatoriale changeons là. Mais
prudence car avant de basculer dans une VI-ème république réfléchissons à ce
que nous avons. Au prétexte de mieux écouter la voix du peuple qui est souvent
changeante voire aphone, rajouter de l’incertitude et de l’éparpillement avec
des conflits dialectiques sans fin à ce qui existe serait inconséquent. Et
dangereux pour l’avenir. Par exemple avec un scrutin de proportionnelle
intégrale. Outre le référendum par oui ou non (articles 11 et 89) qu’il ne faut
pas rater existe déjà par la réforme de 2008 le référendum d’initiative
partagée (1/5ème de parlementaires et 1/10ème du corps électoral). Il y a aussi
le conseil économique, social et environnemental où l’on peut discuter. Rapprochons
les départements et les régions du citoyen et soyons moins jacobin en faisant
la réforme de l’Etat pour le rendre plus régalien.
Mais
respectons la loi et usons de la Constitution. La démocratie se confortera.
Félicitations Maître, on reconnaît bien là votre esprit cartésien.
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