L’être humain et le néant
Par Christian Fremaux avocat honoraire et ancien élu
local
Toutes proportions gardées notre pays est en
prise avec un conflit interne intense pour des raisons bonnes ou mauvaises avec
ses polémiques violentes qui touchent à l’essentiel. Globalement le peuple ou
une minorité agissante qui casserolade ne suit pas la loi votée concernant la
réforme des retraites, n’accepte pas la validation par le conseil constitutionnel
en raison de sa colère et le fait que le processus selon certains n’a pas été démocratique.
C’est le retrait ou une guerre larvée et permanente. L’indignation devient la
valeur républicaine par excellence. Et suffisante ? On parle de sondages
« contre » qui sont donc supérieurs aux décisions du parlement et aux
arrêts des juges suprêmes. Mais quand ils sont favorables que fait- on,
par exemple pour l’immigration qui est le prochain sujet qui va mettre le feu
aux poudres alors qu’il s’impose chacun le voit. Et qu’il semble que
le peuple soit « pour » des décisions fortes ? Ce curieux
comportement civique est valable pour tous sujets. Un coup le sondage permet la
loi. Un coup il l’interdit. Est-ce cela la démocratie participative qui est à
géométrie variable selon l’opinion. La décentralisation l’illustre.
Le maire de Saint-Brevin
a été menacé dans ses biens et physiquement. Il aurait pu mourir. Les larmes
qu’on verse sur son geste sont de crocrodiles. Elles mouillent ceux qui
auraient dû prendre leurs responsabilités. Il a à juste titre démissionné car
il n’allait pas en plus acheter la corde pour se faire pendre. Un élu local
surtout bénévole n’est pas mandaté pour prendre des risques et pour mettre sa
vie en danger ou se faire engueuler à longueur de journée. Que les plus malins
donneurs de leçons assument la démocratie de proximité tant recherchée. En 2026
les candidats aux élections municipales se feront rares. A la place de
l’écharpe tricolore il faudra leur payer un gilet pare-balles ! L’homme et
la femme ont leurs convictions parfois peu humaines on le sait. Chacun a sa
part d’ombre. On a le droit de tendre les bras, on a aussi parfois des raisons
de s’inquiéter. La peur est mauvaise conseillère mais qui peut soutenir
qu’il n’a la frousse de rien y compris de ce qu’il ne connait pas ou
qu’il ne fréquente pas ? Que rien ne le touche dans ce
qu’il croie ou possède. On ne peut être binaire. Mais les
institutions qui sont nos remparts doivent fonctionner. S’attaquer à ceux et
celles qui nous représentent est dangereux pour aujourd’hui comme pour l’avenir.
La force ne peut gagner nulle part quelle que soit la décision publique. Le
maire a dû affronter un évènement criminel. On a immédiatement pointé les
auteurs supposés -des extrêmes évidemment de droite puisque des migrants ou des
demandeurs d’asile sont concernés - avant même que l’enquête ne commence.
Le maire
s’est plaint que l’Etat ne l’avait pas soutenu. C’est exact souvent et fréquent.
Les maires qui baissent les bras et qui rendent leurs tabliers régulièrement ou
promettent qu’on ne les reprendra plus à se faire élire sont légion. Il y
a des raisons parfaitement identifiées. Faites au mieux dit -on à celui qui a
la responsabilité sur place. Sans moyens financiers supplémentaires, sans
personnel car il coûte trop cher, sans liaisons véritables avec les services de
l’Etat. Sans oublier que le préfet impose telle ou telle mesure ou un projet
qui divise comme les éoliennes, ou une construction que le maire ne voulait pas
sur son territoire et que l’éminent fonctionnaire cède parfois pour des raves
parties ou autres illégalités dites citoyennes. Ce qui enrage le quidam. Notre
décentralisation dont on se gargarise comme panacée est un leurre et les
maires s’en rendent compte. Sans vraie réforme de l’Etat, sans disparition des strates
administratives donc avec moins de bureaucratie mais avec de vrais pouvoirs aux
élus sous le contrôle des juges pour que de nouveaux seigneurs ne surgissent
pas, rien ne se fera.
On veut de
la proximité. Un Etat jacobin pour le régalien bien sûr mais il faut un peu de
partage girondin. Le citoyen ne voit pas jusque Paris ou la capitale régionale
très éloignée. Qu’on confie le quotidien à ceux qui labourent le terrain. On
prend cela de haut ou pour des exigences mesquines car les élus locaux ne sont
pas dangereux politiquement quelles que soient leurs étiquettes, les maires
sont des légalistes. Ils obéissent à la loi, ils essaient de la faire respecter,
ils économisent autant qu’ils peuvent. Ils ne vont rien casser, ils ne défilent
pas avec le drapeau tricolore qui serait l’étendard de leur révolte ! Ils ne crient pas à bas l’Etat. On peut donc
les ignorer sans crainte.
L’Etat avait
demandé à l’édile de la commune de Saint- Brevin de créer un CADA (centre
d’accueil des demandeurs d’asile). Il l’a fait avec son conseil municipal.
Quand récemment il a fallu déplacer ledit centre près d’une école la fureur
s’est déclenchée. Par des racistes peut- être ? Parce qu’on fait un lien discuté
entre délinquance et certains migrants ? Mais surtout parce que chacun
voit que depuis des années les problèmes liés à l’immigration ne sont pas
résolus ni même abordés sérieusement. On fait du tango. L’Etat n’a pas
l’oreille absolue. La démographie en Afrique et ailleurs, les guerres, la
nature imprévisible vont entrainer des arrivées massives vers les pays qui
présentent le plus de facilités où les droits sont quasi inconditionnels.
Personne au niveau étatique n’est capable de proposer une solution concrète et
on préfère accuser le voisin européen de ne rien faire. Et il y a des oppositions farouches entre les
citoyens entre l’être et le néant. Les bons contre les méchants ce qui est
grotesque avec l’éthique de responsabilité et celle de conviction.
Avec ceux qui ont le cœur sur la main, pour
qui il n’y a pas d’étrangers sur terre et qui estiment que venir quand on veut
et s’installer sur n’importe quel territoire est un droit naturel puisque
l’être humain est la valeur suprême. C’est de l’humanisme low cost. Je ne suis
pas responsable si mes lointains ancêtres ont participé à la
colonisation ou non d’ailleurs. Je ne soutiens aucun dictateur et le changement
climatique n’est pas de mon fait. Personne
ne discute que l’être humain est la valeur suprême bien que les
révolutionnaires ne l’aient pas inscrit ainsi dans les droits de l’homme. Comme
le disait Michel Rocard la misère du monde ne peut se retrouver dans les
mêmes lieux. En les déstabilisant pour des motifs aussi irrationnels que réels.
Et ceux qui
ont les yeux ouverts. J’ai le droit de défendre les valeurs de ma nation et de
vivre selon ce que je pense. La République est du réalisme avec
contrepartie. Il faut aussi apporter. De quoi le maire de Saint- Brevin est- il responsable ?
De rien il y a erreur sur la personne. Halte au feu et stop à
l’immigration selon Manuel Valls qui n’a pu l’arrêter mais qui s’en préoccupe
alors qu’il n’est plus aux affaires. Il est toujours temps pour les responsables
dont l’admirateur avec raison de Clemenceau. Et de l’ordre public.