Les vengeurs démasqués
Par Christian Fremaux avocat honoraire
On connait
tous les héros récurrents que l’on admire dans la bonne humeur de Zorro le
vengeur masqué à Batman qui combattent l’injustice et rendent leurs biens aux
pauvres ou aux humiliés. Ou de la reconnaissance. On dirait ceux qui sont en
première ligne actuellement. Ils sont bons enfants comme nos revendicateurs au
départ avant l’explosion souvent du final et utilisent la force tout en étant
pacifistes. La comparaison avec ceux qui défilent s’arrête là. Il y a
une hypocrisie évidente avec nos syndicalistes qui estiment n’avoir aucune
responsabilité dans les violences tout en organisant ce qui est attendu sinon espéré
pour faire pression et en rejetant la faute sur l’Etat titulaire de la violence
légitime et qui protège ceux qui protestent. Dans la hiérarchie des droits
celui de manifester n’est pas supérieur aux autres et il n’est pas un permis de
tuer ou de blesser ou de casser. C’est un peu facile de dire on n’y est pour
rien si des voyous agissent quand on a créé les conditions de l’affrontement
voire y avoir appelé au moins implicitement. Le prétendu déni démocratique
se partage pour le moins.
La CGT qui
en tout voit du tragique et ne regarde pas à l’extérieur, la France selon elle
étant le pays des damnés de la terre, avait décidé d’agir car la partie n’est
pas terminée malgré la promulgation de la loi. Elle le sera d’après nos
justiciers quand la réforme des retraites sera retirée. On verra. C’est la
conception de la démocratie selon nos élites travailleuses. Je ne sais pas ce
qu’en pense le contribuable car je n’ai pas l’oreille du quidam. Je vais me
faire brancher un sonotone.
S’y est
ajouté le fait que 9 joueurs non sélectionnés par le peuple mais titulaires
pendant 9 ans ont confirmé le score d’autant plus facilement qu’ils sont en
même temps les arbitres suprêmes. Il n’y a pas de n° 64 parmi les sages
constitutionnels. Mais une loi se revoit ou s’abroge c’est vrai. L’état de
droit est acceptable quand il vous donne raison.
En politique
l’adversaire c’est l’Etat qui incarne le peuple donc moi. Tout le monde paie
pour la décision publique qu’elle soit bonne ou mauvaise. Et des nulles
idéologiques on en a connu depuis des dizaines d’années. On ne citera personne.
Les
spectateurs sont ravis quand le match a été vif, indécis sinon tendu. On
félicite le vainqueur et les déçus se disent que la prochaine fois ils feront
mieux. On ne réclame pas un pénalty sur le tapis vert de la rue pour crier
« on a gagné ». Les finalistes ne sont pas les mêmes chaque
année. C’est le fair-play. Cela s’appelle aussi la démocratie.
Si c’est l’équipe de France on ne lui tire pas
une balle dans le pied en affaiblissant l’exécutif en le paralysant et en
hurlant à la vengeance, sinon tous les citoyens sont victimes. Les sondages ne
font pas le résultat même s’ils donnent de l’espoir aux supporters.
Pour la
coupe de France de football la CGT avait annoncé vouloir mettre un feu vengeur
à la 49 -ème minute et 3 secondes. Quelle imagination, quel talent ! C’est
elle qui a pris un carton rouge pour avoir confondu sport - donc la joie, la
fraternité dans l’effort, la compétition d’égaux - et défense d’intérêts
corporatistes comme si elle détenait la vérité et était soutenue par les 78.000
sportifs présents. Ce fut un bide mais le match retour était prévu pour le 1er
mai.
Des millions ou des centaines de milliers
protestants pour un motif ou un autre dans la rue selon la CGT contre 12.000 policiers
et gendarmes, l’issue était connue, le match plié surtout devant les caméras où
tout est filmé. Tout étant considéré comme des bavures institutionnelles. La vengeance
est un plat qui se mange froid, en l’occurrence ce fut brûlant. Je plains
toutes les victimes et surtout les forces de l’ordre qui n’agissent que sur
ordres et ne sont pas volontaires pour se faire démolir par des participants
décrits comme forcément doux ! Mais aussi badauds admirant la
représentation sans broncher ou empêcher quoique ce soit. Toujours avec
les mêmes acteurs en noir au milieu des drapeaux. Sans que l’on entende des
cris de soutien ou de compassion pour ceux qui font leurs métiers. L’émotion va
toujours dans le même sens. L’être humain est reconnu comme tel selon une géométrie
variable.
Il ne peut y
avoir de vengeurs ni masqués ni à visages découverts qui veulent faire payer un
affront et obtenir réparations. De qui ? De l’Etat donc de moi, mais
quelle faute ai-je commise ? Sinon aucune réforme n’est possible et
il faudra agir dans l’urgence car les agences de notation et les faits
sont têtus. Dans une société civilisée l’apaisement est la règle. Le rapport au
travail s’est modifié il faut en tenir compte. Que l’on propose ce qui est
possible et non démagogique. Sans bouder ni menacer. La Nation a besoin d’union. Les mécontents
sont légion on ne les ignore pas mais la cause n’est-elle pas répartie
entre l’Etat providence dans lequel nous vivons et le toujours plus des
consommateurs que nous sommes devenus à la place d’être des citoyens avec
des devoirs dont celui de modération ? Outre des évènements de toute
nature que nous ne maitrisons pas. La démocratie qui doit faire coexister les antagonismes
c’est discuter publiquement, prendre une décision légale contradictoirement, et
s’y tenir. Négocier n’est pas trahir.
La violence
physique, morale ou psychologique est intolérable quelles qu’en soient les
raisons. Il n’y a que la vie qui vaille. La démocratie est fragile
le monde nous l’apprend, et voir la vie en sombre et tout contester est
dangereux et contraire à un progrès nécessaire. Il me parait
contreproductif de vouloir un arc dit républicain qui arrangerait tout. Pour ne
parler qu’entre soi, en initiés humanistes ou prétendus tels ? Ce qui est peu
civique. Et le serait encore moins avec un scrutin à la
proportionnelle intégrale comme exigé. Que fait-on de ceux qui n’en feraient
pas partie et qui sont néanmoins des citoyens comme les autres que l’on
l’admette ou non et qui jouent le jeu républicain ? Qui décide et au nom de
quelles valeurs ? A -t-on le droit de poser la question ?
Il faut
démasquer les vengeurs qui portent des faux nez et des fausses barbes. Ce sont
des vrais anti -démocrates, des semeurs de haine qui excluent. Notre société a
besoin de plus de calme et de retour à la tolérance et au respect de
l ’autre. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas batailler verbalement
pour trouver les solutions les plus consensuelles qui corrigent les inégalités
et qui favorisent la redistribution. Mais l’autorité et l’ordre public doivent l’emporter.
Car sans lois les libertés sombrent. Sans sanction tout s’aggrave.
Ce fut la
fête au travail le 1er mai. Tout dépend bien sûr de ce qu’on
entend par fête !
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