mercredi 22 février 2023

De quoi un agresseur est -il le nom

 

                    De quoi un agresseur est- il le nom ?

                    Par christian Fremaux avocat honoraire

 A l’occasion de l’élection présidentielle de 2022 le journaliste Gilles Bouleau avait posé à chacun des candidats la même question : M. Poutine est-il un dictateur ? comme si le vocable pouvait avoir une influence sur les combats ou expliquer la motivation de celui qui est un agresseur patenté.

Tous ont refusé de répondre à la question au prétexte principal qu’un (futur) chef d’Etat réfléchit et ne cède pas à l’émotion, n’insulte pas l’avenir, qu’il n’a pas à qualifier péjorativement un collègue Président qu’il va fréquenter et avec qui il va falloir négocier. Les candidats avaient esquivé une réponse franche et massive sauf M. Jadot leader des verts. Il avait affirmé que oui M. Poutine était un dictateur. Ce dernier en a tremblé de peur. Mais a intensifié son opération militaire spéciale contre les « nazis » d’Ukraine !

Mais qui doute que les méthodes brutales du chef de guerre russe ne respectent pas le caractère humain de la vie, ni les canons du droit international et humanitaire ni les règles du droit de la guerre sur la protection des civils notamment ? Si l’on peut admettre qu’il y a des guerres propres qui ne font qu’un minimum de dégâts ! La guerre ne se divise pas en bonnes et mauvaises actions. 

La Cour Pénale Internationale [C.P.I] de La Haye a ordonné une enquête sur les actes de M. Poutine et de ses complices qui peut être dans l’avenir seront incarcérés pour génocide, crimes contre l’humanité et de guerre et crimes dits « d’agression ». Mais observons que ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié le traité de Rome de 1998 fondateur de la C.PI. M. Poutine ne va pas se livrer et plaider coupable puisqu’il prétend se battre pour la liberté de ses compatriotes. Et la protection de la grande Russie.    

Le terme dictateur est surtout à usage interne. Ce sont les citoyens russes qui ont déjà connu l’ère soviétique et le goulag qui peuvent qualifier leur président. S’ils osent s’exprimer sans se retrouver en prison ou subir des représailles.  Il y a 50 nuances de dictature ou de totalitarisme mais le résultat est constant : le mal, l’intolérance, la volonté de puissance, la peur de disparaitre ou d’être amoindri, la certitude que sa vérité exclut toute humanité, entrainent des souffrances et des vies brisées. Tout le reste n’est que sémantique. 

Des guerres ont été déclenchées aussi par des dirigeants parfois occidentaux a priori sains de corps et d’esprit, humanistes déclarés et entourés d’hommes et de femmes raisonnables attachés aux libertés, à la démocratie et au droit. Les motifs de guerre étaient louables, d’essence humaniste et libérale vérifiés et avérés du moins en théorie. On combattait pour le bien, pour la civilisation et pour chasser du pouvoir un tyran comme dans la philosophie athénienne. Mais aussi pour défendre des intérêts matériels et stratégiques des Etats ne le rappelons pas trop fort.

Que M. Poutine soit un dictateur peu importe. On prend les faits tels qu’ils sont. Serait-il un prétendu démocrate à la mode russe ou de fer que cela ne changerait rien.  On peut y ajouter que la démocratie telle que nous la concevons est un concept à implanter et conforter en permanence avec ses qualités et ses défauts. Chaque individu a le droit de vivre en liberté sans être à la merci d’autocrates persuadés de savoir ce qui est bon pour leurs peuples ou les autres.

Alors dictateur, barbare, mégalomane, despote ou criminel ou tout autre qualification ne change pas l’action néfaste de M. Poutine. Mais il faudra bien un cessez-le-feu et une sortie de crise qui sont du domaine des diplomates et des politiques. Georges Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour la confier aux militaires. Elle est aussi trop grave pour la laisser à un dirigeant totalitaire et « possédé » sauf à le convaincre que son intérêt est de lâcher du lest sans exiger l’impossible. L’Ukraine devra aussi peut être faire des concessions. Personne ne peut perdre la face il faut au moins apparemment un gagnant -gagnant. C’est cynique et injuste. Mais la morale n’intervient que très rarement dans les conflits. Une guerre finit par se terminer mais il faut s’assurer d’une paix solide et durable.

 On peut se faire plaisir par le vocabulaire mais l’essentiel est de trouver des solutions concrètes pour arrêter la lutte armée. Et on doit faciliter l’action de notre chef de l’Etat qui maintient à juste titre le dialogue et essaie de trouver des mesures justes et efficaces. Une défaite mais pas d’élimination.  Sans que la France devienne une nation co-belligérante.

L’agresseur est le nom de l’égo surdimensionné d’un puissant méconnu ou rabaissé, de la volonté d’avoir raison contre tous, de vouloir défier ceux qui ne pensent pas comme lui, d’avoir des valeurs qui ne seraient pas universelles. L’agresseur est protéiforme.

Un agresseur se suffit à lui -même. Il peut invoquer toutes sortes de raisons qu’il estime être justifiées, cela ne change rien pour les victimes.  L’agresseur est un autre nom pour la revanche historique, la peur de disparaitre, l’ambition, le sentiment de puissance ou la nécessité de se sauver soi-même. L’autre est toujours seul responsable de la situation. L’agresseur est celui qui attaque. Il en a fait le choix et a dû en mesurer les conséquences. L’agressé est celui qui résiste à l’agression. Parfois en légitime défense il peut aussi contre attaquer. Les survivants ont des droits !

L’agresseur est donc le nom de la violence illégitime. Puisque la légitimité est de régler les différends par le dialogue et la négociation. Notre époque ne manque pas d’institutions mondiales ou régionales, de conseils dédiés, de comités ad hoc, de conférences internationales et de lieux divers où l’on peut discuter même âprement. Et signer des cessez le feu, des compromis, puis des accords, avec la bénédiction des instances les plus hautes sur le plan mondial tant en droit et de sécurité qu’éthique. Pour préserver les intérêts de chacun.

Aller à Canossa c’est déjà fait et fut positif. Se rendre à Munich a entrainé des drames. Chacun doit être mis en face de ses responsabilités humaines avant d’être politiques ou souveraines.               

2 commentaires:

  1. Mon cher Christian c’est une très juste analyse que vous venez de faire je regrette que vous ne soyez pas ministre des affaires étrangères !
    Vous avez un œil particulièrement exercé !
    Avec mes amitiés
    Bernard de Souzy

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  2. Merci et content cher Bernard d'avoir de tes nouvelles qui sont bonnes j'espère dans ce bazar ambiant. Tu as un vrai oeil et du talent comme artiste et je regarde tes tableaux toujours chez moi.Je m'amuse avec mes articles publiés un peu partout..Amitiés. C.Fremaux.

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