mardi 16 mai 2023

L’être humain et le néant

 

                         L’être humain et le néant

         Par Christian Fremaux avocat honoraire et ancien élu local

 Toutes proportions gardées notre pays est en prise avec un conflit interne intense pour des raisons bonnes ou mauvaises avec ses polémiques violentes qui touchent à l’essentiel. Globalement le peuple ou une minorité agissante qui casserolade ne suit pas la loi votée concernant la réforme des retraites, n’accepte pas la validation par le conseil constitutionnel en raison de sa colère et le fait que le processus selon certains n’a pas été démocratique. C’est le retrait ou une guerre larvée et permanente. L’indignation devient la valeur républicaine par excellence. Et suffisante ? On parle de sondages « contre » qui sont donc supérieurs aux décisions du parlement et aux arrêts des juges suprêmes. Mais quand ils sont favorables que fait- on, par exemple pour l’immigration qui est le prochain sujet qui va mettre le feu aux poudres alors qu’il s’impose chacun le voit. Et qu’il semble que le peuple soit « pour » des décisions fortes ? Ce curieux comportement civique est valable pour tous sujets. Un coup le sondage permet la loi. Un coup il l’interdit. Est-ce cela la démocratie participative qui est à géométrie variable selon l’opinion. La décentralisation l’illustre.

Le maire de Saint-Brevin a été menacé dans ses biens et physiquement. Il aurait pu mourir. Les larmes qu’on verse sur son geste sont de crocrodiles. Elles mouillent ceux qui auraient dû prendre leurs responsabilités. Il a à juste titre démissionné car il n’allait pas en plus acheter la corde pour se faire pendre. Un élu local surtout bénévole n’est pas mandaté pour prendre des risques et pour mettre sa vie en danger ou se faire engueuler à longueur de journée. Que les plus malins donneurs de leçons assument la démocratie de proximité tant recherchée. En 2026 les candidats aux élections municipales se feront rares. A la place de l’écharpe tricolore il faudra leur payer un gilet pare-balles ! L’homme et la femme ont leurs convictions parfois peu humaines on le sait. Chacun a sa part d’ombre. On a le droit de tendre les bras, on a aussi parfois des raisons de s’inquiéter. La peur est mauvaise conseillère mais qui peut soutenir qu’il n’a la frousse de rien y compris de ce qu’il ne connait pas ou qu’il ne fréquente pas ? Que rien ne le touche dans ce qu’il croie ou possède. On ne peut être binaire. Mais les institutions qui sont nos remparts doivent fonctionner. S’attaquer à ceux et celles qui nous représentent est dangereux pour aujourd’hui comme pour l’avenir. La force ne peut gagner nulle part quelle que soit la décision publique. Le maire a dû affronter un évènement criminel. On a immédiatement pointé les auteurs supposés -des extrêmes évidemment de droite puisque des migrants ou des demandeurs d’asile sont concernés - avant même que l’enquête ne commence.

Le maire s’est plaint que l’Etat ne l’avait pas soutenu. C’est exact souvent et fréquent. Les maires qui baissent les bras et qui rendent leurs tabliers régulièrement ou promettent qu’on ne les reprendra plus à se faire élire sont légion. Il y a des raisons parfaitement identifiées. Faites au mieux dit -on à celui qui a la responsabilité sur place. Sans moyens financiers supplémentaires, sans personnel car il coûte trop cher, sans liaisons véritables avec les services de l’Etat. Sans oublier que le préfet impose telle ou telle mesure ou un projet qui divise comme les éoliennes, ou une construction que le maire ne voulait pas sur son territoire et que l’éminent fonctionnaire cède parfois pour des raves parties ou autres illégalités dites citoyennes. Ce qui enrage le quidam. Notre décentralisation dont on se gargarise comme panacée est un leurre et les maires s’en rendent compte. Sans vraie réforme de l’Etat, sans disparition des strates administratives donc avec moins de bureaucratie mais avec de vrais pouvoirs aux élus sous le contrôle des juges pour que de nouveaux seigneurs ne surgissent pas, rien ne se fera.  

On veut de la proximité. Un Etat jacobin pour le régalien bien sûr mais il faut un peu de partage girondin. Le citoyen ne voit pas jusque Paris ou la capitale régionale très éloignée. Qu’on confie le quotidien à ceux qui labourent le terrain. On prend cela de haut ou pour des exigences mesquines car les élus locaux ne sont pas dangereux politiquement quelles que soient leurs étiquettes, les maires sont des légalistes. Ils obéissent à la loi, ils essaient de la faire respecter, ils économisent autant qu’ils peuvent. Ils ne vont rien casser, ils ne défilent pas avec le drapeau tricolore qui serait l’étendard de leur révolte !  Ils ne crient pas à bas l’Etat. On peut donc les ignorer sans crainte.

L’Etat avait demandé à l’édile de la commune de Saint- Brevin de créer un CADA (centre d’accueil des demandeurs d’asile). Il l’a fait avec son conseil municipal. Quand récemment il a fallu déplacer ledit centre près d’une école la fureur s’est déclenchée. Par des racistes peut- être ? Parce qu’on fait un lien discuté entre délinquance et certains migrants ? Mais surtout parce que chacun voit que depuis des années les problèmes liés à l’immigration ne sont pas résolus ni même abordés sérieusement. On fait du tango. L’Etat n’a pas l’oreille absolue. La démographie en Afrique et ailleurs, les guerres, la nature imprévisible vont entrainer des arrivées massives vers les pays qui présentent le plus de facilités où les droits sont quasi inconditionnels. Personne au niveau étatique n’est capable de proposer une solution concrète et on préfère accuser le voisin européen de ne rien faire.  Et il y a des oppositions farouches entre les citoyens entre l’être et le néant. Les bons contre les méchants ce qui est grotesque avec l’éthique de responsabilité et celle de conviction.

 Avec ceux qui ont le cœur sur la main, pour qui il n’y a pas d’étrangers sur terre et qui estiment que venir quand on veut et s’installer sur n’importe quel territoire est un droit naturel puisque l’être humain est la valeur suprême. C’est de l’humanisme low cost. Je ne suis pas responsable si mes lointains ancêtres ont participé à la colonisation ou non d’ailleurs. Je ne soutiens aucun dictateur et le changement climatique n’est pas de mon fait.  Personne ne discute que l’être humain est la valeur suprême bien que les révolutionnaires ne l’aient pas inscrit ainsi dans les droits de l’homme. Comme le disait Michel Rocard la misère du monde ne peut se retrouver dans les mêmes lieux. En les déstabilisant pour des motifs aussi irrationnels que réels.

Et ceux qui ont les yeux ouverts. J’ai le droit de défendre les valeurs de ma nation et de vivre selon ce que je pense. La République est du réalisme avec contrepartie. Il faut aussi apporter.  De quoi le maire de Saint- Brevin est- il responsable ? De rien il y a erreur sur la personne.  Halte au feu et stop à l’immigration selon Manuel Valls qui n’a pu l’arrêter mais qui s’en préoccupe alors qu’il n’est plus aux affaires. Il est toujours temps pour les responsables dont l’admirateur avec raison de Clemenceau. Et de l’ordre public.       

mercredi 3 mai 2023

Parler pour ne rien dire ?

 

                                       Parler pour ne rien dire ?

                    Par Christian Fremaux avocat honoraire

Au café du commerce dans ma commune rurale de 600 habitants à moins de 100 kms de la capitale il y avait les habitués plutôt remontés qui discutaient en rigolant. Extraits.

-« Vous avez vu ce 1er mai. C’était Beyrouth ou Marioupol. Maintenant on se bat entre français. Comment se fait-il qu’on n’arrive pas à arrêter la violence ? Que fait la police ? Il faudrait casser la gueule aux casseurs. Sinon ça va mal finir, il va falloir serrer la vis.  

-On ne se bat pas on débat de façon musclée avec des grenades et en jetant des cocktails molotov certes mais on veut un accord, le calme. On ne peut empêcher les gens de manifester car on en a marre de tout.

-marre de tout mais de quoi en particulier surtout du travail ! J’ai commencé à travailler dans la ferme de mon père à 14 ans et je continue à plus de 75 balais. J’en suis pas mort. Je n’étais pas usé à 50 ans comme je l’entends malgré des travaux durs en plein air. Je ne suis ni de la première ni de la deuxième ligne comme on dit maintenant. C’est une plaisanterie toutes ces simagrées. La ligne Maginot n’a rien empêché.

-oui mais toi tu aimes ton travail comme Christian qui tourne les pages de ses codes au chaud à son bureau et qui est payé pour aller bavasser et défendre les voyous, ceux qui cassent ou trafiquent de la drogue jusque chez nous. Ce n’est pas fatiguant.

-ce n’est pas une raison pour tout casser. Tous au trou. Et qu’ils réparent les dégâts.  Je paie des impôts et je règlerai la facture. J’en ai assez.

-c’est la faute à Macron. Il n’avait qu’à pas toucher aux retraites. Tant pis s’il y a des privilégiés qui partent jeunes en touchant les 2/3 de leur salaire des 6 derniers mois. Ou qu’on ne passera pas à 1200 euros par mois pour certains que nous fréquentons ici. Sans réforme on recule et on perd mais au moins on a la paix. 

-Ah non pour moi dans le privé ce sont les meilleures 25 années. Il n’y a pas de raison nous sommes tous égaux. La réforme parfois a du bon. Et le travail confère la dignité. On n’est pas assisté. Sauf pour les malades ou handicapés qu’il faut aider. Ou des cas particuliers.    

Patron une autre tournée j’ai soif.

-oui mais la violence comment est -ce acceptable ? Plus on fait d’efforts collectifs plus elle augmente. Où est l’erreur ? Il doit y avoir des excités qui poussent à la roue on n’est pas naïfs. On est parait -il une puissance nucléaire et on ne peut maitriser quelques milliers d’individus ? Sommes-nous devenus mous, à la traine de l’Europe qui dit non à tout, pourquoi ne pas sévir ? On n’a pas à tendre la joue.

-Tu as raison la presse dit que l’on connait les black- blocs. On sait qui ils sont, où ils habitent, ce qu’ils font. Mais il parait que nos lois interdisent d’agir à titre préventif puis de les faire condamner sans preuves formelles.  Moi si je me fais arrêter en sortant du bistrot j’ai beau contester je passe au tribunal et je perds mon permis de conduire.

- espèce de bois sans soif tu n’as qu’à pas picoler mais le bistrotier va mal le prendre. 

-c’est la faute des avocats et des amis de Paris de Me Christian. Ils ne cessent de nous faire la morale comme si on ne comprenait rien. Ils nous prennent pour des ploucs. Les droits de l’homme sont devenus les droits des délinquants, des illégaux. Malgré les règlements de comptes à la mitraillette, et les vols y compris dans la commune ce qui m’exaspère.

-et tu oublies les rave parties sur nos terrains. On n’est plus chez nous. Le préfet recule à chaque fois. Mais pour les règles européennes tu ne les repousses pas quand la PAC te dédommage d’une mauvaise moisson. La Russie fait du blé en monnaie trébuchante en ce moment grâce à nos sanctions - bien joué - et l’Ukraine exporte le sien. A toi de faire mieux.

-On va manquer d’eau pour nos maïs et nos betteraves. Je stresse. Vive la pluie.  

Patron une autre tournée car j’ai aussi besoin d’eau dans mon Ricard. 

-et la chasse cette année. Les écologistes nous font la guerre. Pourtant je suis écologiste puisque je détruis les nuisibles. Et les terres que j’entretiens sont ma propriété. Je ferai l’ouverture comme depuis au moins 50 ans. Je suis un résistant moi aussi !

-tout cela c’est la faute des syndicats qui détestent les patrons. J’en suis un petit je le sais. On n’accepte plus aucun ordre, on ne peut plus critiquer un travail mal fait. On nous accuse de harcèlement ! Tout fout le camp. 

-tu te trompes moi je suis content des 35 heures et des salaires cependant insuffisants. Mon comité d’entreprise me permet de belles et pas chères visites. Le travail c’est la santé.

-tiens voilà notre maire. Il est en arrêt-maladie pour son collège et ne boit plus que de l’eau mais il continue à gérer la commune. Lui aussi en a assez de se faire engueuler pour tout et rien, pour la décharge publique, pour des querelles entre voisins. Pourvu qu’il se représente sinon qui va vouloir se dévouer. Moi j’ai donné.

Je paie la partante. 

-finalement c’est la faute au gouvernement. Je ne connais pas la plupart des ministres qui sont en fait des hauts fonctionnaires irresponsables. Avant on commençait dans une commune puis on devenait conseiller général et député, puis ministre. Ils revenaient nous voir, buvaient un coup, participaient aux banquets. On leur parlait. Maintenant c’est le vide ou un mail quand il passe puisque la fibre chez nous est intermittente comme l’électricité. 

-un référendum il n’y a que cela de vrai. Comme avec le général qui avait du coffre. C’est mieux qu’un sondage. Oui ou non et c’est réglé et nous on vote à chaque fois qu’on nous le demande. Mais pas comme pour Maastrich ou le non s’est transformé en oui. 

-je ferme les gars. A demain. Nous continuerons notre conversation ». 

Et si c’était une partie des vrais soucis des français ? Pas une convention citoyenne avec quelques quidams tirés au sort. Une consultation populaire à l’échelle nationale. On interrogerait les citoyens qui se sentiraient écoutés. Peut- être que la colère s’éteindrait ?

     

les vengeurs démasqués

 

                                          Les vengeurs démasqués 

                          Par Christian Fremaux avocat honoraire

On connait tous les héros récurrents que l’on admire dans la bonne humeur de Zorro le vengeur masqué à Batman qui combattent l’injustice et rendent leurs biens aux pauvres ou aux humiliés. Ou de la reconnaissance. On dirait ceux qui sont en première ligne actuellement. Ils sont bons enfants comme nos revendicateurs au départ avant l’explosion souvent du final et utilisent la force tout en étant pacifistes. La comparaison avec ceux qui défilent s’arrête là. Il y a une hypocrisie évidente avec nos syndicalistes qui estiment n’avoir aucune responsabilité dans les violences tout en organisant ce qui est attendu sinon espéré pour faire pression et en rejetant la faute sur l’Etat titulaire de la violence légitime et qui protège ceux qui protestent. Dans la hiérarchie des droits celui de manifester n’est pas supérieur aux autres et il n’est pas un permis de tuer ou de blesser ou de casser. C’est un peu facile de dire on n’y est pour rien si des voyous agissent quand on a créé les conditions de l’affrontement voire y avoir appelé au moins implicitement. Le prétendu déni démocratique se partage pour le moins.

La CGT qui en tout voit du tragique et ne regarde pas à l’extérieur, la France selon elle étant le pays des damnés de la terre, avait décidé d’agir car la partie n’est pas terminée malgré la promulgation de la loi. Elle le sera d’après nos justiciers quand la réforme des retraites sera retirée. On verra. C’est la conception de la démocratie selon nos élites travailleuses. Je ne sais pas ce qu’en pense le contribuable car je n’ai pas l’oreille du quidam. Je vais me faire brancher un sonotone.

S’y est ajouté le fait que 9 joueurs non sélectionnés par le peuple mais titulaires pendant 9 ans ont confirmé le score d’autant plus facilement qu’ils sont en même temps les arbitres suprêmes. Il n’y a pas de n° 64 parmi les sages constitutionnels. Mais une loi se revoit ou s’abroge c’est vrai. L’état de droit est acceptable quand il vous donne raison.

En politique l’adversaire c’est l’Etat qui incarne le peuple donc moi. Tout le monde paie pour la décision publique qu’elle soit bonne ou mauvaise. Et des nulles idéologiques on en a connu depuis des dizaines d’années. On ne citera personne.

Les spectateurs sont ravis quand le match a été vif, indécis sinon tendu. On félicite le vainqueur et les déçus se disent que la prochaine fois ils feront mieux. On ne réclame pas un pénalty sur le tapis vert de la rue pour crier « on a gagné ». Les finalistes ne sont pas les mêmes chaque année. C’est le fair-play. Cela s’appelle aussi la démocratie.

 Si c’est l’équipe de France on ne lui tire pas une balle dans le pied en affaiblissant l’exécutif en le paralysant et en hurlant à la vengeance, sinon tous les citoyens sont victimes. Les sondages ne font pas le résultat même s’ils donnent de l’espoir aux supporters.

Pour la coupe de France de football la CGT avait annoncé vouloir mettre un feu vengeur à la 49 -ème minute et 3 secondes. Quelle imagination, quel talent !   C’est elle qui a pris un carton rouge pour avoir confondu sport - donc la joie, la fraternité dans l’effort, la compétition d’égaux - et défense d’intérêts corporatistes comme si elle détenait la vérité et était soutenue par les 78.000 sportifs présents. Ce fut un bide mais le match retour était prévu pour le 1er mai.

 Des millions ou des centaines de milliers protestants pour un motif ou un autre dans la rue selon la CGT contre 12.000 policiers et gendarmes, l’issue était connue, le match plié surtout devant les caméras où tout est filmé. Tout étant considéré comme des bavures institutionnelles. La vengeance est un plat qui se mange froid, en l’occurrence ce fut brûlant. Je plains toutes les victimes et surtout les forces de l’ordre qui n’agissent que sur ordres et ne sont pas volontaires pour se faire démolir par des participants décrits comme forcément doux ! Mais aussi badauds admirant la représentation sans broncher ou empêcher quoique ce soit. Toujours avec les mêmes acteurs en noir au milieu des drapeaux. Sans que l’on entende des cris de soutien ou de compassion pour ceux qui font leurs métiers. L’émotion va toujours dans le même sens. L’être humain est reconnu comme tel selon une géométrie variable.

Il ne peut y avoir de vengeurs ni masqués ni à visages découverts qui veulent faire payer un affront et obtenir réparations. De qui ? De l’Etat donc de moi, mais quelle faute ai-je commise ? Sinon aucune réforme n’est possible et il faudra agir dans l’urgence car les agences de notation et les faits sont têtus. Dans une société civilisée l’apaisement est la règle. Le rapport au travail s’est modifié il faut en tenir compte. Que l’on propose ce qui est possible et non démagogique. Sans bouder ni menacer.  La Nation a besoin d’union. Les mécontents sont légion on ne les ignore pas mais la cause n’est-elle pas répartie entre l’Etat providence dans lequel nous vivons et le toujours plus des consommateurs que nous sommes devenus à la place d’être des citoyens avec des devoirs dont celui de modération ? Outre des évènements de toute nature que nous ne maitrisons pas. La démocratie qui doit faire coexister les antagonismes c’est discuter publiquement, prendre une décision légale contradictoirement, et s’y tenir. Négocier n’est pas trahir.

La violence physique, morale ou psychologique est intolérable quelles qu’en soient les raisons. Il n’y a que la vie qui vaille. La démocratie est fragile le monde nous l’apprend, et voir la vie en sombre et tout contester est dangereux et contraire à un progrès nécessaire. Il me parait contreproductif de vouloir un arc dit républicain qui arrangerait tout. Pour ne parler qu’entre soi, en initiés humanistes ou prétendus tels ? Ce qui est peu civique. Et le serait encore moins avec un scrutin à la proportionnelle intégrale comme exigé. Que fait-on de ceux qui n’en feraient pas partie et qui sont néanmoins des citoyens comme les autres que l’on l’admette ou non et qui jouent le jeu républicain ? Qui décide et au nom de quelles valeurs ? A -t-on le droit de poser la question ?

Il faut démasquer les vengeurs qui portent des faux nez et des fausses barbes. Ce sont des vrais anti -démocrates, des semeurs de haine qui excluent. Notre société a besoin de plus de calme et de retour à la tolérance et au respect de l ’autre. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas batailler verbalement pour trouver les solutions les plus consensuelles qui corrigent les inégalités et qui favorisent la redistribution. Mais l’autorité et l’ordre public doivent l’emporter. Car sans lois les libertés sombrent. Sans sanction tout s’aggrave.

Ce fut la fête au travail le 1er mai. Tout dépend bien sûr de ce qu’on entend par fête !

jeudi 27 avril 2023

Intérêt général et démocratie directe

 

                 Intérêt général et démocratie directe

              Christian Fremaux avocat honoraire

 

L’intérêt général c’est ce qui est pour le bien public. C’est la capacité d’individus de transcender leurs appartenances et leurs intérêts personnels pour exercer la liberté suprême de former ensemble une société politique. C’est par exemple le contrôle de la loi et des droits. La démocratie c’est une forme de gouvernement dans laquelle  la souveraineté appartient au peuple. Le peuple c’est nous incarné par des élus de toutes catégories, outre les juges piliers de l’état de droit. Il est représenté au parlement. Actuellement sans majorité absolue puisque les électeurs -ceux qui vont voter- l’ont voulu ainsi. De quoi se plaint on ?  La nation est une multitude d’hommes et de femmes vivant dans le même Etat et sous les mêmes lois et partageant des valeurs et un destin communs. C’est un pour tous. Le collectif prime.  

On entend par démocratie directe la volonté d’un individu lambda, d’un citoyen non élu non responsable de quoi que ce soit, d’être écouté obligatoirement et que l’on fasse ce qu’il veut. Sinon il fait la grève et perturbe le pays, il casse symboliquement ou non, ou proteste sans fin pour faire céder celui ou celle qui est devenu son ennemi, pas un citoyen comme lui. Il rejette toute représentation et le rapport de force ne doit aller que dans son sens. Sinon il boude et fait une dépression nerveuse. La démocratie c’est lui. Pas encore la république car au moins une personnalité insoumise pense que c’est elle et l’a préemptée. Un seul ou quelques- uns seraient-ils nombreux sont supérieurs à la collectivité. C’est tous pour un. Le singulier l’emporte.

Sous l’impulsion du président de la république élu au suffrage universel, le gouvernement a été nommé pour proposer des réformes. A défaut c’est l’immobilisme qui fait régresser. Le choix des réformes appartient à l’exécutif qui doit certes entendre la base mais qui ne peut suivre ce qui est demandé par les uns et les autres et qui fait consensus total et enthousiasme. On n’y arriverait jamais sachant que par les droits acquis qui n’ont plus tous de signification on ferait du surplace. Même les intérêts particuliers varient et le monde comme la société bougent. Il faut s’adapter si on ne veut pas être dépassé. Aucun sujet ne doit être tabou en République. On peut tout dire et discuter mais pas n’importe comment par insultes ou désordre en montant les uns contre les autres, ou en créant la chienlit. Personne ne détient la vérité.

Chacun a son opinion sur la réforme des retraites que les spécialistes y compris du monde salarié considèrent comme indispensable. Mais on diffère sur la technique et  la méthode. J’observe que les locaux du conseil constitutionnel qui est la barricade de l’arbitraire ont dû être protégés par les forces de l’ordre. Une partie du peuple attaque une institution.  Est- ce bien démocratique d’agir ainsi ? Un juge ne délibère pas avec un revolver pointé sur sa tempe serait-il un pistolet à bouchons. C’est une erreur majeure de vouloir faire entrer l’opinion publique dans le prétoire. Le droit ne se fait pas en fonction des sondages. Le parlement fait la loi et la constitution a été approuvée par référendum. Sinon c’est la porte ouverte à toute aventure. 

Interdire l’expression de personnalités ou de ministres est une conception curieuse de la liberté d’expression valeur essentielle de la démocratie. Sans elle c’est la caractéristique d’une dictature qui là vient de la base. Dans un procès historique le président de la juridiction répondait aux avocats dont le célèbre Me Labori qui voulaient des précisions : « la question ne sera pas posée » ! Ne discuter que sur ce que l’individu souhaite et tout faire pour que des avis divergents ne s’expriment pas notamment dans l’université c’est tuer le débat public et ne fait pas disparaitre le problème qu’il faut régler ensuite en urgence et dans le conflit. C’est donc contre- productif. Vouloir imposer ses certitudes a un résultat identique. Ni la rue ni les minorités ne peuvent avoir raison dans une démocratie représentative et dans un état de droit. Le monopole de la vérité  ou de l’intérêt général n’existe pas. 

Je suis comme tout le monde. Je vis avec des lois et des débats qui ne me conviennent pas. Je m’adapte et j’attends qu’une éventuelle majorité politique prenne des décisions qui me plaisent. Je peux attendre longtemps mais c’est la démocratie : faire vivre des contraires et respecter l’autre. La violence verbale ou psychologique ou physique est intolérable. On entend que tous ceux qui ne disent pas comme moi sont racistes, fascistes ou des privilégiés voire riches terme désormais infamant. C’est un argument très pauvre, on tombe très bas. Le drapeau noir flotte sur la marmite. Toto tiré au sort dans une convention citoyenne, non merci. 

Et j’use d’un outil démocratique formidable envié par beaucoup de peuples : je ne m’abstiens pas , je suis un stakhanoviste de l’élection. Je ne m’exprime que si j’ai voté. Sauf erreur de ma part il y a moins de 10 % des salariés qui votent lors des élections professionnelles. Le président de la république  a été élu par moins de 50 % du corps électoral. Où étaient les autres, les citoyens qui exigent la démocratie directe et qui protestent actuellement. Est-ce bien responsable pour ceux qui voient un déni de démocratie partout ? Et comment peut- on soutenir qu’on a voté pour le président pour faire barrage à une candidate dont les électeurs sont nos égaux donc honorables. Comment soutenir que M. Macron -que je ne défends pas il le fait très bien lui -même- a les mains liées implicitement. Quelle main l la droite ou la gauche ?  La démocratie ne confère pas un mandat impératif.

Prenons les casserolades pour ce qu’elles sont : des concerts sans paroles par des artistes de rue, intermittents de la démocratie qui se donnent en spectacle croyant être applaudis. Ils font un four bruyant certes mais n’apportent rien. Après un retrait il y a un vide.  C’est dérisoire et pathétique. Notre démocratie mérite mieux. Croit-on qu’une Nation a besoin d’un orchestre cacophonique pour donner le « la » de la musique à suivre, exécutée par la grande formation des sages constitutionnels ?  

mardi 21 mars 2023

VICE VERSA

 

                                                  VICE VERSA

                 Par Christian Fremaux avocat honoraire

L’affrontement qui a lieu en ce moment entre la légitimité du peuple et celle du parlement me parait dangereux. Je n’évoque pas le fond de la grosse colère sur les soixante-quatre ans dans des années dont chacun est libre de penser ce qu’il veut. Je m’inquiète de l’agitation et de la haine qui règnent. On n’est plus entre adversaires sur le plan des idées et des meilleures façons de gouverner dans l’intérêt collectif. Mais entre ennemis. On a l’impression désastreuse que l’on veut la mort symbolique de l’autre au nom de la certitude que le peuple peut tout. On entend des énormités. Le président n’aurait plus qu’à démissionner car à 9 voix près il a été désavoué. En oubliant que la IIIème république est née par une seule voix d’avance en 1875 et a duré ! Ou comme louis XVI prendre le chemin de Varennes.  Les députés qui n’ont pas voté la censure sont dénoncés, bientôt caillassés ? et pourquoi pas poursuivis pour haute trahison.

 Il ne faut pas tomber dans cette ornière. On a franchi un cap. On n’est plus dans un projet de réforme controversé à tort ou raison. Tout se confond.  Chaque camp est arc-bouté sur ses positions estimant détenir la vérité et voulant faire plier l’autre. La rue affirme que le peuple s’est prononcé mais personne n’a le monopole du peuple qui est divers et n’est pas sur une ligne unique.  Comme les politiques qui dans le même camp se divisent. Les sondages et les avis de minoritaires qui n’ont pas de responsabilités pénales ou électives dans les politiques publiques ne font pas une réalité. La violence  y compris verbale n’est pas tolérable quel qu’en soit le motif et ce n’est pas par le coup de poing qu’une démocratie doit fonctionner.  La loi n’existe plus. On n’obéit plus à rien au nom de la bonne foi affirmée des combattants face à la violence étatique avérée selon les défenseurs du bitume, présumés eux honnêtes et œuvrant pour tous les français. Sauf pour ceux et celles qui auraient tiré un avantage de la réforme et tous ceux qui ne veulent plus des régimes spéciaux inégalitaires.

On entend que l’obstination du gouvernement entraine de la légitime défense sociale et on casse ou on bloque pour faire respecter le droit du peuple syndical et protestataire. Les effets secondaires sont ignorés. Les réquisitions ne peuvent être efficaces puisque d’autres grévistes empêchent leurs camarades de travailler. C’est la démocratie populaire parait-il.  On se bat contre un gouvernement qui serait passé « en force » au parlement là où on fait la loi. C’est inaudible et grotesque. Sans même attendre la décision du conseil constitutionnel. Qui peut remettre en cause tout ou partie du texte et on aura vécu tout cela pour ça. Ou déclarer la loi sous certaines réserves ou non parfaitement constitutionnelle. Sans se prononcer sur le fond car ce n’est pas son rôle. Si tel est le cas faudra -t- il brûler l’hôtel de Montpensier où siègent nos 9 sages ?  

Le gouvernement a choisi une méthode sui generis et une voie législative inédite certes mais qui est prévue par la Constitution. Sauf à soutenir que la Constitution est dictatoriale et anti-démocratique on ne peut choisir les articles qui favorisent et déclarer que ceux utilisés par l’adversaire sont inadmissibles, qu’il y a un vice démocratique. Le terme est excessif et peut conduire à de grandes difficultés si rien ne vaut, qu’il n’y a plus de hiérarchie des normes et que la légalité est une option secondaire.

  La démocratie représentative a besoin de règles, de points de repères, de contraintes librement consenties. Et de débats publics contradictoires. Puis on applique la décision finale même si elle ne plait pas à titre personnel.  Sinon il n’y a plus de nation avec des valeurs communes et encore moins de république qui se fonde sur les institutions et le suffrage universel. La rue ne peut être la norme suprême. Quel est le juge de paix ? On n’est pas chez les talibans avec un ministre du vice et de la vertu ! Le citoyen-travailleur n’a pas la science infuse. Ni nos élites dirigeantes d’ailleurs qui veulent réformer pour faire des économies, plaire à Bruxelles et aux marchés, et mettre la France en ordre de bataille dans la compétition au moins européenne. D’accord mais après vraie concertation en amont .Je suis le chef donc je les suis. La pédagogie ne suffit plus. Il faut convaincre.

Si le gouvernement a actionné l’art. 49.3 brandi des dizaines de fois par tous les gouvernements de gauche comme de droite cela a permis à l’opposition de sortir l’art. 49.2 qui peut entrainer la censure. Et la chute de l’exécutif. Donc match nul. Mais quand on est perdant après le tir aux penalties il faut être beau joueur. On ne recommence pas la compétition et on ne demande pas aux supporteurs de mettre le feu aux tribunes adverses qui sont en même temps les nôtres puisque nous payons tous. Pour que le résultat soit annulé ou le score inversé.

 Un prétendu vice peut conduire aussi à une vertu : et si cette réforme était nécessaire ? Ne serait- ce que pour éviter des déficits que chacun s’accorde à déplorer pour l’avenir. A défaut c’est l’immobilisme et on maintient les privilèges et les injustices et comme le sapeur Camember on creuse un trou - par la dette déjà colossale et l’impôt car il faut trouver les sous - pour en combler un plus grand.

On a vu deux couples : Martinez-Berger d’un côté suivi comme entraineur par M. Mélenchon. Et Macron-Borne sans préparateur physique et mental. Mais qui avait gagné le toss. Ils ont donné le coup d’envoi. François-René de Chateaubriand  voyant passer nuitamment Talleyrand et Fouché allant se prosterner devant Louis XVIII pour re- devenir ministres a eu cette formule : « [j’ai vu] le vice appuyé sur le bras du crime ». Ce qui n’a rien à voir aujourd’hui bien sûr. On peut y ajouter la cause de l’intérêt général. Dont chacun a une définition. L’aficionado qualifiera le duo selon ses convictions mais on doit poser comme postulat que chacun croit bien faire et qu’il n’y a pas d’arrière- pensées. Sinon on ira vers une dérive grave. 

Seulement il faut revenir à la raison. On ne peut continuer à vivre ensemble dans une telle intensité de conflits. On a plus besoin de calme et de sérénité que de bruit et de fureur. Sans vice-versa.    

 

dimanche 12 mars 2023

Loi et constitution pour quoi faire ?

 

                              Loi et constitution pour quoi faire ?

                        Par Christian Fremaux avocat honoraire

Avec près de 50 ans au service de la Justice tant sur le plan juridictionnel que juridique je m’interroge : à quoi servent les textes légaux de toute nature, les lois et la Constitution ?  Il y a autant d’interprétations de la loi que d’avocats. Je plaide coupable. On oppose le pays légal et ce qui serait le pays réel issu des manifestations et des sondages. Ce serait ce dernier qui doit avoir la priorité. Et on devrait s’incliner quand il s’exprime à travers les syndicats ? Pourtant très minoritaires dans le monde salarié.  

 Ce n’est même plus l’affrontement de deux légitimités puisque la seule qui compte est celle du peuple. J’en fais partie mais on ne me demande jamais mon avis. Ni pour ni contre, au contraire. Mais dans une démocratie représentative si l’avis d’un seul ou de quelques- uns seraient- ils très nombreux l’emporte pour tout et à tout moment, il n’est plus possible de gouverner, l’Etat de droit n’est qu’une fiction.

On le constate chaque jour : les arrêtés d’un maire pour la circulation ou la gestion des déchets ne sont pas respectés.  Police et gendarmerie doivent user avec modération de contraventions ou poursuites pour ne pas heurter la sensibilité des uns et des autres. Des juges prononcent des décisions qui ne plaisent pas car l’opinion publique a déjà jugé : la présomption d’innocence est un concept désuet ! L’ordre et la loi sont faits pour les autres. Chacun s’estimant victime et de bonne foi a une circonstance particulière qui l’exonère de la règle commune. Le président F. Mitterrand parlait parfois de la force injuste de la loi. C’est vrai. J’ai subi et encore maintenant de nombreuses lois que je n’approuve pas. Mais la démocratie est de vivre tous ensemble malgré nos divergences. 

Au parlement le débraillé vestimentaire et intellectuel a pris le dessus.  Une députée a même décrété que c’était une ZAD. Si des parlementaires qui fabriquent la loi considèrent qu’elle est inique voire usurpatoire les bornes sont franchies. Il est arrivé que des magistrats refusent d’appliquer une loi qui leur paraissait liberticide selon leur conscience puisque toute autorité l’est devenue comme toute contrainte dans l’intérêt collectif. Comme les désobéisseurs professionnels et rebelles de toute nature le soutiennent. Et qui s’auto- affublent du terme de pacifistes qu’ils fassent le coup de poing pour se défendre contre l’ordre établi ou qu’ils se couchent sur le périphérique ce qui empêche les gens d’aller travailler. Avant d’autres actions de sabotages ou de discriminations au détriment de certains qu’ils n’aiment pas, leurs ennemis de la république selon leur tolérance. En prétendant qu’ils le font pour les autres, pour moi. Mais je n’ai pas besoin d’avocats  les très bons sont très chers et ils n’obtiennent pas toujours satisfaction !  

La loi est la volonté de la majorité issue des élections. Et qui émane du parlement après débats publics. Encore faut-il que les citoyens se bougent et aillent faire leurs devoirs avant d’hurler qu’ils ne sont d’accord sur rien. La démocratie participative c’est le vote dans les urnes et pas dans les AG à main levée. Ni la révolte à retardement avec des idées venant de bidules sui generis et de citoyens tirés au sort, ou des comités Théodule qui n’ont aucun sens, donnent de faux espoirs et qui me rappellent les exactions de la révolution française. Ou des croyances orientées des organisations payées sur fonds publics qui font la morale et savent ce qu’il faut décider. En toute impartialité cela va de soi. Pourtant la vérité est rarement univoque. Et elle ressort souvent d’un compromis entre exigences contradictoires. Experts prétendus sans avoir de responsabilités car s’ils se trompent ils ne sont ni poursuivis ni vilipendés. Ils partent à la retraite. Ou sont promus.

La loi peut venir aussi d’un pouvoir exécutif qui se croit omniscient et qui pense avoir la science infuse tirée de ses élites bureaucratiques sans expérience électorale et de la comptabilité tyrannique qui plait à la commission de Bruxelles. Les finances n’ont jamais remplacé les êtres humains avec leurs emportements et leurs bons sens. Mais des réformes sont évidemment nécessaires sinon on régresse. Le conservatisme de privilégiés mène à la ruine. Le monde change. Les conditions matérielles aussi. Le puits n’est pas sans fond. Il faut agir. Si un projet qui demande des efforts est fondamental, expliquons le bien, avec toutes les données. La loi n’est acceptée que si elle est comprise et réduit les inégalités. Sans perdant. Ou fixe les limites du bien et du mal. Ou punit celui qui a fauté contre la collectivité.

La loi est indispensable et doit être respectée dans le cadre des institutions. Il faut être constitutionnaliste chevronné pour suivre le débat sur les retraites. J’ai regretté de n’avoir pas été assez attentif quand un peu après mai 68 je suis entré en faculté de droit. 

Les articles de la Constitution sont faits pour être appliqués y compris le fameux 49.3 dont tous les gouvernements au pouvoir se sont servis sans vergogne. On ne peut soutenir «  faites ce que je dis pas ce que j’ai fait ou ce que je m’apprête à faire ». Il y a d’autres articles avec la censure,  le droit d’amendement , le vote bloqué ou le règlement des assemblées qui limite le temps des débats. Ce qui permet des manœuvres. A ce jeu de dupes on n’est pas toujours vainqueur. Ni le gouvernement, ni l’opposition, ni la rue. On le sait. Tout ceci est légal. On ne va pas discuter pendant des mois il y a d’autres priorités à envisager. Oppositions comme exécutifs ne se sont jamais gênés. Sous le regard attentif du Conseil Constitutionnel. Les cris de biche effarouchée des uns et des autres sont puérils. La Constitution ne s’use que si on s’en sert.  

Si la Constitution du général De Gaulle validée par les 14 ans de fonctions de M. Mitterrand qui depuis 65 ans montre sa solidité, est devenue dictatoriale changeons là. Mais prudence car avant de basculer dans une VI-ème république réfléchissons à ce que nous avons. Au prétexte de mieux écouter la voix du peuple qui est souvent changeante voire aphone, rajouter de l’incertitude et de l’éparpillement avec des conflits dialectiques sans fin à ce qui existe serait inconséquent. Et dangereux pour l’avenir. Par exemple avec un scrutin de proportionnelle intégrale. Outre le référendum par oui ou non (articles 11 et 89) qu’il ne faut pas rater existe déjà par la réforme de 2008 le référendum d’initiative partagée (1/5ème de parlementaires et 1/10ème du corps électoral). Il y a aussi le conseil économique, social et environnemental où l’on peut discuter. Rapprochons les départements et les régions du citoyen et soyons moins jacobin en faisant la réforme de l’Etat pour le rendre plus régalien.

Mais respectons la loi et usons de la Constitution. La démocratie se confortera.      

mercredi 22 février 2023

De quoi un agresseur est -il le nom

 

                    De quoi un agresseur est- il le nom ?

                    Par christian Fremaux avocat honoraire

 A l’occasion de l’élection présidentielle de 2022 le journaliste Gilles Bouleau avait posé à chacun des candidats la même question : M. Poutine est-il un dictateur ? comme si le vocable pouvait avoir une influence sur les combats ou expliquer la motivation de celui qui est un agresseur patenté.

Tous ont refusé de répondre à la question au prétexte principal qu’un (futur) chef d’Etat réfléchit et ne cède pas à l’émotion, n’insulte pas l’avenir, qu’il n’a pas à qualifier péjorativement un collègue Président qu’il va fréquenter et avec qui il va falloir négocier. Les candidats avaient esquivé une réponse franche et massive sauf M. Jadot leader des verts. Il avait affirmé que oui M. Poutine était un dictateur. Ce dernier en a tremblé de peur. Mais a intensifié son opération militaire spéciale contre les « nazis » d’Ukraine !

Mais qui doute que les méthodes brutales du chef de guerre russe ne respectent pas le caractère humain de la vie, ni les canons du droit international et humanitaire ni les règles du droit de la guerre sur la protection des civils notamment ? Si l’on peut admettre qu’il y a des guerres propres qui ne font qu’un minimum de dégâts ! La guerre ne se divise pas en bonnes et mauvaises actions. 

La Cour Pénale Internationale [C.P.I] de La Haye a ordonné une enquête sur les actes de M. Poutine et de ses complices qui peut être dans l’avenir seront incarcérés pour génocide, crimes contre l’humanité et de guerre et crimes dits « d’agression ». Mais observons que ni la Russie ni l’Ukraine n’ont ratifié le traité de Rome de 1998 fondateur de la C.PI. M. Poutine ne va pas se livrer et plaider coupable puisqu’il prétend se battre pour la liberté de ses compatriotes. Et la protection de la grande Russie.    

Le terme dictateur est surtout à usage interne. Ce sont les citoyens russes qui ont déjà connu l’ère soviétique et le goulag qui peuvent qualifier leur président. S’ils osent s’exprimer sans se retrouver en prison ou subir des représailles.  Il y a 50 nuances de dictature ou de totalitarisme mais le résultat est constant : le mal, l’intolérance, la volonté de puissance, la peur de disparaitre ou d’être amoindri, la certitude que sa vérité exclut toute humanité, entrainent des souffrances et des vies brisées. Tout le reste n’est que sémantique. 

Des guerres ont été déclenchées aussi par des dirigeants parfois occidentaux a priori sains de corps et d’esprit, humanistes déclarés et entourés d’hommes et de femmes raisonnables attachés aux libertés, à la démocratie et au droit. Les motifs de guerre étaient louables, d’essence humaniste et libérale vérifiés et avérés du moins en théorie. On combattait pour le bien, pour la civilisation et pour chasser du pouvoir un tyran comme dans la philosophie athénienne. Mais aussi pour défendre des intérêts matériels et stratégiques des Etats ne le rappelons pas trop fort.

Que M. Poutine soit un dictateur peu importe. On prend les faits tels qu’ils sont. Serait-il un prétendu démocrate à la mode russe ou de fer que cela ne changerait rien.  On peut y ajouter que la démocratie telle que nous la concevons est un concept à implanter et conforter en permanence avec ses qualités et ses défauts. Chaque individu a le droit de vivre en liberté sans être à la merci d’autocrates persuadés de savoir ce qui est bon pour leurs peuples ou les autres.

Alors dictateur, barbare, mégalomane, despote ou criminel ou tout autre qualification ne change pas l’action néfaste de M. Poutine. Mais il faudra bien un cessez-le-feu et une sortie de crise qui sont du domaine des diplomates et des politiques. Georges Clemenceau disait que la guerre est une chose trop sérieuse pour la confier aux militaires. Elle est aussi trop grave pour la laisser à un dirigeant totalitaire et « possédé » sauf à le convaincre que son intérêt est de lâcher du lest sans exiger l’impossible. L’Ukraine devra aussi peut être faire des concessions. Personne ne peut perdre la face il faut au moins apparemment un gagnant -gagnant. C’est cynique et injuste. Mais la morale n’intervient que très rarement dans les conflits. Une guerre finit par se terminer mais il faut s’assurer d’une paix solide et durable.

 On peut se faire plaisir par le vocabulaire mais l’essentiel est de trouver des solutions concrètes pour arrêter la lutte armée. Et on doit faciliter l’action de notre chef de l’Etat qui maintient à juste titre le dialogue et essaie de trouver des mesures justes et efficaces. Une défaite mais pas d’élimination.  Sans que la France devienne une nation co-belligérante.

L’agresseur est le nom de l’égo surdimensionné d’un puissant méconnu ou rabaissé, de la volonté d’avoir raison contre tous, de vouloir défier ceux qui ne pensent pas comme lui, d’avoir des valeurs qui ne seraient pas universelles. L’agresseur est protéiforme.

Un agresseur se suffit à lui -même. Il peut invoquer toutes sortes de raisons qu’il estime être justifiées, cela ne change rien pour les victimes.  L’agresseur est un autre nom pour la revanche historique, la peur de disparaitre, l’ambition, le sentiment de puissance ou la nécessité de se sauver soi-même. L’autre est toujours seul responsable de la situation. L’agresseur est celui qui attaque. Il en a fait le choix et a dû en mesurer les conséquences. L’agressé est celui qui résiste à l’agression. Parfois en légitime défense il peut aussi contre attaquer. Les survivants ont des droits !

L’agresseur est donc le nom de la violence illégitime. Puisque la légitimité est de régler les différends par le dialogue et la négociation. Notre époque ne manque pas d’institutions mondiales ou régionales, de conseils dédiés, de comités ad hoc, de conférences internationales et de lieux divers où l’on peut discuter même âprement. Et signer des cessez le feu, des compromis, puis des accords, avec la bénédiction des instances les plus hautes sur le plan mondial tant en droit et de sécurité qu’éthique. Pour préserver les intérêts de chacun.

Aller à Canossa c’est déjà fait et fut positif. Se rendre à Munich a entrainé des drames. Chacun doit être mis en face de ses responsabilités humaines avant d’être politiques ou souveraines.               

dimanche 12 février 2023

Et si c’était vrai

 

                                        Et si c’était vrai

               Par Christian Fremaux avocat honoraire

Seuls les masochistes aiment travailler plus longtemps pour gagner autant voire moins. On peut supposer que si on fait une réforme c’est qu’il y a un ou quelques motifs valables ? Il faudrait être fou pour un gouvernement de mettre beaucoup de monde  ulcéré dans la rue, uniquement pour enrichir des riches,  contrarier les salariés privilégiés, ou pour montrer qu’on est les meilleurs de la classe européenne, ou qu’on ne se soucie pas du peuple que sont les électeurs. Ceux qui peuvent vous dégager au prochain scrutin. Nos politiques de gauche comme de droite ne sont pas naïfs. S’agissant de conserver leurs sièges. 

Il semble que l’on s’accorde du bout des lèvres pour admettre que le système de retraite va être en déficit et qu’il faut trouver des solutions financières. En urgence selon l’exécutif et sans se presser selon les oppositions. En partant du même rapport celui du COR le conseil d’orientation des retraites que chacun lit avec ses lunettes pour en tirer des conclusions opposées. Mais on n’est plus dans le cadre strict d’une réforme des retraites puisque tous les acteurs sont d’accord pour préserver le système par répartition qui est solidaire. Tout ce qui est capitalisation sonne mal. Et qu’il ne faut pas baisser le niveau des pensions. En réalité le débat s’engage dans un autre contexte que celui qui  est purement comptable.

Le covid notamment qui a révélé le télétravail et l’évolution des esprits et de la société ont montré que désormais on s’interrogeait sur le sens de la vie, de la sienne en particulier, et de la valeur travail. Celui-ci aliénerait alors que d’autres pensent qu’il émancipe. Que l’effort est positif collectivement et que l’espérance de vie en bonne santé s’accroit. Chacun tire des conséquences. Faut-il produire toujours plus alors qu’il y a à portée de main des superdividendes qui ne demandent qu’à être taxés ? L’équilibre vie personnelle-vie professionnelle ne doit-il pas être revu en faveur de l’individu qui a droit à la paresse en partant à 60 ans en pleine forme, dans une nature menacée par le réchauffement climatique qui est le problème crucial ? En travaillant moins de 35 heures par semaine on partagerait le gâteau qui ne grandit pas certes mais on crée des cotisations et le déficit disparait ?

 Il ne peut avoir de réponse unique à ces questions car deux perceptions de la vie s’affrontent. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne faut entamer aucune réforme car l’immobilisme ou le retour vers le futur conduirait à la régression. On entend divers arguments qui sont en fait des réquisitoires et des mises en cause de principe. Parfois ad hominem.  Indignes dans une démocratie. Et dans un Etat de droit républicain avec des valeurs notamment le questionnement public, la raison et la tolérance. On ne s’étonne plus des invectives dans la rue mais au parlement c’est inexcusable. Le bruit et la fureur ne sont pas du niveau attendu de ceux et celles qui me représentent même si je n'ai pas voté pour tel ou telle. 

Je n’aime pas entendre le vocabulaire outrancier des syndicalistes qui représentent moins de 10% des salariés et qui affirment d’un coup de menton « on va gagner, le gouvernement va retirer son projet car il est injuste ». Notion vague et générale surtout si elle concerne les régimes spéciaux, autonomes et dérogatoires actuels ! Ou qui jugent que l’exécutif est par nature menteur et va devoir en passer par leurs propositions. Car ils ne croient pas à son affichage de corriger des inégalités. Telles qu’elles viennent d’apparaitre au grand jour.

 Mais et si MM. Martinez et Berger se trompaient ? Et si leurs analyses  n’étaient pas en phase avec la réalité économique et financière ? Et si on suivait leurs volontés et qu’on entre dans le mur en klaxonnant ? Les prétendus gagnants deviendraient alors les perdants. Les syndicats auraient obtenu une victoire à la Pyrrhus. Le peuple en son entier paierait. Un syndicaliste n’a aucune responsabilité ni en droit ni électorale. Les chefs populistes restent en place. Ils ne rendent des comptes qu’à leurs adhérents !  

Il va de soi que je ne remets pas en cause la nécessité d’avoir des corps intermédiaires pour qu’il y ait un vrai dialogue social. Mais celui-ci ne peut être un ultimatum : vous cédez  ou on bloque tout.Il est inutile de se renvoyer les responsabilités : « on met le bazar car vous ne nous entendez pas. ». Personne n’est dupe ou sourd. Le dialogue n’est pas un combat par K.O. Sinon le débat public est inutile. Et la démocratie doit trouver des compromis concrets.

Et si le gouvernement n’avait pas tout faux, que les déficits réels sont préoccupants, qu’il faut trouver des solutions vite en fonction de la pyramide des âges qui n’est pas favorable ? Et que pour préserver les générations futures il faille progressivement augmenter l’âge légal de départ ce qui est la moins mauvaise des solutions. Sauf une autre excellente et réaliste non formulée qui rééquilibre les comptes pour le futur. Sans impôts ou prélèvements divers. En accentuant les facilités et les réductions justes pour la pénibilité, les femmes qui ont élevé des enfants, les seniors, et en faveur de ceux et celles que la vie n’a pas ménagé. La solidarité est là.

Il va de soi que le gouvernement comme les syndicats n’a pas la science infuse et que son projet peut et doit  être amendé au fur et mesure que l’on s’aperçoit qu’il y a des cas particuliers. C’est le rôle du parlement avec moins de 1000,00 députés et sénateurs. Qu’il y ait un débat grotesque sur le nombre de millions de marcheurs dans la rue selon les syndicats et l’estimation de la police ne m’intéresse pas. Sauf à conclure que le projet fait peur. Comme on ne gouverne pas contre le peuple il faudra peut- être en revenir à des élections. On a connu cela dans le passé. En général le résultat n’est pas celui qu’on attend et les syndicats qui penchent plutôt d’un côté de l’hémicycle risquent d’être surpris. Il est parfois contreproductif d’être excessif. Le citoyen de base comprend les enjeux. Il n’aime pas le désordre et la démagogie. Ni d’être accusé des pires maux. La démocratie n’est pas univoque il faut accepter de  vivre avec ceux dont on ne partage pas les idées. Qui sont nos égaux. 

Le citoyen fait roi dans son individualité doit réapprendre ce qu’est l’intérêt général. Ne rien faire est facile comme l’ont montré les rois fainéants, les mérovingiens bien sûr pas nos contemporains. Il y a de vraies tragédies comme le séisme en Turquie-Syrie, la guerre en Ukraine, en Arménie et ailleurs.  Nous sommes en France dans un psychodrame. On ne peut discuter à vie d’autant plus qu’on ne parle pas de la même chose. Tranchons donc vite et passons à d’autres sujets comme l’immigration, la délinquance et encore le niveau de vie qui mettront presque les mêmes dans la rue. Avec les bien -pensants le cœur en bandoulière.  

Et si c’était vrai que la réforme des retraites doit avoir lieu.

samedi 4 février 2023

Le peuple contre le peuple

 

                        Le peuple contre le peuple

                     Par Christian Fremaux avocat honoraire

On connait la théorie de Ernst Kantorowicz sur les deux corps du roi. Elle n’est plus d’actualité pour personne sauf peut- être pour Charles III d’Angleterre qui a une famille dont on parle. Il a un corps comme un simple mortel mon égal et celui qu’il incarne comme roi représentant de dieu sur terre dans la monarchie qui se perpétue, donc comme surnaturel et immortel. En France seuls les académiciens sont des immortels. La distinction pourrait en être de même en république où le peuple tel Janus a deux visages et au moins deux corps. Et est le souverain unique en se divisant.

 Dans le cadre du projet sur la retraite je ne suis ni pour ni contre bien au contraire. Je veux une réforme forcément juste où il n’y aura que des gagnants. On s’aperçoit que le peuple a une double légitimité et un choix de société à faire. Comment voulons- nous vieillir ? Usés sans le droit à la paresse ou jeune relativement mais en pleine forme pour profiter de la vie le plus longtemps possible. L’espérance de vie qui augmente doit -elle entrainer plus de travail et de cotisations ? Plus on vit plus on coûte. Bien que les déficits soient programmés. On peut discuter. Mais pas de façon binaire ou violente. Ce qui obligerait nos successeurs les générations futures pour qui tout le monde se bat à travailler encore plus pour payer nos pensions. Alors qu’il y a une interrogation sur le sens de la vie et de la valeur travail.

La réponse est évidente. On veut tous les avantages mon capitaine : des déficits comblés en prenant l’argent chez les autres mais pas fournir plus d’efforts alors qu’il y a une grande peur pour l’avenir avec toutes les crises et guerres. Tout en conservant nos acquis voire en les améliorant. Est- ce raisonnable sans réformer ? Les autres européens qui nous regardent et qui ont pour la plupart franchi l’âge minimum de 65 ans pour quitter leurs fonctions ne comprennent pas ce psychodrame. Les irréductibles gaulois sont- ils plus malins que les autres ?

On voit marcher le corps du peuple dans la rue pour s’opposer à l’âge de la retraite à 64 ans pour tous ceux qui n’ont pas un régime spécial ou autonome ou des dérogations . La grève est un droit constitutionnel pas supérieur à celui de travailler ou de circuler librement.  Je ne doute pas que certains métiers cassent plus que d’autres et qu’il soit normal que ceux qui ont commencé avant 20 ans ne cotisent pas plus longtemps que les autres. Les français préfèreraient l’égalité à la liberté. Personnellement je n’aime pas l’égalitarisme qui rabaisse car je crois au mérite. Certains nient les difficultés budgétaires avérées que les autres devront effacer. Sans qu’il soit nécessaire de se battre sur les chiffres que chacun interprète. On n’est même pas d’accord sur le constat. Sans commentaire pour ceux qui paient impôts et taxes et qui se lèvent de bonne heure.

On voit en même temps défiler le corps du peuple au parlement où les élus le sont par la volonté populaire. La même que pour ceux qui trainent les pieds sur le bitume. Le peuple est représenté par des députés notamment qui ont été choisis à tort ou à raison c’est subjectif, et par le président de la république élu au suffrage universel, même si l’abstention a été forte. Ceux qui ne vont pas voter ont tort et ne peuvent se rattraper par un scrutin piétonnier. Il est curieux d’entendre une représentante du peuple une députée EELV dire que le palais Bourbon est une ZAD, une  zone à défendre donc l’épicentre de la désobéissance civile. Si les députés qui fabriquent la loi la contestent c’est grave ! On entend des parlementaires dire qu’il faut résister on ne sait pas bien à qui d’ailleurs qui aurait « attaqué ». Le pouvoir exécutif est le reflet de l’élection du président de la république qui comme la justice agit au nom du peuple français. Mais quel peuple ? Posons que chacun est  de bonne foi et veut le bonheur pour tous.

 La Constitution devient à géométrie variable. L’opposition a le droit d’amendement qui peut conduire à de l’obstruction et la possibilité de censure, et assure la présidence de la commission essentielle des finances. Mais si le gouvernement applique l’article 49.3 comme tous ses prédécesseurs y compris de gauche, ou limite les débats à 50 jours ce qui est autorisé par le texte suprême cela devient liberticide avec un passage dit en force, mieux quasi dictatorial. On ne peut débattre cependant à vie. Cela fait des mois que les échanges ont lieu dans les médias, dans les manifestations, dans les grèves. Le peuple est un orateur volubile. Il faut trancher dans un sens ou un autre. On n’a pas besoin de vainqueur. Les victoires à la Pyrrhus conduisent souvent à des impasses.  Puis il faut passer à un autre sujet sensible. Il  n’en manque pas les circonstances et le peuple sont imaginatifs.

La démocratie est le gouvernement du peuple par et pour le peuple. Du moins tant que l’on accepte la démocratie libérale que le professeur Fukuyama croyait définitivement triomphante après la chute du mur de Berlin. Il a admis s’être trompé. Les régimes autoritaires pour ne pas dire plus reviennent. Des peuples choisissent l’illibéralisme qui porte beaucoup d’interdictions et rogne les libertés. Le populisme des extrêmes commande.

La démocratie est en danger surtout si le peuple s’en prend à lui-même, crée des clans, des catégories, des communautés et a des intérêts divergents.

Être populaire est un phénomène passager comme la mode. L’impopularité oblige à être innovant, juste et efficace, car on aurait dit-on 100 jours pour agir. Et après on dort ? Être populaire est donc mission impossible. Le peuple -donc moi - est versatile on le sait ce qui n’est pas une tare, mais aussi enthousiaste. Il se tire une balle dans le pied en n’étant pas réaliste même si l’addition à payer est douloureuse. Le statu quo entraine la régression. On recule pour mieux ou pire sauter. On ne peut pas pour chaque sujet être en « nervous breakdown » comme Audiard le faisait dire dans les Tontons flingueurs.

La démocratie doit concilier les contraires. Et démontrer l’art du compromis. Je ne sais pas quel est le meilleur système de retraite mais je devine ce qui peut advenir. La république est garante de l’Etat de droit objet non identifié dans beaucoup de pays sur la planète. Préservons nos institutions. La démocratie libérale vacille et semble devoir être révisée de fond en comble. Le peuple ne peut donner le signal de l’hallali .Détruire sans savoir quoi mettre à la place. Il doit participer à la reconstruction pour plus de libertés et de cohésion, avec la liberté d’expression. Et la redistribution.  Il ne faudrait pas que le populisme devienne sectaire et impératif et que ce soient les plus criards qui imposent leurs vues.

Attention danger. Que le peuple ne soit pas contre la démocratie.      

mercredi 11 janvier 2023

La justice en temps de guerre

 

                                  La justice en temps de guerre

                      Par Christian Fremaux avocat honoraire

Malgré les appels déchirants du président ukrainien qui dénonce les crimes qu’il attribue à l’armée russe, la justice internationale ne bouge pas. Mais peut-elle agir d’initiative sur le champ ? Doit-on s’habituer à des cris dans le désert judiciaire celui du chaos et de l’indignation ?

 La justice est traditionnellement représentée avec un bandeau sur les yeux. Serait-elle aussi sourde ? L’agressé voudrait que l’on déclenche immédiatement des poursuites pénales contre l’agresseur et ses complices, qu’on les embastille et que la justice soit plus forte que le tir des armes. Ce serait simple et expéditif mais je ne sais pas si cela supprimerait les antagonismes profonds. L’heure de la justice n’est pas encore venue. Comment organiser un procès équitable aux normes juridiques universelles alors que quotidiennement les obus et les drones détruisent sous menace nucléaire, que les soldats meurent et que les victimes directes ou collatérales sont innombrables. Sans compter qu’il faudrait peut- être y ajouter des co-belligérants supposés qui sont sur une ligne de crête même si la cause est juste.

Sauf à souhaiter que la guerre s’éternise jusqu’à une capitulation totale ou partielle de l’Ukraine ou une défaite actée de la Russie ce qui bouleverserait l’ordre du monde sous l’œil attentif de la Chine, de l’Iran, de la Corée du Nord ou d’autres nations crispées sur leurs propres différends, il va bien falloir que la diplomatie s’en mêle, vœu qui n’est ni soutenir ni lâcher une partie. Ou qu’une médiation avec des personnalités neutres et insoupçonnables soit mise sur pied. La guerre est le prolongement de la politique par d’autres moyens disait Clausewitz. Et Clemenceau estimait que la guerre est une chose trop grave pour la confier aux militaires même si ceux- ci sont indispensables pour suivre les instructions et défendre la nation et /ou sortir au moindre mal des stratégies des gouvernants civils. Les opinions publiques ont choisi leurs camps.  Il ne s’agit pas de forcer la main de son destin à tel ou tel. La communauté internationale a montré ses limites, les grands principes des droits de l’homme ne sont plus acceptés sans réserve, et les espoirs notamment « plus jamais cela » d’après la 2ème guerre mondiale ont été déçus. Une victoire à la Pyrrhus ne servirait à rien. Elle est même parfois dangereuse, on a vu avec le traité de Versailles de 1919. Les professionnels savent concilier les contraires et trouver des solutions pratiques parfois inédites. Ou que l’on croyait impossibles.  Il faut leur faire confiance.

 L’obstination parce que l’on estime avoir raison peut entrainer des escalades et encore plus de victimes. La bataille des égos qui poussent à des sacrifices humains doit s’effacer au profit de négociations concrètes. Chacun a de prétendues bonnes justifications. Mais la Russie ne peut poser des conditions préalables comme la conservation de tous les territoires annexés par les armes. L’Ukraine ne doit pas exiger avant de parlementer le retour d’un seul coup à la situation ante, avant le 24 février 2022 voire aux accords de Minsk. Et la Crimée. Sinon il y aura blocage. 

Dans ces circonstances quel rôle peut jouer la justice internationale et de quelles juridictions parle-t- on au vu des expériences passées ?

La justice internationale ne pose aucune condition préalable. Quand elle est régulièrement saisie elle répond en droit aux questions qui lui sont posées : quels sont les crimes ? qui a fait quoi ? qui est responsable ? Elle ne fait pas de politique ou de morale. La justice internationale condamne les coupables avérés, après enquête, débats contradictoires et plaidoiries. Chaque accusé peut se défendre. On se rappelle le procès de Nuremberg en 1945-46 et la condamnation (à mort) de dignitaires nazis. Mais les hostilités étaient terminées.

*La cour Internationale de justice [C.I.J] basée à La Haye est l’organe judiciaire de l’ONU où la Russie dispose au conseil de sécurité d’un droit de veto. Il faut donc passer par l’assemblée générale où des pays peuvent être réticents et s’abstenir. Elle juge les Etats. Son contentieux le plus ordinaire porte sur les conflits frontaliers. 

*La cour pénale internationale [C.P.I.]  a été créée en 1998 par le traité de Rome et a son siège aussi à la Haye. Avec un centre de détention.  Elle est saisie par un Etat signataire du texte fondateur qui a été ratifié, par son procureur, ou exceptionnellement par l’Onu dans le cadre du chapitre VII du traité. Sont dans son viseur les individus, chefs d’Etat ou de guerre, soldats de métier, mercenaires, civils… enfin tous ceux qui ont une responsabilité dans les atrocités. Sa compétence est limitée aux crimes de guerre et d’agression, aux génocides, aux crimes contre l’humanité. Elle se substitue à la justice nationale si celle-ci est défaillante. Elle peut incarcérer. 

* Des tribunaux pénaux internationaux dédiés à des conflits déterminés ont été créés. Ainsi pour le Rwanda avec le génocide des tutsis ; ou pour le Cambodge avec les khmers rouges. Pour l’ex-Yougoslavie l’ancien président Milosevic a été condamné. Il est mort en prison. 

Mais la justice internationale n’a pas le pouvoir d’arrêter un affrontement violent. Dès le début de la guerre contre l’Ukraine la C.P.I. a ouvert une enquête et a pris une ordonnance (un jugement) pour enjoindre à la Russie de cesser toutes opérations militaires. On a vu le résultat. Ces juridictions ne disposent d’aucune force coercitive. Il n’y a pas l’équivalent de casques bleus magistrats. Le glaive de la justice est le droit international public, les traités internationaux, le droit de la guerre et celui qui est humanitaire. C’est un moyen pacifique. Et symbolique.

Le principe de conviction n’exclut pas celui de réalité. Quand les bornes sont franchies il n’y a plus de limites. Mais les victimes ont un droit inaliénable et non négociable à la vérité. Et à la réparation. Malgré les raisons d’Etat. C’est souvent long mais on y arrive. Personne ne peut bénéficier d’une immunité. Ce ne serait pas juste. Plaute a déjà dit que l’homme est un loup pour l’homme. On a besoin de croire en la justice et en des exemples pour l’humanité.

vendredi 6 janvier 2023

Mes vœux pour 2023 : vivement 2024.

 

              Mes vœux pour 2023 : vivement 2024.

                   Par Christian Fremaux avocat honoraire

Le philosophe-écrivain Marek Halter a déclaré que l’on n’atteindra jamais le paradis mais en doit en rêver. Il évoquait notre vie actuelle sur terre, terrible et cruelle selon des pessimistes. En France bien sûr, pas à Kiev et Moscou, Pékin ou Pyongyang, ou en Afrique où il y a la guerre, et ailleurs où s’affrontent des ethnies, des communautés, au milieu de la misère, de la nature hostile et du manque de tout. Et sans une once de démocratie. Vérité en deçà des Pyrénées erreur au- delà.   

Des revêches et critiqueurs de tout et de rien mais systématiques attisent le feu en proclamant que nous vivons en France en enfer dirigé par un autocrate. Et une bureaucratie liberticide. En raison des lois votées certes démocratiquement mais avec l’article 49.3 de la constitution ! Autant affirmer fort cela ne coûte pas grand-chose sauf à créer un climat d’affrontements ce dont nous n’avons pas besoin. L’énergie est hors de prix. Ne la gâchons pas. Le conflit sanglant avec l’Ukraine n’a fait qu’accélérer nos défauts d’anticipation.

Je ne connais pas l’enfer décrit dans les livres, et encore moins le paradis car je ne sais pas s’il existe et si je mérite d’y aller. Mais je ne suis pas pressé de contrôler de visu. Et je ne pourrai revenir pour témoigner.

Je prends deux exemples emblématiques pour expliquer ce que je pense. 

 Chacun s’accorde à dire qu’il faut des réformes d’urgence, mais elles ne doivent pas le concerner. Lui est un cas à part. C’est l’autre qui exagère ou profite et qui doit être taxé. Pour les retraites le gouvernement qui tergiverse et recule en s’expliquant confusément n’est pas exempt de maladresse. Demander « voulez- vous travailler plus longtemps pour gagner moins à la fin » ne peut qu’aboutir à une réponse négative sauf pour les masochistes ou ceux qui ont intérêt à faire travailler les autres. Et même si sur le plan financier il est acquis que les déficits vont s’accentuer. Ce sera l’héritage des générations futures.

 On n’est pas obligé non plus de lier la délinquance automatiquement à l’immigration irrégulière. C’est possible mais pas certain. Il est préférable de prendre le problème réel avec raison et sans déni, car les citoyens ne tolèrent plus des comportements et que l’on brave la souveraineté du pays en leur reprochant un prétendu égoïsme humain. On doit trouver une solution pour une immigration choisie et contrôlée, sans tabou et dépassionnée.

Je n’aborde pas tous les autres sujets qui sont brûlants où chaque corporation ou minorités « n’en peut plus ». Ainsi des médecins libéraux malgré les déserts médicaux et les hôpitaux débordés et en manque de médicaments ; aux contrôleurs de bord dans les trains qui estiment avoir un métier pénible, plus que celui des boulangers qui se lèvent tôt et se couchent tard en ayant des factures énergétiques qui vont les ruiner ? Tant de travail et de tracas pour rien ... La liste est sans fin.

Au-delà des revenus nécessaires tous réclament plus de considération et le droit de vivre dignement. Ils ne veulent pas être assistés. Comment en est -on arrivé à cette situation ? Avons-nous trop demandé à l’Etat qui est désormais un distributeur de billets et d’aides. Plus on fait des dépenses publiques et moins cela marche. Ne faudrait-il pas commencer par la réforme essentielle de l’Etat -qui fait quoi et avec quels moyens- qui comme l’Arlésienne est annoncée depuis des années par de multiples rapports mais jamais commencée. Et débattue faute de courage politique. Car on ne peut continuer à donner des chèques pour éteindre les incendies, le feu est généralisé. Une dette se rembourse : qui paiera ? Comment sauver l’homme/la femme qui est dans le besoin. On peut discuter à vie. Je n’évoque même pas l’humanité vu ce qui se passe. On voit que l’Etat a atteint ses limites. Mais heureusement qu’il a été présent dans les crises. Il faut le conforter en l’allégeant pour qu’il se consacre aux fonctions régaliennes.  

Je vais suivre les conseils de M. Halter et rêver. Après tout  je ne suis pas moins compétent que ceux que l’on voit et entend comme  prétendus experts auto proclamés  dans les médias. Il va y avoir des polémiques et des mouvements de rue. Celle-ci ne peut gagner. J’abhorre la casse et le désordre. Les syndicats représentants entre 8 % et 10 % des salariés ont dit d’office Niet pour parler comme l’agresseur Poutine que l’on voudrait voir disparaitre. Les syndicats se substituent à la légitimité électorale. Ils ne veulent même pas discuter d’une mesurette sauf si on leur donne raison. Dont acte. Pour le projet du ministre de l’intérieur qui veut allier fermeté et justice avec l’humanisme concernant l’immigration et la délinquance les bien- pensants professionnels vont se déchainer. Et l’exécutif à tort ne m’a pas téléphoné pour me demander mon avis et pour programmer d’autres réformes : je ne peux donc rien deviner.

Pour que l’année 2023 soit sereine et efficace je propose un bref essai. On dit d’accord aux syndicats et à M. Mélenchon dont le mentor est le grand démocrate Vénézuélien Hugo Chavez pour appliquer leurs programmes et idées. On suit le RN dans son combat contre l’immigration. On interdit aux voitures diesel de rouler ce qui permettra aux jeunes rebelles qui aspergent de peinture les monuments de se coucher sans crainte sur le périphérique. On adopte le droit à la paresse prôné en 1880 par Paul Lafargue gendre de Karl Marx qui réfléchissait de son côté sur la valeur travail et le capitalisme.  On démantèle toutes les centrales nucléaires et à charbon pour que la France toute seule dans son coin règle le réchauffement climatique grâce au vent et au soleil. On enlève policiers et gendarmes des cités sensibles puisque ce sont des provocateurs. Comme les médecins et les pompiers qui sont caillassés. La justice n’a plus à punir car elle comprend les infractions et les violences liées à la société et à l’inégalité sociale outre le racisme ordinaire. Enfin on donne financièrement et généreusement ce qui est réclamé par tous. Si on peut arrêter les guerres ou le mal n’hésitons pas. Choisissons fermement le principe de conviction à celui de réalité.

 Puis on vérifie les résultats, on choisit qui paie de gré ou de force, et on fait une convention citoyenne permanente avec quelques individus tirés au sort pour tout sujet. On ne perd plus de temps avec le parlement et les discussions oiseuses. Les élus ont failli.

Enfin le rêve conduit au paradis. Composé de tolérance et à chacun selon ses besoins.  Ainsi il n’y aura plus de débats stériles et l’année 2023 permettra de préparer la suivante pour une apothéose. Si j’ai fait un cauchemar je vais m’en apercevoir rapidement ! Avec ma bougie s’il le faut. Pour 2023 je souhaite vivement que 2024 arrive.